Obédience : NC Site : http://www.cnrs.fr 15/10/1996

Le Crâne

 

L'élaboration et l'évaluation de systèmes de protection de la tête humaine passent par une bonne compréhension de son comportement dynamique en situation de choc. Jusqu'à présent, l'agressivité d'un choc était définie à partir d'expériences où la tête était considérée comme un tout homogène, ce qui est correct pour les chocs longs (plus d'une quinzaine de millième de seconde). Mais pour les chocs courts, il est nécessaire de tenir compte des mouvements du cerveau à l'intérieur de la boîte crânienne. Des chercheurs du Laboratoire des systèmes biomécaniques de l'Institut de mécanique des fluides de Strasbourg (LSBM-IMF), CNRS-Université Strasbourg 1, ont développé un modèle mathématique par éléments finis de la tête, qui a la particularité de distinguer les principaux éléments constitutifs du complexe crâne - liquide céphalorachidien - cerveau. Ce modèle a été validé et les résultats de l'expérience et de l'analyse numérique ont ensuite servi à la réalisation d'un modèle physique. Le principe retenu pour la réalisation d'un nouveau prototype de tête de mannequin est celui de deux masses reliées par un système de liaison tel que la signature mécanique de l'ensemble soit identique à la réponse en fréquence de la tête in vivo. Ces travaux devraient conduire à la mise au point d'une nouvelle méthode d'évaluation de la sévérité d'un choc.

Les traumatismes crânio-encéphaliques sont une importante cause de décès chez les moins de vingt ans. Cette pathologie apparaît donc comme un véritable fléau social. L'optimisation de la protection de la tête est une nécessité d'autant plus grande que le nombre de véhicules ainsi que leurs vitesses ne cessent d'augmenter. Pour évaluer et élaborer des systèmes de protection au choc de la tête humaine, il faut étudier le comportement dynamique de la tête, établir les mécanismes de lésions en détectant le processus biomécanique qui y conduit. Il s'agit ensuite de chiffrer les limites de tolérance des paramètres lésionnels, c'est-à-dire des grandeurs mécaniques qui déclenchent le processus de lésion.

Puisqu'il n'est évidemment pas possible d'étudier expérimentalement l'influence d'un choc violent sur une tête humaine vivante, les chercheurs du Laboratoire des systèmes biomécaniques de l'Institut de mécanique des fluides de Strasbourg (CNRS-Université Strasbourg 1) ont été conduits à inventer des modèles mathématiques de la tête. Un des plus complets est formé de 4 174 éléments-brique qui modélisent le cerveau et le liquide céphalorachidien, de 247 éléments membranaires pour la faux du cerveau (replis) et la tente du cervelet (prolongement de la dure-mère), de 1 296 éléments-coque pour la boîte crânienne. Des caractéristiques mécaniques et élastiques ont été données à chacun de ces éléments.

Le calcul montre que la tête est un système capable de vibrer à deux fréquences principales : l'une autour de 100 Hz correspond à des déplacements du cerveau à l'intérieur de la boîte crânienne, l'autre à 700 Hz est liée à la déformation de la boîte crânienne. En fait la fréquence de 100 Hz est multiple. Elle se décompose en trois vibrations à 89, 97 et 103 Hz correspondant chacune à un mouvement différent du cerveau :

- rotation globale du cerveau pour 89 Hz, avec déformations maximales (donc lésions possibles) dans la région occipitale et latérale, ainsi que près de la voûte ;

- rotations différentes des deux hémisphères à 103 Hz avec déformations maximales au niveau de la voûte et des lobes frontaux ;

- seconde rotation globale du cerveau à 103 Hz, mais autour d'un autre axe qu'à 89 Hz, avec déformation maximale au niveau des lobes temporaux et de la voûte du crâne.

Pour un choc court (4 millisecondes), d'énergie 13 Joules, le déplacement relatif du cerveau et du crâne atteint 1,5 millimètres dans la région du dôme. Pour un choc de même énergie mais de durée plus longue (12 millisecondes) le déplacement n'est plus que de 0,4 millimètre et pour un choc encore plus mou (40 millisecondes) il n'est plus que de quelques centièmes de millimètre. La tête se comporte alors comme un tout homogène.

Pour une même énergie de choc, de durée supérieure à 12 millisecondes, l'accélération maximale est inversement proportionnelle au carré de la durée du choc. Dans ces conditions, le risque maximum est obtenu pour des durées courtes (moins de 20 millisecondes). Il est lié aux déformations propres du cerveau. Pour les chocs plus courts (entre 3 et 10 millisecondes), les mécanismes des lésions sont dûs aux mouvements du cerveau à l'intérieur du crâne, correspondant aux trois modes de vibrations situés aux alentours de 100 Hz. Pour les chocs très courts (moins de 3 millisecondes) ce sont les déformations du crâne qui prédominent, en liaison avec le mode de vibration de 700 Hz.

L'étude des traumatismes crâniens nécessite ensuite une bonne compréhension de l'interaction tête-structure impactée au moment du choc. Pour cette raison, mais aussi pour imaginer les normes du futur, la modélisation physique (mannequin) et les essais de chocs réels restent indispensables. Les résultats de la modélisation numérique ont alors été transposés au modèle physique. Le principe retenu pour la réalisation du prototype est celui de deux masses reliées par un système de liaison tel que la signature mécanique de l'ensemble se superpose à la réponse en fréquence de la tête in vivo. Dans sa version finale, le prototype est capable de reproduire le découplage cerveau-crâne à 100 Hz dans une direction quelconque du plan horizontal. Ces travaux doivent conduire à de nouvelles méthodes expérimentales d'évaluation objective de l'agressivité d'un choc.

Ces modèles devraient entre autres permettre d'améliorer la conception de toute structure susceptible d'être impactée ou heurtée par la tête, telle que : revêtement de sol, volant, tableau de bord, pare-brise,... ou encore la mise au point de nouveaux casques " intelligents ". Ces nouvelles structures ne se contenteront plus d'amortir globalement le choc, mais permettront d'éviter certaines durées et formes de chocs particulièrement nocives.

Pour des informations complémentaires, contacter les chercheurs, en cliquant ici

(*)Modèle mathématique tridimensionnel du comportement mécanique du complexe crânio-encéphalique: on distingue l'hémisphère, le tronc et l'hypothalamus, le cervelet et le liquide céphalorachidien.


Références :

-Kang H. S., Willinger R., Diaw B. ; Champ de pression intracérabral en cas de traumatisme crânien ; Congrès du GAMI : Choc, Bruit et Vibration ; Lyon 1996
-Taleb L., Willinger R., Kopp C. M.; Modélisation tridimensionnelle de la tête humaine par la méthode des éléments finis ; 12ème Congrès de Mécanique, Strasbourg 1995
-Willinger R., Taleb L., Kopp C. M.; Modal and temporal analysis of head mathematical models ; Journal of Neurotrauma, 12, N 4, pp 743-754  

7192-1 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \