Obédience : NC Loge : NC Date : NC


L’Homme du huitième jour


Dans la Genèse, il est fait mention des six jours de la Création ainsi que d’un septième dédié au repos, le premier jour est consacré à l’apparition d’un ciel incorporel et d’une terre invisible.

Les essences incorporelles en question précèdent  l’existence des formes sensibles  pour mieux leur servir de modèles et  le monde intelligible fondé dans le Logos divin est d’emblée  présent , désigné par l’expression : « au commencement ».
Le Temps alors  n’existe pas et demeure contemporain de la Création, n’est il pas dit que « …le Jour UN était encore l’éternité… »(R.Arnaldez) ?
Ce n’est qu’avec le deuxième jour ou du moins à la fin du premier qu’il apparaît, signalé par l’existence d’un soir et d’un matin.
Dès lors,  les jours se succèderont  jusqu’au sixième inclus, illustrant  tout un déroulement d’étapes successives.
Au sixième jour, l’homme est formé, il porte en lui l’image  de son Créateur et est décrit comme androgyne, c’est dire combien il se suffit alors à lui-même !
Dominant la Nature, il en est le Roi et l’Ordonnateur ,toute créature ne lui est –elle pas soumise ?

Le septième jour ,consacré au repos ne comporte ni matin ni soir et apparaît  comme le point culminant de la Création.
Répétant en  quelque sorte  le premier jour,  il illustre un passage dans l’Eternité , Dieu se repose dans le cœur de l’homme et l’homme se repose dans le cœur de Dieu.
Pendant six jours Dieu a créé et le septième , il attire à Lui la Création, à l’image de la  rencontre des fiancés qui le jour du Sabbat vont l’un vers l’ autre pour célébrer leurs noces éternelles.

Le repos du septième jour inaugure un printemps gonflé de promesses, de fleurs et de fruits et quand l’homme se tient dans ce repos, il redevient alors l’Adam d’avant la chute, « tombant » en son Créateur par l’effet de sa naturelle pesanteur.
C’est pourquoi il ne peut exister de huitième jour sans passer par le repos du septième car ce n’est que lorsqu’il est dégagé  des  sens extérieurs qui soulignent l’apparente  dualité des choses,  que l’homme découvre son fond, son « royaume des cieux » qui ont toujours existé au plus profond de lui –même.

L’homme du huitième jour est donc celui qui poursuit l’œuvre de la Création et la parachève mais avant de parvenir à un tel accomplissement, il lui faut dépasser les états successifs de « …commençant,…de progressant … » et de « …parfait… » assimilés
aux stades : animal, psychique et spirituel.

Reprenant Grégoire de Nysse, la purification doit être initiale et implique la nécessité du passage par l’ascèse qui s’assimile davantage à une désobstruction qu’à une acquisition proprement dite.
Œuvre laborieuse de déblaiement, l’ascèse succède aussi à une certaine illumination car aucune démarche n’est possible sans avoir éprouvé une séduction initiale.

C’est la Lumière qui stimule la recherche et déclenche le premier pas, cette Lumière qui permet de comprendre qu’il existe des choses cachées qui aspirent à se faire reconnaître.
Dieu ne s’est il pas manifesté initialement à Moise dans la Lumière avant de lui apparaître dans la Nuée ?

Percevons en cette Nuée le synonyme de nôtre tâtonnement car il nous est impossible de courir dans la demi-obscurité de nôtre chemin. Puissamment écartelé entre la séduction du terrestre qui nous retient et la nostalgie du céleste dont nous ignorons encore toute la splendeur, nous demeurons hésitants.
La voie psychique , celle de l’âme est pourtant la plus difficile à quitter, le psychique qui vient de dépasser l’état animal  risque en évoquant ses efforts, d’avoir bonne conscience avant d’éprouver le besoin de juger et de comparer.
Prisonnier de sa dualité du bien et du mal, il peut alors facilement manquer de compassion à l’égard d’autrui.

Homme de l’extériorité, il peut croire aimer Dieu et n’être qu’un idolâtre.
Comment alors dépasser ces états animal et psychique qui semblent convenir à la majorité des hommes et pénétrer dans la Ténèbre lumineuse ?
Il n’existe pas de réponse stéréotypée à cette question , parfois celle-ci prendra l’aspect , d’une « souffrance »externe ou interne, d’un examen qu’il nous faudra subir  tant que nous n’en n’aurons pas retenu l’enseignement premier.

D’autres fois, il pourra s’agir d’une joie ressentie par la rencontre d’un « libéré vivant »  provoquant alors l’éblouissement indispensable.
Justice, Tempérance, Prudence , Persévérance et Compassion semblent néanmoins être de biens précieux conseillers sur ce long chemin.
Tous conduiront un jour peut-être le véritable cherchant à devenir  Fils de la lumière, celui-ci rejoindra alors le groupe de ces êtres lumineux qui enfantés par la Sagesse sont comparables à des piliers qui soutiennent le monde et le relient au céleste.
Devenu transparent, comme l’affirmait déjà l’Evangile selon Thomas, l’homme du huitième jour laissera passer la Lumière avant qu’elle ne diffuse à l’Univers tout entier, dès lors son âme s’affinera en se spiritualisant au profit de l’esprit.

L’homme-microcosme saisira à cet instant ses rapports de parenté avec le Cosmos depuis la pierre jusqu’à ses semblables en cheminant par l’amour des végétaux et de l’animal, il percevra en la créature la plus humble le sceau de l’Eternel, il mêlera sa voix aux chants de louange de la nature.
Les astres et les éléments seront ses frères et il les regardera avec une chaleureuse affection.
En apportant au monde sa Rédemption, l’homme du huitième jour prolongera l’œuvre du Verbe créateur,  car celui dont les yeux du cœur se seront ouverts aura reçu la visite de l’Ange dont parle Ezechiel.
Il sera alors devenu un visionnaire car seuls les yeux du cœur permettent de dévoiler les mystères dissimulés aux regards obscurcis, son illumination l’aura fait alors définitivement passer de la chair à l’esprit.

Grâce à cette intelligence spirituelle, l’homme du huitième jour déchirera les voiles qui protègent les mystères pour mieux les contempler du plus simple des regards, il reconnaîtra comme nécessaires rituels, religions et liturgies tout en reconnaissant qu’en objectivant la Réalité, on déforme aussi le message initial.

En vivant le fait que les rites extérieurs ne sont que le déploiement de rites intérieurs, que les églises extérieures ne servent qu’à faire écho à l’Eglise Universelle du dedans, l’homme ressuscité savourera sa pleine et réelle Béatitude.

A toutes époques, il a existé des hommes du huitième jour, considérés comme marginaux, ils furent bien souvent persécutés et mis à mort avant de se voir « élevés » sur les autels mais il en viendra de nouveaux car aucun d’entre eux n’est lié à une époque déterminée.
Après l’Age du Père(l’Ancien Testament) et l’Age du Fils(Nouveau Testament), l’Esprit inaugurera des Temps Nouveaux, l’Histoire s’accélérera et des yeux s’ouvriront , ils seront alors capables de discerner la venue des fils de l’Aurore qui métamorphoseront la terre d’exil en « Terre Céleste ».

Le royaume du dedans deviendra perceptible au-dehors, empruntant la voix du bien-aimé, chacun pourra dire alors à son frère :
« …lève-toi…et viens…l’hiver est fini ; la pluie a cessé…les fleurs ont paru sur la terre, le temps des chants est arrivé… »(Cantique 2,11-12).

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