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Le Nom sacré et le dénaire séphirotique

Parmi les dix noms sacrés que porte le Dieu d'Israël (1), il en est un, particulièrement sacré et mystérieux, que le grand Prêtre ne prononce qu'une fois l'an devant le peuple assemblé dans le temple, mais en agitant si fortement les sonnettes, qui garnissent son habit sacerdotal que le peuple ne peut l'entendre.

Ce nom sacré, c'est le nom de quatre lettres, le Tétragramme : IÉVÉ. Il n'est prononcé qu'avec mystère, parce que son analyse nous révèle l'essence de Dieu.

La première lettre (IOD) exprime l'Etre de Dieu, le caractère absolu et éternel de son essence, ce par quoi il est Celui qui est, la substance qui n'émane de rien et de qui tout émane, l'Etre en soi et par soi.

Mais cet Etre n'est pas une abstraction, un résidu de concepts, le terme d'un raisonnement verbal, L'Etre divin est un Etre vivant : il est la Vie et rien de ce qui est vivant n'a la vie que par Lui. C'est ce second caractère de l'essence de Dieu qu'exprime la seconde lettre du Tétragramme (Hé).

Si l'Etre divin est aussi la Vie, il ne l'est pas dans le sens relatif et obscur de cette vie partielle et transitoire qui appartient aux êtres plongés dans la matière et revêtus de véhicules corporels. Il est la Vie en soi, la Vie intelligible, transparente à elle-même, se possédant dans toute la plénitude de ses vertus surnaturelles, parce qu'elle est tout entière éclairée de la lumière de l'Esprit. Et c'est cet aspect de Lumière spirituelle, comme troisième caractère de l'essence de Dieu, qu'exprime la troisième lettre du Tétragramme (Vau).

Mais ces trois aspects de l'essence de Dieu ne représentent-ils pas les trois personnes divines que la Théologie catholique reconnaît dans la Trinité ? L'Etre, c'est bien en effet le Père ; et la Vie, c'est le Fils ; et la Lumière, c'est l'Esprit Saint (2). Et la quatrième lettre du Tétragramme, qui répète la deuxième (Hé) et découvre ainsi pour la seconde fois la Vie en Dieu, n'aurait-elle pas précisément pour fin de montrer dans cette Vie nouvelle la manifestation objective de l'unité intérieure des trois Personnes, ou bien faut-il y chercher un quatrième, aspect de l'essence divine ? (3).

L'Exode (XXXIV, 6-7) compte en Dieu treize Middoth ou propriétés essentielles. Nous connaissons déjà les trois premières, qui sont les trois Personnes de la Trinité. Les dix autres correspondent aux dix Sephiroth de la Kabbale juive (4). mais S'il en est ainsi, c'est la première des dix Sephiroth (Kether ou la Couronne) que désigne la quatrième lettre du Tétragramme c'est-à-dire que la Trinité apparaît entourée d'une sorte d'aura ou de couronne par laquelle et dans laquelle s'exprime la Vie divine, non Plus en tant que Personne distincte de la Trinité, mais en tant que reflet ou rayonnement de la Gloire de Dieu Pris en soi, dans son unité substantielle (En Soph) (5). Cette couronne, saint Jean, dans l'Apocalypse (IV, 2), l'aperçoit comme un arc en-ciel autour du Trône de Dieu, parce qu'elle est composée de sept rayons qui ne peuvent être que les sept Esprits devant le Trône (6).

La vie intérieure de Dieu, dans l'indivision de la Substance et la distinction des Personnes, s'objective ainsi en un rayonnement de gloire qui constitue ce qu'on peut appeler le Plérôme divin (7) et achève de manifester la Perfection de l'essence divine par une sorte d'atmosphère spirituelle dont les virtualités vont maintenant se développer à l'infini.

En effet, les neuf Sephiroth qui suivent ne sont pas autre chose que les neuf chœurs angéliques dont parle la tradition catholique ou les hiérarchies créatrices qu'enseigne l'occultisme des Rose-Croix.

Je sais que ce tableau ne satisferait pas la plupart des initiés (8), parce qu'ils rattachent le premier ordre angélique (Haioth Hakkadosh ou Séraphins) à la première Séphirah (Kether ou la couronne). Mais, dans ce cas, comment peuvent-ils désigner les Séraphins par le nom d'Animaux de Sainteté ? La Révélation de saint Jean est formelle sur ce point ; les quatre Animaux qui sont autour et au milieu du Trône de Dieu viennent après les sept Esprits qui sont devant le Trône et, par conséquent, ne peuvent pas se rapporter à la première, mais à la seconde Sephirah (Hochmah ou la Sagesse). Aussi Khunrath désigne-t-il les Haioth Hakkadosh du nom d'Intelligences providentielles, ce qui les fait rentrer ni dans la première, ni dans la troisième, mais bien dans la seconde Sephirah. Et que, d'autre part, les Sept devant le Trône ne font pas partie des hiérarchies angéliques, cela résulte du onzième verset du septième chapitre de l'Apocalypse, d'après lequel les anges environnent seulement les quatre Animaux et les vingt-quatre vieillards.

La symbolique des nombres confirme ces vues. Dix est le nombre parfait (9). Or l'essence de Dieu, tout d'abord manifestée dans la Trinité, ne s'explicite vraiment tout entière que dans le plérôme divin qui l'enveloppe d'un rayonnement de gloire. Et ce plérôme est précisément constitué par les Sept Esprits qui sont devant la Face de Dieu, ce qui donne bien au total le nombre dix. Ces quatre aspects de l'essence divine se retrouvent dans la première des hiérarchies angéliques : les quatre Animaux ou Vivants, qui sont aussi les Roues du char d'Ezéchiel (X, 12). Mais, tandis que les Sept forment une couronne devant le Trône de Dieu, les quatre sont placés autour et au milieu du Trône, parce que trois d'entre eux reflètent chacun autour du Trône (et c'est pourquoi ils sont couverts d'yeux qui ne se ferment jamais et sont appelés Veilleurs ou Egrégores dans le Livre d'Hénoch) l'un des trois premiers aspects de l'essence divine dans la Trinité, et le quatrième le dernier aspect, au milieu du Trône. Disons dès maintenant que le Vivant qui se tient ainsi au milieu du Trône est un Ange à figure d'Homme. Enfin, autour des quatre Vivants sont placés les vingt-quatre Vieillards, ainsi nommés en raison de leur blancheur immaculée, symbole de la pureté céleste et de l'immortalité glorieuse. Puisqu'il y a trois Vivants autour du Trône, les vingt-quatre Vieillards doivent être répartis en trois séries de huit : par ces trois séries ils se rattachent aux trois aspects de l'essence divine dans la Trinité et, par le nombre huit de chacune de ces séries, ils doublent le nombre des quatre Animaux ou Vivants pour signifier qu'ils expriment, en le développant par lui-même, le quatrième aspect de l'essence divine, telle qu'elle est manifestée dans le plérôme. Les trois séries de huit que forment les vingt-quatre Vieillards correspondent aux huit dernières Sephiroth, dont la dixième porte le nom remarquable de Royaume.

Il y a en effet dans cette objectivation ou expansion de l'Essence divine, qui de la Trinité se développe et descend à travers les Sept Esprits, les quatre Vivants et les vingt-quatre Vieillards jusqu'au Royaume, une gradation qui détermine la hiérarchie des ordres ou chœurs angéliques et dessine, de la sorte, la structure de ce qu'on peut appeler la Sphère de Dieu. Cette gradation, d'ailleurs purement métaphysique et tout entière immanente à l'éternité, est déjà énoncée dans le Livre de Daniel (VII, 13-14) où il est dit qu'au Fils de l'Homme sont données la gloire, la puissance et la royauté. Elle est explicitement formulée dans l'oraison dominicale du rite orthodoxe qui s'achève par la formule (10) : « car vous êtes la Gloire (Doxa), la Puissance (Dunamis) et la Royauté (Basileïa) à travers les éons ». Nous savons déjà que la Gloire est exprimée par la première Sephirah (Kether ou la Couronne) ; nous venons d'apprendre que le Royaume se rapporte à la dernière Sephirah (Malkuth). Qu'est-ce à dire, sinon que la Puissance est représentée par les huit Sephiroth intermédiaires ? Nous avons ainsi au-dessous de la Gloire, que la Kabbale juive appelle Kabod, toute la hiérarchie des Puissances angéliques et finalement le Royaume, les Puissances et le Royaume constituant le domaine où s'exerce ce que la Kabbale juive désigne du nom de Shekinah (11).

Les trois stades dans lesquels nous avons vu se développer au sein de l'éternité l'articulation de la Sphère divine forment dans leur ensemble le premier monde, que la Kabbale juive appelle monde de l'émanation ou Atsilouh et que certains occultistes désignent du nom de Manifestation informelle.


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