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La tempérance

V\ M\ et vous tous mes F\ F\. Notre V\ M\ pensant qu’il me fallait plus me concentrer, me dépouiller et ordonner mon travail avait choisi depuis un certain temps la tempérance comme sujet de réflexion. Il a suggéré d’appliquer cette vertu à mon travail en me proposant un temps limité m’obligeant à ne recourir qu’à mon rituel et mes propres réflexions. Le court laps de temps a eu pour but d’empêcher une certaine dispersion. Alors voici le résultat.

Comme toutes vertus la tempérance est une manière d’être ou disposition d’esprit qui siège dans notre volonté. Elle est fondée par la répétition de nos actes et a pour but final de bien agir qui est en soit une notion difficile à cerner. En effet, pour moi, le « bien agir » est directement associé à la morale chrétienne, à la première Vertu Maçonnique de la Justice et bien sûr à la Vertu de l’Amour ou de la Charité. Mais il faut bien juger pour bien agir et c’est là que la Tempérance prend toute son importance dans le règlement de la pensée, des paroles et de l’action.

Les vertus ont été classées en vertus cardinales humaines et en vertus théologales d’essence divine. En effet, pour les philosophes antiques et les pères de l’église, la tempérance est une des 4 vertus cardinales avec la justice, la prudence et la force. Elles sont dites cardinales car ce sont les vertus autour desquelles toutes les autres vertus humaines gravitent et se rattachent. Elles complètent les 3 vertus chrétiennes d’inspiration divine qui sont dites « théologales ». Il s’agit de la foi, l’espérance et la charité. Brièvement on peut caractériser les 4 vertus cardinales qui sont du domaine de la sensibilité « profane » de l’homme ainsi :
  • la justice qui règle la sensibilité rationnelle et habilite à rendre à chacun son dû.
  • la prudence qui règle la sensibilité téméraire et indique la conduite raisonnée.
  • le courage qui règle la sensibilité combative et habilite à tenir bon dans la poursuite d'un bien ardu.
  • et la tempérance qui règle la sensibilité jouissive et habilite à user de la mesure qui convient dans la jouissance des biens délectables.

Si on cherche les origines grecques, sôphrosunè, signifiant la tempérance ou la modération, est une vertu essentielle qui vise à contrer le vice « hubris » de la démesure. Dans ses fameuses allégories latines de la Psychomachie du Chrétien nommé Prudence, apparait le combat de la Tempérance contre la Débauche donnant en latin « Sobrietas vs. Luxuria ». Il semblerait donc que la tempérance, ou sobriété, ait un accent fort charnel ou plus généralement « extérieur » à la sensibilité de l’homme mais cette vertu est bien plus importante que cela. En effet, on ne peut pas être vraiment prudent, juste ou fort, si on ne possède pas aussi la vertu de tempérance. La tempérance, par rapport aux autres vertus est comme une vertu de toutes les vertus, elle a un rôle caractérisant semblable à l’amour.

Dans l'instruction morale du grade de Compagnon, on peut lire l’exhortation suivante du VM « …Venez donc souvent vous ranger sous la colonne de votre grade ; rendez-y les Maîtres témoins de vos progrès ; qu’ils vous voient pratiquer constamment toutes les vertus qui vous sont désignées par les sept marches qui conduisent au Temple, et fuir sans relâche les vices qui vous en interdiraient à jamais l’entrée ».

Il me manquait certainement la Tempérance pour passer les 2 autres épreuves des vices des deux autres voyages. Je n’ai pas encore assez de force d’âme et je suis encore seulement en train de travailler la Tempérance consistant à ne pas s’essayer à exécuter des travaux au dessus de mes moyens par trop de témérité voire par orgueil ou présomption. Cela m’est clairement indiqué dans le rituel par le sens des deux fois 3 coups de maillets qui indiquent de remplir exactement sa tâche sans aller au-delà ni entreprendre les travaux réservés aux maîtres.

En fonction de mon travail actuel, les 4 vertus cardinales que je connaissais ne sont pas les mêmes que les Vertus Maçonniques en question. Je suis tenté de faire une correspondance entre les vertus et les 3 composants corps, esprit et âme de cette façon :

  • Le corps avec les 4 vertus cardinales exotériques liées à la condition humaine, la sensibilité et ce corps animal bourré de vices et de passions qu’il faut dominer.
  • L’esprit avec ses 3 vertus théologales concernant un idéal incorruptible, immortel et divin.
  • Et l’âme jouant le rôle d’intermédiaire entre le corps et l’esprit. L’âme est symboliquement logée dans notre cœur et nous relie au divin. Notre âme peut être perfectionnée par les Vertus Maçonniques ésotériques.

Je pense donc qu’il faut différencier les vertus humaines et les vertus de l’âme. En fait le rituel nous indique de toutes les suivre comme le dit la 3ème réflexion donnée dans la chambre de préparation : « …que les Maçons doivent se livrer a l’étude et à la pratique constante d’une morale épurée par la religion, exerçant toutes les vertus religieuses, humaines et sociales ».

On voit tout au long du rituel qu’il s’agit de combattre sans cesse les vices, les passions, d’éviter l’orgueil. Il faut pour cela avoir deux vertus essentielles qui sont bien celles de pouvoir juger et de garder de la mesure (ni trop, ni trop peu) en tout.

Après cette analyse, voyons au fil du rituel de réception au grade de Compagnon comment la tempérance apparait et se lie avec les autres leçons et expériences du Compagnon.

La tempérance est une vertu dont l’importance est soulignée par les propos du V\ M\ juste avant l’ouverture de la Loge lorsqu’il demande « où sont tracées les règles de nos devoirs » et qu’il est répondu « qu’elles sont empreintes dans nos cœurs, que la raison nous en instruit, que la religion les perfectionne et surtout que la tempérance nous aide à les remplir ». Les 3 voyages sont les épreuves des vices des métaux, et en particulier le cuivre ou l’airain lié à l’orgueil « qui par son alliage impur dégrade les plus grandes vertus ».

C’est après l’épreuve du miroir que le V\ M\ dit « Comment celui qui n'a pas encore réglé ses pensées, ses paroles et ses actions par la Tempérance, ose-t-il s'approcher du Temple de la Justice, puisqu'elle sera toujours contraire à ses penchants désordonnés ? » ; donc sans la tempérance pas de bonne Justice.

Cela me renvoie de nouveau à la maxime de l’épreuve de l’airain rappelant que « l’homme est naturellement bon et qu’il est souvent en contradiction avec lui-même ». J’ai appris qu’il « est important de réfléchir à cela… », et je repense à ce que Jean-Paul II a dit en 1978 sur la tempérance. « …La vertu de tempérance permet à chaque homme de faire triompher son moi supérieur sur son moi inférieur ». ../.. « Possède la vertu de tempérance celui qui sait se maîtriser, celui qui ne permet pas à ses passions de l'emporter sur la raison, sur la volonté et aussi sur le Cœur ».

Et on peut relier cela à la suite des propos du V\ M\ disant que « c’est par la tempérance que l’homme s’abstient de tout ce qui peut le corrompre. C’est une vertu sans laquelle l’homme ne peut aimer la justice, ni se soumettre à ses lois ». Pour encore souligner cette vertu, après le renouvellement de mon engagement maçonnique et après avoir frappé sur la pierre cubique, le V\ M\ a dit que « soumis à l’influence de tous les objets qui l’environnent, l’homme ne connait pas la tempérance et fait toujours trop ou trop peu ».

Comme le dit l’inscription au-dessus du miroir disposé à l’Occident au cours de la réception, « pour se connaitre il faut passer à l’action en se dévoilant avec l’amour de la Vertu, un vrai désir et le courage de persister dans l’action difficile de rectifier son âme ». Même si on sait que l’homme est « vicieux et corrompu », il faut aider son âme « avec de l’intelligence et la raison pour bien juger sans rien occulter ».

Pour cela je dois agir avec Tempérance, guidé par la lumière, en particulier celle de l’étoile flamboyante en suivant le chemin vertueux du Sauveur pour retourner à la source, pour remonter le courant de la chute, pour que le fils de l’homme redevienne fils de Dieu dans son âme et pour ne plus avoir peur.

La Justice et la Tempérance ne sont que des moyens supplémentaires et il est déjà bien difficile de s'y contraindre. Sur mon lieu de travail (profane), j'ai affiché devant moi le fameux texte de Rabelais pour me rappeler ces obligations ainsi : « Mais parce que, selon le sage Salomon, la sagesse n'entre jamais dans une âme méchante, et que science sans conscience n'est que ruine de l'âme, il te faut servir, aimer et craindre Dieu, et en Lui mettre toutes tes pensées et tout ton espoir, et, par une foi faite de charité, t'unir à Lui de manière à n'en être jamais séparé par le péché... »

Pour conclure, je voudrais dire que je ne suis Compagnon que depuis peu (mai 2009) et reçu Maçon depuis janvier 2007. Ainsi, je sais que je reste fort imprégné des désirs non contrôlés, des vices, des passions, de l'orgueil, des préjugés et du formatage profane appliqués depuis l'enfance. En tant que chrétien je maintiens un style de vie honnête suivant une morale basée sur les vertus cardinales, et même dans ce domaine je me demande effectivement souvent pourquoi il y a toujours un écart entre l'idéal et le réel. J'ai la chance d'être entré en Maçonnerie pour découvrir que je suis un mélange mystérieux de corps, âme et esprit qui explique en partie cette sensation. Le chemin qui m'est proposé excite donc toutes les vertus et j'apprends à les différencier. C'est vrai qu'il faut toutes les envisager intellectuellement et pratiquement au quotidien. Je me juge sans égard corrompu mais j'ai de l'espoir en sentant chaque fois que j'offense Dieu, que je veux sincèrement me corriger et demande le pardon et la grâce. J'ai dégrossi ma pierre brute de cette connaissance de ce qu'elle est susceptible de devenir grâce à la Justice. Avec la Tempérance je dois, dans l’action sur mon âme, la polir pour trouver ma place dans notre Temple de Sagesse à la gloire du GADLU. J'aurai longtemps à souffrir de cet écart et il faudra du temps pour que les effets de ces changements soient ressentis par mes proches. Effectivement, l'affection de mes défauts serre mon cœur et me fait souffrir, alors je prie en me tournant vers mon guide spirituel symbolisé par l'étoile flamboyante, notre sauveur, qui illumine cette bonne volonté en l'encourageant certainement pour la soutenir avec votre aide mes F\ F\. Ainsi ce germe précieux logé au fond de mon âme pourra peut-être se développer et me faire sortir des ténèbres de l'ignorance, en commençant par une vraie connaissance de soi dans un vrai désir de changer par amour de la Justice, de la Vérité et de la Vertu avec de l'intelligence, celle qui cueille et rassemble ce qui est épart.

J’ai terminé V\ M\.


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