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Aperçu Historique sur la Maçonnerie « Egyptiènne »

Qui d’entre nous n’a pas évoqué ou entendu évoquer l’Egypte, en se référant aux sources les plus ancestrales de la tradition primordiale et de la transmission initiatique ? Sur le plan historique, une telle affirmation mérite probablement d’être tempérée par le fait que les plus anciens égyptiens avaient sans doute déjà été influencés par les cultures sumériennes de Mésopotamie. Mais qu’importe, on peut comprendre que la force symbolique de quelques tablettes cunéiformes soit moins marquante que celle des majestueuses pyramides, ces premiers témoins de l’architecture sacrée qui ont traversé 45 siècles pour venir nous rappeler l’aspiration à l’éternité des descendants du roi Ménès, qu’Hérodote avait appelé Misraïm. 

Nous avons aussi parfois tendance à oublier que les 3000 ans d’histoire de l’Egypte antique n'ont en fait comporté que quelques siècles d’apogée, entrecoupés par de longues périodes de décadence caractérisées par la  corruption, les invasions et autres luttes de pouvoir politiques ou religieuses. Telle est l'histoire des hommes...

Ainsi, un millénaire sépare l’époque des grandes pyramides et celle de la puissance de clergé de Karnak, quand Thoutmosis III faisait graver sur le portique de son temple, à propos d’Amon-Râ : « c’est lui, le Soleil, qui a fait tout ce qui est et rien n’a été fait sans lui jamais ; le père des choses, le créateur qui est la vie et la lumière ». Vers la même époque, on lisait aussi dans le Livre des Morts : « ...je suis l’Éternel, je suis la Lumière. Je suis celui qui a créé le Verbe. Je suis le Verbe »...

On connaissait aussi la confrérie initiatique des Serviteurs dans la place de vérité ou d’harmonie dont les membres tenaient régulièrement leurs assemblées rituelles dans la grotte Deir el Médineh, et dont l’une des légendes évoquait le maître Nefer-hotep, assassiné par un ouvrier qui voulait prendre sa place. L’équerre, le niveau, la coudée sacrée faisaient partie des nombreux symboles de ces hommes qui divinisait la matière et le travail.

Ce milieu du deuxième millénaire est particulièrement important en Méditerranée, puisqu’il voit aussi l’ébauche des Mystères égéens en Crète, celle des Mystères d'Éleusis où Isis sera identifiée à Déméter, sans parler de la révolution du culte d’Aton, représentation abstraite et solaire d’un dieu unique dont les rayons symbolisaient les attributs des anciennes divinités.

Encore presque mille ans, et Thalès apporte en Grèce l’art de la géométrie, qu’il avait appris en Égypte. Puis vient Pythagore, qui avait également acquis une partie de son savoir en Égypte ; son nom serait une forme hellénisée de Ptah Khour, Ptah est Grand. Il enseigne que l’âme immortelle, qui séjournait originellement dans la sphère céleste des étoiles fixes, a été précipitée sur terre d’où elle cherche à s’élever pour regagner l’éther. Les petites comme les grandes choses obéissent donc aux mêmes lois, l’on peut faire des correspondances analogiques pour expliquer l¹univers et en comprendre l’harmonie, par le déchiffrement des rythmes du cosmos.

C'est aussi après avoir voyagé en Egypte et avoir fréquenté les pythagoriciens que Platon estimera que le monde des sens, des apparences, est une prison dont l’âme doit se délivrer pour remonter graduellement vers celui des Idées.

Alors que la civilisation égyptienne est depuis longtemps moribonde, c’est en Grèce et à Rome que l’on célébrera désormais les Mystères égyptiens par les cultes d’Isis, d’Osiris et de Horus, le fils de la veuve Isis qui achève la trinité osirienne.

Dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, l’Egypte restera le creuset du néoplatonisme et de l’hermétisme alexandrin selon lequel l’Hermès antédiluvien aurait appris la philosophie et l’astronomie aux prêtres égyptiens. Il aurait gravé les secrets des sciences sur des stèles qu’il aurait dissimulées dans les pyramides, avant que le monde ne soit détruit. Selon certaines des légendes concernant Hermès Trismégiste, il serait ancêtre de Pythagore et petit-fils du dieu égyptien Thot.

Pour les égyptiens, Thot était « le plus grand » ou le « cinq fois grand », le scribe d’Osiris et, à ce titre, il régnait sur les signes et les nombres. Pour l’intégrer dans la doctrine pythagoricienne, les grecs en ont fait le « trois-fois grand » symbolisant la réunion des contraires vers une unité supérieure. C’est dans ce courant hermétiste alexandrin que l’alchimie prendra son essor au IIIème siècle. Précisons que les hermétistes avaient une conception moniste de l’univers ; ils refusaient d’avoir à choisir entre le blanc et le noir, cherchant plutôt à découvrir l’ensemble invisible qui contient les contradictions, ces dernières n’étant que des attributs de l’apparence. Autant dire que nous avons là quelques idées qui seront ensuite largement reprises et développées par la franc-maçonnerie.

De fait, le plus ancien document connu des Anciens Devoirs de la maçonnerie (le manuscrit Regius, en 1390) comporte un récit légendaire racontant l’invention et la propagation de la géométrie par Euclide en Égypte, puis l’introduction de la maçonnerie en Angleterre sous le roi Athelstan, qui établira les statuts du métier.

Et puis le néoplatonisme, l’hermétisme et l’alchimie vont connaître leur renaissance au XVème siècle. Des auteurs comme Joachim de Flore, Thomas a Kempis ou Thomas More inspireront le mouvement rose-croix, qui émergera au début du XVIIème siècle avec les écrits de Johann Valentin Andreae, Robert Fludd, Francis Bacon, Michael Maier et Jacob Boehme dont les principes seront largement repris par Martinès de Pasqually.

Ces idées rosicruciennes vont alors rapidement pénétrer dans les loges anglaises et dans des institutions comme la Royal Society dont la majorité des fondateurs et sociétaires étaient membres ou proches des milieux théosophiques, rosicruciens et maçonniques.

Quand arrive 1717 et le début officiel de la maçonnerie spéculative moderne, il faut brièvement camper le tableau religieux et politique de l’époque : pour caricaturer, situons d’un côté l’Ecosse catholique et partisane des Stuarts qui tentent de reconquérir le trône d’Angleterre perdu au siècle précédent au profit des Hanovre ; de l’autre côté l’Angleterre, protestante, c’est-à-dire qui défend une interprétation directe des écritures, sans l’intermédiaire d’un clergé et de ses dogmes.

C¹est en Italie que l’on situe les prémisses de la future maçonnerie égyptienne. On y trouve dès les années 1730 des loges accueillant des anglais partisans des Hanovre, mais aussi des loges jacobites qui  soutiennent les Stuarts.

Les hauts grades ésotériques s’y développent, la provenance judéo-égyptienne de l’initiation maçonnique y sera introduite dans une loge romaine fondée par sir Martin Folkes, ancien substitut Grand Maître de la Grande Loge de Londres et futur président de la Royal Society .

Puis en 1750, le prince dit San Severo est nommé grand maître de la maçonnerie napolitaine, et l’on dit que c’est à son entourage que l’on devrait la première élaboration (?) d’un rite templier (??) de Misraïm (???). Les autres pays continentaux ne sont pas en reste : en Allemagne, Hermann Fictuld lance en 1747 la fraternité de la Rose Croix d’Or dont la doctrine mêle hermétisme alchimique et ésotérisme chrétien.

En France, l’écossisme se développe rapidement, mais d’autres systèmes font leur apparition comme l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus-Cohen de l’Univers, qui sera propagé dès 1754 par Dom Martinès de Pasqually, alors que par ailleurs, la « maçonnerie rectifiée » fondé en 1751 par le baron von Hund se réfère à une filiation directe avec l’Ordre du Temple.

Dans toute l’Europe, la période 1760-1789 va alors constituer le premier âge d’or des hauts-grades maçonniques, des rites ésotériques et des sociétés secrètes occultistes, mais je n’aurais pas le temps de développer ici le rôle de Jean-Baptiste Willermoz, l’influence du Rite des Architectes Africains et de sa doctrine hermético-chrétienne évoquant les mystères de la Grande Pyramide, ou celle de l’Ordre des Philalètes qui s’était donné pour but de rassembler toutes les informations possibles sur la maçonnerie, les sociétés secrètes et les connaissances occultes, afin de remonter à la source de la connaissance primitive.

Faisons maintenant un petit détour à Malte, où certains auteurs avancent que Cagliostro aurait été initié dans la loge St Jean d’Écosse du Secret et de l’Harmonie. Il y aurait côtoyé Pinto, alchimiste et Grand Maître de l’Ordre de Malte et Althotas, un chevalier de Malte, membre de la SOT qui aurait introduit à Malte un rite maçonnique occultiste. C’est alors que le chevalier d’Aquino, frère du Grand Maître de la maçonnerie écossaire napolitaine, aurait ramené de Malte en Italie les trois hauts grades Arcana Arcanorum , futurs grades terminaux (87-88-89°) du rite primitif de Misraïm, inspirés de l’hermétisme égypto-hellénique. Il est possible que Cagliostro y ait été initié et s’en soit servi pour créer son propre rite de la Haute Maçonnerie Égyptienne en trois hauts grades, aux côtés d’éléments inspirés de l’initiation martinéziste des Elus Coens.

Cagliostro avait voyagé d’Angleterre en Russie, en passant par l’Allemagne, où il avait rencontré dom Pernety (fondateur du Rite des Illuminés d’Avignon). Il y aurait été initié à la Rose Croix d’Or et aux Architectes Africains, après avoir reçu des enseignements de théosophie et  d’occultisme. En 1784, il fonde à Lyon La Sagesse Triomphante, loge-mère du rite de la Haute Maçonnerie Egyptienne. Il en est le « Grand Cophte », successeur supposé du prophète Elie (qui est présenté comme fondateur de la « vraie maçonnerie »). Cette loge comportait douze maîtres, les « apôtres » du Grand Cophte. Le rituel était hermétique et théurgique, répondant à l’ambiance de l’époque, férue d’occultisme.
A Paris, Cagliostro constitue en 1785 un Suprême Conseil du Rite Égyptien présidé par le duc de Montmorency-Luxembourg, qui est par ailleurs député maître du Grand Orient. Moyennant un droit d’entrée conséquent auquel souscriront avec empressement les aristocrates parisiennes, il met également en place une loge d’Adoption Égyptienne dont la Grande Maîtresse n'est autre que sa femme.

Quelques mois plus tard, Cagliostro sera emprisonné à la Bastille comme complice du cardinal de Rohan dans l’affaire du Collier de la Reine. Il sera acquitté par le Parlement et libéré, mais banni de France et devra s’exiler en Angleterre. Sa réputation sera rapidement ternie par les plaintes de nombre de ses ex-adeptes en Europe.

La police l’identifiera à Joseph Balsamo, déjà connu de la justice anglaise vers 1776 pour des affaires d’escroquerie, de prestidigitation et de sorcellerie. Il s’enfuit à Rome où il sera arrêté en 1789 par la police pontificale. Il mourra en captivité au château Saint-Ange en 1795.

A noter que c’est également à Lyon qu’en 1779, un certain Etteila (Aliette) s’était proclamé « Grand Mage » du Rite des Parfaits Initiés d’Égypte, cinq ans avant la fondation de la Sagesse Triomphante. Le rite représentait « le système philosophique des anciens usages égyptiens, revoilé par les prêtres hébreux sous l’emblème maçonnique » et comportait sept degrés dont quatre hauts grades. Après la mort d’Etteila, ce rite sera poursuivi jusqu’au début du XIXème siècle à La Ciotat.

Quant au rite de Misraïm, il est difficile d’en situer les origines historiques. Selon la tradition, il serait né en 1788 à Venise sous patente délivrée par Cagliostro, à partir d’une loge de la SOT regroupant des unitaristes sociniens (une doctrine qui rejette le dogme de la Trinité et tente de réconcilier religion et science, étant admis que Esprit et Matière ne sont que les deux aspects d’une même réalité).

D’autres pensent que c’est César Tassoni qui, en 1801 à Venise, est l’auteur d’une première version du rite.

D’autres encore se référent à Gad Beddaride qui, à la fin du XVIIIème siècle, aurait été consacré Grand Maître par le patriarche Palambola, et doyen de l’Ordre de Misraïm à Naples. Ce n’est pas certain mais par contre, il est possible que ce maçon, initié à Avignon en 1772 et originaire de Cavaillon (une des quatre implantations autorisées de la communauté juive du Comtat, de vieille tradition kabbaliste), ait pu introduire les bases des futurs degrés d’inspiration hébraïque du rite.

C’est à partir de 1805 qu’en France et en Italie, on peut attester de l’élaboration des deux premières séries du rite de Misraïm (degrés symboliques 1-33° et philosophiques 34-66°) par emprunts à divers hauts grades du XVIIIe siècle, probablement pour concurrencer le REAA. On peut d'ailleurs penser que la date de 1803 donnée par les frères Bédarride a été délibérément choisie pour donner à Misraïm une antériorité par rapport au REAA.

Jusqu’à la fin de l¹Empire, le rite de Misraïm va alors s’épanouir dans les loges militaires franco-italiennes du Royaume de Naples. Il reçoit alors sa troisième série (degrés mystiques 67-77°) puis sa dernière série (78-90°), introduite vers 1812 à Naples où l’année suivante, le grand maître napolitain Pierre de Lassalle apporte les Arcana Arcanorum dans le « Régime de Naples » du rite de Misraïm.

Ce n’est qu¹en 1815 que les frères Bédarride fonderont à Paris la première véritable loge française de Misraïm (L’Arc en Ciel), selon le régime du milanais Théodoric Cerbes (Milan) qui faisait du 87° au 90° des degrés administratifs, à la différence du régime de Naples (Arcana Arcanorum).

A Lyon, les anciens adeptes de La Sagesse Triomphante qui, sous l’empire, avaient fondé Saint Napoléon de la Bonne Amitié, se rallient au rite de Misraïm.

Il faut maintenant parler des carbonari et revenir à l’année 1810, date à laquelle Pierre-Joseph Briot, un récent affilié du rite de Misraïm, introduit la Charbonnerie en Italie. A cette époque, la police de l’Empereur était déjà en alerte pour lutter contre les Bons Cousins Charbonniers et autres mouvements révolutionnaires, qui tentaient d’infiltrer les loges pour y faire pénétrer les idées contestataires et recruter des maçons prêts à participer à un soulèvement républicain.

C’est aussi dans le contexte du carbonarisme qu’en 1821, Pie VII condamne les sociétés secrètes et que pour la première fois, l’Église de France va relayer les dispositions contre les francs-maçons, ce qui va développer un sentiment anticlérical dans les loges, dont le recrutement se fait désormais surtout dans la bourgeoisie libérale.

En 1822, Briot devient directeur de la Cie d’Assurances Le Phénix. Il était rapidement devenu un des grand maîtres 90° de Misraïm, mais était également resté un des dirigeant de la charbonnerie française. La police, qui savait que les charbonniers étaient prêts à lancer un soulèvement républicain, découvre que les inspecteurs du Phénix sont en fait des agents carbonari qui propagent les idées républicaines sur tout le territoire. Les soulèvements éclatent, mais sont rapidement réprimés. Et bien qu’il n’ait jamais été prouvé que l’Ordre de Misraïm ait jamais eu une activité politique en tant que tel, le Grand Orient obtiendra sa dissolution en tant que mouvement séditieux dangereux pour la sûreté de l’État royaliste.
Après la Révolution de Juillet et l’avènement de Louis-Philippe, le rite survivra tant bien que mal en France, d’ailleurs concurrencé par les activités de Jacques-Etienne Marconis de Nègre qui, après avoir été expulsé à deux reprises de loges de Misraïm, fonde à Lyon le Rite de Memphis en 1838. 

A l’étranger, le rite de Misraïm a poursuivi ses activités et en 1845, il est accueilli au sein du Suprême Conseil des Rites Confédérés d’Édimbourg qui développera des ramifications internationales en France comme aux États-Unis. En 1862, Napoléon III nomme le maréchal Magnan grand maître du Grand Orient afin de contrôler l’agitation républicaine dans les loges.
Magnan, qui ne connaissait rien à la maçonnerie, cherche à réunir sous son autorité tous les rites de France. Marconis de Nègre s¹incline alors en demandant la reconnaissance du rite de Memphis par le Grand Collège des Rites, au prix de l’abandon de toutes ses prérogatives et de son échelle de grades. Par contre, Magnan se heurte à la résistance du Suprême Conseil Ecossais et du rite de Misraïm, qui refusent de se rallier au Grand Orient. Le Suprême Conseil et le Grand Orient reconnaîtront finalement le Rite de Misraïm en 1885.

Entre temps, 1881 aura été le tournant de l’unification de la maçonnerie égyptienne mondiale car après plusieurs années de travail, l'américain John Yarker réunit les chartes autorisant l’alliance entre le Rite de Memphis et celui de Misraïm.

Au même moment, les Souverains Sanctuaires des États-Unis, de Roumanie, de Grande Bretagne et de Naples proclament le général Guiseppe Garibaldi grand Hiérophante mondial de tous les rites de maçonnerie égyptienne.

Pour comprendre la suite, il faut savoir qu'en France, la fin du siècle est particulièrement mouvementée en matière de mouvements occultistes et paramaçonniques. Jules Doinel fonde l’Église Gnostique, Papus et Augustin Chaboseau s’échangent leurs initiations martinistes respectives, Joséphin Péladan et Stanislas de Gaita fondent l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix dont l’admission est réservée aux martinistes titulaires du grade de Supérieur Inconnu, puis Péladan se dissocie de Gaita pour fonder l’Ordre de la Rose-Croix du Temple du Graal, ou R+C Catholique.

Mais, dans la mouvance laïque du Grand Orient, plusieurs dirigeants de Misraïm souhaitent remplacer les « principes de croyance en l’existence d’un Être Suprême, d’immortalité de l’âme et d’amour du prochain » par ceux « d’autonomie de la personne humaine, de justice et d’altruisme ».

A l’exception de l’Arc en Ciel, les onze loges françaises de Misraïm vont ainsi s’intégrer au Grand Orient. Les spiritualistes, déçus de la laïcisation de cette maçonnerie, se rapprochent des martinistes de l’Arc en Ciel. Mais en 1902, l’Ordre français de Misraïm se met en sommeil, et les quelques membres restants s’affilent au Suprême Conseil de France du REAA tandis que John Yarker devient Grand Hiérophante mondial du rite uni de Memphis-Misraïm.

Pour autant, les mouvements spiritualistes français ne restent pas inactifs et en 1907, Jean Bricaud fonde une Église Catholique Gnostique, qu'il reliera à l’Ordre martiniste de Lyon (celui-ci n’étant accessible qu’aux maîtres maçons).

Quant à Papus, reçu franc-maçon en 1900 par sept martinistes, anciens membres de l’Arc en Ciel, il a ouvert des loges travaillant au rite swedenborgien qui ont ensuite été converties au Rite de Memphis-Misraïm. Il recevra ses patentes du grand maître mondial Théodore Reuss afin de fonder un Souverain Conseil de Memphis et Misraïm pour la France et c’est d’ailleurs à cette occasion que René Guénon, déjà kadosh écossais et supérieur inconnu martiniste, sera fait 90°.

Après la première guerre mondiale, les anciennes structures de la maçonnerie ésotériste se disloquent et deux mouvements émergent :
- l’un dans le sillage de Victor Blanchard, Augustin Chaboseau et Lucien Chamuel avec l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix, l’Église Gnostique Universelle, la R+C Kabbalistique et la fraternité rosicrucienne des Polaires ; 
- l ’autre dans la mouvance lyonnaise de Jean Bricaud (successeur de Teder) et Constant Chevillon, incluant ce qui restait de l’Ordre de Memphis-Misraïm, de l’ordre Martiniste de Lyon, de l’Ordre de la Rose-Croix Kabbalistique et Gnostique (dont l’accès était réservé à des martinistes éprouvés), et de l’Église Catholique Gnostique dont Bricaud était le patriarche.

L’année suivante Bricaud, qui se prévalait d’une filiation avec les Élus Cohen de Martinez de Pasqually au travers de Willermoz et ses successeurs à Lyon, reçoit de Théodore Reuss une charte pour la reconstitution d’un Souverain Sanctuaire de Memphis-Misraïm en France, qu’il établira à Lyon. Il pourra alors boucler le lien entre Église Catholique Gnostique, martinisme et Maçonnerie en modifiant le grade patriarcal-consécrateur du 66° degré de Memphis-Misraïm par l’introduction d’une cérémonie de consécration épiscopale.

En réaction, Victor Blanchard fondera l’Ordre Martiniste et Synarchique, qui admettait les femmes et n’exigeait pas  de qualification maçonnique. Dans la suite de l’entre-deux guerres, la maçonnerie « égyptienne » française conservera cette double mouvance qu’il serait fastidieux de détailler, avec d’une part Constant Chevillon, qui a pris la tête des loges lyonnaises de Memphis-Misraïm et des autres organisations dirigées par Bricaud ; et d’autre part Bogé de Lagrèze, Probst-Biraben et Victor Blanchard, qui fonde en 1934 la FUDOSI (Fédération Universelle des Ordres et Sociétés Initiatiques) avec Spencer Lewis (Imperator de l’AMORC) et Émile Dantinne (Sâr Hyeronimus, R+C Universelle continuatrice de la R+C Catholique de Péladan).

Mais finalement, le rite de Memphis-Misraïm (qui avait été fixé par le convent de 1934 en 90 degrés de travail et neuf degrés administratifs) est exclu de la FUDOSI ; des frères français se rallient au Souverain Sanctuaire de Chevillon à Lyon, avec ouverture de loges de Memphis-Misraïm en France et à l’étranger jusqu’à ce que survienne la guerre.

Pendant le deuxième conflit mondial, c’est Robert Ambelain, disciple de Chevillon, qui fera fonctionner une loge clandestine de Memphis-Misraïm.
Après l’assassinat de Chevillon par la milice de Vichy et la fin de la guerre, l’organisation de la maçonnerie égyptienne ne va pas se clarifier.

Pour simplifier (cf. schéma), disons qu’à Chevillon vont succéder H-C. Dupont et Robert Ambelain, alors que le flambeau de Blanchard sera repris par Bogé de Lagrèze, puis Probst-Biraben qui rétablit le Rite Ancien et Primitif de Memphis, reçoit en 1956 les patentes du Régime de Naples du Rite de Misraïm (Arcana Arcanorum ) et devient Grand Hiérophante Mondial de Misraïm.

Il meurt l’année suivante et Henri Dubois recueille la direction des Ordres égyptiens pour la France, dont il conservera les orientations respectives : mystères égyptiens pour Memphis, hermétisme et kabbale hébraïque pour Misraïm. 

Nommé en 1958 Grand Hiérophante mondial de tous les rites égyptiens, Dubois installera à Lyon un Suprême Conseil des Ordres Maçonniques de Memphis et de Misraïm réunis (les rituels restant distincts) dont la Grande Loge (Ammon Râ) fusionne en 1960 avec la GLNF Opéra, les hauts grades de Memphis et de Misraïm conservant leur individualité.

Henri Dubois charge alors notre frère Albert Audiard (membre de la GLDF, dit Sirius) de réorganiser le 66e degré de Bricaud, ce qui aboutira à l’élaboration du « Rite des Patriarches de Melkit-zedecq » en trois degrés (Gardien du Sanctuaire, Prêtre d’Héliopolis, Patriarche de Melkitzedecq).

En 1960, Robert Ambelain succède à Henri Dupont. Il réveillera avec succès le rite de Memphis-Misraïm et tentera de rassembler au niveau mondial les obédiences se réclamant du rite organisé par Yarker et retransmis par Bricaud. Il établira des liens avec le GODF, la GLDF, la GLTS mais ne sera pas rejoint par les rites non fusionnés de Memphis et de Misraïm.

En 1965, Dubois transmet sa charge de grand maître de Misraïm à André Linge.
Mais ce dernier ne souhaitera pas ouvrir de nouvelles loges de Misraïm, car il pensait qu’à l’époque moderne, la maçonnerie est désormais dépassée, la connaissance devant désormais être vulgarisée et ne plus se limiter à de petits cercles d’initiés. En 1975, année du décès de Dubois, Sirius réveille « La Sagesse Triomphante », qui reprend le titre distinctif de l’ancienne loge de Cagliostro. Cet atelier indépendant de hauts grades, qui est également Centre du Rite Patriarcal, est désormais le seul à travailler au Rite Ancien et Primitif de Mizraïm, pratiqué selon l’ancienne tradition illuministe du Régime de Naples : deuxième degré symbolique égyptien (Compagnons d’Horus ) et Arcana Arcanorum .

Quant à Robert Ambelain, il a transmis en 1985 sa charge de grand maître advitam de l’Ordre Maçon-nique de Memphis-Misraïm à Gérard Kloppel, qui se démarquera des rites occultistes et œuvrera au rapprochement avec les autres obédiences maçonniques françaises.

Et finalement, dans l'ambiance de grand remue-ménage qui a touché toutes les obédiences au cours de ces dernières années, 1998 voit l'éclatement de l’ordre français de Memphis-Misraïm, dont plusieurs loges iront rejoindre le Grand Orient.

Je n'ai pas eu de nouvelles récentes, il semble toutefois que l'Ordre féminin de M-M. poursuive ses activités.

Je suis preneur de nouvelles récentes !!!


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