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Une voie pour allumer les sept étoiles

Commentaire de la quatrième planche de la Theosophia Practica de Gichtel.

(Triangle de Toulouse)

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Cette planche représente l’homme dans l’état postérieur à la chute : son corps est ténébreux et il est soumis à la loi du septénaire inférieur (les astres) et des éléments. 
Les 7 planètes sont en correspondance avec les centres subtils du corps tels que les visions de Gichtel les lui ont révélés. Les éléments sont " localisés " en correspondance avec des parties du corps dans le texte au bas de la planche. 
Des passions sont mentionnées entre les centres subtils selon un parcours en spirale reliant le sommet du crâne (Saturne) au cœur (le Soleil) qui est enserré par un serpent. Les centres de Mercure (rate), Mars (gorge), et Saturne (crâne) sont rouges à l’intérieur, ceux de Jupiter (" troisième œil ") et du Soleil (cœur) respectivement blanc doré et or, les autres gris foncé. Un animal (un chien ?) semble courir le long du parcours en spirale, de l’extérieur vers le cœur.

C’est donc l’homme déchu immergé dans le troisième principe de Boehme, la nature extérieure, qui est représenté. 
On peut remarquer que, outre l’obscurité de son corps, il porte un linge couvrant ses parties sexuelles, ce qui indique qu’il n’est plus androgyne alors que la planche représentant " l’homme parfait " plongeait cette zone du corps dans une obscurité indifférenciée. 
Les correspondances des éléments avec les organes sont celles données dans L’Aurore naissante de Boehme. Le cœur, siège de la chaleur corporelle, " contient " le Feu, la vessie, qui est assimilée à un espace d’échange intermédiaire entre influences sidériques et terrestres, correspond à l’Air, le foie à l’Eau (car Boehme donne au foie la maternité du sang, liquide vital du corps ; un rôle analogue lui est dévolu dans la physiologie taoïste), et les poumons à la Terre . 
Cette dernière correspondance peut surprendre :peut-être Boehme voit-il dans les poumons ce qui n’a aucun mouvement sans le souffle, comme la chair qui est de la qualité Terre elle aussi et qui n’a pas de vie sans " la vertu des étoiles "transportée par les veines ? Le chien qui court est peut-être la puissance vitale inintelligente empruntée à la nature extérieure.

La disposition des centres subtils associés aux planètes est en harmonie avec les domiciles des planètes dans le Zodiaque : le long de la spirale, chaque planète est associée à une autre régissant le domicile opposé au sien ; Saturne à la Lune, Jupiter à Mercure, Mars à Vénus . 
Le rôle central du Soleil exclut qu’il participe à cette association. 
Il y a aussi harmonie avec la correspondance entre planètes et Formes de la Nature donnée dans L’Aurore naissante. Saturne, associé à l’Astringence, pose les limites de la nature extérieure : il a logiquement sa place au sommet du crâne. 
Jupiter représente la limite de l’extension de la Lumière (contenue par Saturne). Il a donc sa place juste en-dessous. Par ailleurs, Boehme l’associe dans ses œuvres ultérieures au Ton (sixième Forme) où toutes les qualités divines, les sept Formes de la Nature Eternelle, se reconnaissent mutuellement et s’harmonisent, devenant pleinement intelligibles les unes pour les autres. 
Cette intelligibilité correspond à la vision spirituelle, donc à l’ouverture de l’œil frontal, même si chez Boehme, le symbole de l’audition est préféré. Mars correspond à l’Amertume (troisième Forme), à l’Angoisse, au Feu obscur. 
Il est proche du Soleil. Boehme explique sa naissance par la compaction du Feu colérique projeté hors du Soleil et maîtrisé par la Lumière qui a circonscrit son action. Il est placé au centre guttural. 
Or, ce centre fait la jonction entre la tête et le tronc. La Colère (Mars) barre l’accès au monde supérieur, au Paradis (que Boehme associe à Jupiter dans De la signature des choses). Vénus représente l’Eau de douceur, l’Amour (cinquième Forme), qui s’abaisse au-dessous du Soleil. Mercure est ambivalent : il est, pour l’homme naturel, le Mercure empoisonné, le venin. Il peut aussi être la médecine contenant la Teinture régénératrice. Gichtel le " place " au niveau de la rate. 
Dans sa signification négative, Mercure est associé par Boehme à l’Aiguillon furieux (deuxième Forme, correspondance donnée dans De la signature des choses) qui sépare et distingue les essences, et combat le reserrement provoqué par l’Astringence. 
Il est remarquable de constater que dans la tradition chinoise, la rate joue le rôle de " centre de tri " qui ordonne en séparant. " Elle correspond à la pensée créatrice et aux réflexions "(Xiuzhen Tu). 
Elle est bien ici en rapport avec Jupiter sur la spirale, ce dernier, au " troisième œil ", assurant l’harmonie entre les hémisphères cérébraux, et de même que la physiologie chinoise donne à la rate une fonction de création intellectuelle, chez Boehme Mercure est effectivement lié au Verbe Architecte . 
L’association Jupiter/Mercure a alors un rapport avec la sixième Forme, et non plus seulement avec la Deuxième, qui appartient à la Colère. Mercure, dans ce cas, est comme Jupiter associé à la vision spirituelle.Gichtel le souligne : ce centre est chez le régénéré l’Oeil magique qui est le lieu où le Père (Jehova) produit son Fils, lequel est dans le cœur.
Sur la planche concernant " l’homme parfait " ce centre contient le Nom " Jehova ". Chez l’homme naturel, il est seulement le Feu de la Colère divine, comme le Père n’est plus qu’un Feu infernal sans le Fils.
Enfin, la Lune occupe la région pubienne. Elle est associée par Boehme à la corporéité divine (septième Forme), à l’Argent, substance du corps angélique d’Adam. Gouvernant la génération, il est logique de la trouver dans la région des organes génitaux. 
Chez l’homme naturel, le corps est enténébré et grossier, et de même, le centre lunaire est obscurci, comme le centre de Vénus qui appartient au Deuxième Principe ou monde de la Lumière. Jupiter continue de luire, mais son accès est interdit par Mars. Mercure, Mars et Saturne, qui représentent les trois Formes du Premier Principe (la Colère) sont en rouge. 
Quant au Soleil central, placé au cœur selon les correspondances classiques, il a conservé sa luminosité, mais il est enserré par le serpent. Dans ce centre, si le serpent peut être vaincu, l’homme peut participer à la nature divine de Jésus, le Fils. 
On le met donc en rapport avec la Quatrième Forme, le Feu, qui est à la charnière de la Colère et de la Lumière. C’est là que se joue l’étape décisive pour l’Ame dans la quête de sa propre régénération.
Les obstacles à celle-ci sont les passions figurées sur la planche. 
Elles se présentent comme des étapes sur le parcours involutif en spirale qui va de Saturne au Soleil. Pour accomplir la régénération, il faudra les vaincre selon la même succession et se soustraire ainsi au Septénaire inférieur. 
C’est une opération de purification préliminaire qui conduit à l’ " octave Forme du Feu ", dans le cœur, où se situe l’épreuve déterminante. Le lien de l’amour de soi une fois rompu, grâce à l’abandon de la volonté propre, et au désir ardent de Jésus soutenu par la prière perpétuelle et l’ascèse, l’âme est transpercée par " l’épée du Cherub " qui interdit l’accès au Paradis. 
Si elle reste ferme dans cette épreuve du Feu, elle voit se consumer les dernières impuretés qui la séparaient de Sophia, la Vierge Céleste, Sagesse divine, et reçoit celle-ci pour épouse.
Si ses impuretés n’ont pas disparu entièrement dans l’épreuve du Feu, il y a néanmoins un risque que l’activation du centre cardiaque ne ravive des passions au contraire exacerbées et que Sophia ne soit perdue. 
Chez Boehme (De la Signature des Choses, chapitres 10 et 11) on trouve la description d’un processus similaire, de Saturne à Vénus. Il semble qu’en plus, à chaque activation d’un centre, un charisme particulier se développe. 
Lorsque l’Amour (Vénus) est avivé, il faut subir la mort initiatique, ce qui évoque l’épreuve de " l’octave Forme du Feu " chez Gichtel. Saturne, Mars et Mercure tentent de tuer l’Amour, mais ils s’y font absorber.
C’est l’œuvre au Noir. L’apparition de cette couleur, selon Evola, est caractéristique de la " Voie humide ". De cette mort initiatique va surgir la vie. Boehme a une phrase éloquente : " Quand tu verras le sang rouge du fiancé sortir de la mort avec le gluten blanc de la Vierge, sache que tu possèdes l’arcane du monde entier . " (De la Signature des Choses, chapitre 11). Vénus est " placée " dans le foie, mère du sang. Le sang est aspiré vers le cœur, où l’épreuve se déroule: Vénus représente ici Sophia. L’élément viril de l’âme, le sang rouge, s‘associe au gluten blanc, la substance de la Sagesse divine, et le mariage a lieu. Gichtel décrit l’apparition de Sophia au cours d’un baptême dans une mer de feu (l’eau vénusiaque et sophianique, le feu viril ; cette mer de feu est aussi la mer de cristal de l’Apocalypse, symbole de la Sagesse pour Boehme). Evola remarque que l’âme " change de sexe " : d’abord fiancée amoureuse de Jésus, elle devient l’époux de Sophia tandis que Jésus semble, si l’on peut dire, se " féminiser ". 
Il y a là un parallèle intéressant avec l’Alchimie taoïste, car dans celle-ci, au cours de l’activation du centre cardiaque, le yin dans le yang et le yang dans le yin se révèlent, le masculin extérieur étant féminin intérieur et vice versa. 
Quand le vrai yang et le vrai yin se sont reconnus, ils s’unissent. Evola indique qu’après la " Traversée de la Mer Rouge " (l’épreuve de l’octave Forme du Feu), certains récits symboliques font état d’êtres ailés ou aériens.
Or l’activation du centre cardiaque rend le souffle interne fondamental (le prana de la tradition hindoue) nettement perceptible. Entre autres sensations, on peut percevoir une pulsation à la base du crâne, vers l’occiput. Et c’est là que Gichtel représente le siège de Sophia sur la planche de " l’homme parfait ". 
Il y a un parallèle saisissant avec la tradition taoïste, où l’occiput est appelé la " passe Oreiller de jade ". Voici quelques expressions empruntées au Xiuzhen Tu : " c’est le point stratégique pour monter au ciel et atteindre le dragon jaune (divinité et pensée véritables)(…)Alors le bouvier et la tisserande se rencontrent et engendrent l’enfançon, nourri par le lait maternel ". Chez " l’homme parfait " de Gichtel, on voyait l’énergie essentielle (" kundalini ") monter de la région des organes sexuels vers cette passe à l’arrière de la tête. 
Chez l’homme ténébreux, il faut d’abord vaincre le Septénaire inférieur puis passer par le Feu du cœur et alors la passe peut être rouverte. Notons que dans la mystique, l’énergie du désir pour Dieu n’est autre que l’énergie " sexuelle ", l’énergie essentielle de la vie, épurée et sublimée. 
D’où son rôle sur la planche de " l’homme parfait ".
Chez l’homme ténébreux, cette énergie n’est pas figurée, car sa véritable puissance est occultée par l’enfermement egotique. Gichtel évoque toutefois la " faim magnétique " (saturnienne au départ) qui, convertie, devient désir de Dieu et soutient tout le processus. Remarquons que si sept centres sont activés, il y a en fait neuf étapes (passage par l’octave Forme du Feu et mariage avec Sophia : cela est précisé par Gichtel). Une fois uni à Sophia, le pratiquant a accès au Septénaire supérieur. Evola pense que cette ascension du Septénaire supérieur commence au centre situé au périnée. 
Mais on pourrait se demander si les centres inférieurs du corps n’ont pas déjà joué leur rôle, au moins en partie, dans la phase préparatoire de purification et d’oraison, puisque le centre cardiaque est activé et que le souffle interne monte déjà vers la demeure sophianique de la tête. La purification de l’âme étant incomplète durant la phase d’oraison, c’est sans doute l’activation des centres inférieurs qui explique la violence des tentations ressenties alors par le mystique. Le fait qu’elles soient attribuées au " Diable " va dans ce sens, évoquant les centres de la région " infernale ".

On peut donc dire de cette planche qu’elle est, comme les autres, une source d’indications pratiques pour le processus d’Alchimie interne dans la voie choisie par Gichtel, et que ces indications ont trait non seulement à la mystique, mais à des références psycho-physiologiques subtiles. C’est l’homme ténébreux qui est figuré, mais celui-ci est le matériau et le laboratoire où tout le processus est initié.

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FIN


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