Obédience : NC Loge : Les Compagnons Carrière St Denis 06/06/2006


Le Mot Sacré de Maître

« Après la découverte du corps d'Hiram [figuré par le récipiendaire] le Second Surveillant essaye de le relever par l'attouchement de l'A et la chair quitte les os ! Puis le 1er Surveillant veut en faire de même par l'attouchement de C et tout se désunit ! »

Alors le TVM rappelle : « souvenons-nous mes frères que seuls, nous ne pouvons rien. Aidez-moi ! » Les Cinq Points Parfaits permettent de redresser le récipiendaire. Il est ainsi accueilli par le mot sacré qui ne peut être prononcé que dans cette seule position.

Cette mise en scène, qui clôture la cérémonie d'élévation et crée véritablement le nouveau MM, est significative, manifestement, d'une naissance, ou plutôt renaissance du respectable Maître perdu mais il est relevé, et de quelle façon ! Par 3 Maîtres reconnus et chargés d'instruction.

Les 2 SS ne peuvent relever seuls ce corps car ils ne procèdent que par geste avec l'attouchement d'A ou de C et il est en décomposition ; autrement dit il est en phase de putréfaction, il ne reste que l'ossature de ce qu'il a été et il ne peut être relevé, revivre, sans le mot prononcé par le TVM, le verbe murmuré à l'oreille dans une seule position, énergétique et porteuse de sens : étroitement liés par le pied, la griffe, le genou, la poitrine et la main gauche entre les épaules. Alors il peut recevoir, et être recréé, par le mot sacré en 3 syllabes chuchotées aux oreilles puis en un souffle qui se veut créateur, audible par tous. Ça, c'est ce que je vois.

Quant à ce que j'entends, l'instruction au grade de Maître me donne la signification du mot chuchoté :

« Que signifie ce mot ? »

« Il veut dire : le Fils du Père, ou la Vie Nouvelle »

L'intuition qui m'est apparue dans la gestuelle se précise : le compagnon a bénéficié de la transmission de l'expérience et des connaissances de celui qui le précède, qui l'instruit ou qui lui sert d'exemple, et, grâce à son propre travail avec ce qu'il a en lui (son humus personnel, son terreau dirait le chaman), il nourrit et enrichit ce qui lui a été enseigné. C'est pourquoi, comme tout un chacun d'ailleurs, il est unique car : détenteur de savoirs et de connaissances, il les a nourries et enrichies de sa sensibilité, de sa spiritualité pour devenir sa propre connaissance en sa vérité intérieure...afin de se dépasser.

Il devient alors créateur de lui-même, créé par « son Père » et par lui-même, il est Vie Nouvelle. C'est ainsi à une perpétuelle réalisation que nous invite le 3ème degré puisque nous devons être conscients que toute renaissance renferme en elle-même le germe de sa disparition et que le cycle immuable de la mort et de la naissance doit se poursuivre continuellement.

Comme dans toutes les traditions initiatiques, il y a naissance puis pour chaque échelon supérieur, épreuve et renaissance ; mais ici le mot sacré nous a indiqué la « procédure », c'est-à-dire de quelle façon il renait, grâce à quelle action, à quelle « œuvre ».

Comme le Compagnon d'autrefois, après avoir été instruit par son maître, toujours guidé il a perfectionné son geste, puis, avec la maitrise du geste, il a créé son chefs d'œuvre issu de son imagination. Après avoir connu l'existence de Dieu, Créateur de tout ce qui est, il a commencé à se connaitre lui-même, a étudié les arts utiles à la Société puis fait œuvre spéculative.

C'est cette démarche « spéculative » (au sens étymologique : méditer, « réfléchir » pour s'enrichir), cette action de soi sur soi, qui démontre que l'on n'aboutit pas au grade de Maître grâce à une acquisition de connaissances, vécues ou encore moins livresque, mais bien par une démarche, c'est une transmission initiatique, une réelle palingénésie.

Quant aux conditions de la renaissance ?

Certains disent qu'elle n'est rendue possible « qu'au travers d'un passage par les ténèbres de la mort dissolvante ».

La Bible nous dit « il faut que le grain meure pour renaitre »...que nous dit l'Instruction du maître :

« Où trouva-t-on le corps de notre respectable Maître ? »
« Dans un tas de décombres »

La nature nous le dit : le chêne ne peut s'élever du gland si celui-ci ne pourrit pas dans l'humus de la terre. (Puisse l'humilité toujours m'habiter).

Cette cérémonie, dite « d'élévation », cette recréation pourrait faire penser à l'oiseau Phénix par le fait qu'il est victoire de la vie sur la mort ; c'est le feu purificateur qui le fait renaître : puisque l'impétrant est pour la première fois relevé, ce 3ème degré pourrait donc être la fin du cycle symbolique qui débute par le feu de l'initiation.

Cette recréation, d'une connaissance enrichie par l'enseigné, éclairant toujours sous un jour nouveau afin d'en voir et transmettre une autre facette, me fait aussi penser à tout objet (si ce n'est toute connaissance) que je peux symboliser par une pyramide. Personne ne conteste la réalité d'une pyramide bien que personne ne voie ses 5 faces, et si l'astre glorieux un instant au zénith voit et éclaire 4 faces quand nous n'en voyons que 2, la 5ème est dans l'ombre et soutient l'édifice. Ainsi nous ne pouvons qu'ajouter notre vision à ce que voient les autres si nous voulons tenter d'apercevoir une parcelle de vérité.

Cette recréation, et la signification ésotérique de ce mot, me font penser à la démarche de l'alchimie qui annonce transformer « le plomb en or ». Et bien que cette annonce ne concerne pas naturellement la matière, je remarque qu'avec du sable, de la poussière de roc, les « souffleurs » et « passeurs de Lumière » ont fait du verre, matière translucide et modelable, puis en ajoutant du plomb, ils en ont fait du cristal : avec des particules de matière ils ont fait de l'esprit. Je note aussi que si l'alchimie possède la même devise que le Rite Écossais Ancien et Accepté (Ordo ab Chao), je dois prendre conscience de l'opération alchimique dont dépend ma progression initiatique et remettre en question, à chaque étape franchie, ma position d'initié. Car « plusieurs mues sont nécessaires pour que nous parvenions à ordonner notre chaos et construire un temple intérieur qu'il nous faut continuellement remodeler et embellir ».

Lors de cette cérémonie, avant d'être redressé, j'ai vu, comme lors des cérémonies d'initiation et de passage, des voyages qui amenaient de la périphérie vers le centre. Mais là lors de l'élévation, le voyage est mental pour moi alors que la loge est très différente : la loge est composée d'éléments épars qu'il faudra rassembler ; tous vont voyager, tous vont se mobiliser mais autour d'un centre immobile : le compagnon. Le rite est bien destiné à « conduire le récipiendaire vers son centre, en vue d'une transmutation de l'être ». La force centripète engendrée par le voyage dextrorsum des 9 me le confirme.

Après ces quelques réflexions, le mot sacré me semble consacrer un premier cycle qui conduit de la mort symbolique du cabinet de réflexion, où s'opère la première étape du Grand Œuvre alchimique, à une régénération complète au cours de laquelle Hiram reparait comme le dit le rituel « aussi radieux que jamais ».

La signification de Moabon m'indique que le 3ème degré est un degré de transition.

Ce qui compte, c'est de poursuivre inlassablement ma recherche, la recherche de la parole perdue, c'est-à-dire de la Connaissance véritable ou plutôt vers un affinement de « la connaissance » en tant que parcelle, que dis-je, poussière divine que représente chaque être humain.

Lorsque j'ai frappé à la porte du Temple dans ma lettre de candidature je disais que j'avais l'impression d'être devant une énorme bibliothèque fermée et que je souhaitais son ouverture. A nouveau, comment ne pas faire l'analogie avec Cybèle (...) quand une nouvelle porte passée m'invite à chercher. Et même si ces recherches m'amenaient à ouvrir des livres, je crois que les réponses viendraient de moi, de la culture que j'en fais avec mon terreau, de ma propre réflexion. La réflexion est une recherche intense sur ce que nous avons à l'intérieur de nous-mêmes afin de le réfléchir, refléter à l'extérieur. Lors de mon initiation, la présentation du miroir ne m'invitait pas seulement à me méfier de moi-même, mais aussi à chercher au-delà de l'image, au-delà de moi mais en moi.

Et je vais chercher souvent bien loin une réponse…que je détiens. Nous sommes tous des Moabon…si nous poursuivons.

J'ai dit.

J\ M\ J\

Dic. Robert : Phil. Chez les stoïciens, retour périodique éternel des mêmes événements. Didact. Renaissance des êtres ou des sociétés conçues comme source d'évolution et de perfectionnement. Fig. et Littér. Retour à la vie.


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