Obédience : NC Loge : NC Date : NC


Femme :
Vous êtes un des pôles de l’humanité.
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Je suis sensée aujourd’hui vous présenter une planche philosophique. C’est un exercice que je n’ai jamais fait et qui fait partie de ma quête. Je vais vous présenter le travail que j’ai pu faire dans un temps très morcelé et occupé à conserver aux femmes leur droit à la santé. Ce travail je viens de le mettre en chantier, il me faudra me remettre à l’ouvrage pour que de pierre brute il devienne pierre cubique puis pierre polie.

 
Vous êtes un des pôles de l’humanité, n’oubliez jamais que l’homme est l’autre pôle” Cette phrase du rituel d’initiation, qui place la femme dans un rapport d’égalité avec l’autre pôle qui est l’homme, a retenu toute mon attention au moment de l’initiation. A ce moment tant attendu où l’on reçoit la lumière, ce moment d’intense émotion qui vient après tous les serments, nous recevons un signe de reconnaissance, nous sommes un des pôles de l’univers.
Nous allons regarder d’abord ce que veulent dire, pour moi compagnonne, les mots pôle, autre et humanité. Ensuite comment ce moment du rituel d’initiation a retenti dans mon esprit.
 
Pôle : Il désigne les extrémités de l’axe autour duquel tourne la sphère terrestre. Il contient en lui la notion du binaire, du plus et du moins, du jour et de la nuit, du blanc et du noir, du pavé mosaïque, de l’homme et de la femme, enfin du je et du tu.
 
Vous êtes un des pôles de l’humanité : “des” indique qu’au delà du “un” et du “deux” il y aurait une infinité de pôles et introduirait ainsi la notion du trois, c’est à dire du “il”.
 
Deuxième mot est le mot “autre”.
L’autre est un être différent de moi mais aussi semblable à moi. Il est “je” pour
lui- même et face à face, nous sommes deux “je” et deux “tu”. Nous sommes dans un rapport égalitaire de réciprocité et de responsabilité.
 Ainsi, si au pôle “Je” je peux attribuer une des trois Grandes Lumières de la F\M\ La Liberté, au pôle “tu” l’Égalité et au pôle “il” la Fraternité.
 
“Humanité”est le troisième mot qui nous renvoie aux rapports hommes femmes car l’humanité est faite de femmes et d’hommes.
Les définitions des différents dictionnaires interrogés montrent, s’il en était besoin, que nous sommes loin de l’idéal de fraternité dans l’altérité.
 Une définition comme celle qui a orné les murs du Conseil Général le 8 mars est significative de la représentation de la femme au 18 éme siècle, siècle des lumières!
 
La femme est la femelle de l’homme, celle qui permet la reproduction de l’espèce. Les mots sont crus à la mesure du concept. Au fil du temps et des éditions les mots évoluent mais il y a une permanence dans la représentation : la femme est définie par l’homme et l’enfant, son champ d’action est l’univers clos de la maison, du privé.
 
Si, homme, est le mot qui en premier lieu désigne l’être humain doué d’intelligence et d’un langage articulé, après beaucoup d’exemples, il désigne l’être humain de sexe masculin.
 
Reprenons seulement les définitions concernant le sexe: La femme est la compagne de l’homme, l’homme est l’être humain de sexe masculin.
La femme est elle un être humain ?
 
Qu’est ce qui caractérise l’humanité ? Je ne prendrais que l’aspect du travail qui est pour nous Ma\ une obligation sacrée. Le travail est le premier devoir de l’être humain. la femme en tant qu’être humain travaille-t-elle?
Que fait une femme ? posez cette question au dictionnaire il répondra : “ elle fait le ménage”.
A la lecture de différents ouvrages, il apparaît que dans toutes les sociétés les femmes accomplissent leurs devoirs de femmes, de mères, d’épouses, et qu’elles contribuent grandement à la survie de la société (reproduction, nourriture )
 
Les anthropologues° le disent aussi, la femme est souvent considérée comme vouée aux seules activités domestiques et à la maternité. Le temps des femmes consacré aux tâches domestiques ( il a été recensé plus de 300 métiers).Il n’ est la plupart du temps jamais pris en compte en effet ce type d’activité, parce que considéré comme “naturel” il ne rentre pas dans la catégorie “travail” tel que le conçoivent les anthropologues. Il n’est pas compté dans leurs calculs mais ce qui est plus grave c’est que le travail fourni en dehors de l’ activité domestique n’est pas non plus reconnu, alors que les travaux des champs et la cueillette constituent la part la plus importante du travail fourni par les femmes pour la société. Elles contribuent à 70% du bilan des ressources alimentaires laissant loin derrière elles l’apport de la chasse qui est une activité masculine. Le prestige de la chasse masque l’importance du travail des femmes et instaure une inégalité entre les sexes dont le principe repose sur une mystification.
 
A la question qui observe, qui décide, qui instruit, qui est instruit ? On répond,les hommes Peu de femmes ont pu, dans les siècles passés, accéder à une véritable instruction. Jusqu’au concile de Trente en... je ne peux vous dire la date ne l’ayant pas trouver, elles n’avaient même pas d’âme. Mais ce qu’elles apprenaient elles le tenaient de la vie qu’elle tenaient par les deux bouts. C’étaient les matrones qui mettaient les enfants au monde c’étaient les femmes qui ensevelissaient les morts. Elles opéraient dans la sphère du privé, dans le secret de la maison. Les connaissances acquises les ont quelquefois fait brûler comme sorcières.
 
Le Dictionnaire universel du XIX siècle 1866 1876 à l’article femme nous livre ce texte : “ En quoi consiste l’infériorité intellectuelle de la femme ? Que lui manque t’il ? la réponse est : “ De produire des germes, c’est à dire des idées”.
 L’infériorité intellectuelle féminine est ainsi posée sans avoir été interrogée. Pas de semence, pas de germe, entraîne le postulat, pas d’idée. Retrouvant sans avoir à l’élaborer la notion quasi universelle d’une continuité entre la matière cérébrale et la matière séminale et l’article de conclure : je cite,“l’infériorité intellectuelle de la femme doit nécessairement comme son infériorité physique, entraîner des conséquences sociales”.
 
Des articles comme celui -là, même s’il n’est pas connu de tous, nourrit l’inconscient collectif et fortifie la discrimination.
 
Les mentalités ont-elles évoluées depuis le milieu du 19eme siècle ?
 
Je vous livre une pensée de S de Beauvoir : “ La femelle est plus que le mâle en proie à l’espèce ; l’humanité a toujours cherché à s’évader de sa destinée spécifique; par l’invention de l’outil, l’entretien de la vie est devenu pour l’homme activité et projet, tandis que dans la maternité la femme demeurait rivée à son corps, comme un animal. C’est parce que l’humanité...préfère à la vie des raisons de vivre, qu’en face de la femme, l’homme s’est posé comme le maître ”.
 
“Pouvoir” voilà un mot qu’il faudrait interroger. Pourquoi un homme doit il avoir un pouvoir sur la femme ? Pourquoi la femme ne peut-elle se gouverner ? Une anthropologue Françoise Héritier Augé nous donne une clef pour comprendre, est-ce la bonne?
L’ observation des mœurs et l ’interrogation les mythes lui permet d’affirmer que c’est : “ parce que la femme perd son sang tous les mois en pure perte qu’ elle est impure, que ces pertes doivent la mettre à l’écart tandis que l’homme a lui la capacité de transformer ce sang en sperme et d’ ensemencer. Cela lui donne droit d’avoir le pouvoir sur la femme ”.
 
L’appropriation et le contrôle de la fécondité est le véritable lieu de la domination. Ce n’est pas le sexe mais la fécondité qui fait dans l’imaginaire la différence réelle entre le masculin et le féminin.

Les mouvements de libération des femmes ont réussi à rendre aux femmes le pouvoir sur leur fécondité            .
Cela a-t-il suffi pour qu’elles acquièrent le statut d’être humain?
 
Les progrès de la raison sont lents, les racines des préjugés sont profonds a dit Voltaire.
 
Mais revenons à ce moment de l’initiation. Ce sont les initiations suivantes qui m’ont aidée à comprendre pourquoi cette phrase était restée dans ma mémoire.
Au moment où la récipiendaire reçoit la lumière, il lui est donné les règles de fonctionnement de la société dans laquelle elle vient d’être accueillie: travail, connaissance de soi et des autres en sont les maîtres mots.
Vient ensuite cette phrase qui touche la personne, :“ vous apprendrez surtout, la somme des devoirs qui vous incombent en votre qualité de femme. Plus tard quand vous connaîtrez bien ces devoirs, vous apprendrez la somme de vos droits.
Puis méditez le premier enseignement, vous êtes un des pôles de l’humanité n’oubliez jamais que l’homme est l’autre pôle !

J’avais demandé l’entrée du temple dans une quête de vérité et me voilà assignée par mes paires à mes devoirs de femmes.
J’avais demandé de rentrer dans une obédience de femmes et ce sont elles qui m’enferment dans les devoirs de cette condition que je n’ai pas choisie.
 
Tous les mots sont importants. Il y une progression dans cette partie de l’initiation. Nous sommes là pour apprendre et nous perfectionner, nous partons du général : la connaissance du monde qui nous entoure, de la F\M\ ; de nous même : un seul moyen le travail. La cérémonie se poursuit par :” vous apprendrez surtout la somme des devoirs qui vous incombent en votre qualité de femmes”. Notre rituel d’initiation insiste : C’est en qualité de femme que nous sommes interpellée pas en tant qu'être humain ou comme F\M\

Nous sommes là, de nouveau, assignées à des rôles et fonctions qu’il n’est nul besoin de nommer Nous savons toutes inconsciemment de quoi il est question dans la dernière phrase de cette séquence.
Une injonction “n’oubliez ” et un adverbe, que je qualifierai d’ absolu, “ Jamais” nous rappellent des mots forts que nous avons entendus dans notre enfance et qui, là, ont la même fonction : nous devons obéir.
Sans ces ordres, concernant notre qualité de femme, le symbole des pôles aurait été très évocateur d’une égalité entre les hommes et les femmes, d’une force qui aurait maintenue la cohésion du monde. La recherche permanente entre les deux pôles aurait permis l’exploration de l’immensité de leur diversité qu’elle aurait enrichi pour atteindre l’universel.
 
L’histoire de la F\M\ féminine explique peut-être ce rituel qui a été dicté par les hommes.
 
Comment les femmes ont-elles pu accéder à la F\M\ ?
 La GLFF, obédience de femmes à part entière, date de 1952. Depuis le 18 eme siècle, les femmes ont voulu participer à un travail maçonnique. Le travail fait par H. Delalande est en cela exemplaire. Il montre les difficultés qu’ont eu les femmes pour se faire accepter.

Article 1er de la constitution de la Grande Loge de France dit :

La F\M\ est un ordre initiatique traditionnel et universel (nous pourrions nous interroger sur le terme universel) fondé sur la fraternité. Elle constitue une alliance d’hommes libres et de bonnes mœurs, de toutes races, de toutes nationalités et de toutes croyances”. Hommes libres, les femmes ne sauraient être libres ni de bonnes mœurs. Elles ne peuvent pas avoir accès aux travaux dans une loge, mais ce qui est intéressant c’est qu’elles peuvent être concernées par un rituel d’adoption. Ce mot Adoption, s’applique à des êtres n’ayant pas la capacité à se réaliser seuls. Au sens juridique ce sont des mineurs ou des incapables mentaux. Nous retrouvons toujours les femmes dans cette catégorie.

Ma question est la suivante. Pourquoi nous, obédience de femmes perpétuons nous la reproduction de la domination masculine? Dans certaines loges d’ hommes, quand la lumière est donnée dans la cérémonie d’initiation au REAA le néophyte est intégré dans la chaîne d'union. Il fait immédiatement partie de la grande chaîne universelle M\. Chez nous la récipiendaire est seule entre les colonnes et il lui est rappelé ses devoirs.
Pourquoi notre rituel nous renvoie-t-il à notre condition de femme? Ne sommes nous pas des êtres humains qui réfléchissons ensemble? Comment travailler à l’amélioration de l’humanité sans s’interroger sur notre place en F\M\ ?
Pourquoi n’ouvririons nous pas un chantier pour interroger notre rituel sur ce qu’il transmet et pourquoi il le transmet ?

Je soumets mon interrogation à vos critiques et à vos réflexions. Si nous croyons sincèrement que “nous sommes libres et de bonnes mœurs” pourquoi ne soumettrions nous pas nos textes, hérités du passé à une analyse. Selon moi, sans dévier de la stricte observance de la philosophie humaniste cela nous aiderait à accorder nos symboles à nos aspirations pour que nous puissions effectivement proclamer :“nous sommes un des pôles de l’humanité, l’homme est l’autre pôle ”.

C\ M\

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