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Templiers au Portugal

La décoration du Christ de Portugal est aujourd'hui l'une des plus prodiguées, et, par conséquent, des moins recherchées par la raison qu'on ne prise que ce qui est difficile à obtenir. C'est la faute du gouvernement portugais, qui, ayant perdu des mines de diamant du Brésil, n'a pas cru devoir négliger dans sa pénurie, les petits profits qu'une chancellerie tire des diplômes qu'elle délivre.

Il faut espérer qu'à l'avenir on sera moins prodigue d'un ordre qui est certainement le plus ancien et le plus noble de tous ceux qui existent actuellement, après celui de Malte. Mais ce qu'il y a de singulier, c'est qu'en étant le plus répandu en France des ordres étrangers, il est en même temps celui dont l'histoire est la moins connue et la plus digne de l'être, car si l'ordre du Christ n'est pas français, il est cependant une des gloires de la race française et de la race capétienne dont descend la dynastie bourguignonne représentée aujourd'hui par la maison de Bragance. Si nous disons représentée, c'est que l'abandon de la loi salique a bouleversé les règles admises dans la filiation des dynasties, puisque c'est aujourd'hui le ventre qui ennoblit. Réellement, le roi actuel de Portugal est un Bragance, comme le prince de Galles est un Hanovre. De fait, tous deux ne sont que des Cobourgs. Avec l’empereur du Brésil s'est éteinte la véritable lignée de mâle en mâle des Capétiens du Portugal, et encore les deux dernières branches étaient batardes.

L'ordre du Christ n'ayant été que la continuation de celui du Temple reconstitué en Portugal, on ne peut en esquisser l'histoire sans dire un mot de l'ordre qu'il a continué. Vers 1118, neuf chevaliers qui étaient allés chercher aventure en terre sainte résolurent de s'y fixer afin d'escorter les grandes caravanes marchandes qui s'étaient immédiatement formées pour l'exploitation commerciale de l'isthme de Suez, car, après la délivrance du Saint-Sépulcre, et peut-être même avant, le commerce était le principal but de ces grandes expéditions d'outre-mer. Escorter des caravanes de marchands, c'était déjà, de la part de gentilshommes du XIIème siècle, faire acte de sympathies plébéiennes, car, chez eux, ils avaient l'habitude de les piller plus souvent qu'ils ne les escortaient. Ils étaient tous français, disent les écrivains de cette nation ; mais ceux du Portugal réclament comme un des leurs un certain Amaldo da Rocha. Le plus illustre par sa naissance était Hugues de Payens, de la famille des comtes de Champagne.

Ces neuf chevaliers se présentèrent devant Germond, patriarche de Jérusalem, et s'engagèrent par serment à se consacrer en commun à des oeuvres de piété, en faisant vœu de chasteté et de pauvreté.

C'était constituer un ordre à la fois monastique et militaire, idée qui, jusque-là, n'était jamais venue aux Occidentaux ; mais, à cette époque, l'empire byzantin était rempli de moines armés qui, depuis les invasions musulmanes, leur disputaient le terrain pied à pied. En d'autres termes, ces invasions avaient transformé la plupart des moines grecs habitant les frontières en soldats, et leurs couvents en forteresses. C'est donc aux Grecs que revient l'honneur de cette institution, et ce fut un patriarche grec qui lui donna ses statuts, car il n'y avait pas d'autres patriarches à Jérusalem que celui qu'élisaient les Grecs. Ce n'est que depuis quelques années que Pie IX y a institué un patriarcat latin, lequel est purement honorifique. Celui qui a été institué par les premiers chrétiens n'a jamais cessé d'appartenir aux Grecs, et le Grec qui l'occupe est le seul héritier direct des apôtres, car bien que schismatique, l'Eglise orthodoxe est forcément reconnue par l'église de Rome.

Partout où ils s'établirent, les croisés firent tout leur possible pour vivre en bonne intelligence avec Ie clergé grec. Ainsi, à Chypre, où ils séjournèrent si longtemps, les évêques latins ne reçurent pas de terres, parce qu'ils n'exerçaient pas de juridiction sur les indigènes. Comme desservant des communautés latines, on leur payait des appointements en argent.

En prêtant un serment devant un patriarche grec, les templiers s'étaient donc placés sous sa juridiction, et les statuts qu'ils en reçurent étaient nécessairement grecs, car ils devaient être les mêmes que ceux des autres moines militaires byzantins. Aussi il résulte de toutes les traditions que c'est dans les archives du patriarcat de Jérusalem qu'il faut chercher les véritables statuts de la franc-maçonnerie historique, c'est-à-dire de celle qui construisaient des forteresses et des églises, en même temps qu'elle les défendait contre les Sarrasins.

L'ordre était institué, comme tous les autres, pour combattre les Sarrasins, escorter les caravanes et poursuivre les malfaiteurs. Il arrivait souvent que les moines militaires grecs, n'étant pas triés sur le volet comme les templiers, se transformaient en bandits, qui devenaient la terreur du pays. On ne voit pas qu'en Orient les templiers aient jamais mérité les mêmes reproches, car s'ils étaient redoutés de leurs ennemis, ils étaient très aimés de leurs vassaux, notamment des bandes de maçons qu'ils employaient à la construction des innombrables places de guerre et de commerce dont ils couvraient la Palestine, et dont les restes grandioses étonnent aujourd'hui le voyageur. Ces compagnies d'ouvriers avaient leur place dans l'ordre, aussi bien que les chapelains ; de sorte que le Temple formait un Etat complet avec ses trois ordres : clergé, noblesse et tiers état, qui vivaient en parfaite intelligence et s'épaulaient solidement au lieu de se combattre. Il en résulta une exploitation régulière et fructueuse des immenses biens dont les templiers furent partout dotés ; ce qui prouve qu'ils jouirent d'une immense popularité. Ce fut malheureusement cette popularité qui causa leur mine.

L'ordre prit son nom du palais de sainte Hélène, à côté du temple de Salomon, rebâti par le calife Omar. L'emplacement qui lui avait été cédé a appartenu, jusqu'à ces derniers temps, au patriarcat de Jérusalem, qui en a fait don à l'empereur Frédéric, père de l'empereur Guillaume, sous prétexte que les chevaliers teutoniques se rattachaient à l'ordre du Temple.

Son origine grecque ne l'empêcha pas d'être reconnu par le pape Honorius II, et son institution fut confirmée par le concile de Troyes en 1128. Dans tous les pays où s'établirent les croisés, il ne fut pas question du schisme tant qu'ils les occupèrent ; les deux rites vivaient en froid, mais ne s'excommuniaient pas réciproquement. Ce fut saint Bernard qui révisa les statuts des templiers, et détermina la devise ou habits qu'ils devaient porter, question très délicate à cette époque, car cette devise contenait toujours une profession de foi. C'était un manteau ou chape de laine blanche avec une croix grecque vermeille sur l'épaule gauche.

Ils devaient entendre la messe trois fois par semaine, se confesser trois fois par an, s'expatrier sans esprit de retour, combattre sans trêve les infidèles, ne jamais refuser le combat quel que fut leur nombre, et ne jamais demander ni accorder de quartier. Leur étendard était mi-parti blanc et noir chargé d'une croix vermeille au centre. Leur devise était : Non nobis, Domine, sed nomini tuo da gloriam [Note : « Non pour nous. Seigneur, mais pour la gloire de ton nom »].

Ils la nommaient balse. Quant à leur cri de guerre, c'était celui de l'ordre des plébeiens français : Beaucéant, dont ils avaient aussi adopté l'étendard mi-parti, c'est-à-dire les couleurs gauloises par excellence. Beaucéant était Ie cri de ralliement des sectateurs de Mithra. Il vient du grec bou-kaine, tue le taureau. Il était encore en usage du temps de Rabelais, qui donne aussi à son Gargantua les couleurs du beaucéant. Dès l'origine, les templiers, quoique recrutés exclusivement dans la noblesse, s'étaient donc consacrés à l'affranchissement de la plèbe.

Malgré des défaillances isolées, ils jouissaient d'une telle réputation comme ensemble, que Philippe Auguste, lorsqu'il partit pour la Palestine, leur confia la garde de ses trésors et des archives du royaume, et c'était dans leur couvent de Londres que les rois d'Angleterre déposaient leurs richesses.

Malheureusement, une aussi belle discipline ne pouvait se maintenir longtemps. Trente ans après leur création, le même saint Bernard censurait leur luxe, leur ambition, leur avidité et leur orgueil. On les voyait faire la guerre au roi de Chypre et au duc d'Antioche, expulser du trône de Jérusalem Henri II, et ravager la Thrace et la Grèce. Enfin, leurs querelles avec l'ordre de Saint-Jean en vinrent au point qu'on les vit cribler de flèches les murs de l'église du Saint-Sépulcre, gardée par ces derniers. Tout ce qu'on peut dire pour leur excuse et que les moines militaires de l'empire byzantin faisaient encore bien pire.

Mais tout cela ne fut que le crime de quelques chefs ambitieux, comme il s'en trouve toujours dans toutes les associations humaines, qu'elles soient monastiques, militaires ou secrètes, ou le tout ensemble. Il était évident qu'au moyen âge un ordre à la fois monastique et militaire, composé de sujets d'élite, possédant partout de riches possessions, était forcé d'entretenir une vaste correspondance qui le rendait maître d'une foule de secrets politiques ou autres et ne pouvait manquer de le transformer rapidement en société secrète, parce que toute administration ayant de vastes ramifications finit toujours par avoir un secret. On dit le secret de l'Etat ; il y a eu celui des templiers, des dominicains, des jésuites. Le Vatican est le dépositaire de tous les secrets de l'humanité. La franc-maçonnerie possède aussi les secrets scientifiques démodés qui lui ont été légués par les sectes antérieures au christianisme, et tous les secrets historiques qui se sont accumulés depuis. Ceux qui se transmettent oralement sont impénétrables ; ceux qui ont été écrits d'une façon quelconque sont à la discrétion de ceux qui peuvent les deviner.

Les templiers ont laissé une grande quantité d'hiéroglyphes, dont les papes et les rois ont détruit le plus qu'ils ont pu. Cependant, il en reste assez pour que leurs secrets religieux puissent être considérés comme sans importance ; quant à leur secret politique, il était écrit sur leur bannière ; ils étaient les champions du beaucéant, c'est-à-dire de la race druidique qui, à la débacle de l'empire remain, avait appelé la noblesse celto-ionique, répandue dans les tribus franques, gothiques et burgondes, pour la tirer du chaos. Mais cette noblesse s'était liguée avec celle des chevaliers gaulois pour opprimer les cités gallo-romaines peuplées par les fils du chêne et les quirites romains qui n'en étaient qu'un rameau.

C'était une guerre qui se continuait depuis plus de vingt siècles, entre les sectateurs doriques de Mithra et les partisans de la déesse que les Romains nommaient Enyo ou Bellone.

Ce qu'on connait de l'initiation des templiers ne laisse aucun doute sur leur origine mithriaque ; il est inutile d'insister sur toutes les jongleries dont elle était compliquée à plaisir, pour épater le bourgeois, comme on dirait aujourd'hui. Un seul de ces rites avait une véritable valeur historique : c'était le coup d'épée que le chevalier qui conférait l'ordre de chevalerie frappait sur l'épaule du récipiendaire ; il était emprunté, comme on va le voir, au cérémonial de Mithra.

« Cum initiatur in spelaeo in castris, vero tenebrarum interposito gladio, sibi oblatam coronam quasi mimum martyrii de hinc capiti suo accommodatam, monetur obvia manu a capite depellere, et in humerum si forte transferre gladium, dicens Mithram esse coronam suam ». (Tertullien, De corona, cap. Ult).

« L'initié en sa milice dans une caverne ténébreuse reçoit, comme pour mimer Ie martyre, la couronne avec une épée ; l'ayant mise sur sa tête, il est commandé de la faire choir de sa main et la rejeter par-dessus l'épaule, en disant que Mithra est sa couronne ».

Les candidats ayant à opter entre la couronne et le glaive, rejetaient la couronne et présentaient leur tête au glaive, c'est-à-dire qu'ils renonçaient à toute ambition terrestre, pour se consacrer uniquement à la lutte. Voici le serment que prêtaient les illuminés au siècle dernier, et l'on peut dire qu'il était commun dans son ensemble à tous les ordres, militaires ou non, d'origine chrétienne.

« Au nom du fils crucifié, jurez de briser les liens charnels qui vous attachent encore à père, mère, sœur, épouse, parents, amis, maîtresses, rois, chefs, bienfaiteurs, et tout être quelconque à qui vous aurez promis foi, obéissance, gratitude et service.

Nommez le lieu qui vous vit naitre pour exister dans une autre sphère, où vous n'arriverez qu'après avoir abjuré ce globe empesté, vil rebut des cieux.

De ce moment, vous êtes affranchi du prétendu serment fait à la patrie et aux lois ; jurez de révéler au nouveau chef que vous reconnaissez, ce que vous aurez vu ou fait, appris, lu ou entendu ou deviné, et même de rechercher, épier, ce qui ne s'offrait pas à vos yeux.

Fuyez enfin la tentation de révéler ce que vous entendez, car le tonnerre n'est pas plus prompt que le couteau qui vous atteindra en quelque lieu que vous soyez. Vivez au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ».

Tel était le serment de tous les ordres chrétiens. Ils différaient des sectes modernes, en ce que le dévouement qu'ils exigeaient du récipiendaire était formellement basé sur la croyance en un monde meilleur. La pantomime du glaive et de la couronne se traduisait pour les sectateurs de Mithra dans la formule grecque akar-ake, restaure le petit. L'épée sur le cou akh-rqch exprimait la même idée à l'aide d'un jeu de mots que le chevalier donnant l'investiture de l'ordre développait en langage vulgaire, en faisant prêter au néophyte le serment de défendre la veuve et l'orphelin.

Les illuminés avaient certainement conservé cette tradition, puisqu'ils écrivaient sur les murs de leurs salles de réception les quatre lettres mystérieuses A C R C.

Il est donc inutile d'insister sur la prétendue idolâtrie des templiers ; personne n'y croit plus. Ils avaient tout simplement hérité des traditions du culte de Mithra, transporté d'Arles à Constantinople par Constantin, sans protestation de la part des souverains pontifes de Rome ; aussi, il s'y maintint tranquillement jusqu'au XIème siècle, pendant qu'on brûlait les manichéens dans le cirque. La prétendue idole de Baphomet était tout simplement une gourde en argent en forme de tête barbue et chevelue qu'on emplissait de vin, parce que Baphomet veut dire en grec le bain de l'intelligence. Or, on sait que les templiers avaient la réputation de bien arroser leur intelligence sans qu'ils adorassent le vin comme une divinité. Ils étaient chrétiens on ne peut plus orthodoxes et avaient une dévotion particulière pour l'Enfant Jésus, qui représentait le même principe que Mithra ou l'Orient.

L’aristocratie celto-ionique adressait ses hommages à la Colombe ou Jone, représentant la troisième personne de la Trinité ou Saint-Esprit, qui figure dans toutes nos églises. Aussi, en l'honneur de leur origine, ils avaient seuls le privilège de posséder des colombiers et des girouettes, parce que le Saint-Esprit est celui du vent.

On sait à quel point était sanguinaire le culte de Mithra, car le taurobole, ou sacrifice du taureau, ne comportait pas moins que l'immolation de mille bœufs ; et cependant, la divinité de cette secte de bouchers était un tout petit garçon ou une toute petite fille, emblème de la faiblesse. C'était cet enfant qui tuait le taureau gigantesque, symbole de l'aristocratie. Quand on le représentait sous une forme animale, c'était celle d'un bekon ou d'un agneau, comme celui qui, dans L’Apocalypse de saint Jean, correspond à la seconde personne de la Trinité ; ce symbole se retrouve, comme la colombe, dans toutes nos églises.

Ceux qui condamnèrent les templiers savaient donc bien qu'il n'y avait rien à leur reprocher sous le rapport de l'idolâtrie, et qu'ils étaient aussi chrétiens que leurs successeurs les jésuites, dont le christianisme n'a jamais été mis en question.

On aurait pu leur reprocher plus justement d'affilier les infidèles, mais comme leurs adversaires gibelins ne s'en faisaient pas faute, on ne voit pas que ce grief ait figuré parmi ceux qui motivèrent leur condamnation.

Il est certain, en effet, que le sultan Saladin fut affilié à l'ordre du Temple, mais il faut reconnaître que ce prince se trouvait dans une situation toute particulière, car il descendait de la race de David par Joseph, l'époux de la vierge Marie, et depuis des siècles, cette famille possédait, dans le haut Tigre, une principauté dont les titres historiques ont été retrouvés récemment. Ces princes remontaient à un certain Karel, dont le nom signifie l'agneau-dieu. Leurs descendants sont encore connus, dans tout l'Orient, sous le nom de juifs karaïtes ; ils repoussent le Talmud et sont tout à fait en dehors du judaïsme moderne. A l'époque des croisades, ils sont entrés en masse dans les rangs de la noblesse occidentale, mais ils ont joué aussi un grand rôle dans l'islamisme sous le nom d'Abencerrages. Saladin, aidé par les templiers, essaya vainement de réconcilier la croix et le croissant ; peut-être fut-ce la vraie cause de la suppression de ces derniers ?

Les jésuites ne pouvaient pas affilier directement des hérétiques à leur ordre ; mais pour arriver à les grouper sous leur direction, ils s'affilièrent eux-mêmes à un ordre laïque dans lequel ils assurèrent la prédominance à leurs affiliés. Les Anglais suivent aujourd'hui la même politique en affiliant en masse les Indiens à leur maçonnerie.

Nous le répétons, ces pratiques ne firent proscrire ni les templiers ni les jésuites par la cour de Rome. Elle eut la main forcée par deux rois de France appartenant au parti gibelin, aussi avides l'un que l'autre du pouvoir absolu, aussi désireux de réduire le monarque de la foi à l'état de vassal. Les templiers et les jésuites furent supprimés pour le même motif ; ils avaient été également fondés pour affranchir la plèbe du joug de la classe militaire.

La papauté d'Avignon débuta par la suppression des templiers et termina, par la condamnation de Jeanne d'Arc, une longue période d'avilissement qui aurait eu pour couronnement la chute du catholicisme, si Rome ne lui avait pas été restituée.

Tel est le but que poursuit aujourd'hui la franc-maçonnerie gibeline, qui refuse au souverain pontificat cette villa Léonine où il serait chez lui, sans qu'elle puisse alléguer aucune raison patriotique valable, puisque, pour comble d'ironie, elle laisse subsister la république de Saint-Marin.

Il n'entre pas dans le cadre restreint de cette esquisse de nous étendre davantage sur les templiers ; qu'il nous suffise de dire que leur histoire est intimement liée a la création et au développement du royaume de Portugal.

Ce royaume fut fondé par Henri de Bourgogne, neveu d'Hugues Capet, qui avait été cherché aventure en Espagne. Il était né vers 1035 et était petit-fils de Robert Ier. En 1072, il épousa une fille naturelle d'Alphonse VI, roi de Castille, qui le créa comte de Porto en Portugal, place qu'il avait conquise sur les Maures ; ce fut le berceau de la monarchie portugaise. Elle se compose aujourd'hui de deux parties bien différentes : le Portugal proprement dit, habité par les Galiciens de race celtique, et les Algarves de l'ancienne Lusitanie dont la population a toujours été mauresque ou punique ; aussi avait-elle accepté l'islamisme avec enthousiasme, et les chrétiens de la Galice durent la reconquérir pied à pied. Ce fut l'œuvre des templiers associés à la dynastie bourguignonne.

L'ordre du Temple fut introduit en Portugal dès sa création, car le premier grand maître portugais fut Guillaume Ricardo, qui remplit ces fonctions en 1126, c'est-à-dire deux ans avant le concile de Troyes, qui approuva les statuts des templiers. Sous la maîtrise d'Hugo de Martordo, en 1147, les templiers se distinguèrent à la prise de Santarem, qui leur fut donné par Alphonse Henrique, et ils prirent une part non moins importante à la conquête de Lisbonne, l’année suivante.

Ce fut sous la maîtrise de Gualdim Pais que l’ordre prit, en Portugal, tout son développement. Ce chevalier avait longuement guerroyé en Palestine ; en 1159, le roi Alphonse Henrique, pour le récompenser de son vigoureux concours, fit don à son ordre du château et du territoire de Cera, près de la ville d'Oliva, fondée sur l'emplacement de l’ancienne cité de Nabance. Son église de Sainte-Marie d'Iria devint la métropole de toutes celles du Temple, en Portugal.

A peu de distance, Gualdim Pais construisit la célèbre forteresse de Thomar, ou du Palmier, dont la plaque de fondation existe encore. Elle est ainsi conçue : « E.M.CLXVIII. Regnante Alphonso illustrissimo rege Portugalis, magister Gualdinus portugalensium militum Templi cum fratribus suis, primo die Marsii, coepit aedificare hoc castellum, nomine Thomar, Cfuod prefactus rex obtulit Deo et militibus Templi ».

« 1198. Sous le règne du très illustre roi Alphonse du Portugal, Gualdim, maître des chevaliers portugais du Temple, commença le 1er mars à construire avec ses frères ce chateau nommé Thomar, que le roi a offert à Dieu et aux soldats du Temple ».

Cette inscription est remarquable en ce qu'elle n'est pas datée de l’ère chrétienne, mais de celle de César, adoptée par la dynastie capétienne de Portugal, qui était gibeline. L'an 1198 de l'ère de César correspondait à l'an 1160 de la naissance du Christ.

Cette ère impériale était autrement désagréable aux souverains pontifes que les prétendues hérésies des templiers, eussent-elles été plus réelles ; car gibelins ou albigeois, c'était tout un, et les albigeois étaient les irréconciliables ennemis de la papauté.

Les Albigeois descendaient des Gebales, venus de Gebel ou Biblos, en Syrie [Note : L'origine moyen-orientale du catharisme est effectivement bien attestée]. Ils adoraient la colombe, que porte encore à leurs couleurs descendantes, au lieu de la croix des héroïnes de Scribe. Constantin, qui était adorateur de Mithra et en transporta le culte à Constantinople, les convertit fort imparfaitement au christianisme. Aussi favorisèrent-ils de tout leur pouvoir les invasions des musulmans, dont les doctrines fatalistes se rapprochaient beaucoup des leurs, et dès qu'ils le purent, ils embrassèrent celle du calvinisme, qui n'est plus chrétien que de nom. Toutes les classes militaires de l'Europe étaient gibelines. Les Capétiens appartenaient à cette race, et c'était ainsi que la dynastie bourguignonne avait importé en Portugal l'ère césarienne, au lieu de l'ère chrétienne. Si les templiers l'employaient, c'est qu'ils ne pouvaient faire autrement.

La chapelle de Thomar, qui subsiste encore dans un état très remarquable de conservation, malgré les adjonctions qui lui ont été faites, est, croyons-nous, le seul spécimen qui reste de l'architecture religieuse des templiers. C'est une rotonde octogonale, copiée sur le temple d'Omar de Jérusalem, qui a servi de modèle à toutes leurs constructions de ce genre. Cette rotonde était percée d'une porte unique, à l'ouest. Le centre en était occupé par une colonnade intérieure ; il n'y avait ni autel ni place pour en mettre. Chacun des sept pans de l'octogone était consacrée à une des sept planètes. La porte faisait face à Mercure, ou Hermès, le principe mâle par excellence. Les templiers étaient les ennemis jurés des Iones. Les édifices religieux de ces derniers, assez rares dans le nord de la France, sont reconnaissables par leur orientation à l'est, comme celle du temple de Jérusalem ; mais, le plus souvent, ils rendaient un culte spécial aux vierges noires en bois de merisier, qui se trouvent dans beaucoup de cryptes d'églises romanes. Elles y avaient succédé à Cypris. Dans l'étendard du beaucéant, qui était celui de l'ancienne confédération gauloise, le blanc répondait à la race des autochtones, qui se nommaient fils du chêne, le foncé (bleu, pourpre ou vert), à la race des Iones venus d'Asie. Les premiers habitaient les bourgs, et les autres les châteaux.

Les papes, qui représentaient les cités romaines, s'habillaient de blanc, sauf dans quelques occasions où ils portaient la pourpre, comme pontifes universels. Les Capétiens, en leur qualité d’Iones, avaient, pour couleur distinctive, le violet. Les adversaires des gibelins se nommaient guelfes, de l'allemand wolf, loup. On les nommait ainsi parce qu'ils étaient du parti de la louve romaine.

L'habitude de se diviser par couleurs était générale au moyen âge ; il y avait, chez les musulmans, les Abbassides et les Ommeyades, ou les noirs et les blancs ; il y eut, à la même époque, chez les français, les Bourguignons et les Armagnacs, blancs et rouges ; enfin, il y eut, à la même époque, la rose blanche d'York et la rose rouge de Lancastre.

Etre guelfe n'était pas être nécessairement orthodoxe, ni gibelin hérétique, puisque la papauté fut gibeline tant qu'elle demeura à Avignon et que saint Louis était gibelin. Mais il faut convenir que le nombre des guelfes canonisés l'emporte de beaucoup sur celui des gibelins, et qu'en France les rois gibelins ont été généralement le fléau de leur royaume. Tel fut Louis XV, qui, dédaignant son titre de roi des Francs concédé par le pacte de Reims, a fait frapper, en 1756, des louis d'or avec cette singulière légende : CHRIST REGN VINC IMPERATOR, l'Empereur vaincra le royaume du Christ. C'était une menace de rompre le pacte du sacre qui le liait à l'église catholique. La papauté dut céder et lui accorder la suppression de l'ordre des jésuites.

Philippe le Bel eut la chance d'avoir affaire à un pape fou d'orgueil dont les excès justifièrent les siens. Non moins orgueilleux, il était cependant encore plus cupide, et il consentit à n'occuper qu'une place au-dessous de celle du pape, au concile de Vienne, à condition qu'il lui accorde la suppression de l'ordre des templiers et qu'ils partageraient ensemble leurs dépouilles. Ce fut pour eux comme l'or de Toulouse. Philippe le Bel mourut à quarante six ans, suivant de près dans la tombe son complice Clément V. Quant à Enguerrand de Marigny, qui s'était signalé par son acharnement contre les chevaliers du Temple, on sait qu'il fut pendu à Montfaucon l'année suivante (1315).

Dans tout le reste de l’Europe, les templiers furent mis en jugement par ordre du pape ; mais, généralement, les accusations portées contre eux furent reconnues sans fondement.

Le roi de Portugal, Denys, déclara que, loin d'avoir à s'en plaindre, c'était au contraire à leurs bons services que son royaume devait son extension et sa consolidation. Cependant pour se conformer aux ordres pontificaux, il ordonna une enquête qui fut aussi favorable que possible aux templiers portugais. Aucune preuve de corruption de mœurs, d'hérésie ou d'idolâtrie ne put être fournie contre eux. Il est vrai que leur situation n'était pas la même qu'en France ou dans le reste de l’Europe, puisqu'ils faisaient aux Maures une guerre sans trêve, qui ne leur laissait pas le temps de se corrompre dans le luxe et l’oisiveté qu'on leur reprochait ailleurs.

C'étaient de rudes soldats d'avant-garde, qui ne s'inquiétaient ni d'hérésie, ni d'idolâtrie. Aussi, le roi Denys ne souffrit point qu'ils fussent persécutés et, lorsque l’ordre fut dissous par ordre du concile de Vienne, en 1312, il se contenta de les prier de quitter leur habit et leurs résidences, dont il prit provisoirement possession. Il en résulta une contestation avec le pape, qui prétendait disposer de leurs biens selon son bon plaisir, en donnant le reste aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, car c'était ainsi qu'en avait ordonné le concile de Vienne. Mais le roi Denys protesta contre une telle usurpation, en objectant qu'en Portugal la majeure partie de ces biens provenait de donations royales, faites sous la condition expresse que les chevaliers du Temple défendraient contre les Maures des terres que, presque toujours, ils avaient conquises sur eux les armes à la main, et que, du moment que l’ordre était supprimé, ces biens revenaient de droit à la couronne.

Le pape n'en fit pas moins don du château et de la ville de Thomar à son favori le cardinal Bertrand, mais le roi séquestra, pendant plusieurs années, les revenus des biens des templiers, et finit par offrir un compromis qui fut accepté. Ce fut, au lieu de l’ordre aboli, d'en reconstituer un autre, ayant pour mission de continuer celle des templiers en Portugal, c'est-à-dire de faire la guerre aux Maures et d'étendre, à leur détriment, les limites du royaume.

Cet ordre nouveau devait être investi de tous les biens du précédent, sous le titre de Milice des chevaliers de Jésus-Christ.

Cette proposition fut ratifiée par le pape Jean XXII, le 14 mars 1319. Le nouvel ordre reçut pour premier maître dom Gil Martini, et fut inauguré solennellement en mai 1320. Il eut pour résidence la forteresse de Castro-Marin, qui faisait face à la côte d'Afrique. La plus grande partie des chevaliers survivants du Temple passa dans le nouveau, y compris son dernier maître, dom Vasco Fernandez, auquel fut alloué la commanderie de Montalvao. Ceux des chevaliers qui, pour divers motifs, n'entrèrent pas dans l’ordre du Christ reçurent des pensions honorables. Il n'y eut donc pas d'interruption, et l’ordre du Christ hérita nécessairement de toutes les traditions publiques et secrètes de son illustre prédécesseur. Ces traditions, tout le Portugal, d'ailleurs, en était imprégné ; il a donc pu les transmettre intactes à l’ordre des jésuites et à ces chevaliers du Christ qu'on voit reparaitre tout à coup à Lyon, à la fin du siècle dernier. Ce furent eux qui condamnèrent Louis XVI et lui assignèrent pour prison cette même tour du Temple dont Jacques de Molay était sorti pour aller au bucher. Cette vengeance était préparée depuis cinq siècles.

Cependant il résulte des insignes que le roi Denys donna au nouvel ordre qu'il essaya d'en faire un suppôt des doctrines gibelines de sa race, car le manteau blanc et noir des templiers fit place à un manteau entièrement blanc, couleur préférée du parti lunaire et adopté plus tard par les calvinistes. Le fameux panache blanc d'Henri IV, auquel Henri V attachait tant d'importance, n'était ni l’emblème des Capétiens, qui était violet, ni celui de la France, qui était azur ; c'était tout simplement l’écharpe des huguenots. Denys supprima donc le beaucéant des templiers et remplaça leur croix guelfe par la croix vidée des comtes albigeois de Toulouse, terminée par des croissants. Le pape ne chicana point sur ces changements. La basoche était complètement libre de ses actes, pourvu qu’elle n’attaquât point ouvertement les dogmes du christianisme. Quant à l’ordre lui-même, il ne tint aucune espèce de compte des emblèmes que le roi lui imposait, et nous verrons qu'il fut toujours guelfe, comme l’avait été celui du Temple.

La troisième dynastie française fut tantôt guelfe, tantôt gibeline, suivant les intérêts du moment. Le plus souvent elle fut guelfe, parce qu'elle s'appuyait sur les cités contre les châteaux. Elle inclinait cependant vers le gibelinisme, ou, en d'autres termes, vers le pouvoir absolu, et au moment où elle succomba devant toute l’Europe conjurée contre elle, c'était le gibelinisme qui dominait.

Louis XV remplaça sur ses monnaies l’ancien titre de rex Francorum par celui d'imperator, au mépris du pacte de Reims. Si Louis XVI avait suivi les conseils de Turgot, il aurait supprimé le sacre avec les restrictions qu'il opposait au despotisme, pour lui substituer l’autocratie byzantine.

La crise politique et sociale qui amène fatalement toute monarchie à choisir entre le pouvoir absolu et le pouvoir limité, se produisit beaucoup plus promptement en Portugal qu'en France, parce que la dynastie de Bourgogne eut bientôt conquis sur les Maures la part du territoire ibérique qui lui était dévolue. N'étant pas assez forte pour croquer feuille par feuille l’artichaut ibérique, n'ayant pas encore découvert la nouvelle voie des Indes, elle ne savait plus comment utiliser les ordres militaires qui l’avaient aidée a créé le royaume de Portugal ; de sorte qu'elle commençait à les trouver gênants et ne songeait plus qu'à les supprimer, avec toutes les libertés populaires qui limitaient sa souveraineté.

Aussi, vers le milieu du XIVème siècle, la péninsule ibérique compta trois princes également gibelins, qui tous trois se nommèrent Pierre le Cruel, ou le Justicier.

Celui de Portugal était fils d'Alphonse IV et amant de la fameuse Inès de Castro, que son père fit assassiner. Six ans après, lorsqu'il monta sur le trône, il la fit exhumer et força ses courtisans à lui baiser la main.

Ses meurtriers furent poursuivis et exécutés sans merci. Elle avait été victime d'une conjuration guelfe, à laquelle l’ordre du Christ avait pris une large part. Ce fut même à cette occasion que se forma une société secrète, qui avait pris pour devise : Mort à Inès, et ce fut cette même société qui fut introduite, au XVIIIème siècle, dans le midi de la France, par Martinez Pascalis [Note : ou de Pasqually].

Pierre Ier de Portugal, malgré son surnom de Cruel, fut un prince remarquable, qui gouverna son royaume avec une main de fer, mais il sut être juste.

Son successeur Fernand, ne fut qu'un malencontreux brouillon qui se lança follement dans une guerre contre les rois de Castille, ses voisins. Battu par eux, il fut forcé de donner sa fille Béatrix à Jean Ier de Castille, et il fut stipulé sur le contrat de mariage que si Fernand ne laissait pas d'autre enfant mâle légitime, la couronne de Portugal passerait sur la tête de Béatrix.

Or à la mort de Fernand, la dynastie de Bourgogne n'était plus représentée que par les deux fils de Pierre le Cruel et d'Inès de Castro, déclarés légitimes par leur père, après la mort de leur mère, et un fils naturel, Jean, maître de l’ordre militaire d'Avis.

Les premiers, persécutés par la régente Léonora Tellez, eurent l’imprudence de se réfugier auprès du roi de Castille, qui les retint prisonniers ; Jean d'Avis n'avait aucun droit à la couronne. Mais le peuple de Portugal sentait bien que si elle restait sur la tête de Béatrix, femme d'un roi de Castille, c'en était fait de son indépendance. Il se révolta contre la régente et plaça à sa tête le batard de Pierre le Cruel.

Sur la motion d'un illustre théologien, Jean das Regras, qui fit prévaloir la loi du salut public sur toutes les considérations de justice et de légitimité, les Cortès réunies à Coïmbre acclamèrent Jean roi de Portugal. C’était proclamer la souveraineté du peuple, base de la monarchie portugaise, et il est à remarquer que ce furent les initiés de l’ordre du Christ, apporté en France par Martinez Pascalis, qui la proclamèrent également chez nous, il y a un siècle. Dans cette circonstance solennelle, l’ordre du Christ joua, en effet, un rôle capital. Bien que son grand maître fût le frère même de la régente, il prit parti pour Jean d'Avis.

La situation n'en était pas moins critique, car le roi de Castille avait envahi le Portugal avec une armée de trente-six mille hommes, dont six mille cavaliers. Jean n'avait à lui opposer que six mille fantassins et quinze cents chevaux, dont l’ordre du Christ avait fourni les trois-quarts.

Ce fut dans ces conditions, qu'on pouvait croire désespérées, qu'il livra la bataille d'Aljubarrote. Elle dura à peine une demi-heure. Les Castillans tournèrent immédiatement le dos, laissant la noblesse portugaise ralliée à leur cause aux prises avec les troupes de Jean, qui la massacrèrent sans merci. Les Castillans occupaient toutes les places du royaume, y compris Lisbonne. Ils les évacuèrent sans combat, le roi de Castille en tête.

Jean Ier fit honneur de ce triomphe étrange à Notre-Dame de la Victoire, dont il avait imploré l’assistance avant la bataille, en lui promettant de lui élever sur le lieu même un magnifique monastère, si elle le débarrassait des Castillans.

Le monastère a été élevé. C'est l’une des merveilles du Portugal [Note : aujourd’hui Bathala] ; mais on remarque avec surprise que Notre-Dame de la Victoire n'y occupe qu'une place plus que secondaire, et qu'elle n'y a pas même une statue. Sa chapelle, que rien ne distingue des autres, a été reléguée dans le coin septentrional du transept.

Ce n'est pas la seule bizarrerie de ce luxueux monument. Son plan représente un carré adossé à une clef, qui est l’église. Cette clef est formée de deux lettres L et O superposées. L'église proprement dite a la forme étrange de la lettre L. Sur la lettre O, qui forme l’anneau de la clef, se dresse une rotonde séparée de l’église par un vestibule et n'ayant aucune communication avec elle. Son plan octogone est le même que celui de la rotonde des templiers de Thomar. En un mot, c'est une réduction de la célèbre mosquée d'Omar, batie sur l’emplacement du temple de Jérusalem. Le plan de cette mosquée, comme celui des synagogues, figure l’anneau de Salomon, c'est-à-dire le cercle des jours de la semaine, en réservant la place d'honneur, celle qui fait face à l’entrée, à Mercure, le principe mâle qui correspond à Elohim et à Salomon lui-même.

La place accordée à cette construction, le luxe inouï de sa décoration, indique suffisamment que ce n'était pas à Notre-Dame de la Victoire, mais à Hermès-Elohim-Salomon qu'était dû le triomphe d'Aljubarrote. En effet, la clé représente le Portugal, dont le nom ancien est Calé. Les deux lettres OL signifient en hébreu remporter la victoire. Le reste se devine sans peine et peut se traduire ainsi : « Le Portugal a remporté la victoire en vertu d'un accord avec les maîtres de l’anneau de Salomon ».

Or, les maîtres de l’anneau de Salomon avaient à leur disposition la plus irrésistible des cavaleries, celle de Saint-Georges, et en ce moment il n'était pas seulement les maîtres de l’Espagne et du Portugal, ils étaient tout-puissants auprès du pape Urbain VI.

Ce furent donc les juifs qui négocièrent avec les papes la conservation du royaume de Portugal, sur le point d'être anéanti par celui de Castille ; mais ce fut à la condition expresse que la nouvelle dynastie renoncerait à ses traditions gibelines et vaudoises. Aussi, dans son épitaphe qui est un véritable testament, le roi Jean déclare qu'à l’avenir les rois de Portugal ne se serviront plus de l’ère césarienne, et qu'à sa place ils adoptent l’ère chrétienne. C'est la seule clause publique qu'on connaisse de ce traité secret; mais il en est une autre beaucoup plus importante et qui fait le plus grand honneur aux juifs ainsi qu'au pape Urbain.

L'existence d'un royaume de Portugal, qui brisait l’unité ibérique et la brise encore, n'aurait pas été avantageuse à la chrétienté, s'il n'avait eu une mission spéciale. Les Maures ne possédaient plus en Espagne que quelques places dans lesquelles ils ne pouvaient plus se maintenir. Le Portugal, c'est-à-dire l’ordre du Christ qui avaient achevé l’œuvre des templiers, n'avait plus rien à faire de ce côté, mais les juifs possédaient des comptoirs dans toute l’Asie, jusqu'à la Chine, où ils s'étaient établis dès l'an 136 de notre ère, après les persécutions d'Adrien. Ils devaient fournir à l’ordre du Christ tous les renseignements nécessaires pour faire le tour de l'Afrique et prendre l’islamisme à revers, par la mer Rouge et par l’océan Indien. Les Portugais ne devaient donc plus s'étendre en Espagne, mais le pape leur abandonnait toutes les conquêtes qu'ils feraient sur les infidèles en Afrique et en Asie.

Ce plan grandiose, dont l'exécution a couvert de gloire la petite mais héroïque nation à laquelle on le doit, ne pouvait se réaliser sans le concours des juifs. C’est donc à eux que le christianisme doit sa victoire définitive sur l’islamisme, car le doublement du cap de Bonne-Espérance ruina le trafic de l’isthme de Suez et tout l’islamisme avec. Les Portugais commencèrent son refoulement dans les Indes ; les Français et les Anglais l’achevèrent. Il fut exclu des nouvelles terres découvertes en Australasie et en Amérique, qui ont doublé depuis un siècle le chiffre des races latines et anglo-normandes, et aujourd'hui le christianisme a pris sur l’islamisme une telle avance, qu'il lui est à jamais impossible de le rejoindre.

Tels ont été les résultats directs, presque immédiats de cette escarmouche d'Aljubarrote, qui n'en fut pas moins une grande victoire remportée sur le gibelinisme, l’allié secret de l’islamisme.

Quant à Jean d'Avis, qui échangea son surnom de Batard contre celui de Jean le Grand, il fut complètement à la hauteur de sa nouvelle fortune, car il ne se contenta pas de remplacer l’ère césarienne par l’ère chrétienne, il restreignit les privilèges exorbitants de la noblesse et fit fleurir le commerce par l’intermédiaire des juifs. De leur côté, ceux-ci se montrèrent discrets, ce qui ne leur arrive pas toujours aujourd'hui.

Quoiqu'on sache qu'ils fussent très puissants en Portugal à cette époque, il n'en est pas fait mention directement dans les chroniques de Jean Ier et de ses deux fils, Edouard et Alphonse. L'alliance conclue avec eux par la couronne n'est signalée que dans des légendes secrètes, mais elle fut continuée par ses successeurs, qui travaillèrent à la rotonde salomonienne du monastère de Notre-Dame de la Victoire.

Jean le Grand eut de plus la chance de donner le jour à une lignée de princes aussi braves et aussi intelligents que lui. Quelques années plus tard, ils s'emparèrent de la place africaine de Ceuta, que l’islamisme n'a jamais pu reconquérir. Ce fut la que se distingua le célèbre infant dom Henrique, grand maître de l’ordre du Christ, auquel il devait imprimer une direction toute nouvelle.

Après avoir été créé, comme l’ordre du Temple, pour escorter des caravanes terrestres, l’ordre de Saint-Jean, expulsé de Palestine par les Turcs, s'était réfugié dans les îles de Chypre et de Rhodes, et avait continué sur mer la lutte à laquelle il avait dû renoncer sur terre. L'ordre du Christ, plus heureux puisqu'il avait expulsé les Maures du Portugal, dut se faire marin à son tour pour aller les attaquer chez eux.

Dom Henrique avait été élu roi de Chypre, et il en a conservé les insignes sur son tombeau, qu'on voit encore dans l’église du monastère de la Victoire, avec sa devise française : « Talent de bien faire » ; mais il préféra à une couronne le gouvernement de l’ordre du Christ, dont il fit la première école de navigation et la plus glorieuse qui ait été instituée dans l’Europe moderne. Il ne voulut pas cependant faire les vœux qui l’auraient lié indissolublement à l’ordre, de sorte qu'il remplit les fonctions de grand maître sans en porter le titre ; mais, bien que libre de tout lien, il vécut dans la pauvreté et la chasteté jurée par les chevaliers, dans sa retraite de Sagres, située sur un promontoire aride, où il créa des cours de mathématiques, de cosmographie et de navigation. Il y joignit un observatoire astronomique, des chantiers de constructions navales, et il y appela tous les hommes distingués dans ces diverses branches de la science qu'il put réunir. Ce fut de cette école célèbre que sortirent tous les grands navigateurs qui devaient illustrer la fin du XV siècle par leurs découvertes dans les deux océans Indien et Atlantique.

Ces entreprises constituent une grande épopée héroïque dont une partie seulement a été écrite par le poète portugais Camoèns. Les limites de cette esquisse ne nous permettent même point d'en donner une simple énumération. Qu'il nous suffise de dire que la majeure partie des hardis marins qui les commandèrent appartenaient à l’ordre du Christ, et que la bannière qui flottait sur leurs navires était la leur.

On attribue à l’infant dom Henrique l’invention des planisphères. Chose singulière, il fit à la rotonde de Thomar l’adjonction d'une église en forme de clé, comme celle de la Victoire. Cette bizarre superfétation prouve que comme son père, il eut recours à la sapience du roi Salomon, et qu'elle joua un grand rôle dans le plan des découvertes et des conquêtes d'outre-mer dont il fut encore moins l’auteur que l’éditeur. A cette époque, les juifs étaient les seuls qui possédassent des connaissances géographiques précises sur l'extrême Asie et l'extrême Afrique.

Il eut, du reste, pour collaborateur son frère dom Pedro, dont les explorations préliminaires sont relatées dans la chronique paternelle. Il commença par rendre visite au Grand Turc, puis au sultan de Babylone, c'est-à-dire d’Egypte, en passant naturellement par le Saint-Sépulcre. En d'autres termes, il explora soigneusement les régions avoisinantes de l’isthme de Suez, et recueillit pour son frère tout les documents qu'il put se procurer à l’aide des banquiers juifs, pour lesquels il était muni de nombreuses lettres de crédit. La chronique dit qu'il reçut un brillant accueil de ces princes musulmans dont il complotait la ruine. De là, il se rendit auprès du pape Martin V pour y remplir une mission importante. Il lui demanda une bulle en vertu de laquelle les rois de Portugal devaient être sacrés et oints comme les rois de France et d'Aragon. Par cet acte d'une importance extrême pour la cour de Rome, la dynastie de Bourgogne renonçait aux doctrines gibelines, pour devenir un des plus énergiques suppôts du parti guelfe. C’était le prix de la victoire d'Aljubarrote. D'Italie il passa en Allemagne et en Hongrie, puis en Dacie, dont les princes tiraient leur origine des Capétiens de Portugal. Il assista l’empereur Sigismond dans ses luttes contre les Turcs et les Vénitiens, et celui-ci lui fit même don de la Marche trévisane, qu'il avait conquise. Mais dom Pedro préféra se rendre en Angleterre, qu'il désirait beaucoup voir, parce que sa mère était une princesse de Lancastre ; aussi parlait-il l’anglais comme s'il était né à Londres.

Se proposait-il de voir aussi la France, dont il tirait son origine ? En tout cas, il n'en eut pas le temps, car il fut rappelé par son père, qui était en guerre avec le roi d'Aragon et avait besoin de lui. Ce fut son neveu, le roi Alphonse, qui vint quelques années plus tard rendre visite au roi Louis XI et au duc de Bourgogne Charles le Téméraire. Dans la relation de ce voyage, on ne trouve aucune allusion à l’origine capétienne du roi de Portugal, qui parut assez désagréablement surpris du débraillé du roi bourgeois Louis XI. Il venait lui proposer une alliance que celui-ci éluda dès qu'il eut été débarrassé du duc de Bourgogne ; mais il en était une autre dans laquelle il entra : c'était un accord secret avec la sapience de Salomon et la cour de Rome. On sait qu'après avoir été fortement protégés par le pape Martin V, les juifs ne le furent pas moins par Sixte IV.

Parmi les notions que dom Pedro avait rapportées de ces longues pérégrinations figurait probablement celle de l’imprimerie, car il est démontré aujourd'hui que les premiers essais en eurent lieu à Toulouse et que, parmi ceux qui s'y livrèrent, figurait un Portugais. Les juifs établis en Chine avaient dû faire part depuis longtemps de cette invention à leurs coreligionnaires d'Occident, mais il ne leur aurait pas été permis de l'exploiter eux-mêmes sans s'exposer à des accusations de sorcellerie.

Pour en revenir à l’ordre du Christ, il avait pris une telle importance, que la grande maîtrise en avait été adjointe à la couronne après la mort de l’infant dom Henrique. Sous Manuel le Magnifique, il atteignit son plus haut degré de splendeur. Que se passa-t-il dans les idées de son successeur Jean III ? Toujours est-il qu'il introduisit en Portugal l’horrible inquisition espagnole, l’instrument le plus odieux de l’hypocrisie et de la tyrannie gibeline, qui, sous prétexte de foi, livrait tout le monde à la discrétion d'une camarilla occulte. L'existence de l'inquisition était incompatible avec une fraternité militaire aussi puissante que celle de l’ordre du Christ. Tout d'un coup, ces intrépides chevaliers, dont l’épée avait conquis au Portugal des territoires d'une étendue trente ou quarante fois supérieure à la sienne, se virent rappelés de tous les coins de l’univers pour s'entendre sommer de se consacrer exclusivement au service des autels, cloitrés dans les murs du monastère de Thomar.

Cette honteuse métamorphose fut suivie de l’incorporation définitive de la grande maîtrise à la couronne, qui fut accordée à Jean III par une bulle du pape Jules III le déclarant le grand maître de droit des trois ordres militaires de Portugal, ainsi que ses successeurs, sans en excepter les femmes. On distribua encore des croix de l’ordre du Christ à des laïques, mais c'étaient de simples membres honoraires de l’ordre, qui n'étaient reliés entre eux par aucun serment ni par aucun devoir, de sorte que cette quincaillerie de cour est devenue aujourd'hui la plus banale de toutes.

Cette émasculation de l’ordre du Christ fut immédiatement suivie de celle de la race portugaise, qui tomba dans un marasme dont elle ne s'est jamais réveillée. Les désastres militaires de dom Sébastien peuvent être attribués à l'enfroquement de l’ordre du Christ ; il était désarmé lorsque Philippe Il mit la main sur le Portugal, après l'extinction de la seconde branche de la dynastie de Bourgogne, dans la personne du cardinal dom Henrique. Les Espagnols laissèrent dédaigneusement languir l’ordre du Christ, avec de gros revenus, tout le temps que dura leur domination, et il ne prit aucune part à l’affranchissement du Portugal, quoique Jean IV de Bragance, issu d'une branche batarde de la branche elle-même batarde d'Avis, porta l’habit de grand maitre du Christ à son couronnement. Depuis, il n'en a plus été question.

Comme un suppôt de la démocratie guelfe, il venait d'être remplacé par un autre ordre, qui avait pris ses insignes et son nom, et dont l'un des coryphées, Molina sortait de l’université de Coïmbre.

En 1523, Ignace de Loyola, après avoir visité la terre sainte sous les habits d'un mendiant, revint en Europe suivre les cours des collèges de Sainte-Barbe et de Montaigu, deux foyers de démocratie, et, en 1540, le pape Paul III confirma l’ordre qu'il avait établi sous le nom de Compagnie de Jésus.

Cet ordre hérita de toutes les traditions de celui de Denys, y compris le semi-pélagianisme des templiers. Ce fut lui qui eut l’idée de s'adjoindre des laïques de tout rite et même de toute religion, en utilisant la société secrète des adonhiramites, qui fondée en Espagne, en 1484, végétait depuis cette époque dans l’obscurité la plus complète.

De l’aveu de tous les historiens, elle fut longtemps comblée de toutes les faveurs de l’Eglise, et, avec les jésuites et les juifs, elle a joué un grand rôle dans la révolution qui porta, presque malgré lui, le duc de Bragance sur le trône de Portugal, car c'est sa devise, et non celle de l’ordre du Christ, qu'on trouve en tête des engagements pris par ce prince lorsqu'il monta sur le trône. Sur les chroniques de Jean Ier, Edouard et Alphonse, publiées par ses ordres, entre 1647, on voit le soleil rayonnant et les trois clous de Loyola.

Les jésuites exercèrent pendant un siècle, en Portugal, une influence prédominante dont ils firent profiter leurs célèbres missions en Chine. Ils furent sur le point de la convertir, grâce à la largeur de leurs vues, et ils s'étaient taillés un état au Paraguay, dont la couronne n'était que titulaire. Partout, ils étaient l’âme de la résistance de la bourgeoisie aux caprices de plus en plus ruineux des monarques européens, et, à la suite d'une véritable conjuration de souverains, ils furent bannis du Portugal par le marquis de Pombal, en 1760. Toutes les monarchies de l’Europe s'associèrent à cette proscription, à l'exception de la Russie. Dépouillés de leurs biens, désavoués par la cour de Rome, il n’en restait pas moins très puissants, surtout en Autriche, parce que le tout-puissant parti qu'ils dirigeaient ne pouvait être extirpé avec eux. Ce fut alors que ce parti enrôla dans les rangs de la franc-maçonnerie écossaise, sur laquelle ils avaient la haute main, ces vingt millions d'adeptes dont parlent tous les chroniqueurs de la fin du siècle dernier.

Des émissaires se répandirent partout. Les plus connus sont Cagliostro, Saint-Germain et Martinez Pasqualis. Ce dernier est resté le plus mystérieux, puisqu'on n'a jamais su son nom. D'après son langage, on l'a cru Portugais, ce qui est probable, et juif, ce qui est possible aussi, car le marquis de Pombal les bannit de Portugal avec les jésuites, qu'ils avaient soutenu, comme, avant eux, les chevaliers du Christ.

Quoi qu'il en soit, son nom n'est qu'une devise portugaise, et tout ce que l'on en sait fut qu'il introduisit un nouveau rite dans les loges de Marseille, Toulouse et Bordeaux, vers 1754. II s'embarqua pour Saint-Domingue en 1778 et mourut à Port-au-Prince en 1799.

Il eut pour disciple le marquis de Saint-Martin, dont la personnalité est dégagée de tout mystère. Celui-la donna un corps aux idées de son maître en établissant à Lyon, en 1782, un ordre des chevaliers du Christ, du Saint-Sépulcre et du temple de Salomon, qui, selon toute apparence, n'était qu'une succursale de celui de Thornar, encore existant à cette époque. On donna à ses affiliés le nom de martinistes ou allumés français. Il est inutile de s'occuper de leurs doctrines plus ou moins cabalistiques, communes à toutes les sectes de la basoche du moyen age. Ce qui est intéressant est leur action politique. Or, il est certain que les illuminés de France, qui avaient pour grand maître le duc de Brunswick, parent du roi d'Angleterre, s'unirent avec les illuminés allemands, dont le berceau semble avoir été Munich, pour prononcer la condamnation de Louis XVI et de Gustave III, au congrès général de l’ordre écossais tenu à Wilhemsbad, en 1782, et présidé par le duc Ferdinand de Brunswick.

Il y assistait en qualité de grand maitre de l’ordre du Christ de Lyon. C’est, croyons-nous, la dernière fois qu'il en ait été fait mention. Tout ce qu'il en reste aujourd'hui, le monastère de Thomar, avec sa belle rotonde de Gualdim Païs, était déjà désert lorsqu'il fut déplorablement saccagé par les Français, en 1811. L'ordre monastique du Christ fut supprimé officiellement avec tous les autres en 1832, et nous ne croyons pas que, parmi les sectes maçonniques existantes, il s'en trouve aucune qui ait conservé un vocable aussi résolument chrétien que celui de chevaliers de Jésus Christ. Ce n'est pas de ce côté que souffle aujourd'hui le vent. Il est cependant utile aux profanes de savoir qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Tel était un des principaux objets de cette étude.

Nous croyons que le lecteur nous saura gré d'y ajouter quelques renseignements sur la fin de la collaboration des juifs portugais avec l’ordre du Christ, pour la conquête de l’Asie centrale. C'est vers l’année 1560 que les juifs portugais se brouillèrent, non avec l’ordre du Christ, suspect de trop bien s'entendre avec eux, mais avec celui des jésuites, qui l’avait déjà supplanté. C'est l'époque, du reste, à laquelle les rois de Portugal cessèrent de travailler au singulier dôme de Notre-Dame de la Victoire, qui figurait le temple de Salomon. Autant qu'il est permis de le supposer, la cour de Rome, dirigée par les jésuites, reprochait aux juifs portugais et espagnols le rétablissement de la piraterie barbaresque qui, tant qu'elle dura, resta entre leurs mains ; mais elle leur reprochait surtout d'entraver les missions des jésuites en Asie et d'avoir favorisé sous main la révolte de Luther et de Calvin.

La rupture se fit sans bruit ; elle n'en fut pas moins désastreuse pour les missions catholiques, car, à une époque très reculée, des missionnaires juifs s'étaient glissés dans le monde bouddhiste et brahmanique et avaient enté avec d'autant plus de facilité les dogmes de la cabale juive sur les leurs, qu'au fond ce sont les mêmes, et qu'ils se résument en un seul mot, le nirvana ou le nihilisme, puisque les deux mots sont synonymes et se traduisent en hébreu par an, rien.

Aujourd'hui, la direction des innombrables sociétés secrètes de l’Inde et de la Chine est entre les mains des juifs. Ce sont elles qui ont provoqué la révolte des cipayes, dirigée par le brahmine Nena-Sahib, écrasé celle des Taï-pings, représentant l’élément autochtone chinois, et fait massacrer les vingt-deux millions de musulmans du Yun-nan.

Ces sectaires sont restés les ennemis jurés des musulmans, auxquels ils ont constamment interdit toute propagande dans le monde bouddhiste ; mais à cette haine traditionnelle, ils ont joint celles du christianisme et en particulier celle du catholicisme.

Comme ils dominent complètement par leur nombre le faible gouvernement chinois, si la Chine réussit à se donner une organisation militaire en rapport avec le chiffre énorme de sa population, il en résultera une armée de vingt millions d'hommes qui sera complètement à leur disposition et dont ils se serviront pour renouveler les assauts de Gengis-Khan et de Timour-Leng contre la civilisation occidentale, mais surtout contre le christianisme. Aussi, après ce travail souterrain qui n'a pas duré moins de quatre siècles, les juifs ne désespèrent pas de convertir le monde entier à leur cabale, et il faut avouer que, maîtres du continent le plus peuplé de l’univers, ils auraient bien des chances de réussir, si la doctrine du nirvana n'avait toujours été une cause de faiblesse irrémédiable pour tous les peuples qui l’ont adoptée.

Mais le nirvana, ou, si l'on veut lui donner son nom contemporain l’anarchie, ne succombera pas en Asie sans l’avoir semée de ruines effroyables et l’Europe ne lui résisterait pas aisément si l'Amérique chrétienne ne la mettait entre deux feux.

Aussi les esprits prévoyants n'assistent-ils pas sans de secrètes appréhensions à cette lutte qui commence entre le Japon converti aux idées européennes, et la Chine restée nihiliste, car les succès éphémères que pourront remporter les Japonais ne feront que piquer l’amour-propre chinois et lui suggérer l’idée d'organiser à l’européenne le contingent de vingt millions d'hommes en état de porter les armes que comporte sa population de 400 millions d'habitants.

Alors ce sera véritablement le commencement du péril jaune.


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