Obédience : NC Site : http://hautsgrades.over-blog.com Date : NC


La tempérance

La tempérance est-elle une vertu cardinale?

Objections: 1. Il semble bien que non. En effet, le bien de la vertu morale dépend de la raison. Or la tempérance concerne ce qui est le plus éloigné de la raison: les plaisirs qui nous sont communs avec les animaux, dit Aristote. Elle ne semble donc pas être une vertu principale.

2. Une chose paraît d'autant plus difficile à refréner qu'elle est plus impétueuse. Or la colère, que refrène la douceur, semble plus impétueuse que la concupiscence, que refrène la tempérance. On peut lire dans le livre des Proverbes (27, 4): " La colère n'a pas de miséricorde, ni la fureur qui éclate; et qui pourra contenir l'assaut d'un esprit emporté? " La douceur est donc une vertu plus primordiale que la tempérance.

3. L'espoir est un mouvement de l'âme supérieur au désir ou convoitise, on l'a vu '. Or l'humilité refrène le caractère présomptueux d'un espoir démesuré. L'humilité semble être donc une vertu plus primordiale que la tempérance, qui refrène la convoitise.

En sens contraire, S. Grégoire place la tempérance parmi les vertus cardinales.

Réponse: Une vertu principale ou cardinale, nous l'avons dit antérieurement, est celle qui possède de façon éminente un des caractères communément requis à la raison de vertu. Or la modération, qui est requise en toute vertu, est particulièrement digne d'éloge quand elle se manifeste dans les plaisirs du toucher que concerne la tempérance. Et cela parce que ces plaisirs nous sont plus naturels et qu'il est donc plus difficile de s'en abstenir ou d'en refréner la convoitise; et aussi parce que leurs objets sont plus nécessaires à la vie présente, nous l'avons montré plus haut. Voilà pourquoi l'on range la tempérance parmi les vertus principales ou cardinales.

Solutions: 1. La force d'une cause se manifeste d'autant plus qu'elle peut étendre son action à ce qui est plus éloigné. C'est pourquoi la force de la raison se montre plus grande par cela même qu'elle peut ainsi modérer les convoitises et les plaisirs les plus éloignés. C'est à cela que tient la primauté de la tempérance.

2. Un mouvement de colère a pour cause quelque chose d'accidentel, par exemple une blessure douloureuse. C'est pourquoi il passe vite, quoique son impétuosité soit grande. Au contraire, le mouvement de convoitise des plaisirs du toucher procède d'une cause naturelle; aussi est-il plus durable et plus répandu. Et c'est pourquoi il appartient à une vertu plus capitale de le refréner.

3. Ce qu'on espère est plus noble que ce que l'on convoite; à cause de cela l'espoir est une passion principale placée dans l'irascible. Mais les biens qui provoquent la convoitise et le plaisir du toucher émeuvent l'appétit de façon plus violente, parce qu'ils sont plus naturels. C'est pourquoi la tempérance, qui les modère, est une vertu principale.

La tempérance est-elle la plus importante des vertus?

Objections: 1. Il semble qu'il en soit ainsi. S. Ambroise dit en effet: " C'est la tempérance qui regarde et recherche le plus le souci de l'honneur et la considération de la bienséance. " Or une vertu est digne d'éloges quand elle est honorable et décente. La tempérance est donc la plus grande des vertus.

2. Il revient à une plus grande vertu de faire ce qui est plus difficile. Or il est plus difficile de refréner les convoitises et les plaisirs du toucher que de rectifier les actions extérieures: cela revient à la tempérance, ceci à la justice. La tempérance est donc une vertu plus grande que la justice.

3. Une chose paraît d'autant plus nécessaire et meilleure qu'elle est d'un usage plus fréquent. Or la force a trait aux périls de mort, qui se présentent plus rarement que les plaisirs du toucher, lesquels se présentent tous les jours. Aussi l'usage de la tempérance est-il plus fréquent que celui de la force. C'est pourquoi la tempérance est une vertu plus noble que la force.

En sens contraire, Aristote dit: " Les vertus les plus grandes sont celles qui sont les plus utiles aux autres; c'est pourquoi nous honorons surtout les hommes forts et les hommes justes. "

Réponse: Selon Aristote " le bien de la multitude est plus divin que le bien de l'individu ". C'est pourquoi une vertu est d'autant meilleure qu'elle contribue davantage au bien de la multitude. Or la justice et la force contribuent davantage au bien de la multitude que la tempérance; car la justice règle les relations avec autrui; la force affronte les périls des combats en vue du salut public, tandis que la tempérance modère seulement les convoitises et les plaisirs individuels. Il est donc clair que la justice et la force sont des vertus plus éminentes que la tempérance. Et la prudence et les vertus théologales sont encore plus importantes.

Solutions: 1. L'honneur et la bienséance sont surtout attribués à la tempérance non pas à cause de l'excellence de son bien propre, mais à cause de la grossièreté du mal contraire, dont elle préserve en réglant les jouissances qui nous sont communes avec les bêtes.

2. La vertu concerne " ce qui est difficile et bon ", mais on apprécie la dignité d'une vertu davantage au point de vue de la bonté, où la justice l'emporte, qu'au point de vue de la difficulté, où c'est la tempérance qui l'emporte.

3. La valeur communautaire qui rattache une vertu à la multitude des hommes lui confère une bonté plus éminente que son emploi fréquent; cela donne la supériorité à la force, ceci à la tempérance. Aussi, de façon absolue, la force est plus importante, bien que, d'un certain point de vue, on puisse dire la tempérance plus importante que la force et même que la justice.

par St Thomas d'Aquin publié dans : Spiritualité 


7165-1 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \