GLMFMM Loge : Etoile d'Egypte - Orient de Marseille 05/11/2007


Le Bâton


Sans le comparer, loin s'en faut, au Bâton de Maréchal qui est une récompense des mérites du soldat
valeureux ou une récompense pour hauts faits accomplis, j'ai tenu à rendre hommage – et cela va de soi dans une « planche » - au bâton reçu lors de mon Initiation, gravé à mes nom et grade, portant les couleurs de notre Rite, le premier qui m'ait été dédié.

Le Frère Expert doit se douter de mon inévitable recherche sur son étymologie : il est dérivé du latin bastare signifiant porter et spontanément j'ai appliqué ce terme au premier Degré en posant fièrement sur mon épaule l'arbre de mon voyage...
S'il n'est pas pourvu d'une faculté magique comme le bâton du sorcier ou la baguette de la fée, il m'a si fortement inspiré qu'il s'est mué en balai de sorcière, me permettant de l'enfourcher et de remonter jusqu'à l'aube des temps, où débute son histoire.

Dès que l'homme a ramassé ou brisé une branche d'arbre, le bâton est né. Cet attribut le distingua d'abord de la bête et ce fût le premier instrument lui servant à reproduire et à transmettre le feu indispensable à sa survie et à son développement, à creuser la terre pour trouver des racines à manger et aussi à se défendre.

Index du temps, matérialisant l'ombre du déplacement solaire il est gnomon. Il a connu bien d 'autres utilisations et principalement représenté l'emblème du pouvoir et de l'autorité depuis la nuit des temps. On retrouve, en effet, jusque dans les grottes préhistoriques le bâton du chef de clan.
Présent à la base comme au sommet de toute hiérarchie, il est tout à la fois signe de dépouillement et de puissance : du bâton de paysan au sceptre royal, de celui du simple moine à la crosse papale.
Toutes les cultures en démontrent sa pratique : le bâton-médecine du guérisseur africain, le bâton de combat des arts martiaux asiatiques, le bâton à exploits et le bâton à paroles des Amérindiens, le bâton de prière des moines Tibétains.

Plus près de nous et encore en pratique, le Makhila, bâton de marche basque dont il symbolise l'âme, la manière de vivre et de penser. Il ne s'achète pas mais se reçoit en cadeau honorifique, au même titre que le Katana du valeureux Samouraï japonais.

Il est également le support de traditions fort anciennes : le bâton de Moïse faisant jaillir du rocher la source qui désaltéra le peuple d'Israël dans le désert, le Lituus de l'Augure romain traçant dans le ciel – et plus tard au sol – le périmètre sacré du Templum, où il interprète les auspices : de son action est d'ailleurs né le terme contempler : regarder le Temple.

Dans l'Egypte antique, Pharaon porte un certain nombre d'attributs.
Le sceptre Ouas est associé au bâton du chemin initiatique, subissant des transformations à chaque étape :
Il est d'abord en bois de cèdre, puis de palmier, de sycomore, enfin en or comme dans l'Apocalypse où l'ange tient un roseau d'or symbolisant la parfaite mesure de l'Homme régénéré.
Ce sceptre symbolise la force et la domination en canalisant l'énergie divine et sert d'appui au Pharaon quand il est debout.
Assis, il croise sur sa poitrine la crosse et le fouet qui le représentent en pasteur de son peuple : il conduit son troupeau avec la crosse en forme de houlette de berger et le protège de son fouet.
Il est à noter que les hiéroglyphes, écriture associée à la magie divine, sont appelés Medou neter ; bâton de Dieu.

Le bourdon, ou bâton du pèlerin du Moyen Age, était à l'origine plus petit que le archeur, par la suite il dépassera l'homme.
Ses deux principales fonctions étaient d'aider à la marche « comme un troisième pied » et de défendre concrètement « contre le loup et le chien », mais aussi, à un degré symbolique, contre les pièges du démon. Arme du salut par la pénitence, il devient le « bâton d'espérance - ferré de charité - revêtu de constance - d'amour et de chasteté » d'après la Chanson du Devoir des Pèlerins.
Il est dit que celui qui a mesuré son effort à l'aune du bâton de marche, unique compagnon, fidèle jusque dans la tombe, revient changé du voyage et les Compagnons du Tour de France, notamment, le savent bien.

Dans les rites anciens, le Druide frappait de son bâton la terre pour l'éveiller à la fertilité du printemps, à l'image du Maître de Cérémonie. Il tape le sol de sa canne afin de focaliser l'attention pour unifier les pensées des Maçons et stimuler leur nature en profondeur afin qu'elle progresse ainsi qu'il circule, de façon harmonieuse, dans le sens du temps, sans s'écarter du droit chemin.

Un conte birman nous dit que le bâton ayant écrasé des épices pendant toute une vie de femme est tellement imprégné d'odeur qu'il réveille les morts, rajeunit les vieux, rend les jeunes immortels.
Le Caducée, d'après une tradition ancienne, est un bâton couvert de velours et de fleurs de lys d'or que portaient le Roy d'armes et les Hérauts dans les grandes cérémonies.

Les Alchimistes n’ont pas manqué de donner eux aussi leur explication du Caducée, sceptre d’Hermès le messager des Dieux, les deux serpents représentant les principes antagonistes (soufre/mercure, fixe/volatil, humide/sec, chaud/froid...) qui doivent s’unifier dans l’or unitaire de la tige. Le caducée peut représenter la lutte maîtrisée entre les instincts et la maîtrise de soi. Le serpent s’enroule autour du bâton qui symbolise l’arbre de vie, pour signifier la vanité domptée et soumise, la force vitale qui retrouve la voie droite permettant la seule véritable guérison, celle de l’âme.

Bon nombre de symboles sont contenus dans celui du bâton, dans le plus important est l'axe du monde, la communication entre le céleste et le terrestre la liaison des énergies cosmiques et telluriques.

Par sa verticalité (du latin vertex: sommet) le bâton devient extension de la main qui le tient, elle-même prolongement de l'esprit, permettant au monde du spirituel de s'exprimer dans un monde dominé par la matière.

Il est semblable à l'Homme debout l'initiable en recherche de l'éveil à sa lumière dont un de nos F.°. nous dit «... elle guide mes pas, car je marche à tâtons, elle me rend l'espoir et me sert de bâton... ». Jouant un de ses plus grands rôles, celui du Brigadier – nom donné au bâton de Théâtre utilisé pour solliciter le silence des spectateurs et annonçant le lever de rideau - il martèle les trois coups activant le lever d'un rideau tout particulier : le voile opaque séparant le profane du néophyte en le transmutant en Apprenti.
Eternel pèlerin, il débute son voyage vers le soi intérieur en quête de ses origines. Pour C.G. JUNG : tout est pèlerinage de Compostelle ou d'ailleurs ; poursuite de son propre cordon ombilical ainsi que le cosmonaute cherchant ses traces dans l'apesanteur infinie du Cosmos.

Le cosmonaute relié à la navette spatiale, tout en travaillant librement dans l'espace, illustre bien le lien du chemin intérieur de l'Apprenti à celui aboutissant au chantier extérieur du Compagnon, voyageur universel en devenir.

Incité à prendre la route, dans la grande tradition du Compagnonnage des Métiers, le Compagnon dit le rituel « ne se contente pas de marcher dans la direction de l'Orient, il veut connaître le monde dans son ensemble, étudier la vertu et le vice, la vie et la mort. De chaque valeur positive, il cherche le. 
Il rencontre le bâton qui lui indique la direction en droite ligne et matérialise l'énergie où puiser la force nécessaire pour progresser sur ce chemin.


Tuteur de la nouvelle plante : le néophyte, maître qui accompagne, guide et porte, le bâton est également un repère, un modèle de rectitude, de droiture absolue.
Ne dit-on pas droit comme un pieu, droit comme un I ?

I, début et fin de l'acronyme du grand Initié : INRI, dans une traduction à un sens supérieur : Ineffabile Nomen Rerum Initium : Le Nom Ineffable est le Commencement des Choses.
Le bâton possède, incontestablement, un pouvoir représentatif que l'on découvre également dans les Arts Libéraux :
En Astronomie, il est Bâton de Jacob : instrument servant, autrefois, à mesurer la hauteur des astres en mer..

Le même nom de Bâton de Jacob est donné à trois étoiles de la Constellation d'Orion, formant une ligne oblique. Elles ont le même écartement que les trois Pyramides de Gizeh, à qui elles sont associées et sont appelées également le Baudrier d'Orion ou les Rois Mages.
Le bâton du mathématicien et géomètre grec, Euclide, avec lequel il dessinait sur le sable de la plage les leçons à ses élèves et qu'il offrit en récompense au meilleur d'entre eux.
Le bâton d'Isangho, le plus ancien instrument de calcul et, plus récemment, les bâtons de Nepper, ayant la même fonction.

En musique, le bâton est le trait épais marquant les silences prolongés.
Détenteur de traditions diverses et de rites nombreux, le bâton est ainsi chargé d'énergies, de magnétisme et cette richesse accumulée, ce vivant Témoin la transmet dans une course de relais sans fin.
On lui attribue des vertus. Lié à l'instinct, à l'application du travail, à la décision arrêtée, à l'action, il est reflet de l'Homme « le roseau le plus fragile de la nature, mais un roseau pensant... » d'après Blaise Pascal rejoint par Paul Valéry qui souligne l'ambivalence humaine « ...mortels, vous êtes tout, vous n'êtes rien, support du monde, roseau que l'air brise, vous vivez, quelle surprise ! ».

Le bâton et le Franc-Maçon se ressemblent et se rassemblent : n'est-il pas la hampe de l'étendard de sa Respectable Loge en visitant d'autres Ateliers ? il est également la navette du métier croisant les fils par la trame et la chaîne... d'union des liens fraternels qu'il tisse avec les SS.°. et FF.°. qui le reçoivent ou le visitent tour à tour.

Parler à bâtons rompus... j'ai prouvé ce soir que je savais mettre cette formule en pratique et pourtant j'ai dû « élaguer ma planche » tant le sujet était vaste.
Dans mes recherches pour l'étayer, j'allais, abeille butinant de fleur en fleur, de découverte en découverte : ainsi, celle d'un ancien ballet (et non balai), une chorégraphie titrée : Les Cinq pas et les deux Visages.
Je l'ai reliée spontanément à la Marche du Compagnon et à Janus – en latin, Gardien des Portes – qui, dans les anciennes initiations, permettait ou interdisait l'ouverture de la porte du Temple, armé du bâton du Portier.
Janus, dieu de tous les commencements a deux faces opposées : passé et avenir, hier et demain, telles les deux extrémités de mon chemin : d'où je viens et où je vais.
Je ne sais pas où me conduira le parcours initiatique que j'ai choisi de suivre.
La réponse se trouve peut-être dans les conseils de Théodore Roosevelt : « parlez bas et tenez un gros bâton... vous irez loin ».

J'ai dit, Vénérable Maître

D\ V\.

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