Obédience : NC Loge : NC 22/11/2012


Pourquoi les mots substitués reviennent-ils de l'Occident ?
Le GADL'U est-il un mot substitué ?

7156-8-1
Orient Occident

Cette planche m'aura permis de prolonger un travail qui s'intitulait : « Dans quel lieu sommes nous ? » et je vous en remercie.

A la lecture des 2 questions posées dans l'énoncé de cette planche symbolique (et non conférence), apparaîssent 2 mots que l'on retrouve dans les deux phrases : mot(s) substitué(s).

J'ai essayé le plus simplement et succintement possible de donner une réponse à ces questions, prenant comme fil rouge la « fonction de substitution ».

1ère question : Pourquoi les mots substitués reviennent-ils de l'Occident ?

Pour répondre à cette question, j'ai dû me baser sur l'orientation des colonnes du Temple de Salomon et repartir au début de la cérémonie d'exaltation à la Maîtrise.

La Franc-Maçonnerie du REAA, intègre dans ses rituels de nombreuses références au Temple de Salomon. La Loge, orientée et consacrée par le rituel est devenue temple et conçue comme une image, une reproduction symbolique de celui-ci. (Le Temple de Salomon)

Un peu d'histoire, en tous cas celle qui nous a été transmise… La construction commença la 4éme année du règne de Salomon (environ 964 avant JC) et dura plus de 7ans (7ans et plus). Le Temple était une construction magnifique d'une forme générale d'un rectangle (Carré long) coupé en trois parties inégales (Ulam, Hékal et Débir).

L'entrée du Temple était encadrée de deux colonnes et s'ouvrait à l'extérieur vers l'est, soit en direction du soleil levant. Vous aurez donc remarqué que l'orientation de nos temples maçonniques est inversée par rapport à celle du temple de Salomon. Nos parvis se trouvaient donc à l'est pour le temple de Salomon.

C'est dans le Livre des Rois, qui couvre toute la période de la construction du Temple (ch. 5,6,7), qu'il est précisé qu'Hiram dressa les colonnes devant le portique, c'est à dire le Ulam. La colonne de droite, il la nomma Booz et la colonne de gauche Jakin.

Construit à partir de la géométrie sacrée, le temple avec ses trois parties distinctes, présente des analogies avec le macrocosme (le monde cosmique) et le microcosme (le monde individuel, l'homme).

Être soi même homme/temple, c’est être soi même espace de contemplation et de ce fait consacré. Dans la construction, le temple de Salomon sert de référence symbolique et en quelque sorte de modèle idéal pour le travail que tout maçon entreprend pour Se construire, Se réaliser. Nous sommes, ne l'oublions pas, notre propre projet, nous nous s'initions nous-même au sein d'un collectif !

Compte tenu des faits historiques et du récit extrait du Livre des rois, je vous rappelle que l'orientation de nos temples maçonniques est inversée par rapport au temple de Salomon.

Repartons maintenant du début de la cérémonie d'exaltation à la Maîtrise.

Le Compagnon qui a été surpris aux abords du temple, quitte à reculons la loge du second degré, où il contemple l'Etoile flamboyante à l'Orient et passe la porte à l'Occident. Il va changer de lieu, devenir l'Etoile et pénètrer dans le temple en construction vers lequel il va se retourner. Il se retourne donc vers l'Occident et pénètre dans une chambre obscure, que je situerais symboliquement au milieu de lui-même là où il va effectuer son examen de conscience.

C'est dans cet espace, quelque part en nous-même là où nos sens corporels n'ont pas accés et qui abrite à la fois nos forces obscures et la claire conscience qui guide nos actes, l'intelligence du cœur, c'est là, qu'il me plait de penser la chambre du milieu, dans le Hékal, c'est là que le Compagnon va rencontrer, prendre conscience de ses mauvais compagnons et passer de l'équerre au compas.

Lorsque le néophyte est relevé par les 5 points parfaits de la maîtrise, il reçoit le mot substitué et renait en esprit de la personne du Maître Hiram aussi radieux et non plus radieux que jamais, restons humbles malgré cette identification, cette substitution.

A ce moment précis de la cérémonie, le rideau s'ouvre, les officiers regagnent leur place, tout s'illumine et le temple retrouve très vite un aspect connu. Cette action devrait faire prendre conscience au futur maître d’une nouvelle dimension de l’Orient. Mais, cette vision est trop fugace et il retrouve rapidement le temple tel qu’il le connaissait. Le voile épais ou le rideau évoque par lui-même, l’idée de mystère du fait qu’il dérobe au regard quelque chose de trop sacré ou de trop intime, d’ordre métaphysique, spirituel. Serions nous face au Saint des saints puisque nous étions dans le Hékhal ? Très certainement.

Nous avons tous pendant cette cérémonie d'exaltation, exploré notre chambre du milieu personnelle et il nous faut continuer de le faire...

Le travail du Maître, le but de la maitrise est défini comme le fait de rassembler ce qui est épars et de rechercher le mot perdu. Pour cela, le Maître est invité à voyager de l'Orient à l'Occident et de l'Occident à l'Orient et par toute la terre...

Si nous prenons l'image symbolique du Temple de Salomon comme référence à la construction de notre temple intérieur, l'orientation doit être inversée par rapport à notre temple maçonnique. J'insiste, excusez moi, sur cette orientation mais c'est pour la bonne compréhension de ce qui va suivre.

Le Maître ne va donc non pas quitter le temple, sortir vers le monde profane comme on pourrait le croire avec l'orientation de nos temples, mais au contraire pénétrer un peu plus avant dans le Temple, et donc un peu plus encore en lui-même dans son temple si l'on ramène le temple à la dimension de l'individu. Il va travailler hors de sa chambre des Maitres pour un autre lieu intérieur plus profond où je situe la Chambre du Milieu (l'Hékhal) et où il doit essayer de retrouver le Mot véritable des Maitres. Serait-ce le fameux Secret ineffable, incommunicable, la Grande Lumière, la Vérité, une Connaissance métaphysique... ?
 
En pratiquant le rituel d'ouverture et de fermeture au 3 ème degré, que savons nous ?

Le rituel annonce : - A l'ouverture les surveillants vont à l'Occident (et donc à l'intérieur du temple) chercher ce qui a été perdu.

 - A la fermeture, et vous le constaterez toute à l'heure, ils en reviennent en rapportant les mots non pas véritables, mais substitués.

Je comprends que si par le jeu de l'identification ou de la substitution les 2 Surveillants nous représentent tous, Maîtres maçons, alors pendant que nous travaillons en Chambre des Maîtres, en Conseil des Maîtres, nous sommes de fait symboliquement ailleurs, en la personne des Surveillants, dans un lieu plus intérieur en nous-même, plus profond en soi...à la recherche de ce qui a été perdu...

L’élévation à la maîtrise nous a donc conduits en direction de l’occident, en passant par une mort symbolique, vers le lieu de la Parole, vers le seul lieu où peut naître une vraie parole, lieu symbolisé par le Saint des Saints du temple de Salomon. Du reste les hébraïsants nous disent que le mot DVIR (Debbir) vient du mot DAVAR qui veut dire Parole.

Mais ce lieu où reposent « les secrets véritables des maîtres maçons », souvenez-vous, c’est aussi le coeur que montre le Vénérable Maître lorsque, fermant la loge au premier degré, il nous invite à enfermer nos secrets dans un lieu sûr et sacré. Il s’agit du cœur du temple intérieur que nous construisons en nous pour y abriter cette étincelle de transcendance ne résidant pas dans les temples de pierre, mais dans le cœur, au centre de chaque homme, de chacun d'entre nous.

Il s’agit donc là, pour le Maître, de la perception que le chemin initiatique sur lequel il est engagé, vers l’Occident, n’a de sens que dans la quête de l’Unité, du Principe, dans la quête de cette Vérité qui le dépasse et vers laquelle néanmoins il doit tendre...(bien sûr elle s’éloignera au fur et à mesure qu’il avancera).

En somme, mes Frères Vénérables Maîtres, lorsque nous partons vers l’Occident pour enjamber le cadavre d’Hiram, être frappés au front puis relevés et « affranchis d’une mort symbolique », c’est bien de Spiritualité qu’il s’agit, c’est notre quête spirituelle qui commence... Le 3ème degré est donc pas un achèvement, mais le début d'autre chose...

Pourquoi et qu’est-ce qu’un mot substitué ?

Substituer vient du latin : sub qui veut dire sous et statuere qui signifie placer ; c’est donc mettre quelque chose à la place d’une autre, remplacer un mot par un autre mais pas par analogie, pas par un mot impliquant un rapport de ressemblance avec le précédent. Le mot substitué ne signifie pas en lui-même, il autorise seulement la reconnaissance, l’identification.

Apprenti nous épelons, puis au grade de Compagnon nous donnons un mot de passe au risque de mal le prononcer. Au 3ème degré le F\ 1er Surv revient de l’Occident avec un mot de passe et un mot de Maître que le T\ V\ M\ approuve mais jusqu’à ce que, dit-il, les mots véritables puissent être retrouvés. Il est clairement entendu qu’il s’agit-là d’un arrangement, d’un accommodement… On fait comme si... !

Tout compagnon élevé au grade de Maître a reçu un mot substitué parce que le vrai mot a été perdu à la mort d’HIRAM. C'est plus exactement, à mon sens, la transmission du Mot, de la Parole, de la Connaissance qui a été perdu.

HIRAM s'est sacrifié en gardant le secret. Ce que cherchaient les mauvais compagnons (nos passions, l'ego mal maitrisé) ce n'était pas la Parole, c'était le mot de passe, le truc qui leur assurerait le commandement, bref, ils voulaient le pouvoir non la Connaissance. Seulement, en tuant le Maître (notre Moi profond en construction), nos mauvais compagnons ont occulté la transmission du Vrai savoir. Ils ont interrompu la tradition de l'Art Royal.

Le mot substitué choisi, est celui prononcé lors de la découverte du corps d'Hiram. « Moabon » nouveau mot sacré signifiant « C'est l'Architecte ! ». Ce n’est pas un mot de reconnaissance (mot de passe ou mot secret) comme ceux des deux premiers degrés. Le Mot Substitué, lui, a un autre sens, il a pris une autre dimension : il est là pour remplacer la Parole perdue.

Selon la Tradition, le mot du Maître, le mot SACRE pourrait être le nom ineffable car inexprimable. Le Mot sacré détenu par Hiram (et révélé à Moïse) relève d’une Connaissance de l’Omniscience et de la toute puissance du Principe créateur. Mais aucun humain ne saurait en appréhender la quintessence divine. D’où la nécessité d’un mot à portée humaine : le mot substitué.

Parole perdue et mot(s) substitué(s) sont indissociables car la mort d’HIRAM symbolise essentiellement la perte de la Connaissance, de l'Unité originelle. Grâce aux mots utilisés maintenant nous pourrons continuer à nous construire.

C'est mon explication et qui n'engage que moi.

Ce Mot substitué, en réalité n’est pas autre chose qu’une gigantesque question... La réponse à cette question serait...le vrai mot sacré ou la Parole perdue elle-même, qui pourrait être...le véritable nom du Grand Architecte de l’Univers.

Ce qui m'amène à la 2ème Question : Le GADL'U est-il un mot substitué ? Je viens en partie d'y répondre c'est à dire que le GADLU peut être un mot ou un nom substitué, mais reste pour moi essentiellement un symbole.

Toute tentative pour donner à ce concept un contenu précis relèverait du dogmatisme et serait alors incompatible avec les fondements de l’Ordre Maçonnique, de la GLDF.

Au Maître maçon il n’est finalement pas demandé de croire mais de travailler sur le concept du GADLU, d’en faire un outil de sa démarche, d’admettre que la connaissance de la totalité des choses ne nous est pas accessible, ce qui évite tout discours dogmatique, mais que nous pouvons réfléchir sur les manifestations de ce Tout, (l’univers matériel, l’homme, la Vie).

Le Rite nous permet d’établir un lien entre l’ineffable et le monde. Et c'est toute notre démarche initiatique désormais que de devoir rechercher inlassablement cette Parole Perdue. Elle sera désormais le centre de notre « réflexion ».

Il faut rechercher ce qui a été perdu, oublié, qui se trouve dans les profondeurs de notre conscience. Il nous faut méditer, pratiquer l’introspection : D’où viens-tu ? Qui es-tu ? Où vas-tu ? nous invite constamment à donner du sens à notre vie.

La parole perdue serait-elle alors la clé de la construction du temple ? De la construction de notre propre temple ? Serait-elle la clé de voûte, symbole de l’équilibre, de la solidité et de la stabilité de notre propre édifice ?

Nous devons alors nous plonger à l’écoute de notre conscience et chercher sans relâche.

Le symbole du Grand Architecte de l'Univers n'étant lié à aucune croyance, exprime donc la foi du maçon écossais dans sa totale liberté de conscience. Il se place tout naturellement dans le cadre de l'initiation sur un plan idéal transcendant notre chaos intérieur, exaltant la Vertu, les valeurs morales, spirituelles les plus hautes, donnant le goût du sacré et conduisant au voyage vers l'invisible, l'incommunicable.

S'interroger sur le Grand Architecte de l'Univers conduit, tout naturellement (si je puis dire), à s'interroger sur une pensée primordiale transcendante, structurante, plus vieille que l'humanité, plus vieille que le monde, qui relie au travers des siècles, la finitude des êtres au mystère de l'infinitude du monde dont il procède et participe.

Le Rite Ecossais a, pour sa part, conservé une place très haute au Grand Architecte ; mais il faut insister sur le fait qu'à travers ce vocable il proclame seulement un « Principe » et non un « être suprême ».

« Comprenons bien, nous dit un rituel maçonnique, que le Principe Créateur que nous traduisons par ce symbole est ineffable et lui donner un nom (Dieu, Allah, Brahma...etc), c’est le rapetisser à la mesure humaine donc le profaner ».

Le Principe n’est « Dieu » ou « GADL'U » que lorsque des hommes sont là pour le concevoir comme tel, utilisant alors des mots (noms) substitués pour évoquer son indicible réalité, pour désigner une réalité transcendante ineffable...

A la Grande Loge de France, nous invoquons le Grand Architecte de l'Univers au début et à la fin de nos travaux rituels. L'énoncer peut être d'affirmer un idéal de perfection à partir duquel peut s'ordonner, s'organiser, se bâtir la perfectibilité de l'Homme.

La voie de la Connaissance de la parole du Maître qui s’élabore dans notre temple intérieur, par notre recherche spirituelle, lointain écho de la Vérité et de la Parole Perdue, nous nous devons de la transmettre. C’est le sens de ce passage fort qui prolonge le relèvement du nouveau Maître, dont vous vous souvenez tous : « C’est ainsi que tous les maîtres maçons, affranchis d’une mort symbolique, viennent se réunir avec les anciens compagnons de leurs travaux et que, tous ensemble, les vivants et les morts, assurent la pérennité de l’oeuvre ».

C’est bien ici de l’oeuvre de transmission qu’il s’agit.

J'ai dit Très Vénérable Maître.

M\ F\


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