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Francisco Ferrer

Portrait d'un Libertaire et anarchiste franc-maçon

7227-1-1

Discours prononcé par Hem Day à l'université de Bruxelles

La pensée et l'œuvre de Francisco Ferrer se présentent sous de multiples aspects, tous généreux par leur noble ambition et leur résonance étonnante. Les orateurs qui jusqu'à présent m'ont précédé a cette tribune comme tous ceux qui me succéderont, vous ont dit ou vous diront avec quelle ferveur, ils estiment l'homme, le penseur, le rationaliste, l'éducateur, le franc-maçon, le radical, dont nous célébrons le centenaire de la naissance (1859) et le cinquantenaire de l'assassinat (1909).

Ces dates rappellent à tous ceux dont le souvenir de F. ferrer reste encore vivace, deux anniversaires qui s'incrustent dans les annales de la pensée libre. Ce n'est donc point là pour nous un simple prétexte en vue de célébrer la mémoire d'un homme si grand fut-il ?
F. Ferrer lui-même nous le signifie avant de mourir lorsqu'il désire que ses amis parlent ou point de lui, afin de ne pas créer d'idoles, car il considère celles-ci comme "un grand mal pour l'avenir humain". Qu'il me soit donné en ce jour mémorable de braver cette modestie, afin de redire à la face du monde libre, l'assassinat odieux dont fut victime ce précurseur.

Cet enseignement, il le voulait là, dans un pays où l'éducation rudimentaire même, se heurtait à toutes les possibilités du progrès et au développement naturel de l'individu. Qu'il me soit en plus loisible au nom du libre examen, d'exalter l'idéal de F. Ferrer et de magnifier par la même occasion la pensée de celui que l'Eglise catholique romaine, associée à l'Etat, n'hésita point d'immoler indignement.

Que l'on se méprenne pas en réalité rien n'est changé de nos jours, la pensée reste persécutée, la censure use toujours de ses prérogatives au nom d'une morale falsifiée ou désuète et si ce n'était la crainte des révoltes spontanées, mains individus, clans ou partis n'hésiteraient point à recourir à d'authentiques procédés inquisitoriaux pour tenter d'empêcher la libre expression de la pensée.

Entre temps, un peu partout, on assassine toujours, on condamne à des peines infamantes, on emprisonne arbitrairement, on martyrise ceux qui veulent énoncer librement leur idéal. Il faut donc rester vigilant et dénoncer sans trêve ni repos les crimes qui sont en perpétuelle gestation à l'ombre des Etats et des cathédrales.

Sachons donc, découvrir les buts de son idéal qui de nos jours encore est loin , très loin d'être réalisé, parce qu'incompris. Ferrer m'a souvent répété, disait son ami Alfred Naquet lors d'une conférence qu'il donnait le 3 septembre 1909 que "le temps ne respecte pas les oeuvres à l'édification desquelles il n'a pas contribué. En fondant des écoles, il croyait travailler plus utilement à la transformation de la société qu'en élevant des barricades et sans répudier les héros qui se font tuer sur elles, il préférait parce qu'il la croyait plus féconde, l'œuvre qui consiste à faire des hommes à préparer la révolution dans les cerveaux."

Il visait, ajoutait Alfred Naquet, "plus haut qu'un simple changement politique."

Tout ceci concourt à affirmer que la pensée intime qui animait l'idéal de F. Ferrer pour l'élaboration de son œuvre ne peut sous de vains prétextes, ignorée ou passée sous silence. J'aimerais donc vous rappeler, l'homme que fut cet idéaliste en exprimait encore l'essentiel, peu de temps avant d'être fusillé. "Précisément, la démence de ceux qui ne comprennent pas l'anarchie, provient de l'impuissance où ils sont de concevoir une société raisonnable"

Que l'on se souvienne des critiques faites par l'auditeur général relatives à l'Ecole Moderne.
Que l'on se rappelle en quels termes il essayait -l'insensé- d'accuser Ferrer de consacrer toutes ses énergies et les activités de sa vie au triomphe de la révolution. " Ce propagandiste anarchiste ne rêvait qu'enfantement de la révolution sociale " ajouta-t-il. En dépassant cette fois la fiction, il l'accusait d'être le vrai chef des anarchistes, nihilistes et libertaires espagnols.

Ces accusations qui par certains côtés, ont un fondement, étaient formulées cependant avec tant d'arrières pensées et mêlées à tant de partis pris, qu'il est indispensable d'en préciser le caractère et pour cela cueillir, ici et là , quelques écrits où s'affirme avec une volonté l'idéal qu'il ne cessait de valoriser. Anselmo Lorenzo, qui a bien connu Ferrer et avec qui il a collaboré au groupe "la Huelga general" a montré dans une étude qu'il a consacrée à son grand ami et collaborateur comment F. Ferrer contribua au mouvement des revendications ouvrières en créant avec lui et quelques autres ce journal périodique que fut la Huelga general.
Dans cette société bourgeoise où nous vivons, qui limite toute noble aspiration, qui dépasse tout sentiment généreux et qui se développe au milieu d'un antagonisme dissolvant d'intérêts, prétendant se justifier par la formule de coloris scientifique : la lutte pour l'existence, Ferrer fut un homme vraiment exceptionnel.

Chez Ferrer la pensée et le parole, les actes de sa vie et l'action pour ses idées formaient un tout indissoluble. Qui pouvait s'offusquer de cette franchise, qui pouvait s'indigner ? Ceux qui étaient incapables d'apprécier la générosité qui animait cet être profondément anarchiste, ceux qui restaient incapables de saisir la grandeur de l'altruisme qui débordait de cet être, prêt à tous les sacrifices pour réaliser les rêves idéaux qu'il portait en lui.

Il est un phrase que j'aime beaucoup rapporter : " Dieu ou l'Etat NON, la grève générale OUI ! " Ferrer exposait d'une manière fort logique toute la valeur, toute la force créatrice ou destructrice de la grève générale en opposition avec les luttes électorales et il concluait par une apologie de l'action directe consciente en invitant les anarchistes à faire comprendre ces vérités à tous ceux " qui croyaient à la panacée du vote comme si c'était l'hostie qui doit les porter au paradis. "F Ferrer affirmait encore que " l'Emancipation complète des travailleurs ne viendra ni de l'Eglise, ni de l'Etat, mais de la grève générale qui détruira les deux " (1901).

Il est maintes fois revenu à la charge et plus particulièrement dans une autre étude " l'hérédité sociale " où il a dépeint le cortège infini des privilèges exclusifs pour dénoncer l'égoïsme des classes spoliatrices. De cette spoliation favorisée par une abominable série de forfaits Ferrer nous dit ce qu'il pense et en conclue ceci :
" Qu'est-ce qu'on attend donc pour en finir avec ce galimatias social et mettre en pratique l'anarchie, l'unique et véritable ordre social susceptible d'aplanir toutes les difficultés et de produire l'harmonie universelle par l'accord manuel. " (décembre 1901)
Ferrer fut donc sans conteste anarchiste dans l'acception la plus large et la plus haute et c'est parce qu'il fut cela que subversif il s'attira la haine de tous ceux qui exploitent la crédulité et l'ignorance des peuples. C'est ici que ce précise pour nous tous, libres penseurs, les véritables mobiles de son assassinat qui n'est pas seulement un crime clérical, mais également et surtout un crime social.

L'idéal de Ferrer, vous ne pouvez plus l'ignorer, il s'est préciser à vous tous, cet idéal vous devez vous rappeler qu'il a été celui des écrivains et penseurs tels que Proudhon, Godwin, Bakounine, Reclus, Kropotkine, Malatesta, Lorenzo, Rocker et combien d'autres.
Il fut anarchiste comme il fut libre penseur, franc-maçon, pédagogue, rationaliste.

Hem Day (1959) 


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