Obédience : NC Loge : NC 08/12/2010


La légende d'Hiram


Le sujet, il faut le dire, a suscité aussitôt en moi plusieurs interrogations. En effet, que ce soit sur le plan historique, religieux et symbolique, le sujet est dense.
J'ai écrit cette planche en évitant soigneusement de ne pas asséner des vérités toutes faites, mais surtout dans l'esprit de lancer la recherche qui pourra être enrichie par tous.

Ainsi donc, l'histoire commence par un un deuil qui est la conséquence d'un meurtre, c'est à dire que l'ambiance générale est la tristesse et que les Vén.Vén.°. Présents épanchent leur chagrin par des larmes libératrices.

Dès notre entrée en Franc-Maçonnerie, nous nous accoutumons à l'idée de mort et de renaissance. Dans notre première épreuve dans le cabinet de réflexion, la mort est déjà présente. Le crâne et le testament philosophique nous invitent déjà à nous libérer de composantes profanes, matérielles, intellectuelles, qui parent notre égo. Mais à côté de ces symboles de mort, nous retrouvons le coq annonciateur de la lumière, qui nous rappelle que passer une certaine mort permettra sans doute de renaître à une vie nouvelle. Et c'est ainsi que dès notre arrivée nous savons que la mort est nécessaire afin de mieux renaître.

Le petit Larousse nous enseigne que le mot légende est un récit à caractère merveilleux, où les faits historiques sont transformés par l'imagination populaire ou poétique. La légende aussi , a pour but de transmettre un message sous forme d'allégorie pour qui veut, et sait l'interpréter.

Selon la légende, le Roi Salomon, fils de David désigné par Dieu pour ériger un temple dans lequel le tabernacle pourrait y être installé de façon définitive. Ce temple, devait être fait à l'image de notre propre édifice spirituel que chacun de nous doit construire. Pour la réalisation de cette œuvre, Salomon dut faire appel à un architecte connu sous le nom d'Hiram.
Mais qui est Hiram? Ce nom figure à plusieurs reprises dans la Bible. Il est le roi de Tyr, ami de Salomon, auquel il expédie du bois du Liban et il lui adresse un ouvrier hautement qualifié, un autre Hiram » le fils d'une veuve de la tribu de Nephtali, ( une tribu d'Israël, et d'un père Tyrien qui travaillait l'airin. Il y a aussi Adoniram chef des corvées. Quelques commentateurs veulent voir en l'artisan Hiram, le fils du roi de Tyr, ce qui paraît invraisemblable car le roi aurait annoncé cette filiation à Salomon. Originaire de Tyr Hiram pratique-t 'il une religion différente à Salomon? Celle de son père ou celle de sa mère?.

La légende maçonnique en a fait l'architecte, chef de la construction du Temple de Salomon, et lui donne les pouvoirs les plus étendus, alors que pour la Bible, il est principalement qu'un fondeur d'élite. Hiram travaille non seulement l'airain, mais tous les métaux, ce qui peut conduire à sa fonction de maître d'œuvre; il n'est pas uniquement un alchimiste pratiquant la fusion des métaux, mais sur son énorme chantier il doit encore associer des volontés différentes: Sa réussite est incomplète puisque nous assistons à la révolte des trois compagnons.

Le mythe d'Hiram a été très souvent abordé, et a conduit à de nombreuses interprétations. Maître Jacques, et le Père Soubise travaillent sous sa direction à Jérusalem. Une magnifique légende a été créée plaçant la mort d'Hiram sur un plan initiatique, ayant pour thème la mort et la résurrection.

N'est-ce pas un sacrifice permettant à l'architecte de devenir « le Maître éternel »? Les trois compagnons qui ne bénéficient pas du mot du Maître, sont la cause inconsciente de sa résurrection  «  Le maître est retrouvé, et il réapparait plus radieux que jamais »
Cependant cet édifice est-il absolument pur? Sacré il ne peut être construit que par une main-d'œuvre  «  libre et de bonne mœurs » instruite dans la religion juive. Or le peuple d'Israël jusqu'ici nomade ne sait pas réaliser de tels travaux, il a recours à des ouvriers compétents venus de différentes régions mais qui adorent Dieu: Ces ouvriers immigrés, avec un chef Hiram, lui-même étranger par son père, peuvent -t'ils construire valablement pour un Dieu qui leur est extérieur? Le sang d'Hiram peut être un sacrifice qui remédie au sacrilège: Est-il le bouc-émissaire? Jésus est frappé à mort à cause de nos pêchés. Ainsi nous sommes les véritables responsables de ces drames.

La signification allégorique de la mort d'Hiram, l'architecte du roi Salomon, a maintes fois été contée en trois siècles de Maçonnerie spéculative.

C'est à l'issu de ce vaste chantier qu'Hiram fut assassiné par trois compagnons dont il avait la charge. Ces trois compagnons demandèrent au maître Hiram de leur communiquer le mot de passe, signe et attouchement. Hiram répondit «  plutôt la mort que de violer le secret qui m'a été confié ». Mais face au refus de ce dernier, de ne pas dévoiler sous peine de parjure et par respect du sacré, ceux-ci décidèrent de mettre fin à ses jours.
Son corps fut retrouvé grâce à l'acacia. L'acacia grand symbole du 3 ème grade qui sur un plan symbolique représente pour le FM\, la survivance des énergies que la mort ne saurait détruire. Il représente pour nous initiés le cosmos vivant qui sans cesse va en se régénérant, et aussi avec les cinq points de la maîtrise: cinq est le nombre central, tant du compagnonnage, que de la maçonnerie bleue, sa base est l'étoile flamboyante.

Comment se sont ils pris? Nous ne reviendrons pas ici sur ces circonstances, mais nous nous bornerons plutôt à mon humble avis, et ce avec votre concours à l'analyse de ce crime des plus détestable.

Pour nous Maître maçon, l'assassinat programmé de notre Frère Hiram met en relief l'objectif que nous propose la Franc-maçonnerie, à savoir l'initiation véritable, chercher ce qui a été perdu, rassembler ce qui est épars, et répondre partout la lumière.

Or que voyons nous?, lors de l'exaltation à la maîtrise, ce rôle de trois Frères communément appelés «  mauvais compagnons », sont interprétés dans la Loge par le T\R\M\, le Premier Surveillant et le second Surveillant. Ces trois S.S\ ou F.F\ qui sont les trois lumières de la Loge, et utilisant respectivement les outils symboliques qui sont le maillet, la règle, et le levier

Voyant la portée de ces outils:
  • le maillet outil de l'Apprenti avec le ciseau, c'est le symbole du pouvoir temporel. Il sert pour donner des coups nécessaires.
  • La règle utilisée à bon escient amène le maçon à en faire usage pour trouver la mesure, dans la précision et la justesse de conduite, l'ordre inhérent à toute chose, la discipline au quotidien.
  • Employé à bon escient, le levier permet au maçon d'utiliser sa force qui repose sur la connaissance qu'il a de l'univers, de contrôler son énergie dans l'action et l'effort.

        La règle, premier instrument du meurtre est un outils de mesure qui, utilisé à contre-usage, met en œuvre un acte disproportionné, démesuré. Qui dit règle dit, obéissance librement consentie. Cet outil constructif détourné de son utilisation première, souligne symboliquement, et illustre magistralement le caractère  démesuré du forfait du premier compagnon.
Quel que soit l'outil employé, on peut considérer que c'est l'ignorance qui porte le premier coup au Maître. Le premier Comp\ veut asséner un violent coup de règle sur la tête d'Hiram, mais le coup n'atteint le Maît.°. que sur l'épaule gauche et celui-ci tombe sur le genoux gauche.

Le deuxième Comp\ utilise un levier. On peut penser que c'est un immense orgueil qui l'amène à essayer de porter un second coup de son outil sur la tête d'Hiram, mais il l'atteint seulement à l'épaule droite et Hiram tombe sur le genou droit.

Étourdi par ce nouveau coup, le M\ se dirige en chancelant vers la porte de l'Orient, dernière issue par laquelle il espère échapper à ses agresseurs. Mais il est arrêté par le troisième complice qui lui demande de façon menaçante le mot des M.M\. Le Mait\ Hiram portait un bijou autour du cou, insigne de sa fonction. Se sentant condamné, il jeta le bijou afin que le secret ne soit pas dévoilé. Immédiatement, le troisième conjuré le frappe au front d'un violent coup de maillet et le renverse sur le pavé du temple.

Cette ambivalence trouve son apothéose avec l'outil du troisième compagnon, le maillet, qui va donner si l'on peut dire, le coup de grâce ou plutôt le coup fatal. Il transforme cet outil de création, lors des passages de grades, en outil de destruction. Ainsi le coup de maillet est porté au front d'Hiram pour détruire son intelligence, avec la volonté de supprimer définitivement sa vie. Mais cet ultime coup de maillet peut être aussi libérateur de l'esprit, comme celui qui est donné au front d'un pape dès qu'il est mort. Frapper le défunt avec un maillet, c'est lui administrer le feu qui le ressuscitera.

Ces trois Frères compagnons habités par le fanatisme, l'ambition et l'ignorance ne sont pas ailleurs ils sont en nous, et ont oublié les enseignements du cabinet de réflexion. En effet, au moment de notre initiation l'œuvre débute par une visite au fond de soi-même.
Une question se pose encore: pourquoi ce sont les trois officiers qui dirigent la Loge, qui détiennent le pouvoir exécutif momentanément, qui se transforment en acteurs du meurtre, en prenant l'habit des mauvais compagnons?

Une réponse s'impose: bien souvent ce sont ceux qui détiennent le pouvoir qui sont les plus susceptibles de le détourner, en le gérant sans la mesure et le discernement nécessaires, pouvant se transformer en tyrans et oppresseurs, de même que par leur fonction ils sont les plus à même de détruire ce qu'ils ont la possibilité de construire.

Limité à la vision extérieure de la maîtrise, ces trois compagnons n'ambitionnent que les prérogatives du pouvoir, sans en avoir acquis les vertus et la sagesse les aurait conduits à accéder légitimement à la connaissance détenue par leur maître.

Ce récit nous confronte à une situation d'usurpation, à un vol avec violence, qui conduit au meurtre ou plutôt à un meurtre pour vol du moyen d'accès à la maîtrise.
Le seul élément du compagnonnage que ces trois compagnons ont intégré, c'est l'action concertée, car le meurtre d'Hiram n'est pas un acte isolé, mais une scène en trois actes avec complémentarité dans l'action, le premier et le deuxième compagnon ont blessé Hiram, le dernier l'a achevé.

On peut se demander si le troisième compagnon a une part de responsabilité plus grande que les deux autres, ce à quoi on peut répondre par la négative, car sa volonté de s'accaparer les secrets de la maîtrise, est motivée par la même intention: s'emparer de ce qu'on veut obtenir, quels qu'en soient les moyens, sans le mériter.

Le rituel nous dit qu'il y a deux crimes à la fois: crime de la mort d'Hiram, et crime envers les devoirs d'homme d'honneur et de Franc-Maçon, combien de S.S\ et de F.F\ entre nous respectons nos devoirs?

Au départ nous avons trois mauvais compagnons qui constituent un triangle pour devenir nous même, donc retour à l'Unité, d'où l'expression » le maître reste toujours au centre du cercle, en recherchant la parole perdue et rassembler ce qui est épars.

Dans le mythe de mort-renaissance, la mort survient dans la souffrance car elle doit frapper les esprits. Elle se consume dans une atroce agonie avant de renaître de ses cendres, Osiris est déchiqueté, et démembré, le Christ est flagellé, crucifié, Hiram est frappé à mort. Dans l'initiation au troisième degré, chaque nouveau Maître revivant symboliquement cette résurrection, peut espérer non seulement récupérer les secrets emportés dans la mort par notre Maître Hiram, mais doit aussi s'enquérir de l'expérience qu'il a vécue pendant cette mort symbolique. Mais cette mort est indispensable, l'initié renaît régénéré.

Cette légende a pu être connue des constructeurs médiévaux, mais il n'y a aucune preuve. En 1723, les Constitutions d'Anderson ne mentionnent pas la mort d'Hiram; l'édition de 1738 paraît l'évoquer avec ce vague troisième degré établi à Londres en 1726. C'est dans le manuscrit Graham de 1726 que l'on trouve la mention du cadavre relevé. En réalité, ce n'est qu'en 1730 que la mention du meurtre d'Hiram apparaît dans Masonry Dissected de Prichard.

Nous pouvons dire que d'un acte négatif peut découler une conséquence Franc-Maçonnerie n'existerait pas, tout comme la mort du Christ par Judas a eu pour conséquence la religion catholique. Dans le cas du mythe d'Hiram, l'existence des mauvais compagnons, et du meurtre qu'ils perpétuent rentre dans l'ordre normal des choses établies par le Grand Architecte de l'Univers. En effet, sans ce meurtre rien ne serait peut-être possible, la mort de notre Maître Hiram est obligatoire pour pouvoir offrir à chaque nouveau Maître la possibilité de devenir le maître lui même par cette résurrection. Ainsi la Maîtrise propose au Franc-Maçon de devenir artisan de la culture de soi-même, de tenter de se connaître et de s'aimer pour comprendre. En aimant aussi son prochain entre l'équerre et le compas , l'homme libre pourra voyager dans tout l'univers, et tenter de construire une cité meilleure.
Les êtres qui apportent l'amour meurent sous la violence, comme Abel, Osiris, Maître Jacques, Grand Maître Jacques de Molay, mais aussi comme Gandhi et principalement Jésus.
Je conclurais en disant que ces aspects néfastes des mauvais compagnons peuvent être considérés comme existant à l'état latent chez chaque Franc-maçon. Le maître pourra renaître plus radieux que jamais à la condition de convertir ou rectifier ce que chacun des mauvais compagnons personnifie. Ainsi l'ignorance se transformera en connaissance, le fanatisme en tolérance, l'ambition en détachement, la vanité en simplicité, l'orgueil en humilité, l'égoïsme en sens du partage.

J'ai dit T\R\M\

J\ C\


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