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Les Echecs

« Roi des jeux et jeu des Rois, disait PYRAME, les échecs portent en eux un sentiment d’infini. Ils donnent à celui qui s’est efforcé d’en approfondir les arcanes l’impression de n’être pas à la mesure de l’homme : en fait, ils constituent un résumé de l’Univers, un microcosme, et figurent cette grande échelle qui dans des plans de la Lumière descend jusqu’en la matière, qui des abîmes insondables remonte jusqu’en l’infini de Dieu. »

C’est un jeu initiatique, symbolique et sacré.
Un théâtre de figures et de nombres.

Lors de mon Initiation, lorsque j’ai reçu la Lumière et que je baissai ensuite les yeux pour me la mieux conserver dans le coeur, je vis le pavé mosaïque et j’ai pensé, fugitivement certes, à l’échiquier dont la perspective dans le Temple m’a parue infinie. Et puis, un jour, avant de commencer une partie, je fus frappée par une évidence. L’échiquier devenait une superficie sacrée, le ciel où se meuvent les étoiles. J’étais initiée depuis peu, et pour un maçon, une partie d’échecs se transforme en voyage initiatique.

Il existe en effet une grande similitude entre une Tenue maçonnique et le déplacement des pièces, officiers ou pions sur l’échiquier. Cela m’a donné le goût d’approfondir cet extraordinaire symbolisme.
Car à mes yeux il existe de nombreux parallèles entre notre Ordre et ce jeu dont je vais vous entretenir ce Midi, non seulement en ce qui concerne sa philosophie et son symbolisme, mais aussi par son côté ludique. Il me semble qu’en Franc-Maçonnerie, comme aux échecs, la non–observance des règles ne peut amener que déceptions, ennui, lassitude, et inéluctablement l’abandon... C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis persuadée, qu’en Franc-Maçonnerie, comme aux échecs, la rigueur est obligatoire ainsi qu’un grand respect de nos préceptes qui, comme les échecs, nous viennent de la nuit des temps. Ce n’est pas un jeu de hasard, où le bluff peut aider au gain de la partie. La Franc-Maçonnerie non plus car ce n’est plus l’enjeu d’une partie qui est le but final, mais l’enjeu de toute une vie, la recherche de la parole perdue...
Enfin, last but not least, la devise de la Fédération Internationale des Echecs pourrait fort bien être la nôtre : « GENS UNA SUMUS – nous sommes une famille... »

En ce qui concerne le matériel, la pièce principale est l’échiquier qui est la géométrie du jeu, puis les pièces qui se rapportent à l’équilibre des deux principes contraires du monde, le blanc et le noir, le bien et le mal, le jour et la nuit, la vie et la mort. La manière de jouer tient de la stratégie, ce qui implique que tout comme au sein de notre vieille Confrérie, géométrie, pensée et action se retrouvent dans la complexité de ce jeu dont les pièces, comme l’échiquier, sont traditionnellement en noir et blanc. Ensuite, les diagonales des quatre fous tracées dans l’espace dessinent l’équerre et le compas entrecroisés. Les quatre cavaliers, symbole important de l’Apocalypse selon St. Jean (je rappelle que nous sommes des Loges johannites) font mouvement en équerre sur trois cases qui donnent le Gamma majuscule ou l’équerre que portent nos VM… Quant aux quatre tours, elles se déplacent en ligne droite, verticale ou horizontale. Les pièces que je viens d’énumérer symbolisent les officiers. Enfin il y a les seize pions, huit blancs et huit noirs, qui au contraire des autres n’ont d’autre ressource que d’aller de l’avant, sans jamais pouvoir reculer. Au total, 32 pièces évoluent sur l’échiquier. Symboliquement, la Dame et le Roi figurent respectivement la lune et le soleil. Le Roi, placé sur la couleur inverse, symbolise le noir et le blanc, le bien et le mal, le jour et la nuit, le pouvoir, l’idéal absolu, le rêve à atteindre, Dieu peut-être. Pour marquer que nul n’est totalement maître, même dans le cas d’un roi, que tout ici-bas tourne vers la manifestation, que même l’unité doit payer son tribut à la dualité, le Roi est placé sur une case dont la couleur n’est pas la sienne. Roi blanc sur case noire, Roi noir sur case blanche. Restreint aux neuf cases de l’espace royal en puissance, le roi demeure un personnage solaire. Il se déplace dans tous les sens sur les huit cases qui l’entourent, mais jamais plus d’une seule case à la fois.

En revanche, la Reine que les joueurs appellent la Dame, est toujours placée au début du jeu sur sa couleur. Elle suit la même marche que le Roi, mais elle a la liberté de la réaliser par des pas de géants, jusqu’aux extrêmes limites du monde plat de l’échiquier, vers l’orient ou l’occident, le midi ou le septentrion. Le Cavalier montant la cavale se déplace en partant d’un pivot imaginaire à travers des sauts typiques, il dessine une roue, le « svastika ». Utilisant le cercle dans un carré, il réalise donc la quadrature du cercle, alors que tours et fous sont réduits à demeurer dans leurs verticales et diagonales. Il existe bien d’autres similitudes, mes SS\, mais il me faudrait des heures pour vous en parler.

Pour jouer aux échecs, point n’est besoin, ou si peu, de matériaux. Il suffit de seize cailloux blancs, seize noirs, une feuille de papier ou tout simplement soixante-quatre cases tracées sur le sol. Il y a là une indépendance presque orgueilleuse à l’égard du matériau, nous dirions « des métaux ».
LE SEUL OUTIL, C’EST L’ESPRIT !!!

La règle du jeu, définitivement fixée depuis des siècles, est à la portée d’un enfant de cinq ans. Je joue aux échecs depuis mon plus jeune âge, et je l’ai enseigné à de nombreux gamins, qui sans nul complexe l’assimilent en une heure. Ils savent, ces petits, tout comme nos lointains ancêtres, que l’aire de jeu est une superficie sacrée, en dehors du temps et de l’espace, en dehors des hommes.
Parce qu’il est pur, je dirais « originel », l’enfant comprend immédiatement qu’il entre dans un monde d’initiés car, ce que nous considérons généralement comme un simple délassement, est en réalité une infinité de symboles, riches de sens cachés et d’aventures de l’esprit, tournés en entier vers la compréhension de l’action par le nombre, et du nombre par l’image.

L’ésotérisme du jeu des rois est basé d’un côté sur la géométrie dans l’espace du jeu, de l’autre sur les valeurs symboliques des nombres que des correspondances occultes, vieilles comme le monde, mettent en jeu avec la générosité qui fut toujours celle d’une mystique en puissance. Une mystique en puissance ? Oui, celle du jeu d’échecs. Une mystique trinitaire par l’échiquier, les pièces et la partie en soi, et duale par le jeu et les joueurs.
Une mystique, enfin, qui recèle des vérités premières, et qui ne saurait se passer d’une certaine initiation. Initiation que l’on pourrait comparer à la nôtre, mes SS\, car aux échecs, comme en FM\, l’on ne cesse d’apprendre, d’éprouver, de réfléchir, de chercher, de prêter attention à l’autre, son partenaire en l’occurrence. Le parallèle qui existe entre la pratique des échecs et notre vieille confrérie est le but recherché qui est d’atteindre la maîtrise, car vous le savez, la confrérie internationale des échecs comporte aussi des maîtres et des grands maîtres.

Ceci dit, il faut distinguer la symbolique de l’échiquier de celle du jeu proprement dit : pièces et partie. Monde manifesté, l’échiquier a soixante-quatre cases, noires et blanches, symbole de l’unité cosmique, plan du Temple, expression des rythmes cosmiques et image figée de leurs cycles. Pour les occultistes, le nombre 64 figure le symbole de l’unité cosmique dans l’épanouissement de la béatitude car, 8 x 8 n’est pas seulement le carré d’un cube ou le cube au carré, l’histoire nous apprend que c’est le nombre des mulets qui transportèrent les bagages d’Alexandre le Grand lorsqu’il partit à la conquête du monde, c’est également le nombre de la suite officielle des anciens empereurs de Chine mais aussi de ceux du Saint Empire germanique. C’est surtout la somme de la Tétraktys sacrée de Pythagore, soit 6+4 = 10. Ces correspondances sont étranges lorsque l’on sait aujourd’hui en biologie que lors de la fécondation de la femme, l’ovule se divise en 64 cellules.

Lignes verticales, horizontales et diagonales à travers lesquelles les Pythagoriciens retrouvent aisément le nombre d’or ou la Divine Proportion, soit (1 +Ö5) sur 2 = F (Phi) soit 1,618). En outre, les trente-deux cases blanches et les trente-deux cases noires de l’échiquier, ainsi que les trente-deux pièces du jeu, se recoupent avec les trente-deux signes de la Kabbale qui sont les dix Séphiroths et les vingt-deux lettres hébraïques. Analogie ou coïncidence, qui peut savoir... Ce jeu fut toujours interprété à travers le symbolisme conjoint des actes d’intelligence et des professions de rigueur.

Certes, les millions de joueurs d’échecs dispersés sur toute la planète sont bien loin de constituer une confrérie d’initiés, sinon un ordre initiatique quelconque. Mais à chaque partie ils abordent le monde des initiés. Le jeu ne débute pas par le franchissement figuré d’une porte ou par une autre épreuve comparable à une mort à l’égard du monde profane, mais il y a dans la pratique des échecs cet autre grand aspect de l’Initiation qui est LE
Passage, UN CONTINUEL PASSAGE VERS LE MEILLEUR.

C’est la perpétuelle métamorphose du néophyte d’hier à l’apprenti d’aujourd’hui, et du compagnon déjà bien exercé vers le maître–éventuel de demain. La métamorphose qui attend le néophyte est comparable à la transmutation alchimique prise au sens symbolique du mot, où vil métal et excellence de l’or représentent le premier contact et la maîtrise du jeu.

Dans son livre « Les mystères de la Cathédrale de Chartres », parlant du Graal et de l’Alchimie, Louis Charpentier compare l’échiquier à une table carrée qui est, dit-il, la quadrature du cercle. Elle doit permettre le passage à la conscience des connaissances instinctives. Table d’initiation, table de travail, table des nombres, table des logarithmes, c’est encore la table de Pythagore qui n’est pas uniquement une table de multiplication.

L’enjeu de la partie ou de la bataille c’est la victoire de l’esprit pour les blancs, du péché pour les noirs. Selon les règles, l’on joue alternativement avec les blancs et les noirs, ce qui nous ramène à l’éternelle dualité du genre humain, à la fois ange ou démon... Ce sont toujours les blancs qui commencent, avec un léger avantage appelé, suivant le langage échiquéen, « le trait ». A chaque partie, le joueur s’identifie à la couleur des pièces qui lui sont dévolues : tantôt noires, tantôt blanches. Alors commence l’éternel combat entre la lumière et les ténèbres, entre la vie et la mort, combat superbement symbolisé dans le film admirable d’Igmar BERGMAN, « le 7ème Sceau » dont le thème principal est une partie d’échecs qui se déroule entre un chevalier revenant des Croisades, quelque part dans une Europe dévastée par la peste, et une allégorie de la mort, cette faucheuse qui joue avec les noirs.

Mais qui est le vainqueur ? Celui qui connaît le mieux l’essence et la marche du Cosmos...
Néanmoins, il suffit d’un premier mouvement (le « geste » du Verbe de l’Evangile) pour que le déterminisme de la partie soit mis en marche.
Une marche dont le premier pas contient inéluctablement le germe du geste final. Dans ce tournoi où le symbole côtoie la raison le joueur, à la façon dont Monsieur Jourdain faisait de la prose, le joueur « joue », sans même le savoir, une partie où la volonté et le destin se donnent tour à tour le change...

BALZAC, rosicrucien dit-on, écrivait : « Tout ici bas n’existe que par le mouvement et par le nombre : le mouvement étant en quelque sorte le nombre agissant... » En effet, on ne se promène pas dans les nombres par la seule vertu du cerveau, seulement dans les chiffres, pas plus qu’on ne fait de musique en additionnant des notes... Il y faut une initiation au moins instinctive aux lois de l’harmonie, aux lois naturelles. Sinon, l’intellect livré à lui-même s’illusionne sur ses propres réactions et se trouve piégé dans ses illusions, comme le fou ou la tour dans leurs lignes.

Réaliser la quadrature du cercle, mes SS\, c’est transformer l’initiation instinctive en initiation consciente, raisonnée, active... Il faut enfourcher la cavale, c’est-à-dire la Kabbale, la Connaissance.

Pierre Mac Orlan disait : « Il y a plus d’aventures sur un échiquier que sur toutes les mers du monde... ».

Comme tout début d’histoire, les origines du jeu d’échecs plongent loin dans une légende qui prend ses sources en Inde ancienne, et qui prétend qu’un certains SISLA, brahmane de son état, aurait inventé le jeu de toutes pièces (c’est le cas de le dire) au 5ème siècle de notre ère. Il l’aurait fait pour offrir aux grands de ce monde un instrument capable d’aiguiser leur intelligence, tout en les distrayant. Or donc, l’inventeur proposa son jeu à son souverain en précisant un prix apparemment plus que modique, mais en fait...impayable. En effet, l’inventeur désirait se faire payer en nature, et réclama un grain de blé sur la première des soixante-quatre cases de l’échiquier, deux grains sur la deuxième, quatre sur la troisième, seize sur la 4ème, 256 sur la cinquième, 65.536 sur la 6ème, 4.294.967.296 sur la 7ème et ainsi de suite, multipliant à chaque case le nombre par lui-même jusqu’à la soixante-quatrième... Ignare et imprudent, content de s’assurer le jeu à si bon compte, le roi ordonna qu’on donnât ces quelques grains au pauvre solliciteur. Heureusement, le grand argentier de son royaume cassa à temps le marché, car il eut été impossible de le respecter. Le compte du brahmane s’élevait à plus de blé que l’on en produisait alors dans le monde.
De nos jours encore, la production mondiale de blé est loin de livrer une pareille quantité. En effet, la dette contractée par le roi correspondait à environ 2 x 10 à la 19ème puissance de grains de blé... soit 1 suivi de quarante zéros, soit dix mille milliards de milliards de milliards de milliards, ce qui était, selon les mêmes hindous, le nombre des fils du Bouddha.
Ce prix passa dans l’histoire. Mathématiques et jeu d’échecs furent confrontés là à un problème bien extraordinaire. Que les hindous aient à l’époque connu de tels nombres est un aspect fascinant de cette légende qui reste, aujourd’hui encore, un aspect des choses qui intéresse l’histoire des sciences mathématiques...

Quant à l’histoire des échecs, elle est celle de l’humanité. Pour les anciens, ce n’était pas un jeu profane. Les Egyptiens ont souvent affirmé qu’ils connaissaient la loi du Nombre, et qu’ils en avaient fait application dans le sacré et dans le profane des jeux. Datant des Hyksos, on a retrouvé un papyrus représentant Ramsès III sous la forme d’un lion jouant aux échecs avec une gazelle. L’on sait aussi qu’avant de mourir, un Egyptien de la haute époque jouait une partie d’échecs qui symbolisait le dernier dialogue entre le corps et l’esprit qui va quitter le corps.

Au Turkménistan, les Russes ont découvert une série de pièces d’échecs datant du néolithique. Mais l’ancêtre direct du jeu actuel paraît en Inde vers le milieu du 5ème siècle de notre ère. Depuis lors, le nombre de pièces et de cases n’a plus varié. A la suite d’échanges commerciaux et culturels, le CHATURANGA, comme il était appelé alors, sera exporté vers l’est, où il donnera naissance à divers jeux toujours pratiqués en Chine, en Mongolie et au Japon, et vers l’ouest en Perse, où il connaît immédiatement une immense popularité.

« Shamat » en perse signifie « Le roi est mort ». C’est à cette époque que se fixe le vocabulaire encore en usage aujourd’hui. Après la conquête de la Perse en 651, les Arabes adoptent le jeu d’échecs et vont lui donner la place prééminente qu’il occupera à notre époque médiévale.

La période européenne commence au Moyen Age. Les invasions arabes et les Croisades ensuite vont définitivement assurer l’introduction et le succès des échecs dans toute l’Europe moyenâgeuse, jusqu’en Islande et en Russie.
Haroun al Rachid a offert un jeu à Charlemagne, dont certaines pièces sont précieusement conservées à Aix-la-Chapelle. Le mot « échec » ou « eschas » apparaît pour la première fois dans la chanson de Roland.
La pratique du jeu figurera bientôt parmi les épreuves imposées aux futurs chevaliers. C’est de cette époque, d’ailleurs, que vient l’annonce faite par un joueur pour contrer la règle qui dit « pièce touchée, pièce jouée », par la formule « j’adoube ». J’imagine que la façon dont le joueur avertit son partenaire que son roi est en danger par le mot « échec », et annonce la fin de la partie par les mots « échec et mat » nous vient en droite ligne des romans courtois médiévaux.

Car les échecs occupent une place de choix dans la littérature de l’époque, et pour les femmes de l’aristocratie, c’est l’un des rares domaines leur permettant de se poser en égales des hommes. Aliénor d’Aquitaine fut une redoutable joueuse. Cependant, l’Eglise prend ombrage de ce succès, tout comme plus tard elle s’inquiéta de la FM\. Des anathèmes furent lancés par le Pape Alexandre II contre ce jeu qui, disait-il « corrompt la raison et donne des illusions de puissance... ». Heureusement, ces mesures ont peu d’effets et sont bientôt ignorées. Il n’empêche que l’interdiction de s’adonner à ce jeu figure en bonne place dans les commandements militaires et moraux des Templiers. St. Bernard est formel à ce sujet. Ses raisons d’ordre militaire étaient sans doute valables, puisque quelques siècles plus tard Léon Tolstoï fut cassé de son grade lors du siège de Sébastopol pour le motif suivant « abandon de poste pour jouer aux échecs ».

Au Moyen Age toujours, malgré sa grande vogue le jeu ne pénètre que très difficilement les autres couches sociales, en dehors des grands bourgeois et des étudiants. En revanche, les Juifs lui font un accueil enthousiaste, au point qu’il était le seul jeu autorisé pendant le sabbat.
Avant l’introduction des chiffres arabes, tous les comptes de Guillaume le Conquérant se faisaient sur un échiquier, cette fameuse table dont je vous ai parlé. Aujourd’hui encore, le ministre des Finances de Grande-Bretagne s’appelle le Lord de l’Echiquier.

Dès la Renaissance, les règles du jeu sont définitivement fixées et vont suivre l’évolution du courant des idées philosophiques. Le XVIIème siècle voit le jeu entrer dans sa période rationnelle. Rousseau, Diderot, Goethe sont des amateurs passionnés. Voltaire joue par correspondance avec Catherine II de Russie et Frédéric de Prusse.

Enfin, au début du 19ème siècle, le jeu prend une dimension internationale, et le Tournoi de Londres en 1861 marque le début de l’ère moderne des échecs, en même temps que le développement formidable de l’industrialisation en Occident. Le positivisme philosophique était entré dans les échecs. Après 1915, de nouvelles théories s’opposent point par point au dogmatisme classique. L’analyse du jeu devient d’une extrême profondeur et démontre l’importance de détails qui, passés inaperçus jusqu’alors, permettent d’organiser à partir d’eux des plans d’une rigueur scientifique.
Depuis 1948, sauf l’intermède du joueur américain Fischer de 1973 à 1975, la suprématie soviétique est totale sur le monde des échecs, sans doute en raison de la place importante réservée à ce jeu dans leur mode de vie par les Russes.

Il m’arrive de penser, lors des tensions graves qui secouent les blocs de l’Est et de l’Ouest du monde d’aujourd’hui, que des joueurs d’échecs se confrontant avec des joueurs de poker ne peuvent pas se comprendre, tout simplement parce qu’il y a là l’affrontement de deux philosophies fondamentalement différentes, l’une fondée sur le calcul et la réflexion, l’autre sur le bluff, le hasard et les sommes d’argent mises en jeu. De là, peut-être, leur éternelle incompréhension, qui sait ?

Se penchant sur les échecs, Montaigne écrivait :

« Le jeu des échecs n’est pas assez jeu ; il divertit trop sérieusement. »

En effet, d’abord, le silence est de règle aux échecs. Ensuite, c’est un chemin qui mène d’un monde où tout est hasard vers un autre monde, où toute action sort du monde pour s’inscrire dans la logique des mouvements.
La stratégie à élaborer pour gagner une partie d’échecs est fondée sur la réflexion, le calcul des risques courus, la mesure, la projection dans le temps et dans l’espace. Contrairement aux jeux de hasard, nulle place ici pour l’impulsivité, l’agressivité, les sacrifices inutiles. Pour le grand stratège que fut PATTON, un bon soldat est un soldat vivant. Ici aussi, chaque pion est irremplaçable. Pour arriver au bout d’une action entamée, il faut déployer des trésors d’énergie, de patience, développer sa puissance de réflexion, d’attention aux autres, car ON NE PEUT NEGLIGER LES AUTRES...

Nos vies se croisent, s’imbriquent les unes dans les autres comme les carrés blancs et noirs de l’échiquier. Pour nous, la liberté se conquiert chaque jour, chacune vis-à-vis de soi-même, puis vis-à-vis des contraintes imposées par la société.
Seuls, ceux qui ont pu dominer et vaincre leur nature, leurs instincts, ont pu oeuvrer utilement à la défense de la liberté dans le détachement vis-à-vis des honneurs mondains et dans le respect de la vie humaine.

Défendre son roi, c’est défendre son idéal. Essayer d’atteindre l’autre roi, c’est la recherche désespérée de l’Absolu, sans compromission, sans faiblesse et sans relâche. Au fur et à mesure de cette quête de l’inaccessible l’on se dépouille, contraint et forcé, d’une pièce et puis d’une autre, et d’une autre encore, parfois pion, parfois officier. Soudain, on se croit près du but et une joie intense vous envahit, en même temps que la peur de tout perdre en commettant une faute... Et l’on commet toujours des fautes...

Pour la Franc-Maçonne que je suis, quel que soit le côté de l’échiquier d’où je parte, la marche des pièces va toujours de l’occident vers l’orient, avec des incursions au Midi et au Septentrion, avec mille pièges à surmonter...
Alors, je pénètre dans cet espace de jeu, sacré pour l’enfant face au jeu.
La partie commence, il est Midi... un pas en avant et tout le rituel se déroule majestueusement, dans l’attention, la ferveur et le silence. Lorsqu’elle se termine, il est Minuit plein. La mosaïque est déserte mais la Foi et l’Espérance sont toujours présentes.

Une partie d’échecs, mes SS\, c’est la marche symbolique d’un homme qui, vainqueur ou vaincu, traverse sa vie...un échiquier en noir et blanc.

J’ai dit V\ M\

J\M\ S\


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