Conscience
et Mort
Lors d’une tenue
funèbre, les trois Lumières nous rappellent :
« Les hommes naissent. Leur existence poursuit son
cours. Ils meurent. Tous passent et, venant de la terre, leur
dépouille retourne à la terre. »
Ainsi tous nous mourrons. Comme les animaux, l’homme est
victime de la vieillesse ou d’accidents. Mais il peut
aussi se suicider ou donner volontairement la mort, ce qui le
distingue des animaux.
Conscience et mort sont les problèmes existentiels de
l’homme car il a conscience de son destin de mort.
La conscience de la mort
L’homme est un animal pensant qui est depuis
fort longtemps sciemment confronté à la mort. Il
a célébré le sacrifice humain. Il a
été anthropophage et l’est encore en
Papousie. Il pratique la guerre. Il condamne à la peine de
mort. Certains mammifères comme les cervidés ou
les singes se battent entre eux et le vainqueur devient le chef. Mais
le combat s’arrête
généralement avant la mort du vaincu avec une
réelle conscience d’un rituel
L’esprit guerrier de l’homme est
grégaire. Un écrivain américain (1)
l’attribue à des réminiscences
inconscientes du temps où il était la proie des
animaux carnivores contre lesquels il s’est battu. Cette
thèse ne résiste pas à
l’analyse car la guerre n’est pas une
addition de meurtres perpétrés par des individus
mais une manifestation du pouvoir des humains.
Evidemment la conscience des hommes pris individuellement a
déjà bien évoluée mais que
la conscience collective est encore peu
développée. Ainsi la définition de
crime contre l’humanité est toute
récente. Elle est contemporaine de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme de 1948 qui stipule
à l’article premier que : « tous
les êtres humains sont doués de raison et de
conscience ».
Les hommes sont doués de conscience sans
doute parce qu’ils sont les seuls êtres
à concevoir la mort, synonyme de disparition
irrémédiable : Ils
célèbrent leurs morts, leur construisent des
sépultures, des totems ou même des pyramides.
Ainsi le rituel funèbre du GODF énonce que
« Les rameaux déposés sur la
dalle sont le signe de l’amour fraternel qui unit tous les
francs-maçons et qui relie les vivants aux morts. Ils
symbolisent la vie qui continue et la pensée, noble
étincelle, qui persiste à éclairer nos
esprits alors que les cerveaux d’où elle a jailli
ne sont plus que poussière. »
« La vie et la mort ne sont que des
moments de l’évolution universelle
». En quelques mots, le franc-maçon convient que
l’homme est un moment de l’humanité. La
mortalité s’inscrit dans le temps. Le Franc
Maçon du GODF n’a pas de doctrine
métaphysique sur la mort car
l’obédience lui garantit la liberté
absolue de conscience. Notre constitution considère que
« les conceptions métaphysiques
relèvent du domaine exclusif de
l’appréciation individuelle »
et que « la franc-maçonnerie se refuse
à toute affirmation dogmatique ». Les
instructions pour les candidats proposés à
l’initiation maçonnique précisent que
« chacun conserve sa totale liberté, il
ne lui est demandé que bonne volonté et travail
dans la recherche de la Vérité.
Cependant, chacun ayant tendance à
découvrir sa propre Vérité, la
quête spirituelle du F.M. est aussi le symbole de
l’Amour et de la Perfection ».
La quête spirituelle du Franc Maçon
rejoint les interrogations du philosophe :
D’où je viens ? Le profane qui sonne à
la porte du temple est invité à
renaître. L’initiation est une naissance qui
l’engage à réfléchir
à son passé, à remonter aux sources de
l'Universel.
Qui suis-je ? L’initié franc-maçon
l’est pour la vie. Il part à la recherche de la
Lumière et de la Connaissance. Il travaille « à
l’amélioration matérielle et morale, au
perfectionnement intellectuel et social de
l’humanité ».
Où vais-je ? Eternelle question du devenir de
l’homme après la mort.
Question métaphysique et philosophique malheureusement
délaissée aux sages et aux religions.
Toutes les interrogations sur la mort, quelles soient philosophiques ou
religieuses, sont indissociables de la place que l’Homme
s’attribue dans l’Univers.
2. L’Univers
L’univers - croyons nous aujourd’hui - est
âgé d’environ quinze milliards
d’années. A l’origine tout est
énergie, lumière, ondes. Puis
l’énergie devient masse. Alors apparaissent les
galaxies. Il y a 4,6 milliards d’années
naît notre système solaire. L’eau
condensée est source de vie dans la mer puis sur terre.
L’espèce humaine est la
dernière espèce de mammifères qui
apparaît il y a 4 millions d’années.
L’homo sapiens est un animal doué du langage. Il
est alors capable d’abstraction. L’intuition
devient aussi imagination. Il pense et s’invente des dieux
qui donnent du sens à ce qu’il ne comprend pas.
Les religions ont toutes leur propre réponse
aux questions métaphysiques existentielles. Et elles
intègrent, plus ou moins facilement, les
dernières découvertes scientifiques
décrivant la genèse de l’homme et son
évolution.
L’évolution est représentée
par une pyramide de la complexité (2) qui s’est
construite dans le temps : La base est constituée par
l’énergie originelle.
Le big-bang a généré
les particules élémentaires comme les
quarks et les électrons puis les neutrons et les
protons qui enfin donnent naissance aux atomes puis aux
molécules. Des biomolécules naîtra la
vie avec les cellules. Les cellules s’organisent en
« organismes ». Au sommet pourrait
émerger la conscience. Cette pyramide ainsi
complétée présente neuf
étages. Elle est sagesse et perfection.
Pyramide de la
complexité
Big
bang
Espace
Echelle
des sciences
? ?
?
Etoiles
Planètes
Organismes
Psychologie
Cellules
Biologie
Biomolécules
Biochimie
Molécules
Chimie
Atomes
Physique
Neutrons
Protons
Mathématiques
Quarks
Electrons
8
ENERGIE
Auguste Comte en 1975 a établi une autre
échelle dite des sciences. La psychologie qui a trait au
mental c’est à dire à la conscience et
à l’inconscience coiffe la biologie, la biochimie,
la chimie, la physique et les mathématiques.
L’apparition de la vie est le fondement de la biologie. La
vie s’inscrit entre la naissance et la mort. Le dernier
degré de perfection de la nature est, à ce jour,
l’apparition de l’homme dont le niveau de
conscience lui permet de comprendre et d’agir sur lui -
même et sur son environnement.
3. La conscience
La conscience, l’esprit, l’âme sont des
concepts difficiles à définir. Selon le Larousse,
l’esprit est principe immatériel, substance
incorporelle ou âme. L’âme est principe
de vie et de pensée de l’homme. La conscience est
perception, perception plus ou moins claire des
phénomènes qui nous renseignent sur notre propre
existence.
Le dualisme distinguant la matière inconsciente de
l’esprit conscient eut son utilité historique. Ce
dualisme matière - esprit a permis de soustraire
à l’autorité de l’Eglise les
travaux des scientifiques sur la matière. En France, la
séparation de l'Eglise et de l’Etat en a
été l’expression législative.
Le biologiste Francis CRICK dans son ouvrage,
intitulé « L’hypothèse
stupéfiante : à la recherche de
l’âme », (3) explique que
toute notre vie mentale est déterminée par ce qui
se passe à l’intérieur du
crâne. CRICK suggère que l’activation
synchronisée des neurones à 40 Hz (de 35
à 75 Hz) pourrait être le
corrélât cérébral de la
conscience.
Le biologiste Roger PENROSE (4) pense que la réponse au
problème de la conscience ne doit pas être
recherché au niveau des neurones qui sont trop gros mais du
coté de la structure interne des neurones. Le niveau interne
ou cytosquelettique des neurones est le siège de
phénomènes relevant de la mécanique
quantique. Lorsque ce niveau quantique entre en rapport avec le niveau
macroscopique des échanges neuronaux, la conscience
apparaît.
PENROSE imagine ainsi une dualité onde - corpuscule existant
au niveau moléculaire des neurones à l'exemple de
la dualité onde / particule ou dualité
matière / énergie (fission et fusion
thermonucléaire, laser...) qui ont bouleversé le
XXème siècle.
Il est admis que la conscience est associée au
fonctionnement du cerveau.
Il est courant d’imaginer que les pensées sont une
représentation holographique des images mentales,
c’est à dire que les images abstraites sont le
résultat d’interférences entre des
ondes codées.
Pour les matérialistes, la conscience est
intrinsèquement liée à la
matière du cerveau. Donc la mort du corps annihile la
conscience : l’existence s’arrête
là.
La majorité des hommes croit cependant que
l’esprit qui s’affichait comme la conscience au
sens large, est libéré de la matière
vivante et peut même se réincarner.
L’esprit ou la conscience se réincarne alors le
plus souvent en un animal. Cet animal, à son tour, est-il
doué de conscience ? L'animal antérieur
à l'homme est-il déjà doué
de conscience ? Autrement dit la conscience est-elle le propre de
l’homme ?
4. La conscience est-elle le propre de
l’homme ?
Les animaux savent communiquer. Des singes apprennent le langage des
sourds - muets. Les animaux pensent. La barrière entre
l’homme et l’animal se fracture de toutes parts.
Où se trouve la limite?
L’infériorité des animaux est
évidente…comme l’était celle
de l’esclave et il n’y a pas si longtemps celle de
la femme qui n’avait pas d’âme. Le
franc-maçon ne doit-il pas s’interroger sur la
supériorité de l'homme ?
La pensée occidentale évolue au
point d’admettre maintenant que les animaux, eux aussi
mortels, souffrent, éprouvent des sentiments comme de la
peur, de la joie, de la jalousie. Hier la loi considérait
les animaux comme des « choses » ou des «
objets ». Depuis le 6 janvier 1999, selon la loi
française 99-5 (articles 24 et 25) les animaux sont
maintenant considérés comme des êtres
sensibles. De son coté le Conseil Européen a
décrété un moratoire sur les
xénogreffes ou prélèvements
d’organes animaux pour les implanter sur l’homme en
raison de la sensibilité des animaux et des risques de
transmission de maladies du type de celle de l’ESB,
encéphalite spongiforme bovine.
Si les animaux ont un brin de conscience, pouvons-nous
nous en nourrir ? Personne d’entre nous ne mange du chien ou
du chat dont on connaît les sensibilités. Et
pourquoi alors manger du cochon réputé plus
intelligent ?
Plus qu’une démonstration, je vous livre quelques
citations (5) d’auteurs occidentaux, pensées
lourdes de sens s’inscrivant au cœur de notre sujet
de la conscience des êtres vivants et de la mort :
Pythagore : « Aussi longtemps que les hommes
massacreront les animaux, ils se tueront entre eux ».
Léonard de Vinci : « Le temps
viendra où les hommes regarderont le
meurtre des animaux comme ils regardent le meurtre de leurs semblables
».
Tolstoï : « Tant qu’il y aura
des abattoirs, il y aura la guerre ».
Einstein : « Rien ne peut être plus
bénéfique à la santé
humaine, ni accroître les chances de survie de la vie sur
terre, qu’une évolution vers un régime
végétarien ».
George Bernard Shaw : « Tant que nous
sommes nous-mêmes des tombeaux vivants d’animaux
assassinés, comment pouvons-nous espérer des
conditions de vie idéales sur cette Terre ? »
La question de la nourriture du corps est
évacuée par les occidentaux prompts à
préférer le spirituel et les grandes
idées au détriment du matériel lorsque
cela les arrange. Notre frère anarchiste Elisée
Reclus plaidait déjà en 1901 pour le
végétarisme dans la revue « La
Réforme alimentaire ».
Le Franc Maçon n’ignore pas l’importance
de ses moindres actes lorsqu’il affirme que tout ce qui est
en haut est comme tout ce qui est en bas.
Le rite d’affiliation de Menphis
Misraïm rappelle au Franc Maçon : « Fils
de la Veuve, considérant que la Tradition
Hermétique ancienne et la Science Moderne enseignent que la
Vie réside très réellement
au sein des trois règnes de la Nature : minéral,
végétal et animal, de l’infiniment
petit à l’infiniment grand, considérant
qu’il est hautement probable que la
Nature équilibre au mieux du Plan Universel et de ses
différentes finalités, les manifestations vitales
en présence, qu’elle harmonise ainsi le
cheminement de chacun des trois règnes, nous croyons que
l’Homme a des devoirs envers la Nature, envers tous les Etres
Vivants, et qu’il lui appartient de s’en montrer le
protecteur intelligent. Fils de la Veuve, croyez-vous cela ?
» (6) Frères et Sœurs, Fils de la Veuve,
croyez-vous cela ?
L’homme parce qu’il a une conscience
supérieure à celle des autres êtres
vivants a des devoirs, en particulier celui de ne pas rester
indifférent car l’indifférence est
intolérable comme l’exprimait Einstein :
« Le monde est menacé
d’avantage par ceux qui tolèrent le mal que
par ceux qui s’emploient à le faire
».
La conscience du bien et du mal est une manifestation de
l’esprit humain que d’aucuns
préféreraient attribuer à une
âme. Sans nous engager dans ce débat,
considérons maintenant des théories modernes
accréditant l’hypothèse d’une
conscience supérieure de l’homme ou
l’existence d’une entité
immatérielle assimilée à
l’esprit.
5. La conscience supérieure ou
l’Esprit
Le physicien Jean E. CHARON, en 1974 (7), estime que le Vivant ordonne
le milieu : il postule que la perte d’entropie de la
matière est compensée par
l’accroissement de celle du vivant (négentropie).
Pour lui, le vivant est un émetteur - récepteur
capable de capter et de produire le rayonnement
négentropique, rayonnement inconnu qu’il voit
néanmoins à l’œuvre.
Il s’interroge alors sur la mort où la structure
matérielle se désagrège mais
où persisterait « sous une forme
quelconque dans la durée une part de nous même
comme un phénomène d’espace - temps
caractérisé par un rayonnement susceptible
d’être un jour décrit par des
équations mathématiques ».
Dés 1977, il démontre que certaines
particules, comme les électrons qui peuvent être
assimilés à des micro trous noirs, sont de micro
- univers formés d’un espace - temps particulier,
définis comme l’esprit, réunion de la
matière et du mental (8). Il développe alors la
théorie de la relativité complexe qui conduit
à considérer que les deux faces sensibles de
notre Monde sont la Matière et l’Esprit.
Mathématiquement, cela consiste à introduire dans
la théorie d’EINSTEIN les nombres complexes,
nombres constitués d’une partie réelle
et d’une partie imaginaire. Il déclare
alors : « Oui, frère humain,
abandonnes ton anthropocentrisme. Quand tu annonces « je
pense », tu devrais dire plus correctement « il
pense » comme tu dis « il pleut ». Car ce
qui pense en toi, ce sont des milliards
d’électrons qui enferment un espace - temps
où peuvent se dérouler les processus spirituels
».
Huit ans plus tard (9), CHARON montre aussi comment
notre Moi humain est associé au psychisme propre aux
particules entrant dans notre corps, fournissant ainsi un
éclairage nouveau à la notion
d’inconscient collectif de JUNG.
CHARON a vu dans le paradoxe EPR (Einstein, Podolski et Rosen) la
preuve d’une communication entre particules (10). Rappelons
cette expérience réalisée en 1957 :
Deux particules associées présentent des spins
contraires. Elles sont séparées. Le spin de
l’une est inversé et l’on constate que
le spin de l’autre s’inverse. Ces
expériences ont été
récemment reconduites dans l’anneau du CERN (11)
à Genève. Le phénomène a
été reproduit avec des particules
séparées alors de 10 kilomètres.
Pour Alain ASPECT, Professeur à
l’Ecole Polytechnique, « ces deux
particules éloignées constituent pourtant un tout
inséparable » (12). Même si
ce grand problème n’est pas résolu,
demain il va servir pour la cryptographie quantique de
messages…
Revenons à Jean CHARON qui en 1985
reprend la conception de Teilhard de Chardin (13) selon laquelle les
structures vivantes évolueraient en obéissant
à une sorte de loi de complexification - conscience. Le
niveau de conscience s’élève par seuils
de mémoire hiérarchisant ainsi le
minéral, le végétal,
l’animal et l’humain. Il laisse alors entrevoir
l’évolution vers un ultra humain
doué d'une conscience plus développée.
Sans citer CHARON, le Pr Régis DUTHEIL, biophysicien et
Brigitte DUTHEIL (14) ébauchent une théorie
où existe un second monde parallèle au
nôtre.
Dans cet univers, les vitesses des particules sont
supérieures à celle de la lumière si
bien que la notion de temps n’existe pas. Cet univers
« d’espace - temps superlumineux
» n’est constitué que
d’information et de conscience.
Cet espace non temporel est instantanéité et
permanence. Il contient l’ensemble des informations et des
significations. Cet espace de la conscience totale qui est conscience
individuelle et conscience collective nous est inconnu : nous
l’entrevoyons par bribes, par séquences
grâce au cerveau qui serait le filtre des échanges
entre ces deux univers (15).
Le cerveau serait le lien sous forme de filtre entre la
matière biologique et l’esprit. Il est
l’instrument où s’affichent des images
de type holographiques.
Notre monde, notre univers visible à
l’œil ou avec nos instruments est souslumineux.
C’est celui des théories où la vitesse
des ondes et particules a pour limite la vitesse de la
lumière.
Au delà commence le monde superlumineux que laisse entrevoir
cette nouvelle théorie qui bouleverse les notions de
naissance et de mort. La mort est alors une sorte de renversement : le
corps physique disparaît et la conscience se retrouve libre
de toute entrave au delà du mur de lumière.
L’entrée dans le monde de la mort
c’est-à-dire dans l’espace - temps
superlumineux nécessite le franchissement du mur
superlumineux ; mur qui serait celui entrevu dans les
expériences aux frontières de la mort dites
« NDE », near death experience. Cette conscience
superlumineuse ne rappelle-t-elle pas cette assertion
maçonnique : « la pensée,
noble étincelle, qui persiste à
éclairer nos esprits alors que les cerveaux
d’où elle a jailli ne sont plus que
poussière. » ?
Au rite de Menphis-Misraïm, le Vénérable
lors de la Tenue Funèbre déclare que «
le Monde Sensoriel n’est que l’une des formes
passagères du Fluide Cosmique impondérable, que
nous nommons la Grande Ame Universelle, source de toute Harmonie, et
dont le détenteur immatériel est le Nombre.
C’est pourquoi, couverts par les Ailes de la Dame du
Sycomore, votre Protectrice, vous passerez le Seuil, tenant en vos
mains la Pierre Lapis, la Croix Ansée et le rameau de Myrte,
constellée des narcisses de la Connaissance »
(16).
6. Tradition et modernité
L’étude des symboles, des religions, des
témoignages des voyages aux frontières de la mort
et celle des expériences mystiques montrent toutes
que le passage dans la mort s’accompagne de trois
phénomènes: la sensation de transgresser des
barrières temporelles et spatiales par le franchissement
d’une barrière,
l’émerveillement dans un bain de
lumière et enfin le sentiment de connaissance totale qui
annihile toute velléité de recherche de la
vérité. Le franchissement du mur est une
initiation qui débouche dans un monde de lumière
où règnent la connaissance et la
vérité.
Jean Marie TJIBAOU avait entrepris une thèse
sur les traditions des kanaks où les
défunts s’appellent les Vivants. Je le cite :
« L’existence individuelle
n’est qu’une période transitoire sans
grande signification si elle n’est pas rapportée
à la totalité des « échanges
» qui, dans ce monde et dans l’autre,
confèrent à la
société et à
l’univers leur sens et leur cohésion.
L’esprit d’une personne défunte
s’en va d’abord danser dans le pays sous marin des
morts, puis, au bout de quelques générations,
remonte le long des cours d’eau jusqu’au pays des
ancêtres maternels où il vient se
confondre avec l’être totémique -
animal, plante, pierre ou phénomène
atmosphérique… - qui est aux origines de la Vie
».
Les Kongos en Afrique croient à une vie post
mortem dans un monde souterrain. Les Indiens comme les Kanaques
imaginent le cycle de la vie et de la mort comme celui de
l’eau qui va de la pluie à la mer. Au Mexique, les
Morts s’en retournent dans les demeures du Soleil. Toutes les
traditions accréditent l’idée
d’un monde des morts.
Dans le Livre des Morts égyptien, le
défunt élu emprunte la barque sacrée.
Les Celtes, les Germains et les Scandinaves croyaient en
une vie dans l’au - delà.
L’immortalité est aussi
présentée comme un ancien privilège de
l’homme, privilège perdu par indiscipline. Il est
un dieu déchu ou un pêcheur. La
réincarnation et la résurrection sont
d’autres possibilités
d’immortalité.
La pensée bouddhique vise à
l’extinction totale de l’individualité
dans le nirvana, afin de fuir le monde régi par la loi du
karma. Mais dans la mort la conscience individuelle rejoint le flot de
conscience dont elle est issue. Comme l’énergie,
la conscience au sens bouddhique, se conserve (17).
La Voie du Pèlerin bouddhiste emprunte la rivière
symbolique de la Vie et de la Mort.
En Chine, confucianisme et taoïsme
conçoivent l’âme comme mi -
céleste, mi - terrestre.
Les philosophes comme Socrate, Platon, Descartes,
Spinoza, Leibnitz, Kant, Hegel, et Schopenhauer croyaient en
l’immortalité.
La tradition rapporte des cas de réapparition, de voix
d’outre tombe. La théorie de la
relativité générale a prévu
dans des conditions extrêmes le voyage dans le futur ou dans
le passé. Enoncé en 1930 comme le paradoxe de
Langevin, un voyageur se déplaçant à
une vitesse voisine de celle de la lumière pendant un an
trouverait à son retour une Terre vieillie d’un
siècle. Le voyage dans le passé repose sur
l’hypothèse du temps qui
s’arrête pour qui voyage à la vitesse de
la lumière (18). A son retour sans avoir vieilli, ses
enfants seront des grands pères.
Récemment, en 1994, des physiciens ont
extrait de l’énergie du vide en imposant une forte
tension électrique aux bornes d’un condensateur.
Cette énergie négative est justement celle
qu’il faudrait pour créer un champ
antigravitationnel nécessaire pour maîtriser un
jour le champ gravitationnel d’un trou noir (19).
Le trou noir est la tombe de la matière. Attirée
par un énorme champ de gravité, la
matière s’effondre sur elle même. Les
électrons s’écrasent sur les noyaux. Le
vide disparaît. L’espace n’existe plus,
ni le temps. Les astrophysiciens observent les trous noirs de
l’Univers. D’autres, comme Jean CHARON, les ont
imaginé à l’échelle
microscopique. Le trou noir comme la mort n’est pas une fin.
Dans son allocution de Prix Nobel, SAKAROV considérait le
trou noir comme une porte vers un autre univers, un univers
d’antimatière.
Les physiciens et les astrophysiciens sont en quelque
sorte les alchimistes d’aujourd’hui voire les grand
prêtres d'hier.
Autrefois l’alchimie était la seule pratique et
pensée métaphysique extra - religieuse. En
recherchant l’élixir
d’immortalité, elle a engendré la
science, enrichi notre connaissance du réel et
contribué à l’évolution
matérielle de notre temps.
Aujourd’hui les physiciens, à la recherche
d’un tout cohérent et d’une
théorie générale, prolongent
la recherche de la perfection ultime de la connaissance qui
s’apparente à la quête de la pierre
philosophale par les alchimistes. Un récent
numéro de Sciences et Avenir s’en est fait
l’écho (20).
Les scientifiques empreints de l’incertitude de la
mécanique quantique et de conceptions probabilistes du monde
n’ont plus la prétention de tout savoir.
L’évolution de la pensée reprend son
cours alors que le profane reste encore figé dans une
pensée unique.
7. Evolution
L’évolution des consciences est lente:
L’homme fut anthropophage, il a été
esclavagiste, misogyne au point que la femme n’avait pas
d’âme. Les premiers progrès de la
science l’ont rendu matérialiste.
Aujourd’hui si la science moderne ne peut donner
d’explication rationnelle à nos interrogations
métaphysiques, elle nous permet
d’évoluer avec plus de
sérénité et de retrouver plus de
sagesse.
Fritjof CAPRA fut l’un des premiers en 1975
à montrer les affinités de la science moderne
avec la sagesse orientale (21). Déjà Niels BOHR
au tout début de la physique nucléaire admirait
le bouddhisme. On constate que de plus en plus les théories
scientifiques modernes rejoignent les croyances ancestrales.
L’évolution conforte la tradition et
l’enrichit. Les nouvelles hypothèses
s’accordent avec de vieilles croyances (22) comme celle des
Sioux dont voici un proverbe : « L’esprit
n’est jamais né, l’esprit ne cessera
jamais et il n’y eut pas de temps où il
n’était pas. Fin et commencement sont des
rêves ».
En admettant que le cerveau soit un filtre entre un monde
réel de matière et un monde invisible de
conscience, il faut convenir que la vie, porteuse de cette conscience,
est l’interface entre ces deux mondes. La Vie et en
particulier l’Homme se trouveraient à
l’intersection d’un monde souslumineux et
d’un monde superlumineux. Alors comme le dit Jonathan le
Goëlan, « le corps n’est que
l’incarnation de la pensée ».
Le monde superlumineux est atemporel comme fixe. Le monde souslumineux
temporel tourne. A l’interface se déroule la
chaîne de l’humanité.
L’humanité est quelque part atemporelle tandis que
l’homme lui est mortel, même s’il veut
l’oublier.
La science médicale a fait reculer les
limites de la mort que l’on cache car la mort est source
d’angoisse pour l’homme moderne dont
l’existence n’est synonyme que de vie biologique et
matérielle. La mort est le sujet tabou qui
remplace celui de la sexualité.
Réhabiliter la mort, c’est pratiquer
l’accompagnement des mourants, c’est refuser
l’acharnement thérapeutique, c’est
l’avènement de l’étude des
phénomènes qui précédent et
qui suivent la mort. C’est admettre que la mort ne
s’oppose pas à la vie mais à la
naissance.
La naissance est la porte d’entrée dans ce double
univers. Le savoir implique de s’initier par
l’apprentissage, par l’enseignement des
maîtres aux connaissances du moment.
La vie poursuit son cours. La roue du monde temporel tourne. Celle du
monde atemporel attend.
La mort est la porte de sortie obligée. Elle
est l’heure de la Vérité.
Tels sont les trois degrés d’évolution
de la matière vivante : Naissance. Vie. Mort.
L’Homme conscient évolue : Initiation.
Connaissance. Vérité.
Sa « quête spirituelle est aussi le
symbole de l’Amour et de la Perfection.
Avec tous les êtres, passés,
présents et à venir, il forme la chaîne
de l’humanité. Cette chaîne nous lie
dans le temps comme dans l’espace, elle nous vient du
passé et tend vers l’avenir. »
J’ai dit.
M\ P\
Bibliographie :
(1) Barbara EHRENREICH « Le
sacre de la guerre »
Calman-Lévy d’après le Nouvel
Observateur n°136
(2) Hubert REEVES. Malicorne, réflexions d’un
observateur de la nature Ed Seuil. « Reflets de
lumière » p.115
(3 La Recherche n° 287 mai 1996 p.63 « Deux
biologistes et un physicien en quête de
l’âme » et Science et Vie. n° 945
juin 1996 pp.60-67 « La physique qui veut
expliquer la conscience ».
(4) PENROSE « Shadows of the mind
» (Les ombres de l’esprit)
(5) André MERY Les Végétariens :
Raisons & Sentiments. Ed. La Plage. 1998 pp.213, 278.
(6) Robert AMBELAIN Cérémonies et Rituels de la
Maçonnerie Symbolique. Ed Robert Laffont. 1978 p.22
(7) Jean E. CHARON « L’homme et
l’univers » Albin Michel Paris 1974 Ed.
Marabout pp.254, 296, 307.
(8) Jean E. CHARON « L’esprit cet inconnu
» Ed. Albin Michel 1977 pp.76, 191.
(9) Jean E. CHARON « Les lumières de
l’invisible » Ed. Albin Michel 1985
p.240.
(10) ibid 9, p.75.
(11) Science et Vie. n° 964 janvier 1998 p.54 Roman IKONIKOFF
« Espace- temps :
L’expérience qui contredit Einstein »
(12) A. ASPECT Des codes secrets protégés par les
lois de la nature. Science et Vie n°980 Mai 1999 p.169
(13) Ibid 9, p.174.
(14) Pr. Régis DUTHEIL et Brigitte DUTHEIL « L’homme
superlumineux » Ed SAND Paris 1990.
(15) Ibid 14 p.95.
(16) Ibid 6 p.233.
(17) Jean-François REVEL et Matthieu RICARD. Le moine et le
Philosophe. Le Bouddhisme aujoud’hui. NiL Editions, 1997,
Paris.
(18) Sciences et Avenir n° 588 février 1996 pp.30-31
« Le mur de la lumière est franchi
». (19) Science et Vie. n° 950 novembre 1996.
« Voyager dans le temps »
pp.66-74.
(20) Sciences et Avenir Hors série n° 118 mai juin
1999 « La théorie du tout
».
(21) Fritjof CAPRA.Le Tao de la Physique. Ed. Tchou. 1975
(22) Brigitte DUTHEIL « L’univers
superlumineux. Voyage au pays de l’immortalité
» Ed SAND Paris 1990.
|