Obédience : NC Loge : NC Date : NC


L'initiation libère t-elle l'homme ?

Et comment ! (point d'exclamation)
Et comment ? (point d'interrogation)

Que dire de ce qui peut nous sembler une évidence ?
Je pense que nous avons tous connu, à un moment ou un autre, au milieu de frères, un grand sentiment de liberté. Liberté d'expression bien sûr, liberté de sentiments aussi.

Tout de suite notre charte me vient à l'esprit, « Si je t'écoute, si j'entends, si je te comprends, si je te respecte... ». Quelle règle propice à tomber les masques, à entrer dans un champ de vérité, de fraternité qui libère les propos et le coeur.

Cette écoute, ce respect (que je préfère au mot tolérance) vont à double sens, de l'un vers l'autre et de l'autre vers l'un. Ils pointent tant de ressemblances entre nous qu'ils nous permettent de proposer, de questionner, de se dévoiler, de râler de temps en temps aussi et surtout de confronter des idées, de lancer des ballons d'essai. Sous le bienveillant contrôle des frères les plus expérimentés, l'initié taille, alors, sa pierre en toute liberté. L’écrivain Marguerite Yourcenar, dans son ouvrage L'oeuvre au Noir, nous parle de Zénon, médecin-alchimiste du XVIe siècle. II se souvient avec reconnaissance du quartier de Péra à Istanbul et de Saint-Laurent à Gêne. Là-bas, dit-il, il a reçu « les outils de son art et parmi eux le plus rare et le plus précieux de tous, la licence de penser et d’agir à sa guise ». Rien de purement maçonnique dans cette citation qui pointe la valeur de la liberté de pensée. Exercice praticable en différents lieux ou circonstances, en famille par exemple.

Alors Quid de l'initiation dans tout ca ?

Justement, commençons avant l'initiation.

Dans notre histoire ante-initiatique, le profane que nous étions s'est fait remarqué, certainement sans le vouloir, comme Homme libre et de bonne moeurs. Aussi, et surtout comme Homme de bonne foi humaniste.

Le plus souvent, le premier contact avec la fraternité est venu par l'intermédiaire d'une connaissance qui nous révèle son appartenance à la  Franc Maçonnerie et suggère que nous pourrions réfléchir à rejoindre l'Ordre. Cette proposition qui nous met au pied du mur. peut être dérangeante. « Suis-je prêt à ce que l'on me raconte ? (c'est à dire pas grand chose) », « Ai-je envie de me risquer en confiance dans une aventure qui certainement bousculera mon intimité (m'obligera à me remettre en question), voire mon intégrité (ébranlera mes certitudes) ? » Cette décision, nous l'avons tous pris librement, sans contrainte et la procédure d'admission d'un nouveau frère est la pour s'en assurer.

Il s'agit d'être libre de vouloir entrer sur la voie de la connaissance sans retenue d'ordre philosophique ou religieux mais aussi avec la possibilité de garder son libre arbitre et ses convictions.

Continuons notre réflexion. Si nous nous présentons en homme libre en quoi l'initiation peut t-elle nous libérer encore plus ?

Bien évidemment, je vais commencer par vous proposer quelques définitions de la liberté tirées du Larousse. La liberté est la possibilité d'agir, de penser et de s'exprimer selon ses propres choix. Une autre définition est  : «attitude de quelqu'un qui n'est pas dominé par la peur, la gêne ou les préjugés. » Et en dernier lieu : « Etat de l'homme qui se gouverne selon sa raison en absence de tout déterminisme. »

Essayons d'approcher ce concept de liberté dans une perspective maconnique.

Le projet de l’initiation maçonnique est de permettre à tout homme de devenir un « autre homme ».  Peut être, plus simplement, s'agit -il de révéler au profane ce qu'il ne percevait pas. C'est à dire de lui faire découvrir ce qui en lui est sagesse, force et beauté, de faire éclore ce qui en lui est amour et vérité, de l'aider à découvrir sa propre spiritualité.

Tout commence par une prise de conscience. Le travail de verticalité de l'apprenti apprend à connaître et reconnaître sa complexité propre. « Connais toi toi même avant toute chose » disent les philosophes. Nous pouvons et nous devons, de par la liberté totale que nous offre le rite, explorer toutes les voies qui conduisent à l’universel. Et en tout premier lieu, emprunter le chemin qui permet de descendre au plus profond de nous pour que notre esprit et notre âme trouvent le sacré qui est en nous comme en chaque homme. L’initiation et la pratique du rite, ne sont pas à l'origine de cette part de sacré, elles ne font que nous dessiller les yeux (comme le précise le Vénérable Maître au néophyte avant de le recevoir Franc Maçon), et c’est en cela qu’un frère illustre a pu dire que l’initiation n’était pas la découverte de mondes nouveaux, mais bien la vision du monde avec des yeux neufs.

J'ajoute que l'apprenti Franc Maçon  qui est libre d' explorer toutes ces voies doit, pour ne pas se perdre comme certaines chèvres camerounaises, le faire sans jamais oublier la symbolique de l’équerre. C'est-à-dire la rectitude de l’homme qui connaît et pratique la loi morale. Alors, l'usage de cette liberté sera compris comme un outil d'évolution qui fait prendre conscience de sa responsabilité d'homme envers soi-même, envers ses semblables et envers la création.

René Guénon distinguait « l’initiation virtuelle » de « l’initiation réelle », expliquant que « entrer dans la voie » c’est l’initiation virtuelle, et « suivre la voie » l'initiation réelle. L’initiation maçonnique nous permet d’entrer dans la voie mais c’est à nous qu’il appartient de « suivre la voie ». A nous seul qu’il appartient par nos efforts et notre patience, par notre volonté, de passer de l’initiation « virtuelle » à l’initiation « réelle », de transformer un projet en réalité, de faire progresser l'homme que nous sommes vers l'homme que nous pouvons être, de devenir celui que nous sommes originellement.

Cette initiation commence par un passage dans le cabinet de réflexion (l'épreuve de la terre) où est inscrit l'acronyme V.I.T.R.I.O.L qui peut être traduit par Visite l'intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée. L'analogie est facile entre la terre et l'homme, la pierre et l'esprit. Suivent les trois voyages de l'eau, de l'air et du feu, symboles de vie par excellence. Trois épreuves qui pointent la difficulté, voire l'impossibilité de progresser seul. Chacun de ces trois voyages marque une étape de vie de l'initié qui a travaillé sur lui même et qui tente à dépasser ses passions et à se déscléroser.

Puis, en suivant, jour après jour, la voie initiatique, chaque frère, par l'enseignement maçonnique reçu dans sa loge et l'étude du rituel, va approcher de plus près la lumière demandée et se révéler dans ce qu'il a de plus vrai. Alors il pourra appréhender en conscience les grands mystères de la vie et de la mort, du fond de son âme véritable c'est à dire sans contraintes intellectuelles.

« En découvrant qui je suis, je peux alors vouloir l’être, ce à quoi, in fine, se réduit la liberté. » (Michel Onfray)

Voilà, en quoi je pense que l'initiation libère l'homme.

Je conclurais par une citation de Pic de la Mirandole : « Je ne t’ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d’un bon peintre, d’un sculpteur habile, d’un artisan talentueux, d’un horloger inventif, d’un compositeur inspiré ou d’ un retraité dynamique, tu achèves ta propre forme. »

J\ L\


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