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Les mots substitués


Comment les maçons se reconnaissent-ils entre eux ? Grâce à quelques «secrets» parmi lesquels on distingue les signes, les mots et les grippes que nous désignons aujourd’hui par le curieux substantif d’attouchements… Des mots, mais quels mots ? On peut évoquer les mots du maçon, les mots de passe, les mots sacrés, la forme dégradée des mots de semestre, l’ultime Parole perdue et  les mots substitués sujet de cette planche au troisième degré.

Comme vous le verrez ; il convient d’ajouter les noms des personnages croisés tout au long des rituels à tous ces mots et de savoir dès maintenant que nous devrons les associer les uns aux autres pour nous y identifier si nous voulons bien comprendre toute la richesse symbolique des rituels…

Des mots et des noms en maçonnerie, on en trouve des centaines.  Michel Sain-Gall les a regroupés dans son livre intitul : Dictionnaire du Rite Ecossais Ancien et Accepté. Hébraïsmes et autres termes d’origine française, étrangère ou inconnue. (Editions Télètes - 51 rue de la Condamine Paris 17°. Code ISBN : 26906031-23-2).

Cent quarante quatre pages de mots et des noms trouvés dans nos différents rituels. Pour définir le «Mot», il explique que cela provient : « Du latin populaire mottum, dérivé du bas latin muttum signifiant: « un son émisou grognement ». En Maçonnerie, les mots permettent aux frères de se reconnaître entre eux à chaque degré. En effet, la plupart des 33 degrés du R.E.A.A. possède ses propres mots. Cette tradition extrêmement ancienne, qui est aussi celle du Compagnonnage, rend toute imposture bien malaisée pour un profane.

En effet par le passé, il convenait de se faire reconnaître comme maçon à l’extérieur de la Loge. Le mot du maçon servait alors de sésame pour franchir les portes de l’Atelier.

Une fois la Loge dûment couverte, fallait-il encore vérifier le grade de chaque participant avant d’ouvrir les travaux. C’est là qu’intervenait le mot de passe. Bien plus sûr que le geste d’ordre qui pouvait être facilement copié et imité par d’éventuels usurpateurs, le mot de passe circulait de frère en frère en étant énoncé ou épelé dans un murmure.

Il en reste un vestige lors de la fermeture des travaux du troisième degré quand le Très Vénérable Maître demande au Second Surveillant : « Frère Second Surveillant, d’où venez-vou s» ? Ce dernier répond : « De l’Occident, où nous avons cherché les Mots véritables du Maître Maçon ». Le Très Vénérable Maître questionnant alors le Premier Surveillant : « Frère Premier Surveillant, les avez-vous retrouvé s» ? La réponse de ce dernier étant : « Non pas Très Vénérable Maître, mais nous vous apportons les Mots substitués que nous désirons soumettre à votre approbation ». Là les deux surveillants se donnent l’attouchement de Maître et se communiquent à l’oreille le Mot de Passe (Tubalkain) puis ils exécutent les Cinq Points Parfaits de la Maîtrise en se donnant le Mot Sacré des Maîtres (Mohabon). Le Premier Surveillant s’avance alors jusqu’à l’Orient pour que le Très Vénérable Maître reçoive à son tour les Mots. Enfin ce dernier déclare : « Vénérables Maîtres, les Mots substitués du Maître Maçon m’ont été communiqués régulièrement. Je les approuve et les confirme et déclare qu’ils désigneront désormais tous les Maîtres Maçons du monde entier, jusqu’à ce que les Mots véritables puissent être retrouvés ». Nous reviendrons sur le fait que les Mots puissent aussi désigner la personne de chaque frère. Autrement dit : le Maître maçon devient lui aussi un homme de substitution. Comme si le Maître était une « Parole vivante » !

Précisons que la circulation du Mot de Passe et du Mot sacré existe toujours de nos jours chez les Chevaliers Rose-Croix pratiquant le Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Revenons à notre troisième degré, nous sommes bien à la recherche des mots véritables des Maîtres Maçons qui ont été perdus avec la disparition d’Hiram ; seuls les Mots substitués nous sont accessibles…

Si la circulation des Mots était systématique dans le temps, pourquoi a-t-elle  disparue ? La circulation débutait par les plus jeunes initiés pour monter petit à petit jusqu’au Vénérable Maître. Cette lente circulation a été allégée par un rituel plus rapide où les Mots ne se transmettaient plus qu’entre des Diacres, les Surveillants et le V\M\. Il existait bien dans les Loges deux offices de Diacres. En 1877, avec la suppression de tout ce qui touchait à la religion, les Diacres passent aussi à la trappe et ipso facto la circulation des Mots est retirée des rituels. Ceci est d’autant plus regrettable qu’il eut été judicieux de confier cette circulation aux frères Expert et Maître des Cérémonies…

Ne soyons pas trop exigeants, les Mots Sacrés sont à nouveau suggérés à la fermeture des travaux des premier et second degrés depuis les années 1960 quand le Vénérable Maître demande : « Où les apprentis ou les compagnons reçoivent-ils leurs salaires » et que les surveillants répondent en citant les colonnes Boaz et Jakin… Mieux encore, une proposition de modification des rituels lors du Convent 6012 remet tout ceci au goût du jour et nous le constatons depuis peu dans notre rituel d’ouverture des travaux de notre Loge.
 
Il est important d’extraire le symbolisme de cette circulation en réalisant que les nouveaux initiés apprenti ou compagnon sont désignés par les Mots de Passe et les Mots Sacrés quand on leur dit par exemple : « Passe Schibboleth» ou « Passe Boaz ». Il y a là un phénomène singulier d’identification à travers les Mots. Le Mot Sacré devient le Nom de l’Initié ! Une piste supplémentaire de recherche est à entreprendre si je vous dis que les Mots sont -eux aussi- souvent comparées à la Parole… La Parole va être perdue perdue, mais ne nous hâtons pas de la retrouver, qu’elle reste pour nous un questionnement motivant, un travail presque sans fin et pourquoi pas un mystère qui en fera toute la beauté.

Pour l'initié qui comprend la teneur du Rite Ecossais Ancien et Accepté, il sait qu'il lui faut "rassembler ce qui est épars" et qu'alors les signes isolés pourront endosser une autre signification si on les met en résonance. Prenons par exemple les Mots Sacrés des premier, second et troisième degrés, seuls ils n’ont qu’une valeur de tuilage dans des mémentos d'instruction, rassemblés ils sont alors les jalons d'un parcours initiatique. Au grade d’apprenti, le Mot Sacré est BOAZ signifiant: “en lui est la force“. Au grade de compagnon, le Mot Sacré est JAKIN, signifiant : “il maintiendra“. Au grade de maître, le Mot Sacré est MOHABON : “c'est l'Architecte“. Cela peut sembler être dénué de sens mais réunissons-les et nous obtiendrons une phrase qui nous renvoie au Grand Architecte de l’Univers. Voila comment, après s’être identifié aux mots, chaque frère découvre un message ésotérique le mettant en route sur le chemin de l’initiation. Assembler ces mots, leur donner tout leur sens, c’est les rendre opérationnels et actifs.

L'exaltation à la maîtrise place le candidat au cœur d'un psychodrame mythique : "Le Maître est mort et la Parole est perdue". C'est l'exil du sens, le récipiendaire ne reçoit que des Mots Substitués attestant d’une amputation de la connaissance. Mais à ce degré est-on en mesure de l’appréhender ? La mise en chemin qui s'engage nous ramène à la quête de l'Homme à travers une triple substitution : celle du mot sacré que les mauvais Compagnons n'ont pu arracher au Maître, celle qui, par les cinq points parfaits de la Maîtrise, nous fait succéder à Hiram, celle enfin qui nous faisant passer de l'équerre au compas nous engage dans la voie de la spiritualité, celle de l'Esprit, la voie d'une nouvelle naissance. Mourir avant de renaître : passages essentiels de toute initiation. Encore faut-il que l'on soit apte à décrypter les signes qui nous sont transmis et à trouver la bonne clé qui nous permettra d’avancer.

Substituer vient du latin : subqui veut dire : sous et statuere qui signifie placer ; c’est donc mettre quelque chose à la place et en dessous d’une autre. C’est remplacer un mot par un autre, non pas sans analogie, mais avec des échelles de valeur différentes.

La substitution consiste à éliminer un mot en le remplaçant par un autre qui pourra en évoquer juste le sens. Ainsi le tombeau d’Hiram se substitue au corps de ce dernier : il n’est pas la représentation du squelette mais il va en figurer  l’absence. Le Mot Substitué se trouve donc être le sens de la Parole perdue et il manifeste aussi l’absence de cette Parole. Il devient le signe matériel de quelque chose d’invisible. La substitution se réfère à l’essentiel et renvoie à un au-delà qui appartient à l’esprit par conséquent à une réalité sacrée.

Le recours à la substitution est la forme de transmission propre à la Tradition. La Parole n'est pas complètement perdue – restons optimistes - seule sa communication est suspendue. En invitant l'initié à la rechercher, rien ne lui est imposé. La parole substituée est une tentative incomplète de refonder l'unité initiale que l'on sait perdue. Par référence à la tradition, elle porte en elle l'idée d'une transcendance et s'adresse à l'homme universel. La substitution a encore pour fonction de cacher au profane le nom véritable, ainsi se fait le passage du récipiendaire (qui peut être un des mauvais Compagnons) au néophyte qui est jugé digne d'en être dépositaire et ainsi de suite à travers les différents degrés du Rite.

Notre responsabilité est de nous identifier aux Mots et d’en personnaliser le message symbolique. La méthode d'accession à la Connaissance portée par notre Rite est celle de l'éveil avec comme finalité un projet de perfectionnement individuel dont les rituels et leurs symboles permettent de découvrir le sens tout au long du cheminement.

Le premier degré est caractérisé par une mort à la vie profane. Il correspond à une vie nouvelle, la vie intérieure, celle de l’esprit. Comme le dit Jean l’Evangéliste, « Personne, s’il ne naît d’eau et d’esprit, ne peut entrer dans le royaume des Cieux ». L’apprenti accomplit une descente en lui-même afin de prendre connaissance de sa propre nature et de trouver, au-delà de ses différences, l’essence et l’unité de l’espèce humaine. Il peut alors travailler à dégrossir avec efficacité sa pierre brute, c'est-à-dire apprendre à corriger ses défauts et à vaincre ses passions.

Au deuxième degré, le Compagnon apprend à connaître ses semblables et l’univers. Il prend conscience de l’existence des lois immuables qui régissent les mondes, c'est-à-dire l’œuvre du Grand Architecte De L’Univers. Il entre alors en contact avec le Bien, le Beau et le Vrai. Il achève la taille de sa pierre.

Le troisième degré permet au Maître Maçon, par l’évocation de la légende d’Hiram, de méditer sur la mort et la résurrection. Il perçoit alors la nécessité de construire son propre Temple spirituel. Il a conscience que la pierre qu’il représente doit s’intégrer dans une construction collective qui le dépasse. (15° + 16°).

Alors plongeons nous dans l’instruction du troisième degré pour nous permettre de trouver les clés qui nous aideront à construire notre édifice ; n’oublions pas que certaines clés peuvent aussi être des Passe-partout :

  • De quelle manière avez-vous été reçu Maître Maçon?
  • Par les cinq points parfaits de la Maîtrise et par le Mot Sacré substitué que m’a communiqué le Très Vénérable Maître.
  • Que peut signifier ce mot?
  • Les significations qui lui sont attribuées habituellement sont diverses. Si on interprète d’après l’hébreu, Mohabon a le sens de: « Poseur de pierres polies » et par extension, de « Constructeur ou Ordonnateur ». Le Mot Mohabon signifie: « Chef des Constructeurs ou Architecte ». On peut en déduire que les deux versions tendent à la même signification.
  • D’après la légende du grade, il avait été convenu que le premier mot prononcé en découvrant le cadavre d’Hiram : «C’est l’Architecte!» serait adopté comme Mot Sacré, substitué au Mot Véritable, connu d’Hiram et perdu avec lui.»
  • Quels sont les autres moyens de reconnaissance des Maîtres?
  • L’Attouchement, le Mot de Passe, le Signe d’Ordre, le Signe Pénal, le Signe d’Horreur et le Signe de Détresse.
  • Donnez-moi le Mot de Passe:
  • Tubalkain.
  • Que signifie ce mot?
  • C’est le nom de l’artisan mythique qui, le premier, sut mettre en œuvre les métaux; il suggère: « La possession du monde »

La possession du monde, tout un programme ! Le Rite Ecossais Ancien et Accepté enverrait-il un jour ses adeptes en dehors des Loges pour aller parcourir le monde ? Avant de prendre notre bâton de pèlerin, n’oublions pas une autre phrase des rituels du R.E.A.A : « Mes Frères, vous ne prendrez pas les mots pour des idées et vous vous efforcerez toujours de découvrir l’idée sous le symbole ».

Très Vénérable Maître et vous tous Vénérables Maîtres,

J’ai dit,

P\N\


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