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A chacun son Graal

Après avoir lu le cycle du graal j’ai trouvé intéressant et amusant de chercher les symboles que pouvaient nous concerner aujourd’hui, surtout ceux qui concernent la chevalerie et l’esprit chevaleresque. Les éditions de la pléiade ont choisi le manuscrit le plus complet du cycle du Graal conservé à la bibliothèque universitaire de Berlin et qui a été écrit en Picardie en 1286.

D’autres copies existent et ne sont pas identiques. Au moyen-âge l’idée d’auteur ne correspond à rien. Chaque copiste modifie, ajoute des parties et adapte le texte à son public et à ses idées.

Tout d’abord voyons comment est née la légende du roi Arthur que tout le monde connaît par ses nombreuses adaptations. Les récits oraux parlant du roi Arthur datent du VI au XI siècle sont le fait de bardes gallois et cherchent à unir les celtes bretons autour d’un héro commun. Ils racontent les exploits d’un roi celte après que les romains aient quitté la Grande Bretagne. Celui-ci a remporté des victoires sur les saxons, les angles et autres peuples germaniques qui envahissaient l’île. Il n’existe aucun document qui prouve l’existence réelle d’un roi Arthur. Ce nom vient du celtique « atrz » qui signifie ours. L’ours est alors en Europe le roi des animaux, par exemple, les rois scandinaves en ont tous un comme ancêtre mythique. C’est l’Eglise, qui plus tard pour éliminer les restes du paganisme, l’a remplacé par le lion. Souvenons-nous que l’ours était un animal sacré car il disparaît pour réapparaitre au printemps, rappelant la croyance ancienne dans les cycles du temps. Les gallois croyaient de la même façon à la réapparition d’Arthur pour les délivrer des envahisseurs. Comme son nom, son épée Excalibur, qui veut dire « entaille dur » en gallois, est aussi un symbole. Son aspect en forme de croix est un symbole très ancien datant d’avant le christianisme, elle figure un homme debout, les bras écartés, voilà une trace forte du lien des anciens guerriers avec une mystique préchrétienne. C’est la forme de l’épée symbole ternaire d’unité corps esprit où le pommeau, figure la tête, la garde évoquant la poitrine lieu du souffle vital et la lame le corps. Arthur doit dégager l’épée du rocher, c'est-à-dire de la terre pour nous montrer que l’esprit doit dominer la matière.

En 1066, Guillaume le Conquérant envahit l’Angleterre. Pour contrer les récits écrits par les Normands, Geoffroy de Monmouth écrit en latin l’histoire des rois de Bretagne et donne ainsi aux légendes arthuriennes un aspect sérieux en étant le premier à écrire une biographie d’Arthur qui est prise à l’époque pour un fait historique alors que de nombreuses inventions s’y trouvent.

Un peu plus tard, en Champagne, Chrétien de Troyes écrit plusieurs livres en vieux français, la langue de l’époque, le roman (nom qui nous est resté comme style littéraire), dont le conte du graal qu’il n’achèvera pas. Le texte ne se veut plus historique mais fait pour distraire. Il raconte des aventures de chevaliers qui manient l’épée mais aussi pratiquent l’amour courtois. On quitte le V Siècle pour l’époque contemporaine de l’auteur. Chrétien de Troyes est le premier à citer le graal dans les aventures arthuriennes. Mais il ne s’agit pour l’instant que d’un plat, ce mot viendrait du latin « gradalis » (écuelle ou plat long et large). On retrouve encore ce mot en Languedoc, gradal ou gardal pour désigner un plat creux. Mais c’est surtout un avatar du chaudron d’immortalité des celtes qui nourrissait et ressuscitait les guerriers tués au combat. Dans ce roman, c’est une femme qui le tient alors qu’un valet porte une lance d’où perle du sang. Ce ne peut être un symbole religieux car à cette époque une femme ne peut pas toucher un vase sacré.

Il faut attendre l’intervention de Robert de Boron au XIII siècle qui consacre un ouvrage à Joseph d’Arimathie présenté comme le premier gardien du graal, instrument de la passion du Christ, à la fois écuelle où il a institué l’eucharistie lors de la cène et le récipient qui a recueilli son sang lors de la crucifixion. Le roman a quitté le côté profane pour le côté religieux. Dès lors, pour le chevalier il existe deux voies, la voie terrestre faite de batailles et qui mène à l’orgueil et la voie céleste où il renonce à tuer et où il protège les faibles. Avec cet inventaire nous sommes passés du V au XII siècle des temps barbares à la féodalité avec la proéminence de la religion.

Il est impossible de faire un résumé des trois tomes du livre, tant les histoires et les personnages sont nombreux. Dans le livre, la chevalerie est présentée sous son meilleur jour. Tous vont à la quête d’aventures pour affirmer leurs forces, leurs gloires et défendre la veuve et l’orphelin. En réalité, les chevaliers, au départ, sont des hommes de main costauds qui doivent défendre leur seigneur, ce n’est que plus tard que cette fonction deviendra héréditaire. L’évolution de l’armement avec l’usage massif des arcs maniés par des paysans et capables d’arrêter une charge de cavalerie ainsi que l’apparition des premières armes à feu ont amoindri le rôle militaire du chevalier. Prenons l’exemple que je connais le mieux de la chevalerie japonaise, les samouraïs, lorsque les portugais débarquent au Japon avec leurs mousquets, les maîtres d’arme se rendent compte que les techniques du sabre vont être périmées, pour survivre ils créent la voie du guerrier, le bushido qui permet de s’améliorer par la connaissance de soi, notion qui perdure aujourd’hui dans les arts martiaux. En occident, à peu près à la même époque la noblesse se donne un code d’honneur qui même s’il est théorique lui permet en se donnant un code moral, de conserver ses privilèges jusqu’à la décadence et leur élimination lors de la révolution.

Revenons au roman, il est rempli de batailles sans vérité historique opposant des armées de plusieurs centaines de milliers de combattants où un homme par sa valeur et sa force extraordinaire peut transformer une bataille indécise en une victoire éclatante, lorsque Arthur n’a pas besoin d’eux les chevaliers de la table ronde, lors des périodes de paix, partent à la quête d’exploits. Ils partent au hasard et lors de leurs rencontres libèrent des villes de monstres fantastiques, de lion, de géants ou de seigneurs félons. Le fait d'être un bon chevalier ne s'arrête pas à la puissance et au courage, mais compte aussi la courtoisie, autant pour les combats (laisser l'ennemi se relever, combattre à armes égales, etc.) que pour la galanterie envers les dames de la cour. La magie fait partie des aventures et les mauvais sorts contre eux sont légions. Grâce à leur foi en Dieu ils arrivent toujours à braver le mauvais sort et à convertir au christianisme de nombreux idolâtres. Si nous assistons à l’éternelle lutte entre le bien et le mal, nous comprenons que toutes ces aventures sont faites pour glorifier la religion chrétienne face aux anciennes croyances et surtout contre les Sarrazins qu’Arthur bat à plusieurs reprises.

Avant d’en venir à la quête disons quelques mots sur Merlin sans doute inspiré du gallois Myrddin, barde, du héros gwendollen devenu fou. Après que son roi fut tué dans une bataille au VI siècle, il s’est réfugié dans la forêt auprès des animaux et aurait découvert ses dons pour la divination. Le Merlin du livre est un mélange de ce personnage avec le souvenir des druides. Il est né d’un viol par un démon d’une vierge destinée au couvent. Né grand et velu, sachant déjà parler à la naissance et doué de la connaissance du passé, mais grâce au baptême, il échappe au diable. Il réussit enfant, grâce à son éloquence, à se sauver et à sauver sa mère qui risquait, comme fille mère le bûcher. Un jour, dans les bois, il rencontre le roi Utherpendragon, lui sauve la vie et lui permet d’avoir un premier fils illégitime, le futur roi Arthur. Auprès de lui il joue le rôle d’initiateur et de mage, il lui fait créer la table ronde, où les chevaliers avaient leur place selon leurs mérites, le siège à la droite d’Arthur, le siège périlleux, était réservé à celui qui aurait conquis le graal, tout autre s’asseyant à cette place mourait. Merlin tombé sous le charme de la fée Viviane, lui transmet tous ses pouvoirs et elle retient prisonnier sous son pouvoir jusqu’à la fin des temps. Il faut comprendre par cette légende que malgré ses connaissances acquises il faut être vigilant et garder le contrôle de soi.

Mais arrivons à la quête du graal qui est le but du roman. Celui-ci est apporté de Palestine par Joseph d’Arimathie (personnage biblique) au terme d’un long voyage sur la Méditerranée dans la nef de Salomon. Ce récit compose le premier chapitre du livre. Avant de débarquer en Grande-Bretagne avec un groupe de croyants, il s’arrête dans un lieu non précisé où il construit une table intermédiaire entre celle de la cène et la table ronde. Bron, son beau-frère y fera une pêche miraculeuse qui rappelle les actions et les paroles du Christ. Il fondera la dynastie de rois pêcheurs que l’on retrouvera plus tard. Les chevaliers partaient chercher aventure et gloire et cette quête initiatique deviendra la recherche de l’absolu et la révélation personnelle, en affrontant mille morts.

Pour ma démonstration je me suis servi de plusieurs versions du livre et je ne parlerai pas de Lionel. Sept chevaliers de la table ronde sur cent cinquante, parmi les meilleurs, ce qui nous donne une idée de la difficulté de la tâche, au cours de leur quête approcheront le graal et son gardien le roi pêcheur. Celui-ci souffre de blessures infligées par un ange et ne peut plus se déplacer, il est nourri (rappel du chaudron magique des celtes) par l’intermédiaire de l’hostie qui se trouve dans le graal. De plus la région qui dépend de lui est désolée.

Parmi les chevaliers, Perceval le Gallois, après un long parcours parsemé d’épreuves, assiste dans le château au passage du graal devant lui, tout auréolé de lumière. Mais comme il n’ose pas poser de questions sur ce qu’il vient de voir, il n’en saura pas plus et le lendemain à son réveil il se retrouve dans un château désert, sans jamais connaître le secret du Graal.

Gauvain à son tour l’approche mais comme Perceval il ne sait pas poser les bonnes questions car il est trop attaché aux biens terrestres. C’est en plus un héro solaire, ses forces augmentent jusqu’à midi pour diminuer ensuite jusqu’à la tombée de la nuit, il représente des restes du paganisme, de croyances anciennes.

Lancelot du Lac, le meilleur chevalier du monde, avant d’arriver au château du roi pêcheur rencontre un ermite qui lui explique qu’il ne peut pas atteindre le graal à cause de l’adultère qu’il a commis avec Guenièvre la femme du roi Arthur. Et, comme il ne veut pas se repentir et qu’il n’a nullement le désir de renoncer à son amour, il ne pourra pas terminer sa quête.

Hélain le Blanc lors de sa quête rencontrait dix fois moins d’aventure que d’habitude comme s’il était trop attaché à la chevalerie terrienne et surtout aux apparences, et à ce que les autres peuvent penser de lui.

Les échecs des quatre premiers chevaliers s’expliquent de différentes raisons. Le premier ne se pose pas les bonnes questions pour s’améliorer, il regarde sans comprendre, il n’a tout simplement pas envie de changer davantage car il estime déjà être un bon chevalier. Le deuxième ne veut pas abandonner ses anciennes croyances qu’il accepte sans se poser de questions, il ne remet pas en cause son éducation et ses préjugés. Le troisième est conscient de ses défauts, ici l’adultère, mais il ne veut pas s’en défaire, il préfère, dans ce cas par amour, rester avec ses défauts. Le quatrième est trop attaché aux apparences terrestres, il est trop conformiste et ne veut pas être jugé par ses pairs. Lui non plus ne pourra pas vaincre ses préjugés pris par le poids de la société dans laquelle il vit. Quand au cinquième je pense qu’il ne veut pas quitter le cocon familial pour vivre sa propre vie.

Reste le cas des deux chevaliers qui atteignent véritablement le Graal. Ils ne se trouvent évidemment pas dans la même version du livre. Le premier est Galaad, le fils de Lancelot et d’Elaine de Corbénic la fille du roi pêcheur qui garde le Graal. Il est le plus jeune et le plus pur des chevaliers de la table ronde. Lors d’un grand périple, il vaincra de nombreux périls et parmi ses exploits trouvera dans la nef l’épée de Salomon. Il est le seul qui réussira à regarder à l’intérieur du vase, il s’écriera : « Ô splendeur, lumière sur le monde. Tous les voiles se déchirent, le secret de la vie universelle apparaît. Ô toutes les peines, tous les sacrifices sont à cette heure justifiés. Car c’est la plus haute destinée humaine de toujours s’efforcer vers la vie selon l’esprit, vers la connaissance. Ô voici la merveille suprême : contempler et comprendre ». De là en se retournant vers ses compagnons, le visage illuminé il tomba mort, et une main descendit du ciel pour prendre le graal et l’emporter pour toujours. Le deuxième Bohort est lui aussi un chevalier qui possède toutes les vertus de son rang, mais lui ne reste pas vers le Graal, au contraire, il le prend pour le rapporter dans la société et faire profiter de la connaissance tous les hommes afin d’essayer de les améliorer. Le premier est comme les moines zen qui passent leur vie à méditer pour atteindre la connaissance du cosmos et comprendre la place de l’homme dans l’univers. Mais je me demande à quoi ça sert, qu’apporte-t-il à la société, je préfère la seconde version à la première qui correspond à notre idéal, améliorer à la fois l’homme et la société.

Que peut-on comprendre à cela, nous hommes de XXI siècle et francs-maçons ? Débarrassons ces récits des symboles chrétiens pour avoir une vision plus universelle. C’est une démarche que nous connaissons pour nous améliorer et progresser vers plus de tolérance, de fraternité.

Si Galaad, l’initié le plus complet, voit l’intérieur du graal c’est qu’il a accompli une démarche intérieure, ce qui nous amène à VITRIOL, visite l’intérieur de la terre et tu trouveras la pierre cachée. En cherchant à l’intérieur de soi pour progressivement découvrir un certain nombre de vérités sur soi qui ne sont pas toujours agréables. C’est un chemin long et sinueux car il est difficile de reconnaître ses défauts et se remettre en question. Mais nous avons tous la faculté de changer notre comportement et notre caractère même si l’on ne peut pas tout changer mais au moins améliorer. Le but est d’améliorer à la fois l’homme et la société. Faisons comme Bohort car c’est en dehors du temple qu’il faut passer à l’action et mettre en pratique les efforts que nous avons dû faire. Est-ce facile de ne pas céder au découragement, de trouver la volonté nécessaire, je ne le pense pas. Heureusement, ce n’est pas une démarche que nous faisons seul mais avec l’aide de ses frères, comme les chevaliers de la table ronde qui n’étaient pas seul. Pour cela je vous en remercie et en attendant je vais essayer de chercher la lumière, au moins de m’en approcher pour espérer trouver plus de sagesse.

J’ai dit.

D\ J\


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