Obédience : NC Loge : NP 14/02/2006


Le F\M\ et les affaires


De quelles affaires s’agit-il ?  C’est la question  qu’on pourrait se poser car  on peut donner plusieurs sens au mot « affaire(s) »:

- Ensemble de circonstances où des intérêts divers sont en jeu, s’opposent,  et ou s’affrontent.  On dira alors : voilà une affaire à laquelle il vaut mieux ne pas être mêlé.
- Ensemble des difficultés avec lesquelles une personne est aux prises. Ex : tirer quelqu’un d’affaire.
- Ensemble des faits dont la justice a à connaître, ensemble des faits délictueux  ou criminels sur lesquels la police est chargée d’enquêter. Ex : plaider une affaire, affaire criminelle.
- Conflit (international, militaire, etc.…), combat. Ex : affaire Bakassi, affaire de Suez.
- Entreprise industrielle ou commerciale. Ex : le patron d’une affaire.
- Intérêts pécuniaires d’une personne. Ex : il est au courant de mes affaires.
- Transaction, marché, (Pluriel) : opérations financières, commerciales, spéculations, Ex : chiffre d’affaires ; les affaires sont les affaires; homme d’affaires en anglais : businessman.
- Tout ce qui concerne l’administration et le gouvernement des choses publiques. Ex : les affaires de l’Etat, affaires maritimes, affaires politiques.
 
C’est sur ces derniers cas que je vais baser cette planche; c’est-à-dire les affaires point de vue business (opérations financières  ou commerciales) et affaires point de vue politique. Car comme dirait Monsieur de la Palisse, les deux vont ensemble ; surtout dans nos pays du Sud.

Je n’ai pas oublié les affaires dans le sens de scandales où ont été mêlés les Frères (ou les Sœurs). Les « affaires » ont jalonné l’histoire de la F\ M\. On peut les trouver chez les auteurs anti-maçonniques ou dans certains sites internet. Je peux rappeler quelques unes, contemporaines, conséquences d’un affairisme certain:

L’histoire de la Loge Propagande 2 dite (P2) en Italie. Cette L \ était ce qu’on appelle une « Loge couverte », composée de personnalités qui  préféraient ne pas dévoiler leur appartenance à la F\ M\. A partir de 1960, cette L \ P2, dont Licio Gelli était le Vénérable, subit une dégénération de type essentiellement affairiste. A la suite des fuites bien orchestrées et distillées au grand jour, un grand scandale naît, à cause de la notoriété de ses membres. On débouchât à des accusations de Coups d’Etats. Ces accusations trop sévères ont été reconnues par la suite sans fondement par les tribunaux en 1994. Licio Gelli a été acquitté de l’accusation de conspiration politique.  L’Obédience à laquelle appartenait la Loge P2, a depuis lors, interdit les Loges « couvertes ».

En France, des F\ ont été mêlés, dans les affaires suivantes :

-  Elf
-  La GMF (Mutuelle des fonctionnaires)
-  Les marchés truqués de l’Île de France
-  La Mnef (Mutuelle des Etudiants de France)
-  Olympique de Marseille-Valenciennes (OM-VA)
-  etc.…
 
Cette liste n’est pas exclusive. Face à cette dérive affairiste, les obédiences dont faisaient partie les principaux incriminés ont dû sévir et sanctionner les intéressés par des radiations ou des exclusions. Sans oublier la justice qui a condamné les différents incriminés à des peines de prison.

Quelle est la situation en Afrique? En ce qui concerne l’Afrique noire, sous influence Française, la F\ M\  y est présente depuis 1781. Les feux de la première L\  ont été allumés cette année là à Saint-Louis au Sénégal. La Maçonnerie recrutait alors essentiellement dans les milieux des colons : militaires, fonctionnaires et administrateurs blancs. Depuis ces temps là jusqu’à nos jours, la F\M\ a été très impliquée dans les affaires africaines.
 
A l’aube des indépendances, on peut retenir qu’elle a été souvent persécutée ; des fois durement. L’exemple le plus patent est celui de la Côte-d’Ivoire en 1963. Afin d’éliminer l’aile gauche et progressiste de son parti, Houphouët-Boigny n’imagina ni plus, ni moins qu’une tentative de coup d’Etat. Beaucoup d’accusés étaient des Frères. On peut citer Jean Konan Banny, Amadou Thiam, Ernest Boka et Jean-Baptiste Mockey. La Franc-Maçonnerie fut interdite. Certains des accusés moururent en prison. Les loges ne reprirent leurs activités qu’en 1971 après que Houphouët-Boigny eût reconnu que les fameux complots de 1963 n’étaient que des coups montés. Des histoires semblables se sont passées au Zaîre de Mobutu et en Guinée Conakry.
 
En Afrique anglophone, au Libéria, le Sergent-Chef Doe, prit le pouvoir en 1980 en assassinant le Président Tolbert ainsi que la plupart des ministres de son gouvernement. Depuis sa création ce pays était dirigé par des Noirs Américains affranchis ; la plupart étaient des Francs-maçons affiliés à la Grande Loge Prince Hall.
 
Depuis ces temps, la F\ M\ a pris petit à petit une position de presque « passage obligé » pour tous ceux qui veulent ou peuvent compter. On est même allé jusqu’à dire que certaines Loges ou  Obédiences étaient dirigés par des plus hauts responsables placés à la tête des Etats. Il arrive souvent que des journaux locaux dans certains de leurs articles où le pittoresque et le fantasque font jeu égal  avec leur ignorance sur le sujet, parlent de cette situation.
 
Au delà de la lecture de ces journaux qui  nous font sourire, certaines questions méritent d’être posées. Ces questions concernent la gestion des affaires de cette élite africaine. Même si ces questions ne sont pas débattues en ce moment, continuerons-nous à ignorer l’accumulation grotesque et indue  des richesses par une minorité, les détournements massifs des fonds publics, les tripatouillages des élections, les tripatouillages des constitutions afin de permettre aux dirigeants de s’éterniser au pouvoir, les combines, les concussions, la corruption, l’arbitraire, la  feymania », l’incompétence, la tricherie ; etc.…qui sont notre lot au quotidien ? Le cercle se referme quand on sait que les plus grandes fortunes, les plus grosses affaires sont souvent aussi aux mains de cette élite, dont nous, Francs-maçons faisons partie.
 
Voilà donc l’environnement délétère dans lequel l’homme d’affaires est appelé à opérer.
 
Le  F\ M\ est donc appelé à évoluer dans cet environnement comme tout autre citoyen d’ailleurs. En tant que décideur et grand commis de l’Etat ou comme opérateur économique. Confronté à lui-même et à tous ces maux qui minent nos sociétés, que devrait  être sa position ?
-  Devra t-il se résigner, s’isoler du monde et rechercher sa perfection loin de la corruption généralisée de la Société ?
-  Devra t-il se compromettre pour faire avancer ses affaires ?
   Corrompre ou se laisser corrompre ?
 
To be or not to be?  Pour paraphraser Hamlet.
 
Cette équation, le F\ M\ , cet initié est appelé à la résoudre. Tel Oedipe, il est  devant le Sphinx. Il doit résoudre l’énigme de celui-ci. S’il n’y arrive pas, il sera déchiqueté et dévoré.
 
Devant lui, se trace les voies  faciles : la résignation et le laisser faire ou alors, la compromission alors que quelque part résonne en lui ces phrases terribles :
- Dresser des couronnes à la vertu
-  Creuser les cachots pour le vice
-  Forger des chaînes pour le vice

L’issue ne serait-elle pas  la résignation alors? Au moins là, on ne s’occupe de rien, pas d’affaires, pas de corruption, pourrait-on se dire. On devient moine ou fakir.

Je dirais non car le F\ M\en tant que homme ou femme de cœur, homme ou femme de bien, homme ou femme bon vivant, homme ou femme de la cité, glorifiant le travail, (pas seulement  le travail en loge), doit créer des richesses afin d’améliorer ses conditions de vie ainsi que celle de ses semblables. « Que la lumière qui a éclairé nos travaux continue de briller en nous, afin que nous achevions au dehors l’œuvre commencée dans le temple » nous dit le V\ M\ A la fin de nos travaux en Loge. En dépit donc des difficultés qui entravent sa route, le F\ M\ doit trouver la meilleure voie, la voie qui lui permettra de rester lui-même, sans renier ses idéaux.

V\ M\ et vous tous mes S\ et mes F\ en vos grades et qualités, le F\ M\ devrait refuser la voie de la compromission morale. Car c’est la voie à ne pas suivre. Le F\ M\ ne doit pas manger de ce pain là. Car cette voie va contre l’éthique maçonnique, contre la morale et contre les lois républicaines. Par ailleurs, nous devons savoir que si dans certains Etats, les crimes économiques de tout genre restent impunis de nos jours, ce n’est plus pour longtemps. Les temps où il faudra rendre compte vont bien arriver. C’est une évolution implacable à laquelle le monde ne  pourra pas échapper. Il en sera ainsi de la lutte contre la corruption et ses dérivés comme il en a été pour la démocratie. Ne serait-ce que sous l’impulsion de la communauté internationale ou alors, par un sursaut ou même une révolution des populations. Comme ailleurs, des « Petits juges », des journalistes accrocheurs et fouineurs pourront faire trembler les pourris. Le procès en cours en Afrique du Sud de Mr Jacob Nzuma ex Vice-président et ex-dauphin du Président Thabo Mbeki est révélateur de ce qui pourrait se passer ailleurs. Nous devrions donc combattre tous ces maux et refuser de les subir ou les tolérer sous les prétextes fallacieux  qu’on ne pourrait pas les empêcher, que cela a toujours existé ou qu’on ne peut rien y changer.

Si le F\ M\ doit  refuser de laisser faire ou de se compromettre alors que se dresse devant lui, le mur quasi infranchissable de l’environnement délétère –avons-nous dit plus haut- que devrait-il faire alors ? Manifestement, les vertus que nous prônons, nous F\ M\ cadrent difficilement avec la philosophie des affaires telles qu’elles sont pratiquées de nos jours, dans nos pays. Avec les tracasseries administratives que l’on connaît, les lois non écrites, l’interprétation à géométrie variable des textes, les combines, les magouilles de tout genre.

Cette situation nous rappelle « Les Mains Sales » de Jean-paul Sartre. C’est l’histoire de Hugo Barine, un intellectuel bourgeois et communiste. Il appartient à l’aile gauchiste du parti. Insatisfait de sa fonction de rédacteur du journal de ce cette formation politique, il veut faire quelque chose de plus risquant. Le parti lui donne comme mission d’assassiner Hoederer, un leader en vue du parti. Hoederer est  un pragmatique et un réaliste qui s’est compromis en se rapprochant de l’ennemi, le régime au pouvoir. Hugo tue Hoederer mais, qu’il a trouvé, embrassant sa femme. Le tue t-il par jalousie ou bien exécute t-il sa mission ? Il est arrêté et jeté en prison. A sa sortie il se rapproche des ses anciens camarades du parti, qui entre-temps ont rejoint la position de Hoederer. Ceux-ci se méfient de Hugo car ne sachant pas le véritable mobile de l’acte de son acte. Le motif passionnel arrangerait bien les affaires puisque les camarades ont entre-temps rejoint les positions qu’ils combattaient auparavant. Hugo est choqué par cette situation, surtout que son acte sera pour lui, une chose honteuse et se décide de se déclarer non « récupérable » par le parti et signe ainsi son arrêt de mort.

Le F\ M\ Hugo ou bien Hoederer ?

Il semble que Sartre ait voulu rejeter d’une part la politique de Hoederer, réaliste, mais faite de compromissions – voici ce qu’il dit : comme tu tiens à ta pureté, mon petit gars ! Comme tu as peur de te salir les mains…….Moi, j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang-; d’autre part celle de Hugo, non compromettante, prônant la capacité de toujours dire non. Les deux personnages meurent. La mort de Hugo rejoignant Hoederer à l’au-delà afin de s’unir permet peut-être de marquer une synthèse des deux positions.

Peut-être est-ce là le chemin que doit prendre le F\ M\ ? Mais nous savons que ce chemin est difficile à emprunter car la marge de manœuvre y si étroite, aussi étroite que le chemin entre les carreaux blancs et les carreaux noirs du pavé mosaïque.

Une fois cette voie empruntée, le F\ M\ s’aperçoit que les difficultés qu’il doit affronter sont aussi périlleuses qu’affronter le Cerbère de la mythologie Grecque , ce chien à trois têtes avec un cou hérissé de serpents et des dents à morsure de vipère qui déchiquetaient tous ceux qui voulaient l’affronter. Mais nous savons que Cerbère fut néanmoins vaincu à plusieurs reprises. Orphée parvint à charmer de sa lyre et de ses chants le terrible monstre afin de ramener sa fiancée Eurydice des enfers. Psyché lui donna un gâteau et réussit à l’amadouer. Enfin, Hercule sut tromper la faim du monstre, en laçant à pleines poignées la terre du sol dans sa triple gueule, et de ses seules mains l’enchaîna. Ces personnages sont soit des Héros assimilables aux dieux, soit des initiés à l’instar du F\ M\.

J’ai dit, V\ M\.
 
Lau\ Bil\  (E\V\)

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