Obédience : NC Loge : NC 04/10/2008


Aristote et Platon

Je ne suis pas un philosophe donc je vais vous traiter cette planche avec mes visions. Je suis dans une planche d’apprenti d’où le trois.

D’après Socrate, je sais que je ne sais rien ; de Platon, je sais que j’ai oublié et d’Aristote, le scientifique, je suis atteint peut être d’alzhaemer et j’ai tout faux peut être.

Ma lumière de franc maçon est de rechercher ; scientifique j’étais plus un disciple d’Aristote et Cartésien ; citoyen j’étais soumis à la raison kantienne ; mais ma recherche m’a fait redécouvrir la justesse platonicienne, ces trois sont donc bien des lumières dans mon chemin et mes engagements. Mais Kant fera l’objet d’une autre planche.

Depuis au moins deux mille cinq cents ans, l'histoire du monde est définie par une bataille d'idées, plus essentielle, plus universelle que toutes les autres : la bataille entre les conceptions de Platon et d'Aristote. Pourtant, parmi les gens qui connaissent Platon et Aristote, ce qui ne fait déjà pas foule dans le monde, la plupart ne savent même pas qu'il y a eu une bataille à mort entre ces deux philosophes.

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Le tableau de Raphaël, l'Ecole d'Athènes, résume très bien les positions absolument antinomiques des deux : Platon montre vers le haut indiquant que ce sont les choses impérissables de l'esprit qui constituent la réalité première de l'Univers ; Aristote, au contraire, montre vers le bas, indiquant que la réalité première se trouve dans les choses matérielles.

C'est la bataille entre ces deux conceptions qui a défini toute l'histoire humaine depuis cette époque.

Pour comprendre ce conflit, éliminons déjà les images fausses que l'on se fait à propos de ces deux philosophes. L'image de Platon est généralement celle d'un idéaliste fou qui n'a aucune prise avec la réalité. La preuve serait qu'il a fondé une Académie et défend une théorie des idées selon laquelle pour tout ce qui existe dans ce monde il y aurait dans le ciel, une forme parfaite et idéale dont elle participerait. Exprimée de cette façon, cette théorie apparaît comme un peu folle.

Tout cela est faux. Platon a été intimement mêlé à la vie politique de son temps.

L'académie de Platon n'était nullement un lieu où seules les connaissances abstraites, sans aucune préoccupation d'application pratique, intéressaient les étudiants. Outre le fait que l'on progressait dans la connaissance de l'astronomie et des mathématiques, on s'y intéressait également à des technologies qui amélioraient la condition humaine. L'Académie était, elle aussi, active dans la politique.

Aristote aussi était un personnage important de la politique de son temps. Né à Stagire en 384, une quarantaine d'années après Platon, son père et lui-même ont évolué dans la cour de Philippe de Macédoine, un des principaux alliés de l'Empire Perse qui, à l'époque, exerçait son hégémonie sur toute cette partie du monde, à l'exception de la Grèce. Aristote n'était pas un esprit libre à l'instar des citoyens Grecs, mais reflétait de par sa famille et sa naissance, la mentalité oligarchique.

L'influence politique de Platon et d'Aristote ne se limite nullement à la période de leur existence, mais a continué à se développer au cours du reste de l'histoire humaine. Grâce à Saint-Augustin, Socrate et Platon ont fait une entrée majestueuse au sein de l'Eglise chrétienne transformant pour le mieux la chrétienté et la Grèce antique. Au cours de presque six siècles, ces conceptions ont été hégémoniques au sein de la chrétienté, jusqu'au XIIème siècle qui marque l'entrée en force d'Aristote dans cette même église chrétienne.

Platon inspirera la Renaissance du XVe et XVI siècle alors qu’Aristote, au contraire, deviendra le symbole de la réaction la plus noire : il trône dans le camp de l'inquisition ; le Concile de Trente le porte au pinacle de son influence. C'est l'époque où les jésuites sont de toutes les conspirations, l'époque des coups de Jarnac contre les rois humanistes.

Les éléments essentiels de la bataille fondamentale entre Platon et Aristote peuvent très bien être saisis en comparant deux de leurs principaux ouvrages : La République de Platon et La Politique d'Aristote.

Dans la forme, La Politique d'Aristote est la réplique à la République de Platon. Aristote avait été l'élève de Platon à l'Académie et l'influence dont jouissait Platon contraignait Aristote à le suivre et à répondre à Platon dans la conception de son ouvrage.

Sur le fond, il n'y a aucun point de comparaison entre les deux textes. Là où Platon nous amène d'une hypothèse à l'autre avec une rigueur mentale exemplaire, Aristote, au contraire, n'hésite pas à se contredire et étale les idées les unes après les autres à la façon dont un magicien sort les lapins de son chapeau, sans jamais se donner la peine de montrer le processus par lequel il les a engendrées.

Les différences dans la méthode de pensée ont aussi leur origine dans les motivations de chacun de ces hommes : avec sa République, Platon fonde le courant républicain tel qu'on le retrouve encore de nos jours ; Aristote, au contraire, est le père de l'« oligarchisme » comme on le connaît aussi jusqu'à nos jours.

Selon Platon, quatre vertus composent l'Etat le plus parfait, dit-il : la sagesse, le courage, la tempérance et la justice. La sagesse est aux commandes, car dans toutes choses, c'est l'âme qui doit commander. Le courage est la vertu qui est appelée à seconder l'âme dans la défense de l'Etat contre tout ce qui pourrait lui porter atteinte. La tempérance est la maîtrise de soi, la maîtrise par la Raison des passions et des désirs. Dans la Cité, dit Platon, la tempérance est l'harmonie qui doit s'établir entre ceux qui commandent et ceux qui savent qu'ils doivent être commandés. La justice enfin, se trouve dans le fait que chacune de ces vertus puisse remplir correctement sa propre mission. La Raison doit commander, le courage doit obéir et seconder la Raison ; la tempérance doit établir une harmonie entre ces deux domaines. A contrario, l'injustice arrive lorsque ces vertus ne remplissent pas chacune leurs propres rôles. L'injustice s'installe lorsque c'est l'ignorance qui commande, ou la lâcheté qui règne en maître, ou encore, les passions qui s'imposent à la Raison.

Platon établit que c'est lorsque l'harmonie entre la sagesse, le courage, la tempérance et la justice est rompue, que la République prend le chemin d'un Etat dégénéré.

Selon Platon, la faiblesse de la raison aboutit à un excès du courage, défaut qui appelle un régime militariste et spartiate à mi-chemin vers l'oligarchie, puis à l'oligarchie elle-même. L'abus des désirs, l'absence de tempérance aboutit à la démocratie, un régime anarchique qui appelle de lui-même pratiquement la tyrannie.

Contrairement à Platon, pour Aristote, la qualité suprême de celui qui commande est la « prudence ». On reconnaît le gardien selon lui par ses « marques extérieures, le ton, et les honneurs ». Comme tout bon oligarque, ce sont les questions du pouvoir qui obsèdent Aristote. Qui sont les citoyens de l'Etat d'Aristote ? Certainement pas les personnes qui produisent : les laboureurs, les artisans, les commerçants, les manœuvres. Contrairement à Platon, Aristote exprime pour eux un mépris total. Jamais, dit-il, un artisan ne sera citoyen car il doit se vouer aux œuvres serviles pour subvenir à ses besoins. Qui sont donc les citoyens de ce si magnifique Etat ? Uniquement les hommes de guerre et les hommes de loi.

Après avoir réduit la population à la médiocrité, Aristote s'assurera que jamais des savants puissent avoir accès à des positions de pouvoir. Là où Platon dira que les maux de la Cité ne seront jamais réglés que lorsqu'il y aura des Rois-philosophes, des hommes politiques qui seront en même temps des philosophes, Aristote défend l'idée, au contraire, qu'il faut séparer la vie intellectuelle - vie contemplative - de la vie politique - vie active.

L'homme, dit-il, est fait de deux éléments : l'âme et le corps. Font partie de l'âme, la raison et les passions. La raison participe de l'âme et c'est elle qui représente la meilleure partie des deux ; celle qui commande, dit-il, en imitant Platon. Mais, ajoute-t-il, la raison elle-même est divisée en raison active - c'est ici qu'il place les vertus - et raison contemplative - c'est à dire intellectuelle. En parlant ainsi Aristote veut que les intellectuels soient écartés du commandement des affaires.

Que sera un gouvernement privé des conseils éclairés des savants, des sages qui détiennent la connaissance ? Le meilleur gouvernement, dit-il, est la République. Mais il définie celle-ci comme étant le mélange de deux régimes dégénérés : l'oligarchie et la démocratie ! De l'oligarchie, il garde l'idée que ce sont les riches qui, seuls, sont habilités à commander ; de la démocratie, l'idée que l'on doit faire semblant de faire appel au peuple pour que celui-ci ne se révolte pas.

Venons en maintenant au conflit qui a opposé Platon à Aristote au niveau des idées, à savoir qui des deux à plus de réalité : l'Un ou le Multiple. Nous voici devant la grande question de toute la philosophie. Y-a-t'il plus de réalité dans les choses multiples, celles qui changent tout le temps, qui naissent et qui périssent, et que nous connaissons par nos sens ? Est-ce que Pierre ou Paul ont plus de réalité que le concept d'homme en général ; la chaise longue plus de réalité que le concept de chaise en général ? Et, peut-on, à partir de ce Multiple, en additionnant et assemblant les choses, remonter à l'Unité essentielle qui, elle, est uniquement de l'ordre de l'intelligible ? Autrement dit, la somme de tous les hommes particuliers nous permettra-t-elle d'arriver à la conception de l'homme en général ? Ou s'agit-il de notions d'ordre totalement différent ? Ne faut-il pas procéder plutôt à l'envers : partir de l'unité, d'un Un absolu et intelligible pour engendrer tout ce qui est Multiple ? N'est-ce pas le concept d'espèce humaine qui crée les conditions de l'existence de Pierre et Paul ; la chaise en général qui précède à toutes les formes particulières de chaises ?

Platon et Aristote sont, sur cette question, aux antipodes. Pour Aristote, la réalité se situe au niveau de l'Univers matériel. Il y a beaucoup de dualistes dans l'histoire de la philosophie qui tels Descartes pensent qu'il y a d'un côté l'univers physique, de nature matérielle, et de l'autre, les choses de l'esprit, de nature intelligible. Pour eux, ces deux ordres antinomiques de la nature, sont régis par des lois tout aussi différentes : l'esprit par les lois de la logique ; la nature par les lois du mouvement.

Aristote va, d'une certaine manière, un peu plus loin en « éclatant le Un ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Il y a deux façons de concevoir le Un. On peut le penser soit comme un Un absolu - Dieu ou cause première selon que l'on soit religieux ou philosophe - principe purement intelligible mais cause dynamique qui a engendré toutes les choses ; ou bien, on peut le concevoir comme le « Un » qui détermine chaque chose particulière : le nombre un, un homme, une chaise.

Le Un d'Aristote n'est plus le Un absolu, unité essentielle ; il devient simplement unité particulière, caractéristique de toutes les choses qui existent et qui participent de l'unité. L'Un, dira-t-il encore, représente une nature définie dans chaque genre mais jamais la nature du Un sera le Un en soi. Etre un c'est posséder l'existence individuelle. Ainsi, l'homme en général ne veut rien dire pour Aristote. L'homme particulier est engendré par l'homme particulier ; Pierre est engendré par Paul, et c'est la seule chose qui compte.

Les idées existent pour Aristote mais elles ne sont que des abstractions de l'univers physique. Les idées ne sont donc que des abstractions de l'univers sensible qui constitue, lui, la réalité. Les idées d'Aristote sont juste bonnes à être alignées dans des enchaînements logiques, dans des syllogismes. N'oublions pas qu'Aristote a été le fondateur de la logique formelle, un système de pensée qui ne prétend pas connaître la vérité, mais seulement de définir les règles d'un raisonnement correct. La logique s'intéresse si peu à la recherche de la vérité qu'on peut considérer qu'un jugement qui est totalement faux par rapport à la réalité est juste si toutes les règles du « bon raisonnement » de la logique y ont été employées.

Platon, au contraire, refuse l'idée que la réalité se trouve dans le Multiple. Les choses que nous percevons avec nos sens ne sont rien d'autre que les ombres projetées sur l'Univers visible par une réalité qui elle n'est que d'ordre intelligible, disait-il.

Platon, dit que c'est la dialectique, la science qui permet de remonter du particulier au général. C'est par le développement d'hypothèses que nous pouvons y parvenir, dit Platon, mais nous devons choisir les plus belles des hypothèses. On a l'habitude en France, pays où la réussite dans les mathématiques définit qui sait et qui ne sait pas, de penser que les hypothèses mathématiques sont les plus belles. Mais tout en les plaçant parmi les sciences qu'il faut maîtriser, Platon se garde de les mettre au plus haut niveau parce qu'elles ne permettent pas de découvrir de vérités nouvelles mais seulement de prouver celles que nous connaissons déjà.

La connaissance, la Gnose, n'est donc pas quelque chose qu'on atteint, dès le début en une fois. La vérité est quelque chose qu'on approche de plus en plus, s'élevant chaque fois un peu plus pour arriver à ce qui est la Cause transcendante, le grand architecte.

J’ai le sentiment que les écrits de Platon et Aristote ont largement érigées les bases philosophiques de la F. M. Par exemple, dans « Le banquet », Platon écrivait : « Celui que l’on aura guidé jusqu’ici sur le chemin de l’amour, après avoir contemplé les belles choses dans une gradation régulière, arrivant au terme suprême, aura la soudaine vision d’une beauté de nature merveilleuse » même si dans ce livre voue a Eros la référence a toute la panoplie des dieux grecs me laisse perplexe.

En conclusion si Platon est certainement le premier philosophe à avoir posé les bases d'un cosmos politique, avançant l'idée que la construction de la Cité philosophique idéale est inséparable de la recherche de la Justice. Aristote, va, quant à lui introduire l'idée qu'il existe un bien relatif, à dimension humaine : c'est la notion même d'éthique, posant par là même les fondements d'une théorie de l'action ou pratique des vertus éthiques.

En F\ M\

Si la pierre brute que constitue le profane à son entrée en Maçonnerie représente symboliquement l’état premier qui amènera l’apprenti, à se polir par son introspection à s’ouvrir à la lumière. Ainsi il découvrira que l’aventure humaine est forcément collective, et qu’il n’existe dans sa Loge que par ses frères qui le reconnaissent comme tel. En ce sens, on retrouve la thèse d’Aristote.

Platon souligne, quant à lui cette hiérarchie intellectuelle qui, si l’on devait la traduire en langage F. M. explique que l’apprenti apprenne du Maître et que chaque Maître apprenne dans la tradition de son frère au degré supérieur.

J’ai le sentiment de n’avoir qu’effleurer l’enseignement de Platon et d’Aristote. Pour préparer cette planche, j’ai lu des articles illustrant cette opposition toutefois très complémentaire de nos deux philosophes.

Je ne suis aujourd’hui que dans mon ascension maçonnique et à un moment donc très éloigné de cette Gnose dont parle Platon. Encore une fois, ce travail par ces recherches et la volonté d’une synthèse qui se voudrait lumière me permet de puiser les éléments qui prédisposent à la Sagesse.

J’ai dit V\ M\

M\ H\


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