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Dante

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Un aperçu – exo - et – éso - térique basé sur sa vie, son œuvre et par conséquent surtout sur sa Divine Comédie

ou

lire Dante

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Tableau 1 : Les Limbes (Sénat)

« Quiconque possède un sain entendement peut voir la doctrine qui se cache sous le voile de vers étranges »

Ce passage est tiré de L’Enfer de la Divine Comédie. Ce vers est caché au milieu de 14000 autres et il est une des clefs du travail de Dante, en tout cas une de celle qui va guider mon travail. En fait ses écrits, et il le dit dans un autre ouvrage Il Convivio, (le Banquet) sont basés sous le signe du Polysensum (c.à.d. qui possède plusieurs sens). Dante précise même qu’il faut y entendre précisément quatre sens. (si personno intendere e debbonsi sponere massimamente per quatro sensi – Il Convito t. II, ch. 1er)

Mais, il ne dit pas à quoi ces quatre sens se rapportent. Au lecteur de les deviner. Les trois les plus évidents résident dans :

1- le sens littéral

2- le sens politique et social

3 -le sens philosophique ou plutôt philosophico-théologique

Reste bien évidemment à définir le quatrième. Pour nous maçon et quiconque a reçu l’initiation, sous le signe de la quête de la lumière, à la lecture de ses textes, il nous paraît évident qu’il ne peut s’agir que du sens initiatique, métaphysique et donc ésotérique.

 

Je pourrais vous parler de Dante rien qu’au travers de sa Divine Comédie, mais comme nous allons essayer de nous enfoncer dans ces quatre sens, vous devez être averti sur la vie de l’auteur. Car essayer d’aborder l’œuvre de Dante uniquement sous l’angle initiatique, cela reviendrait à séparer l’ésotérisme de l’exotérisme, cela reviendrait à supposer que le pavé mosaïque n’est composé que d’une couleur unique, que le fil à plomb n’est pas suspendu au-dessus, qu’il nous faut uniquement élever des temples à la vertu sans avoir conscience que cette action est indissociable de fait de creuser des cachots pour le vice, qu’il n’y a que le Yin, sans le Yang. Or l'un ne peut être sans l'autre, pensez à ce mouvement de balancier : plus nous allons loin dans un sens évident et plus l’énergie emmagasinée nous emmène loin dans l’autre sens, le caché. Réunissons la dualité, pour chercher dans le ternaire.

 

Nous sommes à la fin du XIIIème siècle, au début du XIVème, en Italie, à Florence. C’est une cité prospère, sans doute l’une des plus prospère du continent, donc du monde connu. Marco Polo (1254 – 1324) un contemporain de Dante, rêve déjà d’orient. Florence a de nombreux pôles d’intérêt : le commerce, l’économie (le florin), la politique, les foyers ecclésiastiques et l’Art et la culture.

Florence, comme toutes les cités italiennes est comme une petite république, gouvernée par le peuple, mais ces cités sont obligées d’être sous un protectorat qu’elles doivent choisir. Soit sous le protectorat de l’Empereur, soit sous celui du pape.

L’Empereur, c’est le chef du Saint Empire Romain, Empereur Germain. Car depuis le Xéme siècle, le roi de Germanie, une fois élu par les ducs et les évêques, et couronné par le Pape en Italie devenait automatiquement Empereur de la chrétienté.

Qui désire la protection de l’Empereur est appelé Gibelin, qui désire celle du pape est appelé Guelfe.

(Au début du XIIème siècle, compétition pour le titre de roi de Germanie entre 2 princes allemands : Welf et Waiblingen, partisans en Italie, prennent le nom de leur chef, 2 camps, W>G, le pape choisit Welf => les guelfes sont pour le pape) 

Chaque cité, en tant que république, se trouve donc livrée à elle même, défendant ses seuls intérêts qui sont concentrés ou

  • sur les traditions,
  • sur son saint ou sa sainte,
  • ses ancêtres ou ses grandes familles
  • sur le commerce.

En tout cas tout cela est bien loin d’une idée de communion nationale. Ce qui fait que les conflits entre cités sont nombreux.

Le patriotisme le plus ardent règne dans ses petites républiques qui se reconnaissent à leur campanile, dominant au loin les campagnes.

Pour défendre ses intérêts chaque cité entretient des troupes de mercenaires au côté desquelles, en cas de conflit, se battent les nobles de la cité. (Dante qui fait partie de la petite noblesse, participera d’ailleurs à deux campagnes notamment contre Pise)

L’âme de la patrie se retrouve ainsi à suivre la milice municipale à chaque conflit.

Sang, boucherie, bûcher, tel est l’épisode récurent que chaque cité doit vivre. Belle anarchie en est le résultat. Au gré des victoires, il y a un nouveau corps dirigeant et de fait chaque ville est tour à tour Guelfe ou Gibeline. Faisant éclater les anciennes alliances à chaque nouveau régime contractées, donc faisant éclore de nouveaux conflits, donc de nouvelles rancunes.

Il n’empêche que comme de nos jours avec les partis politiques, se côtoient donc dans les villes des Gibelins et des Guelfes, les pro-Empereur et les pro-Pape.

S’il n’y avait que deux factions, ce serait simple or les Guelfes sont eux aussi séparés en deux: les blancs et les noirs.

Les blancs étant définit comme blancs en souvenir de Bianca Cancellieri (à Pistoia), fille de l’importante famille des Cancellieri qui eut un énorme différent avec une autre famille. Ceux qui se rallièrent à la cause de cette famille se firent appelés du nom de leur cause : Bianca, donc blancs, les autres en oppositions totale prient le nom arbitraire de noirs. Le temps passa les noirs et les blancs firent une alliance avec les guelfes de cela survint deux partis.

Gibelins pour l’Empereur, Guelfes noirs pour le pape, et les Guelfes blancs ni pour l’un, ni pour l’autre. Ce dernier parti est surtout composé d’intellectuels et d’esprits plus spontanément chimériques. Je vous rappelle que ces trois factions sont présentes dans toute l’Italie. Elles aiment toutes la liberté, et font  pourtant tout ce qu’elles peuvent pour la détruire. Dante fait partie des Blancs par la tradition familiale.

Du pape qu’il côtoiera personnellement, et de l’Empereur il pense que ce sont deux soleils qui doivent éclairer le chemin de l’humanité (Purg XVI)  car pour lui l’homme est le seul être qui participe d’une double nature, matérielle et spirituelle, au mouvement du monde. Chaque nature étant ordonné à une fin, l’homme doit poursuivre deux fins :

 

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Tableau 2 : Le Purgatoire

Le bonheur de la vie présente et le bonheur de la vie éternelle.

La raison et l’Empire d’un côté, la foi et l’Eglise de l’autre.

 

Ce ne sont là que des instruments complémentaires dont la providence se sert pour le salut des hommes. Ce salut qui reste pour Dante LA grande finalité de l’existence. C’est pour cela qu’il devrait y avoir une restauration naturelle de l’autorité impériale en souvenir de la grande Rome directement conférée par Dieu sans intervention du Pape, (Dante sait que la création de l’Empire romain a été décidée dans l’Empyrée (Enfer II, 20) pour donner la paix à l’Univers), mais avec une présence indiscutable de l’église qui ne peut-être que toute spirituelle, car c’est dans la spiritualité recouvrée que l’église trouvera sa renaissance. En effet selon Dante l’église souffrait trop de ses abondances de bien. Mais pour le pape Boniface VIII, il en était tout autre : Il était en droite ligne avec un de ces prédécesseurs Innocent III qui avait énoncé la fameuse théorie des deux glaives : le temporel et le spirituel : à savoir que si l’état laïque a une existence légitime, c’est à la seule condition que celui-ci soit soumis à l’église. Boniface VIII affirme même que « pour toute créature humaine, il est de nécessité de salut d’être soumise au souverain pontife », les Rois y compris, sous peine d'excommunication. Alors que le pape ne peut être jugé, il peut juger tout le monde. Pour Dante Boniface VIII est responsable de la dérive simoniaque de l’église qui au contraire devrait être pauvre sur le modèle du Christ (se sent très proche de Cluny et de Bernard de Clairvaux).

Cela n’empêche pas bien sûr de considérer Dante comme un croyant, un Chrétien, même si on le sait très curieux de toutes les religions et des mouvements qui s’y rattachent. On le sait côtoyer verbalement ou par le biais des livres : la religion musulmane, la religion hébraïque, les cathares qui suite à leurs nombreuses persécutions françaises, beaucoup d’entre eux sont venus se réfugier dans la proche Italie, la Kabbale, le soufisme et tout ce qui a trait au mouvement spirituel.

 

Dante est donc né dans cette Florence en 1260 (65), et sa volonté, très tôt est d’entrer en politique.  Adolescent il rencontre Brunetto Latini ou Latino qui sera son initiateur à la vie politique. C’est d’ailleurs aux côtés de cet homme que le jeune Dante va parfaire son savoir. Un savoir qu’il avait déjà assez étendu puisque même si de ses études, on ne sait pas grand chose, (sinon qu’elles ont été fort complètes pour l’époque) elles lui permettent, auprès des maîtres qualifiés, la véritable étude du latin et de la comptabilité. Il a alors abordé nombres auteurs tels que Virgile, Stace, Ovide, Horace, Lucain, Boèce, Cicéron, Esope, Caton. Avant d’aborder la philosophie et la théologie. Grâce à Brunetto Latini il a accès l’encyclopédie que ce maître a rédigé en Français (au détriment du Latin, la langue « savante » de l’époque). Cette encyclopédie réunit toutes les connaissances qu’un bachelier de l’époque doit savoir. Dante dira que grâce à lui, il a tout connu : l’astronomie, les lois physiques, les mathématiques, la musique, la rhétorique, la grammaire, la logique, la géographie. Mais une de ces plus grandes écoles est celle de la rue, il aime rencontrer tous les pôles d’intérêts dont je vous ai parlé tout à l’heure et en tire une richesse intérieure incomparable.

Dès 1295, il entre en politique : conseil des 100, jusqu’au plus haut poste un des six prieurs de la cité en 1300. Ces prieurs sont élus pour deux mois et vivent en autarcie la plus complète, vivant ensemble, pour ne former qu’un afin d’être l’âme de la cité. Ils ont à statuer sur toutes les décisions. Jusqu’en 1302 il réintègrera, par la suite, de conseil des 100 en tant que sage de la cité. Lorsqu’il a été prieur, suite à des troubles dans Florence, en laissant de côté toute amitié, et pour le bien de sa cité, il a dû expulser de la ville des représentants de chaque parti. En 1302 les guelfes noirs, revenus au pouvoir envoie Dante auprès du pape pour une mission d’ambassadeur, ils en profite pour mettre a exécution la vengeance qu’ils ont fomenté. Il le condamne par contumace et par deux fois à quelques mois d’intervalle, sous le motif de malversation financière et enrichissement personnel/ Le verdict est simple : exil définitif, la saisie de tous ses biens, avec l’assurance qu’il sera brûlé vif s’il revient à Florence. Qui plus est, pour avoir tenté d’organiser son retour à Florence, toutes les personnes masculines de sa descendance ont elles aussi été condamné à l’exil. (Il s’était marié à 20 ans et il a quatre enfants dont une fille)

Il fait tout ce qui est en son pouvoir pour revenir, coalition politique, appuis personnels au sein du gouvernement, lettre ouverte au peuple... rien n’y fait. La décision est irrévocable.

Il vit donc loin de sa patrie et finit par entretenir une haine féroce contre les représentants de sa cité à qui il a donné tout son amour.

Il errera de cités en Cours au gré des opportunités qui s’offriront à lui, il aura principalement pour fonction celle de diplomate et d’ambassadeur à la solde des personnes qui l’accueillent : lui offrant ainsi de nombreux voyages.

Il séjourne dans diverses villes d'Italie où il est partout bien accueilli, notamment à Vérone, à Lucques, il effectue vraisemblablement un voyage en France où on retrouve sa trace à Paris entre 1307 et 1309. (Date à laquelle il est communément reconnu qu’il commencerait la rédaction de la comédie).

Il ne cessera d’approfondir sa culture au fil des différentes expériences qu’il connaîtra, Son exil lui coûte beaucoup. Il prend conscience de sa propre solitude et se détache de la réalité contemporaine qu’il estime dominée par le vice, l’injustice, la corruption et l’inégalité.

Il a bien un moment où il voit renaître l’espoir avec l’arrivée d’Henri VII de Luxembourg qui se propose d’élaborer une union italienne qui de fait mettrait fin à tous les conflits des différentes cités. Il soutiendra même son avènement en envoyant des lettres à de nombreux princes et hommes politiques italiens. En 1310, Henri VII de Luxembourg accède au trône impérial, avec pour objectif déclaré de placer l'Italie sous son autorité, mais il mourra en 1313, alors qu’il a lamentablement échoué dans sa réalisation. Cet évènement anéantira définitivement les espoirs du poète, et plus jamais il ne pensera revenir à Florence. En 1321, il meurt à Ravenne, où son corps est toujours à cause d’une injonction définitive qu’il avait faite de son vivant.     

 

Mais, vous le savez, ce n’est pas cela qu’a retenu de Dante la postérité. Dante est un poète, il ne faut pas l’oublier. La poésie a été toute sa vie. Très jeune, il commence à écrire, mais c’est en 1293 qu’il termine son premier recueil de poème : La Vita Nova, il n’écrira plus de façon définitive avant son exil. La date de la prochaine parution est en 1304. En tout 5 ouvrages, avec peut-être un de plus de sa prime jeunesse vers 1283 (18 ou 23 ans).

Dante est un chercheur en poésie.

Il crée une langue magnifique, nette, précise, brève, pittoresque. Ennemi de la phrase, il abrége tout. Il fait passer de son esprit dans les autres esprits, de son âme dans les autres âmes, de ses idées, de ses sentiments, de ses images, et tout cela par une sorte de directe communication, presque indépendante des paroles. : Il entasse les comparaison les plus libres de style, les allusions, les termes de l’école et les expressions les plus basses : rien ne lui paraît méprisable.

C’est une définition de ce qu’aujourd’hui en tout cas on entendrait par le terme de poésie, alors qu’à l’époque il n’en était pas du tout de même : la poésie italienne était un reliquat de l’art des troubadours albigeois et leur présence avaient suscité la création de plusieurs écoles qui s’étiolait faute de renouveau.

La principale école était l’école sicilienne qui était d’un conventionnalisme étouffant. Sans sentiment personnel. Tout était réglé, les formules étaient toutes faites.

Une autre école était l’école Bolognaise, qui consciente du problème cherchait une solution en voulant injecter de la métaphysique. Mais du même coup, le poème à la sauce bolognaise cessait d’être sentiment pour devenir spéculation.

Que dire des autres tentatives compliquées de métriques et de scolastique envahissante ?

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Il créait autre chose, de nouveau et cela était si brillant que le Dolce stil nuovo allait trouver ses lettres de noblesse. Les plus grand poètes florentins, (Guido Cavalcanti, Lapo Gianni, Cino da Pistoia), de loin ses aînés, allaient  faire de ce jeune homme leur chef de file. Jamais poésie n’avait été si forte, jamais une poésie allait à ce point marquer l’histoire de son art. Aujourd’hui encore Dante est considéré comme un maître, et son héritage est incontestable.

Sur les 14000 vers que représente la divine comédie, seuls 10 semblent boiteux selon l’avis des plus grands spécialistes !

Qui plus est, fait extrêmement rarissime à l’époque, Dante délaisse la langue Latine qu’il juge trop élitiste, pour s’adresser au plus grand nombre avec la Madre lingua, un des dialecte de « si », la langue florentine.

Sa poésie ne traite que d’un seul et unique sujet : l’amour ! Qui visiblement est directement issu de l’amour courtois de la chevalerie il dit même : « Quand amour soupire au-dedans de moi, il me dit quelque chose que je note et dont je cherche le sens » Io mi son un che, quando / Amore spira, noto ed a quel modo / Ch’ei detta dentro, va significando car il reconnaît que ses vers lui tombent directement du ciel, par grâce divine. Le sentiment prime sur l’intellect.


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Tableau 3 : Dante rencontre Béatrice sur le pont d'Arno

Revenons sur La Vita Nova, un livre incontournable pour appréhender Dante. Il y expose sa conception de l’amour. Ou plus exactement, il nous parle de Béatrice. LE personnage important dans l’œuvre de Dante.                   

Le 1er mai 1274, Dante avec le peuple Florentin fête le printemps, il est tout jeune et il rencontre Béatrice (Portiniari) dans une fête d’enfant, il ne la reverra pas avant d’être un jeune adulte, près de 10 ans plus tard, en la croisant dans la rue. Il a eu alors la certitude qu’en fait sa première rencontre avec elle le condamnait à subir un amour qui a pris sur lui un empire si absolu qu’il fut contraint d’accomplir toutes ses volontés.! Donc il la croise dans la rue et elle le salue. Aucune parole significative n’a encore été échangée entre eux. Ni à ce moment, ni jamais d’ailleurs. Mais elle l’a salué. A la suite de cet épisode si poignant, il en vient à faire un rêve : un homme force Béatrice à manger le cœur de Dante qui est tout en flamme. Il semble que Béatrice s’est mariée vers ce moment-là mais Dante n’en a été troublé d’aucune manière. Un autre jour dans une église, il a vu de loin Béatrice, de loin, elle était à l’opposé du lieu où il se trouvait. Il est entré en contemplation. Mais entre lui et elle, était placée une jeune fille fort belle. Tout le monde sachant que Dante était amoureux, mais ignorant qui était l’objet de toute son attention, a pensé que c’était elle, cette dame écran, le secret amour de Dante. Désireux de garder le secret, il ne contredit pas l’affirmation, à tel point que Béatrice à la longue s’y est perdu, et que lors de leur dernière rencontre, Béatrice refuse de saluer Dante et se moque de lui. Très vite, Béatrice vient à mourir, laissant Dante désespéré. Un jour qu’il  pleure dans sa chambre au souvenir de Béatrice, une jeune fille qui ressemble curieusement à Béatrice le voit d’un balcon voisin, compatissante, elle lui sourit et il finit par lui rendre sourire, lui écrire un sonnet, (on comprend ce que cela veut dire, et il n’y a d’ailleurs aucun doute possible à ce sujet). Dépité par son action, il en tombe malade et pendant son délire, il a la vision de Béatrice telle qu’il la magnifie. Cela lui inspire cette réflexion : «j’espère, si Dieu me prête vie, pouvoir dire d’elle ce qui ne fut jamais dit d’aucune ». 

Cette histoire est belle, elle ferait le succès d’un roman à l’eau de rose, si on n’entrait dans le Polysensum.

Et qui dit Polysensum, dit ésotérisme. Or, qu’en est-il ? Dante avait-il accès aux rites initiatiques ? Etait-il éclairé ? Il est indéniable que Dante faisait partie d’au moins deux ordres initiatiques : les Fideli d’Amore et les Fede Santa.

(Sans doute a-t-il été parrainé dans l’initiation par Guido Cavalcanti, vers 1285.)

Pour expliquer le mystère Béatrice, je m’arrête quelque temps sur les Fideli d’Amore.

Très présent au XIIème siècle, les Fideli d’Amore disparaîtront bientôt ou plutôt, évolueront naturellement vers autre chose au gré des consciences d’un autre temps ou d’un autre lieu.

Directement issu des croisades et des échanges spirituels avec d’autres initiés, l’initiation à l’ordre des Fideli d’Amore repose sur un secret entre le fidèle d’amour et Dieu.

 

- Amour par rapport à la beauté et au cœur

- Amour visible devant apprendre à lire la règle de l'amour divin dans le livre de l'amour humain

- Rencontre amoureuse entre le divin et l’humain afin d’en arriver à l’ultime recherche :

- la vision directe de la divinité dans une forme humaine belle à contempler, sans que la rencontre ne soit pervertie ni par le trouble ni par le tumulte de la nature charnelle.Ainsi, lorsqu’il y a rencontre avec la beauté terrestre, le futur initié prend conscience de cet horizon, il se met en marche. L’« illumination » des fidèles d’amour, c’est donc voir l’Ange, c’est contempler ici une jeune fille à la ressemblance de sa propre âme sous sa Forme théophanique, et de fait arriver à voir le visage de beauté de l’Etre divi

n dont le visage de l’être aimé transfiguré  porte les traits.

                                  

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     Tableau 4 : Le Paradis

Quant aux Fede Santa, cet ordre de portée initiatique et plus secret encore que les Fideli d’Amore, (il y a d’ailleurs une respectable loge Fede Santa  N°487 qui travaille au Rite Écossais Rectifié à l’Orient d'Aix-les-Bains) Dante est sûrement devenu l’un des grands Maîtres de l’ordre, qui vraisemblablement ne peut se concevoir que comme un Tiers Ordre des Templiers qui naîtra suite à leur dissolution de 1307 à 1314. Ce serait une résurgence du Temple qui sera plus tard vraisemblablement transformée en rosicrucianisme.

 

Dante est un initié, ce qui signifie que quelque soit l’ordre auquel il a été initié, il a eu accès aux symboles, aux secrets qui quoi qu’on en dise, se retrouvent toujours dans toutes les initiations, à travers les temps et au delà de la géographie. Edouard Shuré nous intime d’ailleurs cette réflexion avec ses grands initiés. Il par de rama, jusqu’à Jésus, en passant par Moïse, Pythagore, et toujours les mêmes éléments servent de base de transmission. De plus c’était un chercheur, un curieux dans toutes les autres recherches spirituelles religieuses, un adepte de ce que les anciens appelaient les petits et les grands mystères.

 

Béatrice vous l’avez compris est son aimée qui doit lui faire voir la beauté divine, Béatrice, dont la traduction en Italien est tout à la fois un nom propre, un nom commun et un adjectif : Il a à voir avec la béatifiante, celle qui fait entrer en Béatitude.

 

Commençons à évoquer le quatro sensi autour de ce sujet, sans pour entrer dans les détails, il y en aurait trop à dire.

Je vous ai déjà évoqué le sens littéral : cette belle histoire d’amour !

S’intéresser au sens histrico-politique  revient à s’intéresser à qui est Béatrice, à son état civil, nous renvoie à l’étude de cette Florence de 1300, les affrontements sanglants, l’engagement politique de Dante, ses relations contemporaines pour y arriver, le rapport social entre la papauté et l’Empereur et tomber sur son message d’espoir qu’il faut construire une société meilleure

S’attarder sur le sens philosophico-théologique : c’est peut-être concevoir que Béatrice représenterait la Théologie, en opposition à cette jeune fille qui, après la mort de Béatrice, alors que Dante était en pleur à sa fenêtre compatissait aux larmes du poète. Face à cette jeune fille Dante a éprouvé, à cause de sa ressemblance avec Béatrice, une sorte d’amour, qui l’a profondément blessé par la suite, et qui lui a laissé un sentiment de s’être égaré et trompé. Cette jeune fille, il nous dit très clairement dans Il Convivio qu’elle représente la Philosophie. «Je dis et affirme que la dame que j’aimais, après le premier amour, fut la très belle et très honnête fille de l’Univers, à laquelle Pythagore imposa le nom de Philosophie ». S’intéresser à ce deuxième point revient à réfléchir sur le fait que si l’on fait une recherche en théologie, la philosophie nous aide-t-elle à y parvenir où nous en éloigne-t-elle. Quels sont les rapports que ces deux sciences peuvent et doivent entretenir ?

Quant au sens Esotérique, que dire de plus du Chiffre 9 qui est étroitement lié à cette Béatrice, en fait, Béatrice est le 9 : Dante a 9 ans quand il voit pour la première fois Béatrice, Béatrice elle-même est alors dans sa 9ème année. C’est 9 ans après que Dante rencontre Béatrice dans une rue, et qu’elle le salue pour la première fois. C’est exactement à la première heure des 9 dernières heures de la nuit que Dante rêve d’elle, lorsque plus tard Béatrice lui refuse son salut, c’est exactement à la 9ème heure du jour, c’est le 9ème jour, du 9ème mois de la neuvième décade que Béatrice meurt. Dans la quatre-vingt unième année du siècle... Et je ne doute absolument pas que quiconque se penchera d’avantage sur ce point trouvera encore de fort nombreuses corrélations avec le chiffre neuf. S’intéresser de près à la portée initiatique de ce 9, le carré de la trinité, représentant l’unité divine absolue, constater que la racine de ce mot est la même que le Novus latin qui représente l’esclave récemment acheté ou qui représente aussi le débutant en toute chose, constater encore que cette même racine est celle du Novio (fiancé),

c’est comprendre que Dante en tant qu’initié et qu’éveillé, prend aussi à son compte la numérologie et la décade de Pythagore.

Considérer donc ces quatro sensi, correspond donc à considérer entièrement la problématique du cosmos, à entrevoir les réponses aux questions que l’on serait   amené à se poser, à participer activement à la recherche de Dieu, en n’oubliant pas de se préoccuper de ce matériel qui nous entoure, des enjeux politiques dont notre vie est truffée, de prendre en compte la science (qui peut nous y aider), de concevoir la purification initiatique que cela suppose. A chercher non pas dans l’absolu mais en être humain qui d’une part a une vie à remplir sur terre et qui a d’autre part à s’occuper de son âme.

Considérer ces quatro sensi, c’est considérer que l’ésotérisme sans toute la portée des autres sens est une chose vaine si l’on veut être un initié, c’est réfléchir à toutes les portées croisées du récit pour construire, et tirer de nouvelles conclusions qui ne nous seraient pas parvenues avec un raisonnement univoque. Pour que ces conclusions ouvrent d’autres chemins de recherche selon la loi des correspondances de la table d’émeraude qui elles-mêmes débouchent sur de nouvelles conclusions et ainsi de suite.

Toujours est-il que Béatrice est l’orient de Dante, c’est d’elle que doit venir son salut. Et c’est d’ailleurs suite à son intervention depuis le ciel, auprès de Dieu pour sauver Dante que celui-ci va vivre son épopée dans les trois mondes : de l’enfer, du purgatoire et du Paradis : Il est à sa recherche, elle deviendra d’ailleurs son guide au purgatoire et dans une partie du paradis, jusqu’à l’aboutissement de la rencontre avec Dieu.

Nous en arrivons tout naturellement à évoquer la pièce maîtresse de l’œuvre de Dante : La Comédie puisque ce n’est que près d’un siècle et demi plus tard, lors d’une réédition vénitienne qu’il lui sera attribué l’adjectif divine.

Essayons de brosser le polysensum de La comédie.

 

Littéral : Dante parle de son expérience à la première personne, il précise que ce n’est pas une fiction mais un récit, que cet épisode se passe au début de la semaine sainte en 1300, et qu’il se force à tout nous raconter en essayant de ne rien omettre.

En voici les trois premiers vers :

Au milieu du chemin de notre vie,
Je me retrouvai dans une forêt obscure
Car la voie droite était perdue....
Nel mezzo del cammin di nostra vit
Mi ritrovai per una selva oscura,
Ché la diritta via ea smarrita.

 

Dans cette forêt, il ne sait comment il s’y retrouve, tant il est plein de sommeil, il entrevoit alors, au-delà des arbres, la cime d’une colline ensoleillée, où il voudrait bien sûr aller, où il sait qu’il doit aller, parce que chacun doit y aller, mais trois bêtes terrifiantes se dressent sur son passage : une panthère, un lion et une louve. A ce moment une ombre ayant toute les apparences d’un vivant apparaît près de lui, pâle et bienveillante : c’est Virgile, son maître en poésie. Virgile lui dit que le chemin qu’il veut prendre est trop dangereux car les bêtes l’assailliront et le tueront et qu’il lui serait préférable de prendre un autre chemin. Ce chemin, il veut bien lui indiquer et même l’accompagner dans ses pérégrinations. Dante n’a pas le choix : pour sortir de ce mauvais pas, il lui faudra passer par les trois règnes : les traverser de fond en comble, l’un après l’autre. Il va d’abord falloir passer l’enfer, descendre sous la croûte terrestre par une ouverture dans un endroit non déterminé, dans une immense caverne, dans un vaste entonnoir à neufs étages, les neufs cercles concentriques où règne l’obscurité, le bruit la puanteur, et sur la parois desquels sont répartis les damnés jusqu’au fond. Le récit des damnations ne me semble pas le plus important, il n’y a pas là des débauches d’imagination pour inventer des tourments, non, ce qui semble le plus important est cette volonté absolue de rencontrer l’autre. L’âme de l’autre, le mort, pour pouvoir deviser avec lui. Les rencontres sont alors nombreuses : des contemporains civils, politiques ou religieux, des héros, des légendes, des mythes. Voir, écouter, rencontrer pour arriver, certes ayant subit l’effroi, l’évanouissement, le dégoût, la révolte, mais  malgré tout simplement. Sans gros effort. Simplement. En un jour et une nuit, d’un pas de promenade, ils arrivent au centre de la terre où est Lucifer. Il leur faut le contourner en s’accrochant aux poils de son corps glacé, afin de remonter, à travers un boyau obscur, à la surface de la terre au antipodes du point où ils sont partis. Là ils arrivent, à l’air libre dans le soleil du petit matin, au pied de la montagne pyramidale qui est seule au milieu des eaux. Il leur faut la gravir. Escarpée, elle contient neuf étages, cercles concentriques qui composent le purgatoire. Le premier étant l’anté-purgatoire, le sept suivants : le purgatoire en lui-même et le dernier le paradis terrestre. Sur les corniches sont aussi les pénitents. Et toujours les rencontres et les discutions, mais aussi les apparitions divines et angéliques. Arrivé à l’orée du paradis terrestre apparaît Béatrice, morte donc depuis pas mal d'années, Béatrice qu’il arrive enfin à évoquer dans les termes qu’il s’était fixé. Virgile a disparu laissant à Béatrice le soin de le guider dans le reste du voyage. (Puisque ayant vécu avant la naissance de Jésus, il n’a pas pu croire en lui et donc il ne peut prétendre au paradis) Il n’y a plus maintenant qu’à s’élancer du sommet du purgatoire vers le ciel empyrée : le Paradis. S’en suit une élévation dans les sept cieux représenté par les sept planètes du système solaire, puis le ciel cristallin et enfin l’empyrée lui-même avec les neufs cercles, les neufs gradins emplis par les bienheureux. Et toujours les rencontres et les discussions avec son entourage ou son guide. Son guide qui a tout appris de Dieu et qui donc peut satisfaire à la curiosité du poète. Tout cela le fait avancer sûrement vers l’Empyrée. Là, Béatrice disparaît à son tour, remplacée par Saint Bernard. Face aux neufs gradins dans lesquels elle a repris sa place, et après une prière du guide à la sainte Vierge, la sublime vision de Dieu lui apparaît, dans un éclair surpassant tout ce qui peut se dire. Le poème s’arrête alors. Ni la vision, ni le retour sur terre n’est raconté.

-Politico-Historique : Nous pouvons aussi nous pencher sur les contemporains de Dante et partir de la vie politique et historique pour nous acheminer lentement vers la construction de notre cerveau. Le lecteur peut, se basant sur les fautes, les vices et les vertus de ses contemporains, sans excuses et sans concessions personnelles avoir envie de comprendre où il se situe et où il aimerait se situer. Ainsi, pour qui connaît la vie des personnages historiques des rencontres de La Comédie, ou qui sait ce que l’inconscient collectif en retient, il devient clair que lorsque les hommes agissent, ils engagent leur âme. Si leur âme est engagée, et si elle a versé dans le côté obscur, arrive alors la punition éternelle. Comprendre en tout cas qu’à chaque action correspond une récompense sombre où éclairée, et que chacun est responsable de ses actes. Et cette réflexion se fait sur l’exemple ! Le simple lecteur est attiré dans le voyage. Sa réflexion, aussi basique soit-elle, se met en marche, il n’est plus son référentiel, il en change. Ce n’est plus les autres par rapport à lui, ce n’est plus son individualité et les autres qui tournent autour, mais bien les autres qui ont eu accès à leur finitude terrestre face à la récompense dévoilée qu’il ont eu de leurs actions qui deviennent le référentiel de la propre existence du lecteur.

Bref, c’est la construction d’une idée supérieure par le biais d’éléments simples et vécus.

Mais tout cela on s’en doute bien pour préparer l’action spirituelle.

-Philosophico-Théologique : Mais on a tôt fait de découvrir que le grand poème de Dante n’est pas seulement un édifice médiéval, une cathédrale imposante et dûment classée, une peinture de la société, et des croyances : c’est surtout un poème de l’imminence au regard du destin du monde, au regard des chances de l’homme dans l’autre vie, mais aussi dans celle-ci, au regard des anxiétés que fait peser sur la conscience collective l’appréhension d’une fin des temps.

Dans La Comédie est contenu la théologie du moyen âge : la somme des connaissances, la réflexion, les commentaires de cette science. Les références à la Bible, aux apôtres, les références aux grands auteurs christiques ou pré-chritisques, nous balayons ainsi l’époque qui va de Virgile à Saint Thomas d’Aquin.

Cette somme de connaissance permet de cheminer vers l’empyrée et la lumière éternelle. A chaque étape du voyage, elle nous renvoie à la perception de plus en plus intime de la science théologique, des vertus théologales.

Elles nous permettent d’aller plus loin en passant de la doctrine à la perception intime par la personnification que Dante nous propose : Ce n’est plus Dante qui voyage, mais nous même ! Que faire pour arriver à l’autre monde et à la connaissance de l’autre vie. Que faire pour aller au paradis. Que faire pour éviter l’enfer ? Que faire lorsque l’on se retrouve au purgatoire ? Le purgatoire, qu’est-ce que c’est ? Comprendre la théologie sans avoir recours à la philosophie est aussi un chemin que Dante veut que nous arpentions : aller de plus en plus dans les connaissances : analyser la portée du bien et du mal, comprendre la raison humaine, les défaillances humaines. Passer par les auteurs, et scientifiques de tout poil que Dante nous fait rencontrer. Se dire que s’il les livre à notre sagacité, c’est qu’eux-mêmes ont des éléments à nous livrer : comprendre Virgile, Aristote philosophe par excellence, qui dans la version primitive de la comédie était sans doute le guide de Dante, Socrate, Platon, à travers eux, Cicéron, Saint Thomas d’Aquin, Hippocrate, Diogène, Anaxagore, Thalès, Empédocle, Héraclite, Zénon, Linus, Sénèque, Euclide, Ptolémée, Averroès et je ne vous livre pas le quart de ceux à qui il fait référence. Vous dire que je connais tous ces auteurs seraient évidemment pur mensonge, mais Dante, m’incite à les connaître, à réfléchir à la portée de leurs travaux sur l’expérience de l’humanité.

Dante nous fait réfléchir aussi  sur le fait que l’homme possède en lui la perfection, mais qu’il l’oublie régulièrement pour se tourner vers les bêtes terrifiantes qui ne sont que des allégories de l’envie, de l’orgueil, de la cupidité. Ou carrément de tous les pêchers capitaux.

Dante veut nous faire entrer dans la connaissance de Dieu, celui de la justice, celui de la miséricorde, celui de l’amour infini : essence de tout être.

Connaître et réfléchir, pour mûrir doucement calmement, au fil des pages parcourues, une ouverture d’esprit supérieure. L’Idée supérieure. L’Idée qui est représentée par Jésus, permettant d’aller à Dieu qui est le verbe en passant par la raison supérieure qu’est le Saint esprit.

La philosophie, ou la théologie nous aide dans la recherche de Dieu, par l’intermédiaire de Virgile, la sagesse morale mais aussi par celle de Béatrice : la sagesse humaine qui est allée au sein de la révélation lumineuse pour terminer par la sagesse mystique, celle de Bernard de Clairvaux.

L’ésotérisme : Cette action spirituelle, cet enracinement dans l’ésotérisme est présent à qui veut le voir à chaque vers du Poète, je vais me contenter d’évoquer trois exemples pour induire la réflexion que les écrits du poète peuvent soumettre car si on se base sur la parole de Joyce: « j’aime Dante presque autant que la Bible. Il est ma nourriture spirituelle, le reste n’est que remplissage », vous comprendrez aisément que je ne peux pas vous faire un résumé spirituel de la comédie. Elle est. Point. Ses sens ses interprétations sont trop nombreuses pour tenter de cerner l’idée en quelques mots. Au même titre tout le monde s’accordera à reconnaître que Jonathan le goéland, est autre chose qu’un simple traité sur le vol et la vie communautaire des palmipèdes piscivores de l’ordre des Lariformes.

La portée ésotérique de la comédie dès que l’on est tant soi peu initié, même si l’on n’en perçoit pas l’absolue compréhension, peut se voir dès l’abord poétique de l’œuvre.

Considérons la métrique du poème sacré : tout d’abord, sans doute dans un but de recherche de fluidité, le poème est composé selon la terza rima, c’est à dire par tercets (groupe de trois vers) : le premier vers rime avec le troisième alors que le second, une nouvelle rime, rime avec le premier du groupe de trois suivant, qui lui même rime avec le troisième. Le second, une nouvelle rime, rimera alors avec le premier du tercet suivant et ainsi de suite...

On peut même voir dans cette métrique le quatro sensi :

Ainsi on a une lecture qui évoque la marche continuelle. (Sens littéral)

Ainsi on a une évocation de la trinité. (Sens théologique)

Ainsi on a l’évocation de l’homme coincé entre les deux pouvoirs temporel et spirituel. (Sens politique)

<Alors que lui même sera créateur, au tercé suivant, de lui dépendra les deux pouvoirs (Sens Esotérique)>

Que dire du chiffre 3 ? (Sens Esotérique)

 Il est aussi important de considérer que la comédie est divisée en trois parties, elles-mêmes composées de 33 chants. Plus un chant additionnel de prologue ce qui porte le nombre total de chants à 100 symboles de la perfection absolue.

On peut de même démontrer l'existence dans le poème de trois paires de chiffres possédant une valeur symbolique privilégiée. Il s'agit des couples 3-9, 7-22 et 515-666. Les fameux 515 et 666 remplissent la trilogie : 666 vers séparent la prophétie de Ciacco de celle de Virgile, 515 la prophétie de Farinata de celle de Ciacco; 666 s'interposent de nouveau entre la prophétie de Brunetto Latini de celle de Farinata, et encore 515 entre la prophétie de Nicolas III et celle de messire Brunetto». L'alternance de ces chiffres 515 et 666 correspond à l'alternance des opposés symboliques représentés par le Christ et l'Antéchrist, ou encore par le Nombre de la Bête invoqué dans l'Apocalypse de Jean («qui est un chiffre d'homme») alternant avec le chiffre du «Messo di Dio», qui s'avère être le symbole numérique du Consolateur.

Tout cela pour dire que de la simple poétique et rythmique, en étant loin de pratiquer l’art de la tétrapiloctomie, il faut se rendre compte de la précision métronomique et de l’ampleur de la tâche que Dante s’est assigné. Le résultat de douze années de travail n’est pas dans le hasard.

 

Au commencement était le Verbe dit l’évangile de Saint Jean.

                                                             Et le verbe était auprès de Dieu                                                                 

                                                                                        Et le verbe était Dieu                                                                                               

Il était au commencement auprès de Dieu

Tout fut par lui,

Et sans lui rien ne fut....

-Or Dante va vers Dieu que parce qu’il entre en conversation, non pas babillage, mais en parole construite, essentielle, archétypale, parce qu’il pratique le verbe. Dante nous affirme que l’avancée ne peut-être que dans le verbe. Ici, le verbe est créateur du Verbe. Parler crée le rapprochement de Dieu. Parler crée Dieu.

Dante nous l’avons vu ne peut entreprendre son voyage qui part du milieu de notre vie que s’il est accompagné par un guide. (De midi à minuit –pourquoi midi ? – parce que l’homme doit avoir atteint le midi de sa vie avant de pouvoir être utile à ses semblables) Il est aisé d’en dénombrer trois : Virgile, Béatrice et Saint Bernard (on peut réfléchir à notre manuel qui nous dit que pour qu’une initiation soit faite, il doit y avoir au moins trois MM . :), mais il me semble pour peu que l’on s’attarde sur le poème, qu’on voit que chaque rencontre contribue à la progression vers l’orient par l’échange, par la parole construite. Que chaque rencontre amène la progression. Ils sont tous guides de Dante. On peut comprendre l’enfer comme la vie profane, le purgatoire comme les épreuves initiatiques et le paradis comme le séjour des parfaits. Ce qui sous entend que pour commencer l’initiation, il faut déjà avoir fait un travail sur soi-même, grâce à un guide tel que Virgile qui ici représente la raison humaine qui conduit à la réussite d’une quête par l’exaltation des idéaux de paix et de justice. En effet, il faut avoir commencé, même inconsciemment, à sonder les ressorts de son être, afin de pouvoir entreprendre l’initiation en elle-même. Tu es mon maître dit même Dante à Virgile. La progression de Dante nous fait dire aussi qu’elle n’est pas chaotique, génératrice de souffrance, mais qu’elle se fait lentement, sans à coup, qu’il ne faut pas hésiter comme Dante, à passer son temps à interroger, et écouter simplement la réponse que chaque âme est obligée d’apporter, c’est à l’initié d’être curieux de tout, voir, comprendre, ne pas hésiter à s’arrêter dans sa progression pour faire le point. (Frappez et l’on vous ouvrira, cherchez et vous trouverez, et demandez et vous recevrez) Le travail de progression se fait alors tout seul. Il arrive à Dante de s’endormir dans son périple, et lorsqu’il se réveille, il est en fait beaucoup plus loin, face à des portes.

Mais il est à noter que ce n’est pas Dante, le débutant qui choisit son maître de progression sur une longue distance, que ce n’est pas à l’initié de choisir son guide, mais que son guide, arrive, de façon évidente, il se révèle à lui, et alors a disparu le précédent. Dante était seul, il voyait la montagne, il voulait y aller, arrive Virgile, puis Virgile disparaît et apparaît Béatrice ; même tour de passe-passe entre Béatrice et Bernard de Clairvaux. Tout vient à point à qui sait attendre.

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Tableau 6 : Béatrice guidant Dante

Dante nous intime aussi la réflexion que la vérité est dans l’échange et que quiconque demeure en retrait à son niveau ne concourre pas à la connaissance.

Mais il est à noter que Béatrice, même si elle est présente constamment à l’esprit de Dante, n’arrive qu’à l’entrée du paradis, c’est à dire bien après la moitié du poème. C’est à dire que le but recherché doit être identifié dés le début de la quête : La quête ici est le sommet de la montagne où il s’avère que Béatrice l’attend. C’est à dire que le but est Béatrice elle-même. C’est à dire surtout qu’il ne peut y avoir de quête sans la connaissance intime de son Saint Graal. L’odyssée ne peut être que si l’on a assimilé sa Béatrice. S’en suit la progression pour enfin rencontrer le but qu’on s’était fixé. Nouvelles interrogations pour finalement voir que dans les yeux de notre propre Béatrice irradient les choses qu’elle connaît et qui sont de nous encore inconnues. La questionner alors sur l’inconnu et se retrouver irrémédiablement dans la quête de la lumière. Jusqu’à ce que notre Béatrice elle-même qui n’est pas la lumière, se trouve face à sa propre limite, survient alors notre Saint Bernard qui nous fait comprendre quel était réellement le Graal que nous cherchions, tout recouvert qu’il était lui aussi de m étaux qu’il aurait fallu laisser à la porte du temple. Et enfin parvenir au saint des saints. A la Lumière.

 

Du verbe est né le Verbe.

 

J’ai tenté de vous restituer l'initiation selon Dante : le lecteur doit, lui aussi refaire le parcours. La Comédie implique donc une herméneutique de la poésie, comme Dante a lui-même essayé de comprendre l'au-delà. En traduisant l'au-delà et tous ses mystères en poésie, Dante impose une démarche d'interprétation à son lecteur. De ce fait, comme dans l'Autre Monde, le savoir suprême n'est pas donné, il n'est pas accessible à tous et il s'acquiert au prix de longues méditations.

Le verbe crée le Verbe. Nous sortons d’un processus de cheminement extérieur pour un cheminement intérieur : un acte de RE -création.

Nous retrouvons la pensée d’un contemporain de Dante, un dominicain, Maître Eckhart qui déclare :

«Si Dieu est, j’en suis la cause, car si je n’étais pas, il n’existerait pas"   

 
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Il est d’ailleurs curieux de noter que Maître Eckhart, condamné par l’église pour hérésie, à cause de la teneur trop incisive de ses propos, avait lui-même choisit de transmettre au plus grand nombre ses écrits par la langue véhiculaire, en laissant de côté, un latin trop rapetissé par le nombre trop finit de personnes qui comprennent cette langue. Ses écrits, interdit de « publication», n’ont pu nous parvenir uniquement grâce à des copistes qui au péril de leur vie ont permis de transmettre l’œuvre. Dante a plus caché ses propos que Maître Eckart, mais il  poursuit cette idée. Dante et Maître Eckhart ont-ils accès à une phrase similaire à notre : «et que revenu dans le monde profane, on reconnaisse à leur sagesse les vrais enfants de la lumière. », pour vouloir transmettre leur connaissance ?

En fait ils réclament ensemble qu’il faut faire venir Dieu dans son âme, plutôt que tenter d’élever son âme à Dieu. Le chemin ultime qu’ils nous offrent ne monte pas de l'âme à Dieu (transcendance) mais descend de Dieu à l'âme (immanence).

-Sur cette descente de Dieu, une autre réflexion m’est venue, qui s’apparente à la progression : quel est le chemin qui nous permet de progresser sans arrêt ? Si j’ai tout à l’heure parlé d’un mouvement de balancier nécessaire à la compréhension : plus l’homme descend en lui, plus il lui sera possible de s’élever sans effort. La chose est vraie, mais Dante nous dit qu’il faut oublier le mouvement de balancier, bien sûr il descend avec Virgile au centre de la terre et remonte de l’autre coté, dans l’autre hémisphère pour continuer son ascension vers l’Empyrée. Mais il faut voir au-delà des mots : il ne s’agit pas de remonter, mais bien de descendre

encore et encore, de plus en plus loin : l’autre hémisphère est le prolongement de la ligne droite de la descente. Le purgatoire n’est que le premier tréfonds de notre être, il est encore plus bas que cette pierre dont nous sommes à la recherche : ce centre de la terre, il faut toujours descendre. E fait l’Empyrée n’est non plus dans un lointain firmament, mais au centre de nôtre être ou plutôt au centre de notre âme, cette même âme dont Dante nous parle depuis le début de son périple avec toutes celles qui l’entourent et qu’il côtoie. C’est ce qu’on a sous les yeux en évidence qui est le plus difficile à apercevoir. En fait le centre de notre âme est encore plus profond que le centre de notre être. Nous retombons sur cette idée de RE -création, car dans ce cas, Dieu est en nous, il suffit de faire de la place pour le trouver. Cela ne diffère absolument pas du texte biblique : Dieu a fait l’homme à son image, en effet l’homme est Dieu, mais Dieu recouvert de métaux qu’il lui faut déposer.

-Dante fait un travail considérable autour de se comédie, des informations, des pistes de réflexion, il en cache partout, là encore les énumérer et leur donner la portée exacte que Dante y a placé serait une gageure où je ne me risquerais pas, tant de toute façon il y en a beaucoup qui me passe largement au dessus de la tête, mais je ne résiste pas à vous donner quelques exemple très ciblés autour du personnage de Bernard de Clairvaux.

On l’a vu, des rapports très étroits entre Dante et les Templiers existent, outre le fait que Saint Bernard était avec Cluny pour la pauvreté de l’ordre ecclésiastique, alors que Dante voyait dans cet ascétisme la renaissance de l’église,  on ne peut laisser de côté l’hommage que rend l’auteur à ce personnage créateur de l’ordre du Temple. Ainsi, Dante truffe son poème de petits signes pour nous indiquer qu’il faut s’inspirer de cet ordre qui, selon lui, était le seul qui pouvait permettre d’accéder au plus haut degré de la recherche spirituelle.

 

Ainsi, il désigne Bernard comme un contemplante (Par. XXXI,1), un contemplant, un contemplatif, ce qui est déjà en soi une réflexion sur ce qu’est la contemplation pour arriver au dénuement, mais cela veut dire aussi que Dante joue avec les mots et leurs consonances, il faut entendre aussi dans ce mot celui de Temple, le Temple.

Ainsi lorsqu’au 8ème ciel, Dante fait allusion au costume des parfaits en évoquant des vêtements blancs, il serait peut-être bon d’y voir le costume des chevaliers Templiers afin que lorsque quelques vers plus loin Dante en arrive à parler d’une sainte milice en forme de rose blanche, il faudrait peut-être considérer que Dante indique qu’après la destruction du temple de1307 à 1314 celui-ci donnera naissance au Rosicrucianisme.

Sans oublier bien sûr la valeur numérale que peuvent avoir certains mots  ou les chiffres symboliques de la métrique qui lorsqu’ils sont traduits en chiffre romain donne des mots latins, ou des abréviations qui peuvent laisser entrevoir des interprétations fort intéressantes.

Ainsi le fameux 515 peut se traduire par le chiffre romain DXV qui peut vouloir dire Dante, Veltro di christi (Dante vecteur de Dieu) ou encore DVX en changeant d’ordre les lettres, pour trouver le dux latin, ou encore y voir le chiffre 11 qui est un signe de reconnaissance dans de nombreuses organisations initiatiques et dont Dante parsème allègrement son poème, ou encore le 6 et le 5 symbole respectif du macrocosme et du microcosme.

 

Bien sûr, ces notes n’ont que des valeurs d’exemple et Dante parsème allégrement de références ses propos selon différents angles d’attaque afin qu’il nous soit possible de nous éveiller à la réalité.

Son poème met notre esprit en éveil, en marche vers la lumière (Lux en latin, LVX = 65 !), et nous permet de progresser encore et encore.

 

Toutes ces constatations ne sont pas là pour que vous appréhendiez Dante sous un angle d’érudition, en vous disant : « je dois tout voir, sinon je passe à côté de quelque chose ! », il s’agit seulement de progresser lentement avec lui, d’un pas de promenade, et que vous posiez souvent des questions simples. L’œuvre vous répondra, clairement et votre esprit éveillé à la lumière fera le reste. Ne vous trompez pas de sens de lecture. Cette œuvre si elle a été écrite en langue vulgaire, c’est bien pour que le plus grand nombre ait accès aux mystères et pas uniquement les érudits. Maintenant il n’est pas à ignorer que plus vous progresserez, plus vous serez en mesure de progresser d’avantage.

 

Avant tout, j’aimerai vous citer Dante pour vous encourager à le lire parce que d’après lui, il faudrait : « Que chacun sache que nulle chose harmonisée par un langage poétique ne peut se traduire sans en perdre toute sa douceur et son harmonie » Et en vous disant cela, je suis déjà fort conscient de vous avoir traduit la phrase de l’italien, et que donc implicitement vous avez déjà perdu un peu du sens de la portée de ce qu’il a exprimé. Mais c’est pour en arriver à mon travail : il ne peut absolument pas être un quelconque reflet de sa versification. Je ne peux pas vous l’expliquer. Lisez Dante. Sortez des ornières tentatrices, et trompeuses dans le résultat, d’aborder les commentateurs encore et encore. N’étudiez pas, consommez avant tout sans relâche.

Je terminerais mon propos par une évocation de ma vie profane pour vous mettre à l’aise sur cette lecture : il existe un livre pour les comédiens qui s’appelle Ecoute mon ami de Louis Jouvet, et ce livre possède cela d’extraordinaire c’est que quelque soit le niveau ou vous en êtes dans votre recherche artistique, ce que vous lisez, touche votre sensitif et vous permets d’aller toujours plus loin. Lorsque vous le reprenez quelque temps plus tard, vous y comprenez autre chose, qui correspond à ce que vous êtes alors. C’est un guide, un garde fou, il en est de même pour La divine Comédie. Et c’est ce qui m’a permis à moi débutant en maçonnerie de vous évoquer un artiste que toujours il vous sera possible d’entendre de l’avant.

 

"La vérité du Grand Architecte peut se concevoir à tous les nivaux!"

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Tableau 7 : Tombeau de Dante à Florence

Michael VAN\ 


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