Obédience : NC Orient de Chalon-sur-Saone Date : NC


André-Michel de RAMSAY

Première partie Biographie de Michel André RAMSAY

Il serait prétentieux de vous donner lecture aujourd'hui d'une version exhaustive des faits marquant de la biographie d'André-Michel de Ramsay, tant le personnage est riche et haut en couleur et encore tellement contre versé voire obscure si l'on en croit tous ceux qui se sont penchés sur sa vie.

Les Anecdotes ¹ commencent mal : « Monsieur de Ramsay est né dans la ville d’AYR en Ecosse le 29 mai vieux style et le 9 juin style nouveau de l'année 1686, de parents peu riches. Son père, quoique dans le commerce, était reconnu pour le chef de l'illustre maison de Ramsay pour en être le cadet et on trouvera dans les papiers du défunt des preuves de sa généalogie paternelle et maternelle ». La date convient, le lieu de naissance également. Mais, cette pseudo information provient d'un pamphlet anonyme lancé contre lui en 1735, qui le prétend issu d'un père boulanger. Après vérification des registres de la ville d’Ayr, on trouve sans aucun doute un Ramsay boulanger et père d'une nombreuse descendance, mais aucun fils ne correspond à notre personnage. Ramsay propose quant à lui une toute autre filiation.

Dans un courrier daté du 10 décembre 1716, adressé à John Walkinshaw, Ramsay écrit : « Je ne dirai rien de mon père qui était ministre épiscopalien à Edimbourg, avant la dernière révolution, ni de tout ce qu'il a perdu pour le Roi, ni des quelques biens personnels que j'ai perdu pour la même cause ». ¹ On constatera d'ailleurs qu'à la veille de la révolution orangiste, il existe bien à Edimbourg, un ministre du culte nommé Alexander Ramsay. Suite à des problèmes avec son évêque, Alexander Ramsay quitte Edimbourg pour Ayr où les Ramsay semblent avoir quelques attaches.

Du coté maternel, il est tout aussi exact qu'il puisse se prévaloir d'une parenté noble. En effet, sa mère Mary, anglicane, est une Erskine dont le lignage remonte, par cadet interposé, au baron de Dun.

Voilà donc notre personnage généalogiquement campé.

Son enthousiasme à la littérature l'incite à songer à s'inscrire à l'université d’Edimbourg en vue d'obtenir une maîtrise ès Arts. Mais son calviniste de père préférerait qu'il prenne la voie ecclésiastique. C'est ainsi qu'il s'inscrit à l'université de Glasgow, au nord d'Ayr, pour faire des études de théologie. Il ne persiste pas et revient à Edimbourg en 1704 pour ressortir en 1707 diplôme en poche. Il a alors 21 ans. Il fréquente un groupe d'amis et un certain Georges Garden, docteur en théologie, qui lui montra le faux de toutes les religions et sectes protestantes en supposant de l'imposture de la religion romaine qui était pour lui plus fausse que les autres. Ce jacobite mais aussi épiscopalien prône la tolérance. C'est donc en toute connaissance que Ramsay adhère au tolérantisme. Au sein de ce groupe, les discussions tournent autour de Fénelon, Jeanne Guyon et Antoinette Bourignon mais aussi le nom d'un autre français revient souvent Pierre Poiret qui appartenait au mouvement « rosicrucien ». A cette même époque, il s'intéresse à la Société mystique des Philadelphes fondée en Angleterre vers 1670 et dispersée peu après 1704. C'est au début de 1709 que Ramsay quitte Londres. Il entre alors en contact avec le pasteur Poiret qui a fait de solides études de théologie et qui est réfugié à Leyde en Hollande suite à ses prises de position en faveur d'Antoinette Bourignon et qui enseignait un christianisme transcendant. Sur les conseils de Poiret, Ramsay quitte Leyde pour Cambray, pour y retrouver Fénelon.

Les entretiens qu'il a avec Fénelon durant les six premiers mois à Cambray l'amène à la doctrine du Pur Amour puis au catholicisme. Fénelon le prend comme secrétaire.

En début d'année 1714, Ramsay quitte Cambrai pour se rendre à Blois, auprès de Jeanne Guyon protagoniste du Quiétisme (mystique condamnée en 1699 par le Pape Innocent XII) qui groupe autour d'elle un petit nombre de disciples fervents, venus de tous les pays d'Europe et qui lui propose la même fonction de secrétaire que chez son maître Fénelon. On s'y appelle Frère et Sœur sous le manteau de la Mère; souvent on évoque la figure du Père, qui est Fénelon. Mais elle est assez gravement malade. Il assistera à sa mort en juin 1717.

Ramsay n'aura aucune difficulté pour trouver de nouveaux protecteurs. « Les Anecdotes » assurent qu'un emploi de précepteur lui est proposé chez le comte René-Ismidon de Sassenage pour y enseigner son fils cadet Charles-François, comte de Brion et cela grâce à l'appui du Duc de Chevreuse. Il conservera cette charge durant sept années durant lesquelles il se consacra à l'écriture. Je cite :

  • Discours de la poésie épique et de l'excellence du poème de Télémaque, dans Fénelon.
  • Les Aventures de Télémaque en 1717. Préface à F\ Fénelon.
  • Dialogues des morts en 1718. Préface à F\ Fénelon.
  • Lettres sur divers sujets concernant la religion et la métaphysique en1718. Préface à F\ Fénelon.
  • Oeuvres philosophiques, première partie : Démonstration de l'existence de Dieu, tirée de l'art de la nature, en 1712 ; seconde partie : Démonstration de l'existence de Dieu et de ses attributs, tirée des preuves purement intellectuelles, et de l'idée de l'infini même, en 1718. Préface à F\ Fénelon.
  • Dialogue sur l'éloquence, en 1718.
  • Essai de Politique où l'on traite de la Nécessité, de l'Origine, des Droits des Bornes, et des différentes formes de la Souveraineté selon les principes de l'Auteur de Télémaque, 1719.
  • Lettre à M\ de la Mothe sur la religion en 1723.
  • Histoire de la vie de François de Salignac de la Mothe-Fénelon, Archevêque de Cambrai en1723.

Ce dernier ouvrage lui valut du Régent Philippe d'Orléans le titre de Chevalier de Saint-Lazare de Jésuralem accompagné d'une pension de 2000 livres.

1724 Ramsay quitte la France pour se rendre à Rome où il résidera durant dix mois auprès de Jacques III. Celui-ci le nomme précepteur de son fils Charles-Edouard. Puis il se ravise et retourne à Paris où il est hébergé par le Duc de Sully, gendre de Madame Guyon. En 1727, il publie « Les voyages de Cyrus, ou Cyropédie ». Best-sellers à son époque mais terriblement ennuyeux de nos jours qui n'est, comme le dit Voltaire, « qu'une pâle imitation de Télémaque ». Dans cet ouvrage, le jeune Cyrus est instruit par des Sages de l'antiquité et plusieurs chapitres contiennent des allusions maçonniques. On y lit en particulier, une transposition du rituel de maître.

1728, nous retrouvons Ramsay en Angleterre qu'il avait quitté en 1709. Après avoir lancé une souscription des « Voyages de Cyrus », il est admis dans deux compagnies de la plus haute renommée : The Gentlemen's Society et The Royale Society. En 1730, il devient docteur Honoris causa de l'Académie d'Oxford. C'est au cours de son séjour en Angleterre que Ramsay est initié Franc-Maçon à la brillante et respectable Loge « Horn ». Il a quarante quatre ans. Un journal anglais en fait état dans son édition du 17 mars 1730 : « Lundi dernier, à la Loge du Col, nombre de personnes de distinction étaient présentes : le marquis X, le baron Y, et le chevalier de Ramsay ont été reçus membres de l'Ancienne Société des Franc-Maçon Acceptés ».

Il existait à cette époque au moins vingt Loges en Ecosse qui se sont fédérées en Grande Loge d'Ecosse en 1736. A noter que la Loge N° 0 au titre distinctif Kilwining est antérieure à 1599. N'oublions pas la réforme Andersonienne de 1717 qui créa la Maçonnerie dite des Moderns. L'arrivée des spéculatifs dans les Loges opératives en Angleterre provoqua la création de la Grande Loge de Londres en 1717. La Maçonnerie Ecossaise se pratiquait en France au sein de Loges militaire selon des rites importés par les jacobites.

De retour en France en juillet 1730, Ramsay accepte de devenir précepteur du fils du prince de Turenne, ce qui lui valut une belle pension et un train de vie luxueux. Il profita de ces moments de loisirs pour écrire une Vie de Turenne. Il est dit qu'il aurait été également le fondateur d'une Loge à Château-Thierry...

1735 marque une date faste pour dans la vie de Ramsay : il se marie! A quarante six ans il épouse Marie de Naime de quinze ans sa cadette, fille d'un noble écossais de haut lignage, le baron David de Naime, héraut d'armes de l'Ordre du Chardon, ordre chevaleresque des Stuarts. Ce mariage prouve la noblesse de Ramsay et coupe le coup à tous les doutes de son origine.

Depuis son admission à la Loge « Horn », rien n'indiquait de sa part une activité maçonnique active, mais il est certain qu'en 1736, Ramsay était l'orateur attitré de la Loge du « Louis d'Argent » à l'Orient de Paris. Le 26 décembre 1736 Ramsay prononce un discours, sans doute à l'Assemblée de la Saint Jean des Loges parisiennes crées par une très forte majorité d'anglo-saxons imprégnée de Francis Bacon et des Constitutions d'Anderson de 1723. Le texte se trouve conservé dans le manuscrit N° 124 de la bibliothèque d'Epernay. Il est intitulé « Discours de M. le Chevalier de Ramsay ». La seconde version, qui elle devait être prononcée non plus devant un auditoire d'outre-manche mais devant des F\ F\ peu au fait de la Tradition des Anciens Devoirs, est publiée en 1738 à La Haye s'intitule « Discours prononcé à la réception des Free Maçons, par M\ de Ramsay, Grand Orateur de l'Ordre ».Ce texte du discours, Ramsay l'a soumis au Cardinal Fleury, ministre de Louis XV accompagné de la lettre suivante :

« Il ne faut qu'un quart d'heure pour le lire. Si j'osais, je supplierais Votre Excellence de le corriger, non seulement pour la matière, mais pour la diction. Je voudrais que tous les discours que je prononce dans nos assemblées à la jeune noblesse de France et même de plusieurs nations fussent remplis de votre esprit, de vos sentiments et de votre style. Daignez, Monseigneur soutenir la société des francs-maçons dans les grandes vues qu'elle se propose, et Votre excellence rendra son nom bien plus glorieux par cette protection que Richelieu ne fit le sien par la fondation de l'Académie française. Je sais que de transmettre son nom à la postérité avec éclat est un très mince objet pour un prélat qui croît, qui espère et qui aime Celui qui peut seul rendre immortel. Mais couronner ses nobles travaux et la pacification de l'Europe entière, en encourageant une société qui ne tend qu'à réunir toutes les nations par l'amour de la vertu et des beaux arts, est une action digne d'un grand ministre, d'un père de l'Eglise et d'un saint pontife ».

Mais ce courrier vient trop tard et Fleury, loin de vouloir protéger les francs-maçons, est décidé plus que jamais à sévir conte eux. En effet, la police suivait la franc-maçonnerie depuis ses débuts. Quand le nom de Ramsay est apparu dans ses rapports il a porté des conclusions un peu trop rapidement : « c'est une affaire de quiétistes ». Louis XV ne tolérant pas que l'on se réunisse en dehors du service de l'Etat, de l'Eglise ou de la profession, pour Fleury il n'y avait qu'un pas : Sévir. Ramsay apprend la réponse du ministre, il lui adresse le 22 mars une nouvelle lettre :

« Je reviens de la campagne, écrit-il, et j'apprends que les assemblées de free-maçons déplaisent à Votre Excellence. Je ne les ai jamais fréquentées que dans la vue d'y répandre des maximes qui auraient rendu peu à peu l'incrédulité ridicule, le vice odieux et l'ignorance honteuse. Je suis persuadé que, si l'on glissait à la tête de ces assemblées des gens sages et choisis par Votre Excellence, elles pourraient devenir très utiles à la Religion, à l'Etat et aux Lettres. C'est ce dont je crois pouvoir convaincre Votre Excellence si elle daigne m'accorder une courte audience à Issy. En attendant ce moment heureux, je la supplie de vouloir bien me mander si je dois retourner à ces assemblées et je me conformerai aux volontés de Votre excellence avec une docilité sans borne, égale au très profond respect que...etc. »En haut de cette lettre Fleury griffonne quelques lignes que le temps effacera et où l'on pourra lire « que l'on continue à s'assembler...le Roy... » c'est dire qu'il est inutile d'insister.

Ainsi Fleury prend ses responsabilités. Sa décision engage l'avenir : jamais l'Etat monarchique ne s'appuiera sur la Franc-Maçonnerie, jamais la Franc-Maçonnerie ne s'appuiera sur l'Etat monarchique. Le grand projet de Ramsay de faire de l'Ordre une institution patronnée par le pouvoir royal, à son service et à celui de l'Eglise, tombait à l'eau face à l'incompréhension et l'étroite orthodoxie du vieux précepteur de Louis XV. Cette prise de position du Cardinal Fleury était d'autant plus importante que Ramsay avait conçu le projet d'initier le roi Louis XV. L'activité maçonnique de Ramsay est arrêtée par l'interdiction de Fleury, d'une manière qui fut définitive.

De Rome vint encore une déception : le 25 avril 1738, le Pape Clément XII lance la bulle « In Eminenti », qui fait défense d'entrer en Franc-Maçonnerie sous peine d'excommunication. Mais une bulle papale en France n'a force exécutoire qu'après avoir été enregistrée par le Parlement. Fleury, se souvenant de ses difficultés avec les Jansénistes, ne transmets pas aux magistrats la décision pontificale. A cela s'ajoute le scandale autour des tenues, la violation des secrets, l'intervention de la police etc...si bien que La Grande Loge d'Angleterre désavoue ses filiales parisiennes. Et c'est ainsi que le malentendu avec la maçonnerie anglaise commencera.

Mais revenons au discours proprement dit. Dès 1735 commence à circuler, sous le manteau, le Discours de Ramsay, qui est en quelque sorte la charte de la Maçonnerie moderne et dont on ne saurait trop estimer l'importance. Celui-ci eut une influence très forte sur la Maçonnerie du XVIII ème siècle, tant sur le plan spirituel qu'intellectuel. Il est à l'origine de l'enrichissement de l'Ordre de nombreux grades chevaleresques, essentiellement de 1743 à 1771 sous la Grande Maîtrise du Comte de Clermont. Ce sont les raisons pour lesquelles nous les trouvons dans les textes fondamentaux du Rite Ecossais Anciens et Accepté. Le Discours de Ramsay comporte deux parties bien distinctes : la première partie traite « des qualités requises pour devenir Franc-maçon et des buts que propose l'Ordre », la deuxième partie conte « l'origine et l'histoire de l'Ordre ». Avec son discours Ramsay pensait qu'il fallait proposer un programme plus intellectuel à l'aristocratie pour atteindre les buts de la Maçonnerie tels qu'il la concevait à savoir, « former des hommes, les unir par la théologie du cœur en une seule nation spirituelle, travailler au progrès des sciences utiles et des arts libéraux » on y trouve l'influence de Fénelon, ainsi que le projet de l'Encyclopédie. En rapprochant son discours du projet que réalisa Diderot, on peut conclure que l'Encyclopédie des philosophes répond à un projet conçu dans les Loges.

Deuxième partie Discours prononcé à la réception des Free-Maçons par M\ de Ramsay, Grand Orateur de l'Ordre

Ramsay par son discours prend tout naturellement la suite de la Tradition anglaise dont la plus ancienne trace d'un discours remonte à juin 1721, celui prononcé par Théophile Désaguliers. Ramsay a bâtit son discours en deux parties bien distinctes :

  • La 1ère partie traite des qualités requises pour devenir un bon franc-maçon et des buts de l'Ordre.
  • La 2ème partie nous instruit, quant à elle, sur l'origine et l'histoire de l'Ordre.

Quatre qualités sont demandée pour entrer dans l'Ordre :

  • La Philanthropie, ou L'Humanité.
  • La Morale pure
  • Le Secret inviolable
  • Le goût des beaux arts

En citant ces quatre qualités nécessaire pour devenir un bon franc-maçon Ramsay les présente d'une manière plutôt flatteuse pour tous ces nobles de haut-rang qui composent en grande partie les Loges. « La noble ardeur que vous montrez, Messieurs, pour entrer dans le très ancien et très illustre ordre des Francs-Maçons, est une preuve certaine que vous possédez déjà toutes les qualités requises pour en devenir membres ».De nos jours, rien n'est changé, lorsque l'on pré sent un profane apte à venir nous rejoindre sur nos colonnes, c'est bien que estimons qu'il a les qualités requises pour devenir Franc-Maçon ou que nous jugeons qu'il est perfectible et qu'il travaillera à son amélioration.

Il s'attaque « à tous ces législateurs politiques qui n'ont pu rendre leur établissement durable, quelque sage qu'étaient leurs Lois ; elles n'ont pu s'étendre dans tous les pays et dans tous les siècles...ni convenir au goût, au génie et aux intérêts de toutes les nations ». Il met en cause dans ce passage le fait que l'absence de philanthropie de ces législateurs détruisait et malgré l'amour qu'ils avaient de leur Patrie. Les violences guerrières poussées à l'excès détruisent l'amour et l'humanité en général. Il nous parle, également, d'universalisme où le Franc-Maçon serait citoyen du monde. « Le monde entier n'est qu'une République dont chaque nation est une famille, chaque particulier un enfant ».Puis suit deux paragraphes dans lesquels Ramsay justifie la Franc-Maçonnerie et son désir profond de voir s'ériger cette religion universelle qu'il prône depuis un certain temps celle de l'Amour, concepts qu'il tient de Fénelon son Maître qui écrivait dans Télémaque : « Tout le genre Humain n'est qu'une famille dispersée sur la face de la terre. Tous les Hommes sont frères et doivent s'aimer comme tels »et de Tolérance qu'il avait découvert auprès de Madame Guyon.

Concernant la deuxième qualité requise, La Sainte Morale, Ramsay écrit qu'il se devait d'exister « l'Ordre des francs-Maçons pour former des Hommes aimables, de bons citoyens, de bons sujets inviolables dans leurs promesses, fidèles adorateurs du Dieu de l'Amitié, plus amateurs de vertus que de récompenses ». A l'instar des Ordres religieux ou militaires existants. Suit la formation de ces Hommes en trois étapes afin que « notre institution renferme toute la philosophie des sentiments et toute la théologie du cœur ». et de finir ce chapitre sur la Saine Morale en soulignant l'importance de l'agape fraternelle comme la continuité de nos travaux spirituels. « Nos festins ne sont pas ce que le monde profane et l'ignorant vulgaire s'imaginent. Tous les vices du cœur et de l'esprit en sont bannis et l'on a proscrit l'irréligion et le libertinage, l'incrédulité et la débauche. Nos repas ressemblent à ces vertueux soupers d'Horace où l'on s'entretenait de tout ce qui pouvait éclairer l'esprit et inspirer le goût du vrai, du bon et du beau ».

Troisième qualité, le secret. Il nous rappelle : « nous avons des secrets, ce sont des signes figuratifs et des paroles sacrées qui composent un langage tantôt muet, tantôt très éloquent pour le communiquer à la plus grande distance et pour reconnaître nos confrères de quelques langues qu'ils soient ». Il revient encore une fois sur l'universalité de ce que doit être pour lui la Franc-Maçonnerie. et d'insister : « Ce secret inviolable contribue puissamment à lier les sujets de toutes les nations et à rendre la communication des bienfaits facile et mutuelle entre nous ». Il n'oublie pas tout de même de nous rappeler qu'en cas de manquement à notre serment je cite : « que les peines que nous lui imposons sont les remords de sa conscience, la honte de sa perfidie et l'exclusion de notre société ». Dans ce chapitre sur le secret il prend également une position très nette sur la non admission des femmes. « Nous ne sommes pas assez injustes pour regarder le sexe comme incapable du secret, mais sa présence pourrait altérer insensiblement la pureté de nos maximes et de nos mœurs ».

Quatrième qualité, le goût de la Science et des Arts Libéraux. « L'Ordre exige de vous de contribuer par sa protection, par sa libéralité ou par son travail à un vaste ouvrage auquel nul Académie ne peut suffire, parce que toutes ces Sociétés étant composées d'un très petit nombre d'hommes, leur travail ne peut embrasser un objet aussi étendu ». Et de continuer : « Tous les Grands Maîtres, exhortent les Savants et tous les artisans de la Confraternité de s'unir pour fournir les matériaux d'un Dictionnaire Universel des Arts Libéraux et des Sciences utiles...par là on réunira les Lumières de toutes les Nations dans un seul ouvrage qui sera comme une Bibliothèque Universelle de tout ce qu'il y a de grand, de lumineux, de solide et d'utile dans tous les arts nobles ». Connaissances universelles, fraternité de connaissance par l'apport de sa pierre personnelle correctement taillée pour la construction de l'humanité, fraternité de comportement que chaque homme doit avoir envers ses semblables, fraternité de reconnaissance dans les différences de chacun voilà le message que Ramsay souhaitait faire passer auprès des postulants.

Ainsi ce termine la première partie du discours qui laisse voir ce que sera le « Siècles des Lumières ». La deuxième traite de l'origine et de l'histoire de l'Ordre.

« Quelques-uns font remonter notre institution jusqu'au temps de Salomon, ou jusqu'à Moïse, d'autres jusqu'à Abraham, quelques-uns jusqu'à Noë et même jusqu'à Enoch qui bâtit la première ville, ou jusqu'à Adam ». Ramsay ni nie pas ces origines mais se repose sur des faits moins anciens et il attribue notre Ordre aux Croisés. « Du temps des Croisades...Quelques temps après, notre Ordre s'unit intimement avec les Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem. Dés lors, nos Loges portèrent le nom de Loges de Saint Jean dans toutes les Nations ». Puis il nous conte qu'à leur retour de Terre Sainte les Croisés établirent des Loges dans leurs pays respectifs mais malheureusement vint la décadence sauf bien sûr en Ecosse : « Peu à peu nos Loges et nos Solennités furent négligées dans la plupart des lieux... Il se conservera néanmoins dans sa splendeur parmi les Ecossais à qui vos Rois confièrent pendant plusieurs siècles la garde de leurs personnes sacrées ». Et de continuer, « Le fils de Henri III, le Grand Prince Edouard se déclara protecteur de notre Ordre, lui accorda de nouveaux privilèges et alors les membres de cette Confraternité prirent le nom de Francs-Maçons. Depuis ce temps-là, la Grande-Bretagne fut le siège de notre Ordre ». Enfin et je m'arrêterais là pour clôturer cette deuxième partie de rajouter un peu plus loin : « Des Isles Britanniques, l'Art Royal commence à repasser dans la France, sous le règne du plus aimable des Roys, dont l'humanité anime toutes les vertus et sous le Ministère d'un Mentor qui a réalisé tout ce qu'on avait imaginé de fabuleux...la Nation deviendra le Centre de l'Ordre. Elle répandra sur nos ouvrages, nos statuts, nos mœurs, les grâces, la délicatesse et le bon goût, qualités essentielles dans un Ordre dont la base est la Sagesse, la Force et la Beauté ».

Ainsi Ramsay intègre à la Franc-Maçonnerie l'héritage des Ordres Chevaleresques.

Malade depuis 1741, Michel André de Ramsay décède à Saint Germain-en-Laye le dimanche 6 mai 1743. Son acte de décès fut signé par Lord Eglentown, pair d'Ecosse et par Lord Derwentwater, pair d'Angleterre, tous deux Francs-Maçon de la première Loge de France. Sur sa tombe en épitaphe il est inscrit : « Défenseur et martyr de la religion universelle ».

Pour conclure je dirais tout simplement que la place occupée dans l'histoire et le développement de notre Ordre par le Chevalier de Ramsay a été primordial et qu'il est le précurseur de la Chevalerie de l'Esprit.

La Maçonnerie est un Ordre Initiatique qui fonctionne suivant des Lois précises transmisent par la Tradition. Par notre maîtrise de soi, tout en nous libérant de nos illusions travaillons sur nos Traditions, sur nos Symboles afin de rayonner dans le monde profane avec Force et Sagesse. Sortons de cet espèce de moule d'indifférence dans lequel nous vivons au quotidien, ce monde ou tout est normalisé, ou les différences sont de plus en plus occultées ou la personnalité et la créativité est de moins en moins de mise jusqu'à estomper la Beauté dont nous avons tant besoin.

Travaillons mes Frères à notre progression sur le chemin de l'Amour, de la Vérité, de la Lumière, de la Sagesse.

J'ai dit.

J\-L\ B\


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