Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Hermétisme et Religion

Les religions, depuis qu'elles existent, c’est-à-dire depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours, ont été très nombreuses et ont engendré des théologies non moins nombreuses. Ces religions, ainsi que ces théologies, ont toujours été en lutte entre elles, sans arriver jamais à pouvoir s’entendre ni même à se comprendre. Aucune d'elles n'est jamais parvenu à dominer entièrement les autres ni à convertir l’humanité tout entière, malgré que ce but soit compris dans leur enseignement dogmatique, car chaque religion prétend être directement révélée par Dieu et devoir triompher un jour sur toute la terre.

Les religions ne sont jamais parvenues à établir entre elle un accord malgré une certaine communauté d’idées que l'on retrouve à travers elles et qui résulte de ce que leurs fondateur ont été le plus souvent des génies religieux qui ont entrevu les mêmes principes généraux de la vraie piété et de la vraie moralité et aussi du fait que les conceptions religieuses sont en nombre assez restreint. On n'a pas ici à s’étendre sur la question des doctrines et de la méthode des diverses religions. Ces points ayant déjà été traités.

On n'a pas non plus à montrer la divergence profonde qui existe aujourd’hui entre les dogmes des principales religion et les conceptions modernes sur l'Univers, sur sa structure et sur ses destinées auxquelles sont rattachées la vie et les destinées de l’humanité. Ces points ont été mis en lumière. Il a paru nettement que la notion de Dieu, les rapports entre le Monde et Dieu, ne sauraient plus être admis par notre intelligence. La manière de considérer les choses de la Nature et les choses de la religion a entièrement changé et l'on ne saurait plu revenir en arrière.

Or, les religions n'ont pas évolué quant au fond de leurs principes et elles ont toutes conservé le vêtement mythologique qui les rend insupportables à notre entendement moderne. Même sous la forme atténuée, symbolique, que certaines religions ont adoptée, le mysticisme fabuleux, le surnaturel transcendantal demeurent dans l'enseignement traditionnel, pour la religion chrétienne par exemple. Cela parait évident pour le protestantisme qui à conservé certaines notions par lesquelles il s’apparente encore à la mythologie et à la fable. Contentons nous de rappeler l’unicité attribué à Jésus, son impeccabilité absolue par quoi il se sépare de l’Humanité, sa filialité spéciale par rapport à Dieu, son action présente dans la scène ainsi que dans les événements du monde, enfin, la notion du miracle.

Aucune religion n'a donc rejeté entièrement les vieilles croyances que la raison et la science ne sauraient admettre. Le mysticisme est toujours à leur base et ce mysticisme s'enveloppe de formes différentes et contradictoires dans les diverses religions qui continuent à s’élever les unes contre les autre sans chercher sincèrement à se fédérer entre elles. Le pourraient-elles d'ailleurs ? Il ne faut pas oublier, en effet, que les religions sont un produit du milieu social dans lequel elles sont nées et se sont développées, d'où leur rivalité et leur antagonisme indestructibles.
Les religions ont eu leur utilité en tant que facteurs d’évolution à un moment donné et leurs théologies ont été des développements nécessaires de l’enseignement qui se transformait, mais il n'en est plus de même actuellement, les religions s’étant cristallisées c’est-à-dire figées et demeurant en arrière du mouvement qui entraîne à notre époque la science, les peuples et les civilisations vers quelque chose de nouveau, vers un bouleversement radical de nos idées et de notre action.

Néanmoins, les vieilles religions ne sont point mortes. Elles conservent de la vitalité et défendent leur existence menacée et chancelante avec une âpreté qui anime les vieillards qui ne veulent point mourir. Cependant, le coup funeste leur à été porté dans leur être le plus intime et elles ne s'en relèveront point. Elles s’évanouiront lentement mais sûrement, comme l'ont fait leurs devancières dans les temps lointains et elles cèderont la place à des formes religieuses plus jeunes et différentes qui s'empareront à leur tour, pour un tempo déterminé, de quelques certitudes ainsi que de quelques croyances dont l'esprit moderne a fait la conquête.

Voyons maintenant avec toute la prudence qui s’impose en un pareil sujet, quelle parait devoir être l’évolution religieuse, de la pensée actuelle et future et en quoi il est permis d’espérer qu’elle accomplira un progrès réel, un acheminement plus rapide entre la raison et la foi, entre l’intuition et l’expérience, entre le sentiment et la logique, grâce à quoi se constituera la Religion de la Science et la Science de la Religion.
On trouve les bases de ce développement religieux philosophique et scientifique dans la tradition de l’hermétisme dont la tradition ésotérique s'est poursuivie et se poursuit à travers des siècles depuis une époque très reculée et que l’on peut faire remonter à quelques milliers d’années. Cette tradition est renfermée dans les mystères égyptiens, dans les enseignements initiatiques de l'Inde et de la Perse, ainsi que dans la Kabbale juive qui reflète les connaissances des penseurs de l'Orient.

Cette tradition, nonobstant les réserves que l'on doit apporter, constitue la vraie synthèse religieuse, scientifique, morale et sociale, car elle repose à la fois sur l'intuition métaphysique sur le mysticisme naturaliste, sur le raisonnement philosophique et sur les conquêtes positives et progressives de l’expérience, sur l’exploration et l'approfondissement continus du domaine illimité de la Nature.

Certes, il est indéniable que l'imagination, souvent fantaisiste, s'est mêlée à l'observation, à la pensée, à la contemplation et à la recherche. Il en est de même, d'ailleurs, dans toutes les connaissances humaines qui ne s’édifient que lentement par un travail incessant de critique et d’élimination. Il n'en reste pas moins que la méthode générale appliquée par les adeptes de l’hermétisme s'appuie sur la logique, qu'elle scrute inlassablement la Nature sous toutes ses formes et qu'elle n’abandonne jamais le terrain solide du Monde auquel l'homme appartient et de qui il reçoit les influences intellectuelles et spirituelles.

L’hermétisme a clairement démontré l’Unité essentielle de toutes les religions et le lien qui les unit sous les diverses apparences dogmatiques, symboliques et allégoriques. En effet, l’explication ésotérique des religions les ramène toutes à une base unique qui est l'astronomie. Tous les mythes religieux retracent le mouvement des planètes, du soleil et des constellations, mais en prêtant une apparence humaine à cette révélation scientifique personnifiée en un Dieu descendu sur notre globe et incarné dans l’humanité. Ce Dieu-homme, né au solstice d'hiver, meurt puis ressuscite à l’équinoxe du printemps. Les théologies ont agrémenté d'une foule de définitions allégoriques, et parfois même philosophiques, ce culte solaire universel. Contentons-nous de rappeler l’introduction du principe platonicien, le Logos dans la religion chrétienne, ce qui a donné lieu à la construction progressive du dogme trinitaire et des autres dogmes.
Nous ne nous étendrons point davantage sur cette matière bien connu aujourd'hui du public et qui a été mise en lumière par de nombreux écrivains, depuis l'apparition du grand ouvrage de Dupuis : L'Origine de tous les cultes.

La synthèse religieuse de l’hermétisme introduit donc la science de l’Univers dans son explication positive des apparents mystères qui nous entourent et elle ne quitte point cette voie en recourant aux principes de l’astrologie, l’alchimie, de la magie et des arts divinatoires. L’astrologie étudie les influences des astres sur les événements physiques et organiques, sur l’évolution de la terre et de l’humanité, influences reconnues aujourd'hui de nouveau par la science officielle qui affirme à son tour, après avoir raillé les anciens, que le soleil, la lune, les planètes ont une action électromagnétique sur les êtres et sur leurs déterminations.
L’alchimie n'est autre que l’étude du transformisme atomique, de la transmutation perpétuelle des éléments chimiques qui constituent l'Univers entier.

La magie qui comprenait les sciences précédentes et qui étudie spécialement les forces cachées de la Nature a constitué, il ne faut pas l'oublier, la science primitive et c'est d'elle que sont sortis la physique, la chimie, le magnétisme, l'hypnotisme, psychisme, de même que c’est de l’astrologie qu'est sortie la connaissance des nombres, base des mathématiques de la géométrie, de l’algèbre, etc. C'est sur la magie que repose encore aujourd’hui tout le ritualisme des cérémonies religieuses ainsi que la plus grande partie de la liturgie.

Enfin, les arts divinatoires reposent sur le déterminisme parfois prévisible par certains moyens intuitifs associés au raisonnement, des phénomènes et des événements qui forment la trame des destinées du monde et des hommes.
On voit par ce que nous venons de dire que l’hermétisme constitue la véritable connaissance religieuse qu'il explique les symboles et les fables de toutes les religions et qu’il s’élève au-dessus de toutes ces croyances en s’inspirant de l’esprit pur, libéré de tous les dogmatismes contradictoires et autoritaires, et toutes légendes qui enveloppent le sentiment religieux et empêchent d'atteindre le centre divin d'ou rayonne la lumière éternelle que ne souille aucune invention puérile ou mauvaise, aucune imagination dévergondée ou erronée, c’est-à-dire préoccupée d’intérêts humains.

L’hermétisme conduit à la religion universelle qui ne reconnaît que le Dieu insondable et vivant, d'autre culte que le culte du Vrai, du Beau et du Bien.
L’hermétisme, tout en s’élevant à Dieu par un sentiment profond de foi et d’amour, s'est toujours livré à une spéculation intellectuelle très complète et très hardie de Dieu qu’il n’a jamais conçu comme un être personnel ainsi que le font la plupart des religions, mais qu'il a toujours regardé comme l'Etre des êtres, la Puissance éternelle, absolue, infinie et, par conséquent, insondable en son essence, inconnaissable en lui-même, nais connaissable par sa manifestation au sein de la Nature, du Cosmos.

Pour l’hermétisme, Dieu et le Monde sont Un dans leur principe et ne peuvent être considérés séparément l'un de l’autre, le monde ne pouvant être une création au sens propre du mot, mais plutôt une émanation, car l'infini contenant tout, enfermant toutes les propriétés et toutes les possibilités contient le fini, produit l'acte, renferme l'affirmation en même temps que la négation, c’est-à-dire qu'il unifie les contraires. Ces contraires ne sont d'ailleurs, existants que dans la pensée humaine. Il n'y a point d'antinomies au sein de Dieu.

Symboliquement, Dieu peut être conçu comme l’Intégrale et le monde comme sa dérivée ou sa différentielle.
Cette dérivée, croissance de l’Intégrale, ne peut jamais être intégrée d'une façon absolue et c'est pourquoi le monde tendait vers l'harmonie, vers la perfection sans jamais pouvoir les incarner absolument. C’est ce qui explique l'imperfection du monde et des êtres par rapport à Dieu et cela serait la fameuse raison de la chute fatale et nécessaire résultant de la connaissance et qui contraint le monde à poursuivre inlassablement un retour toujours plus grand vers sa source, mais néanmoins toujours approximatif.

Et c'est cette définition symbolique donnée par l'analyse des hautes mathématiques qui permet de considérer Dieu comme étant la synthèse et le monde comme étant la substance anarchique, et c'est cette explication figurée qui permet de construire l'Univers à l'aide de la représentation des sphères et des hypersphères s’enveloppant et se pénétrant réciproquement, réalisant une unité sous des formes multiples, mais au fond identiques, la sphère étant la courbe illimitée tracée par l’infini refermant sur lui-même pour s’ouvrir à nouveau par l’hyperbole, courbe s’ouvrant sur l’infini. C'est toujours le même et la même vie, l’infini absolu s’opposant dans un fini, dans un espace et dans un temps qui ne sont que relatifs, dans une imperfection qui s’évanouit dans l'harmonie du Tout.

II est impossible, en saine philosophie comme en pure religion, de séparer Dieu et le Monde, de regarder le Monde comme une création, c’est à dire comme une apparition dans l’infini et dans l’Eternité, comme extériorisation volontaire et libre.
Il ne peut y avoir de création au sein de l’infini et de l’éternité qui ne comporte pas de moment ni de commencements dans le temps, puisque le temps n’existe pas en Dieu.
Il en résulte que le Monde est consubstantiel à Dieu, que le limité est posé par l'illimité dont il n'est qu'une expression formelle.

Le Monde ne peut résulter de désirs ou de mouvements extérieurs car en Dieu il ne peut exister de changements et si le Monde provenait d'un mouvement, il faudrait supposer que Dieu ne remplissait point toutes les conditions du bonheur de l’harmonie puisque un être contenu en lui voulait sortir de Dieu et vivre de sa propre vie, ce qui est impossible, absurde et contradictoire avec l’idée de Dieu. La thèse soutenue par M. Julien Benda dans son livre « Essai d’un discours sur les rapports existant entre Dieu et le Monde » est donc fausse, contradictoire, philosophiquement parlant, non valable. On ne peut différencier radicalement l'Etre conçu comme Dieu et le même Etre conçu comme Monde. Cette différenciation ne peut être que relative comme l'est, par la représentation de l’intégrale et de la dérivée issue d’un Univers divin par son principe s’épanouissant sous forme de sphères figurant les espaces non euclidiens à plusieurs dimensions renfermées les unes dans les autres comme la 4e dimension renferme les 3 dimensions connues et comme l’hyperespace ou l'hyperespace renferment les sphères et les espaces à dimensions moindres (1).

Le Monde ou univers fini, c’est-à-dire considéré par nous comme terminé, représenterait par conséquent l’opposition le l’infini à lui-même, l’opposition que la forme de notre pensée nous contraint à admettre bien qu’en vérité il ne nous soit pas possible de dépasser ici le domaine des hypothèses. Les antinomies, Kant l’a prouvé magistralement dans sa « Critique de la raison  pure » ne relèvent que de la forme de notre connaissance de notre entendement. Nous sommes donc obligés de nous soumettre à cette loi de la raison humaine, mais il faut toujours nous souvenir que ces principes ne sont valables que pour notre propre mentalité qu'ils ne possèdent point un sens absolu.
Ceci dit, le symbole mathématique de l’intégrale et de dérivée est d'un usage commode et fécond en la circonstance. La dérivée est indéfinie mais non infinie et ne se confond pas avec l'infini vers lequel elle tend par intégration et de qui elle est en quelque sorte sortie.

Le Monde ainsi considéré comme l’émanation éternelle de Dieu n'est donc point parfait. Il s’éloigne, s’écarte de l’absolu se différentie de lui par des dérivées successives qui sont les causes secondaires. De cet état d'imperfection, d’individualisation, de séparation, de division, proviennent ce que nous appelons d'une façon relative le mal et la souffrance, mais d'autre part, le monde qui renferme en lui le principe divin aspire continuellement à revenir à lui et à se conjoindre à l’absolu. Le corps de Dieu, constitué par l’émanation originelle veut et doit former une unité avec l'esprit qui lui donne naissance et c'est pourquoi il est animé d'un mouvement d’évolution qui le porte à rechercher et à retrouver la réintégration dont l’écart l'a éloigné.
Cet écart constitue ce que les religions ont appelé la chute ainsi que nous l'avons dit, mais cette chute n'est point imputable à un péché et elle n’est point un mal. Elle est l'effet de la constitution même de Dieu. Elle résulte de sa propre nature de sa puissance absolue, infinie et éternelle qui anima tous les êtres et les ramène sans cesse à elle par les états successifs formant le développement de la conscience à travers la vie. C’est Dieu lui-même que la conscience retrouve au plus profond d’elle-même lorsqu’elle est purifiée, et le double mouvement apparent de chute et de rédemption n'est en fait qu'un en réalité. C'est une pulsation, c’est un souffle continu d'exhalaison et d’aspiration.

La religion révélée par l’hermétisme consiste donc, on le voit, dans une manière intellectuelle et morale de penser le monde et de vivre afin d’effectuer le retour à Dieu, principe vivant de l’Unité et de l’Identité de tout être et de toute chose puisque Dieu est l'esprit animateur du Cosmos qui réalise son organisme, son corps visible et invisible. La marche ascendante consiste en une évolution du particulier vers l'Universel, du limité vers l’illimité, du fini vers l’infini, du relatif vers l'absolu, du déterminé vers l’indéterminé, de l'imparfait vers l'harmonie, de la dérivée vers l’intégrale. Le mouvement dérivatif ou différentiel de la désintégration constitue le mouvement d’involution. Les deux oscillations de l’être sont éternelles et simultanées. La contemplation bienheureuse nous apporte ainsi la connaissance scientifique et la connaissance philosophique et morale en une synthèse positive, logique et rationnelle qui n’exclut aucun attribut de notre être, aucune qualité de notre intelligence ou de notre âme baignant dans l’âme divine et universelle de la Nature, épouse et fille de Dieu. Cette contemplation, en illuminant notre esprit, l’unit à l'esprit de la source éternelle d'où il provient et cette union plonge tous ceux qui l’atteignent dans ravissement ineffable d'amour et d'adoration car la plus haute spéculation intellectuelle grave, sereine, mais non austère se revêt d'une poésie sublime et sacrée qui inspire et transfigure les grands mystiques de la pensée et les génies immortels pour qui les barrières du temps et de l’espace s’évanouissent devant la révélation de la vérité conquise.

Tous, tant que nous sommes dans l’immense Univers sur les terres innombrables où l'on souffre, où l'on cherche et où l’on meurt, nous sommes appelés à la sérénité et au savoir parce que nous sommes solidaires les uns des autres et que le même être réside dans chacun de nous. Convient-il de fixer d'une façon définitive et des cadres rigides, des règles de conduite permettant de parvenir à nous détacher des chaînes qui nous retiennent prisonniers et qui nous empêchent de gravir les cimes que nous entrevoyons ? Doit-on, à l’exemple des religions, conformer l'existence aux lois du code moral immuable et figer la vie dans une attitude unique, la limiter par une discipline étroite ?
Non pas. Les âmes et les esprits ne sont pas tous coulés dans le même moule, et la manière de voir et d'envisager les choses varie avec les individus. On se gardera bien, toutefois, de conseiller l’ascétisme comme le font plusieurs grandes religions et certains systèmes philosophiques qui considèrent la vie comme essentiellement mauvaise ou comme radicalement viciée par un péché originel et qui ne trouve le salut que dans l’abandon de toutes les satisfactions terrestres et de tous les efforts intellectuels et artistiques aboutissant ainsi à un pessimisme non moins faux que l'optimisme béat et à la négation, plus ou moins totale, du Monde.

Rien n'autorise à considérer la vie comme une erreur ou même le résultat d'une faute préhumaine ne pouvant être rachetée que par un châtiment continuel, que par une souffrance volontaire ayant pour effet de détruire tout désir, toute passion de conduire à l’anéantissement de la personnalité de l’individualité. La pratique de l’ascétisme, en fatiguant le corps par des privations, provoque simultanément la faiblesse de l’âme et de l'intelligence, ouvrant ainsi la porte aux maladies physiques et mentales dont ne nous donnent que trop d’exemples les biographies des mystiques appartenant aux diverses religions et aux diverses sectes.

On se souviendra que le Bouddha Chakya-Muni n'atteignit la Connaissance parfaite qu’après avoir renoncé à l’ascétisme qui le déprimait et que Jésus de Nazareth, pas plus que Zoroastre et que Mahomet, ne conseilla ni ne pratiqua l’ascétisme.

Il ne s'agit point de supprimer en nous l’énergie vitale, mais de l’équilibrer, de la rendre rythmique, c’est-à-dire harmonieuse, par une discipline forte et constante. II s'agit de supprimer progressivement l’égoïsme exagéré, manifestation de la force centripète donnant naissance aux passions désordonnées aux abus de toutes sortes et de le convertir en un principe régulateur, modérateur, susceptible d’ordonner l’être à l'image de l’ordre divin immanent à nous, source de l'altruisme et de l’abnégation.

Il est impossible sur cette terre de vaincre entièrement l’égoïsme qui est le pivot de la vie individuelle et déterminée. Et, si un tel résultat était atteint, notre être sombrerait dans le néant absolu, dans l'inconscience totale car tout état de conscience est lié à une forme plus ou moins haute et plus ou moins large du moi. Dieu ne peut être conçu lui-même comme dénié de la conscience, sinon personnelle ce qui serait l’anthropomorphiser du moins d'une conscience d'un degré poussé jusqu’à l'infini. L’infini inconscient équivaudrait au néant.

L’ascétisme le plus radical ne dépouille d'ailleurs point l’être de toute conscience ni de tout désir, car les ascètes meurent au monde des sens pour acquérir les splendeurs et les voluptés ineffables du monde céleste. Donc, il ne nie point la vie, mais seulement une certaine forme de vie. Et ce n'est que par apport à la vie surnaturelle que la vie présente est considérée comme mauvaise. Elle est le néant en face de l'existence divine, comme la vie divine est néant en face de la vie corporelle. Il n'y là qu’une façon spirituelle de concevoir deux formes opposées de la vie, vie identique en son essence.

Mais comme nous venons de le dire, l’ascétisme est une exagération de l’âme dont elle entrave le progrès, contrairement au but qu’il se propose. I1 ne s'agit point de rechercher la douleur et de supprimer tout désir et toute passion. Il s’agit, répétons-le, d’ordonner la vie conformément à l'ordre divin universel, d’attirer en soi la lumière, la bonté, la fermeté et la justice et de rayonner autour de soi ces diverses qualités. Il faut transmuter les valeurs morales afin de réaliser un monde meilleur, plus élevé que le nôtre et ce n'est que par l’évolution de nos consciences et de nos âmes que nous parviendrons à édifier le royaume de Dieu sur la terre et ailleurs, au moyen sans doute, des vies successives qui nous achemineront davantage chaque fois, et par les efforts répétés, vers le but de plus en plus clair et visible à nos regards.

Ne brûlons pas les étapes trop vite. Une course rapide n'est permise qu'aux plus vaillants, mais, en dehors des héros parfois téméraires il y a la foule innombrable des hommes moyens, dont la vigueur intellectuelle et morale ne saurait affronter de terribles combats avec le dragon qui nous dévore si on ne le terrasse. On ne saurait demander à cette foule d'abandonner sans idée de retour les joies courantes et nécessaires de l’existence quotidienne. Sans parler de l’ascétisme que l'on estime inutile et dangereux, il est hors de doute que le changement complet d’existence ne saurait être effectué par la masse des individus et que la morale consiste pour eux dans la recherche d’un équilibre harmonieux de leurs besoins instinctifs et de leurs passions diverses, dans le travail patient grâce auquel ils s’élèveront et grâce auquel ils constitueront un monde supérieur d’une plus haute dignité.

Evidemment, n'est pas sous la forme terrestre que l'on atteindra l’infini, l’absolu, ni le bonheur éternel, mais cela ne signifie point que l’infini soit la négation de la vie, de la conscience, de l’intelligence et de l'amour, que tout soit néant au regard de Dieu.
Pour la religion dont nous venons de poser les linéaments, pour la religion, à la fois métaphysique et scientifique, qui considère Dieu et le Monde comme les deux faces d'un seul et même être, la perfection suprême consiste dans une union étroite et consentie, mais jamais absolue, entre les deux principes dont l’un est le centre inconnaissable et dont l'autre est le cercle de l’illimité et de l’indéfini qui trace la courbe éternelle autour du point dont elle est issue et qui le constitue.

J\ C\

1- On pourra représenter la forme cylindrique de l’Univers en disant que l’intégrale considérée comme Dieu engendre la dérivée prise comme droite génératrice, laquelle engendre en se déplaçant une surface cylindrique. Ainsi l’Univers, avec sa structure géométrique, sort-il du principe infini et absolu que l’on appelle Dieu.
Dans l’hypothèse d’un Dieu hyperbolique, il faudrait supposer la formation d’un cône circulaire droit et la section de ce cône par un plan parallèle à deux génératrices. Le mouvement des lignes de l’univers serait engendré par le cercle ou la sphère et le cône donnerait naissance à l’hyperbole qui serait le résultat des mouvements dérivés de l’intégrale primitive.


7215-1 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \