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L' Ouroboros

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I - L'Ouroboros

C’est un serpent incurvé jusqu'à former un cercle complet qui tient l'extrémité de sa queue dans sa bouche. Son nom dérive de cette particularité ; en effet en grec oura signifie "queue" et boros veut dire "dévorant" d’où "qui dévoresaqueue".

Les anciens Grecs empruntèrent cet emblème aux Égyptiens lesquels, selon le témoignage de Plutarque, lui avaient conféré diverses significations métaphysiques qui semblent considérablement s’être amplifiées dans le cours des siècles. Pendant le haut Moyen-âge les alchimistes, les hermétistes et ensuite les héraldistes religieux et nobiliaires l’utilisèrent jusqu'à nous.

II - L'Ouroboros et le temps

La signification la plus connue qui fut attribuée par les Anciens à l'Ouroboros est son rapport au Temps, au temps qui n'a ni commencement ni fin, puisqu'il n'est autre que le fil avec lequel est tissée l'Éternité. Les Égyptiens le reliaient au chemin céleste des astres qui règlent nos saisons et nos ans, divisions qui nous permettent de mesurer la course irrésistible du temps ou, comme le dit Virgile, "la fuite infaillible du temps". Toutefois, il semble que la signification initiale de l'emblème Ouroboros se référait surtout à la perpétuité cyclique, à l’inéluctable et régulier renouvellement des cycles, dans leur succession ininterrompue qui forme l'éternité. Il est probable qu'aux yeux des Anciens, ces renouvellements furent représentés par cette caractéristique qu’ont les serpents de changer périodiquement de peau, puisqu'ils croyaient qu'en faisant "peau nouvelle", le reptile rénovait même sa propre vie. Tertullien l'explique ainsi : « le serpent, dit-il, change de peau et d’âge qui lui viennent de la nature. Dès qu'il a perçu la vieillesse, il s’enferme dans un étroit passage, il y laisse une peau rugueuse pendant qu'il se glisse dehors et, s’étant dépouillé, il ne sort de sa caverne que s’il est brillant et rajeuni. ».

La mythologie gréco-romaine, et l'imagerie dont elle se servit, firent de l'Ouroboros l'attribut du dieu Saturne qui représentait le Temps et que les Grecs appelaient Chronos. Il est représenté par l'image d'un vieillard qui tient dans la main droite une faux et dans l'autre l'Ouroboros, parce que, dans la fuite des ans, la fin du mois de chaque année rejoint le premier du mois suivant, ainsi que se reconnectent tête et queue du serpent circulaire. Et, grâce à cette considération cet emblème s'approche du mythe de Janus dont le crâne unit les deux images du futur et du passé, représentant le profil d'un adolescent et d'un vieillard. Leur perpétuelle union symbolise l'éternité.

III - L'Ouroboros et le mouvement

La seconde signification de l'Ouroboros auprès des Anciens fut de symboliser le mouvement et la perpétuité de la force qui l'actionne, non seulement parce qu’il est courbé en cercle et peut rouler comme la roue ou comme le cerceau d'un enfant, mais surtout parce que le serpent, naturellement privé des membres dont sont doués les autres animaux, bouge de toute façon comme eux, grâce au seul jeu interne de ses flancs et de ses plaques ventrales. Cette puissance intérieure et automotrice le fit considérer par les Égyptiens comme l'image du mouvement cosmique, du chemin des astres dans l'espace et par conséquent de la course du temps et de la succession ininterrompue de ses phases. C’est sûrement en considérant sa forme circulaire que Plutarque affirma que les Égyptiens comparaient le serpent aux astres.

Quelque fois nous le retrouvons, malgré l’écoulement des siècles, sur des gnomons relativement récents où il emprisonne dans son cercle les heures qui marquent la course du soleil. Aujourd'hui, nous semblons vraiment être autorisés à croire qu'en certains milieux du monde ancien, l'Ouroboros était même l'image du mouvement du sang dans le corps humain. Cette circulation, qui est une fuite et un retour, aurait été connue longtemps avant Harvey (1578-1658) qui, mieux qu’aucun autre avant lui, en expliqua le mécanisme.

IV - L'Ouroboros et le renouvellement de la vie

La signification plus ésotérique de l'Ouroboros part de cette légende, chère aux Anciens, selon laquelle "le serpent jouit d'une longévité sans pair, rajeunissant en vieillissant, et renaissant même dans l'instant où se poursuit sa croissance et où il devrait commencer son déclin". En réalité, son nom indique qu’il se nourrit de sa chair même : Boros-Oura, "dévore sa queue" ; ainsi c’est avec sa propre substance que le serpent, selon la vieille fable, se reconstitue dans la mesure où l'usure du temps et de la vie agissent sur lui. Les Anciens ont donc pu croire à la présence, dans la queue des reptiles, d'un principe vital et reconstituant que le serpent absorberait et assimilerait, au bénéfice de la longévité de son existence, en mordant l'extrémité de sa queue. Cette renaissance a même fait de l'Ouroboros dans le monde ancien, l'emblème de la perpétuité du renouvellement de la vie, de “l'éternel retour des choses”.

V - Le Gardien de l'infini

La philosophie et l'emblématique d'autres temps, voyaient le cercle comme l'image de l'Univers, du Cosmos infini qui renferme en lui la Divinité et toutes ses œuvres. Maintenant, comme avant eux les plus vieux mythes du monde l’avaient fait du serpent, les savants rapprochent le nom du serpent Ouroboros de l'autre mot grec ouros qui indique en même temps le gardien des trésors, le sauveur et le chef. Ils transposent ainsi, l'idée d'infini de l'intérieur du Cercle, à celui du serpent circulaire en y déposant n'importe quoi sous sa garde.

Nous trouvons la persistance de ce thème par les alchimistes grecs du Moyen âge, tel que décrit dans un manuscrit byzantin du XIème siècle, qu'on trouve aujourd'hui à San Marco de Venise, dans lequel est représenté, dans le capitole sur la Chrysopea de Cléopâtre, le cercle irrégulier et naïvement tracé de l'Ouroboros avec l'inscription En to pan, "Tout en Un".

Et cela s’accorde avec ce qu’Olympiodore dit des anciens hiéroglyphes des Égyptiens qui, en voulant « représenter l'univers sur les monuments ou l'exprimer en caractères sacrés, ont gravé le serpent Ouroboros ».

VI - L'Ouroboros dans les premiers temps du christianisme

Chargé depuis les âges lointains des significations dont nous avons énuméré les principales, l'Ouroboros fût immédiatement employé par les Gnostiques. Nous savons qu'ils lui conservèrent la signification d'emblème du cycle annuel, du mouvement et du renouvellement de la substance dans un sens panthéiste que la doctrine chrétienne désapprouva. Dans la Pistis Sophia, œuvre alexandrine généralement attribuée aux Gnostiques, le corps du serpent mystérieux est divisé en douze parties, en douze "éons" correspondants aux douze mois du cycle annuel.

La présence à l'intérieur de l'Ouroboros d'emblèmes primitifs et indiscutés du Christ, a porté à croire que le serpent-cercle fut auprès des Gnostiques un des symboles de Jésus Christ ou du moins celui de l’Agathodaimon, le “bon génie” qui aide et qui sauve; et peut-être est-ce pour ce motif qu'ils le rapprochèrent du Sauveur des hommes. Le grand usage que les Gnostiques firent de son image empêcha les symbolistes orthodoxes des premiers temps du christianisme d'utiliser ses représentations dans l'art décoratif des catacombes, et s'il apparut plus tard dans l'imagerie chrétienne, on ne le généralisa jamais.

VII - L'Ouroboros et l’emblématique chrétienne

Les auteurs du Moyen-âge ont parlé de l'Ouroboros seulement sur un mode absolument ésotérique; ceux d'entre eux, comme Albert le Grand, qui s'occupèrent d'Alchimie, furent certainement informés, mais ils gardèrent pour eux ce qu'ils savaient. Au XIIIème siècle, l'évêque de Mende, Guillaume Durand, dit seulement que « avant l'invention des lettres, chez les Égyptiens il s’utilisait. On dessinait l'année de la manière suivante : ils représentaient un dragon qui se mord la queue, parce que l'année se courbe et revient sur elle–même. Et c’est ainsi que certains le représentent encore. »

C’est sûrement dans beaucoup de ces groupes spirituels, plus ou moins hermétiques qui se formaient un peu partout dans le Moyen-âge, qu’on en savait plus long, mais leurs traces et surtout les témoignages sur leur genre de spiritualité, d'ascétisme, leurs particulières dévotions sont devenus très rares. Néanmoins, dans les documents comme ceux du monastère des Carmélites de Loudun et les cahiers de l’Estoile Internelle, les uns et les autres au XVème siècle prouvent qu'on avait alors une profonde connaissance presque disparue aujourd'hui, des vieux symboles traditionnels et qu'on les interprétait le plus souvent en groupes fermés.

Dans des ex-libris hermétiques du XVIIème siècle, l'Ouroboros encadre sur le tronc de l'Arbre de Vie l'image du Pélican que ressuscite ses petits par l'ablution de son sang et le serpent circulaire témoigne et affirme que sa miséricordieuse compassion continuera, toujours.

Sur un panneau de bois peint, du XVIII siècle, l'Ouroboros ceint la tête du Phénix entourée des marques alchimiques du soufre. Ici les deux emblèmes, le reptile et l’oiseau mythologique ont, dans leur lointain passé, deux privilèges très voisins l'un de l'autre : l'un rénove sa vie avec sa substance même et l'autre renaît de ses cendres; tous deux sont perpétuellement vivants. Le Christ fait de même puisqu'il est l’auteur de sa résurrection personnelle, et saint Paul nous dit alors : « le Christ, est ressuscité des morts, il ne meurt plus. ».

Enfin, pendant la Révolution Française, l'Ouroboros est apparu quelquefois avec des attributs qui glorifiaient les “idées nouvelles”. Il semble représenter simplement la perpétuité des "immortels principes", sans qu’une quelconque idée de cycle ou de phase ait justifié son emploi.

VIII - L'Ouroboros chez les Alchimistes

Au temps des premiers empereurs romains, l'État d'une part et l'Église naissante de l'autre, désapprouvèrent les pratiques de ceux qui se dédiaient à l'exercice des sciences occultes. Dans cette commune désapprobation furent englobés ceux qui recherchaient trop mystérieusement les secrets des phénomènes naturels. Tibère bannit d'Italie "les magiciens et les mathématiciens"; Claude et Vitellio renouvelèrent les édits qui proscrivaient ensemble les astrologues et les sorciers. En se faisant l’écho des pontifes chrétiens, Tertullien protestait contre ceux qui cherchaient à comprendre et à expliquer les énigmes du Livre d'Énoch.

Ainsi, maltraités partout, les adeptes de ces recherches cachèrent leur travail sous des formules mystérieuses et sous des anciens symboles auxquels ils adaptèrent des significations dont ils conservèrent jalousement la clé. Le principal de ces emblèmes fut l'Ouroboros. Les origines de l'Alchimie, qui se consacra plus particulièrement à l’étude mystérieuse des métaux et des pierres merveilleuses, ont été admirablement étudiées par le savant Marcellin Berthelot; il dit que, considéré dans son acception générale et dans l’Alchimie, « le serpent circulaire était le gardien du temple de la Connaissance et seulement celui qui l'avait vaincu pouvait dépasser le seuil du lieu sacré. » En attribuant à l'Ouroboros le rôle de "gardien" de leur science cachée, les Alchimistes faisaient à nouveau le rapprochement, déjà signalé, entre le nom de cet emblème et le mot grec ouros, pris dans le sens de "gardien". Pratiquement, dans les théories alchimistes l'Ouroboros fut le hiéroglyphe de "la dissolution des corps grâce à la fermentation". Il fut même l'emblème de l'élément actif et de l'élément passif représentés l'un par la queue et l'autre par la bouche du reptile, la première en fournissant à la deuxième, comme dans la croyance ancienne, la substance reconstituante.

Peut-être, est-ce dans l'ambiance hermétique que fut initialement fait un rapprochement d'ordre emblématique entre l'Ouroboros et l'Élixir de longue vie. Sur un autre plan, le serpent circulaire fut même l'image de l'éternelle Sagesse et de la perpétuité de son action dans le monde.

On en trouve la preuve et l'énoncé dans la Table d'Émeraude. « Toutes les choses sont et proviennent d'Un, par la médiation d'Un. Toutes les choses sont nées de cette chose unique... Son symbole est le cercle un qui s'achève en soi-même ».

IX - L'Ouroboros, emblème de l’initié

Tout finit par retourner au chaos fondateur. Telle est la signification de l'Ouroboros, serpent qui "avale sa queue". Cercle incarnant l'éternel retour, dans une éternelle répétition, il symbolise l'éternel recommencement de toutes choses, c’est le temps continu dans lequel apparaît l’Initié, il est l'image de l'Œuvre.

Pour l’initié F\ M\ renaissant par l’esprit et qui, tel un nouveau maillon, rallonge à l’infini la chaîne intemporelle de notre institution tous les chemins symboliques mènent au cœur. Il n’est pas étonnant que les interprétations se soient croisées au même rythme que les hommes, passant du camp de la foi à celui de la spéculation ésotérique et inversement.

À la polysémie naturelle de tout symbole s’est ajoutée la réversibilité des arguments utilisés pour leur exégèse, transformant en passe-murailles les “hommes de désir” dès qu’ils voyaient disparaître les obstacles dressés par la pensée dominante et les institutions correspondantes au fur et à mesure qu’ils engageaient des stratégies de contournement. Ainsi se sont démultipliées indéfiniment les gloses de ce symbole de l’unité sans que la nature de la démarche en ait été altérée pour autant.

J’ai dit


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