Obédience : NC Loge : Le Delta du Bénin - Orient de Lomé 03/2012

 

L’éthique maçonnique

Mon frère d’où venez-vous ?
De la loge de St Jean
Que fait-on à la loge de St Jean ?
On y élève des temples à la vertu et l’on y creuse des cachots aux vices
Qu’en apportez-vous ?
Soumission au Vénérable Maître, Santé et Prospérité à tous mes frères.
Que venez-vous faire ici ?

Vaincre mes passions, soumettre ma volonté et faire de nouveaux progrès en Maçonnerie.
Telles sont les phrases tirées du catéchisme de l’apprenti qui résument la raison de notre admission en franc-maçonnerie. La Maçonnerie est donc l’art de bâtir en soi-même un nouvel homme dans lequel s’épanouiront les vertus au maximum et les vices disparaitront en fonction inverse du développement des premières. Cela veut dire que nous, qui nous réclamons de la Franc-maçonnerie, sommes les héritiers de la doctrine des sages, les dignes enfants de la Lumière. Ce privilège requiert un engagement préalable de la volonté et des exigences de discipline du corps, de la parole et de l’esprit.

Creuser des cachots aux vices et élever des temples à la vertu, préférer en toutes choses la Justice et la Vérité et avancer dans la voie de la Sagesse et de la Connaissance sont les principes fondamentaux qui expriment le sens et le bien fondé de l’Ordre maçonnique dont le but est de contribuer au perfectionnement moral, spirituel et intellectuel de l’humanité.

Vénérable Maître et vous tous mes frères en vos grades et qualités !

« L’Ethique maçonnique », tel est le thème de la planche que je voudrais soumettre à votre appréciation en m’inspirant des grandes lignes que j’ai énoncées pus haut. Eternel apprenti, ne sachant ni lire ni écrire, je voudrais solliciter votre concours pour réfléchir ensemble sur ce thème en fondant mon morceau d’architecture sur trois piliers :

L’énoncé des principes,
Le comportement du F\ M\ dans le temple,
Notre comportement en dehors du Temple.

I-) L’énoncé des principes

Selon le petit Larousse, éthique désigne l’ensemble des règles de conduites. C’est la partie de la philosophie qui étudie les fondements de la morale.

C’est aussi la science de la morale ; c’est l’ensemble des conceptions morales de quelqu’un. Les règles sont les prescriptions qui s’imposent à quelqu’un dans un cadre donné. Elles peuvent se présenter sous forme de textes écrits, de règlements, de symboles de gestes et constituer l’ensemble des statuts imposés à un ordre.

Maçonnique : c’est bien évidemment ce qui se rapporte à la franc-maçonnerie.

V\ M\ et V\ V\ T\ T\ M\ M\ F\ F\ en vos grades et qualités ;

Pour mieux cerner notre sujet je voudrais proposer quelques aperçus sur les liens existant entre l’éthique, la morale et la déontologie.

Morale et éthique ont en commun d’orienter vers ce qu’il est bien de faire. Mais les démarches sont différentes. Dans leurs acceptions contemporaines, on peut dire que :

L’éthique est le résultat de la réflexion personnelle qui conduit à choisir de faire ce qu’il est bien de faire dans une situation donnée.

La morale est la recherche de la conformité absolue à des règles venant de l’éducation familiale, religieuse, civique, culturelle etc. La morale est l’objectif et l’éthique la visée. La morale interpelle quand l’éthique responsabilise. La morale impose et commande tandis que l’éthique propose et recommande. La morale est référence et l’éthique discernement. La morale concerne tout le monde et l’éthique concerne des hommes responsables.

Parlant de la déontologie, nous pouvons dire que :

C’est l’ensemble des règles qu’une profession se donne pour fixer des repères à ces membres. L’existence de code de déontologie n’exclut nullement la réflexion éthique personnelle, ne serait-ce que pour en appliquer les principes. C’est aussi l’ensemble des règles ou devoirs régissant la conduite à tenir par les personnes chargées d’une fonction dans la société.

Pour en revenir à l’éthique, contrairement à quelques idées courantes :

L’éthique ne se résume pas au respect des codes, des lois ou interdits et ne se limite pas à la corruption ou au clonage ; l’éthique n’est pas un savoir mais une conduite. Elle n’est pas faite d’opinions mais d’actes, le comportement éthique n’est pas fait d’opinions sur les autres mais d’actes que l’on pose personnellement.

Mieux encore que de parler d’éthique, parlons donc de comportement éthique qui applique à l’action les valeurs qui nous habitent.

La Franc-maçonnerie, faut il le rappeler, est un ordre initiatique, traditionnel qui regroupe des hommes éclairés groupés pour travailler au perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité. Le franc-maçon est à la recherche de la Vérité, sans aucune limite à sa liberté de conscience et de pensée. Il œuvre pour combattre les préjugés et réunir ce qui est épars. Pour cela, il se doit de faire une pratique constante de la vertu, un effort soutenu et un travail sans répit sur lui-même, il est astreint à une discipline que lui impose son entrée dans la voie maçonnique. Cela suppose des standards moraux et lui confère des devoirs vis à vis de lui-même, de sa famille, de sa patrie et de l’humanité.

L’éthique maçonnique se rapporte donc à l’art de vivre du franc-maçon fondé sur les lois et les principes fondamentaux d’une éthique universelle. Par ailleurs l’exigence de nombreuses qualités requises pour celui qui pratique la vertu en est l’illustration. Si nous nous intéressons à la manière dont le profane qui frappe à la porte du Temple conçoit ses devoirs envers lui-même, sa famille, sa patrie et l’humanité toute entière, il est normal que nous soyons plus exigeants et plus rigoureux vis-à-vis de nous-mêmes qui sommes déjà sur la voie de l’initiation.

Ainsi compris, l’éthique maçonnique pour l’initié qui s’est engagé dans la voie de la perfection se résume au respect scrupuleux de l’ensemble des valeurs, des procédures, des normes et des règles de conduite de l’ordre. Le comportement de chaque maçon doit être le reflet de l’éthique maçonnique dans le Temple et en dehors.

II-) Le comportement du franc maçon dans le temple

V\ M\ et V\ V\ T\ T\ M\ M\ F\ F\ en vos grades et qualités,

« Mes frères nous ne sommes plus dans le monde profane, nous avons laissé nos métaux à la porte du temple ; élevons nos cœurs en fraternité et que nos regards se tournent vers la lumière ». Voila le code de bonne conduite que nous rappelle le vénérable maître à l’ouverture de la loge comme pour nous inviter à nous souvenir des principes fondamentaux de la Franc-maçonnerie que nous avons jurés sur les Trois grandes Lumières de respecter.

Pour être maçon il faut « être libre et de bonnes mœurs », afin de tailler sa pierre brute pour qu’elle puisse s’insérer dans l’édifice universel, de visiter l’intérieur de la terre pour chercher la pierre cachée (VITRIOL) et de travailler à vaincre ses passions. Ce travail étant librement consenti et non pas subi, il réclame une discipline personnelle que nous ne faisons qu’initier lors de notre réception en tant que maçon. Pour cela, le franc-maçon a besoin, me semble-t’il, de trois guides pour lui montrer la voie qu’il arpentera lui-même. Ce sont :

- les Constitutions et Convents qui fixent les règles générales telles que la Fraternité et l’aspiration au bien de l’humanité ; le GADLU ; etc.
- le rituel, mode de vie commun qui rappelle quelques impératifs tels que la fraternité, la retenue dans les propos, une discipline du corps et de la parole, l’invitation à s’élever et à s’éclairer puis à continuer au dehors le travail entrepris au-dedans.
- les symboles, sources de questionnement permanent : la rectitude de l’équerre,  la mesure du compas, et la loi morale du Volume de la Loi Sacrée. Parmi les symboles retenons aussi les vertus humaines que sont la pensée, la vigilance, le cœur, l’action claire et raisonnée.

Par ces outils, le maçon peut prendre conscience de ce qu’il est au plus profond et qu’en s’améliorant, il participe au bonheur commun. En convenant d'une cohérence éthique, fondée sur : la construction, l’action, le courage, l’honnêteté: (volonté créatrice), l’ouverture, la vigilance, la sincérité, la tolérance (humanisme) ; la rectitude, l’introspection, la rigueur, pertinence : (élévation de soi), on s’aperçoit que l’individualisme du maçon n’est pas un repli sur soi mais une action constructive et collective.

Permettez-moi, Vénérable maître et vous tous mes frères en vos grades et qualités, de relever quelques uns de nos actes et comportements qui ne participent pas à cette action constructive et collective.

Le secret, principe sacré de notre ordre est devenu une vertu rare dans nos temples. Que de considérations d’ordre profane ne s’érigent elles pas en critères d’éligibilité dans nos loges ? Le franc maçon est ami du riche et du pauvre s’il est vertueux ; en paraphrasant cette phrase de notre catéchisme du premier degré, je dirai : « nous devons être amis du riche matériellement et intellectuellement et du pauvre au plan matériel et intellectuel pourvu qu’il soit vertueux ». Si le Maître Jésus n’était venu sur la terre que pour délivrer les saints, les parfaits, sa mission n’aurait plus eu de sens et il n’aurait pas accordé le paradis au criminel repenti crucifié avec lui. Il est par ailleurs regrettable que des frères brillent par leur absence sur les colonnes. Souvent, les excuses avec oboles deviennent pour certains un droit de présence fictive à nos travaux.

La nécessaire Fraternité, vertu cardinale prônée par notre Ordre est presque inexistante si elle n’est de façade ou catégorielle et intéressée. La Fraternité et la Solidarité se limitent aux rencontres en loge et au cours de nos agapes. Nous devons faire l’effort de rendre notre solidarité plus active. Je sais que le tableau n’est pas entièrement sombre et que certains de nos frères traduisent cette fraternité et cette solidarité par leur comportement dans la vie de tous les jours de façon discrète et désintéressée.

Le défaut de paiement de capitation est une atteinte à cette éthique, surtout s’il est délibéré, et augmente la déperdition des frères. Francs-maçons du Rite Ecossais Ancien et Accepté, nous nous devons de respecter le rituel sans y ajouter ou retrancher quoi que ce soit.

L’éthique veut que nous remplissions nos devoirs sans en attendre une récompense mais uniquement pour répondre aux exigences de notre conscience.

L’éthique maçonnique autorise t-il un frère à ambitionner une fonction en loge si les frères ne l’en jugent pas digne ? Permet-il à quelqu’un de se soustraire délibérément aux exigences des charges que la Loge lui a confiées ?

La connaissance de soi est un de nos premiers devoirs dans notre quête de la Lumière. La scène du miroir nous a révélé que l’ennemi qui nous menace et freine notre émancipation se trouve en nous. C’est donc en dégrossissant notre pierre brute, en travaillant à notre propre connaissance et à notre transformation que nous déclencherons l’éclosion progressive de cette clarté divine éveillée en nous par l’initiation pour la réalisation du bien. La F\ M\ a fait de nous des fils de la Lumière, nous devons éradiquer donc de nos vies nos pratiques du vieil homme, l’ignorance, les passions, les préjugés etc. ces ténèbres que nous avons laissées dans le cabinet de réflexion pour nous mettre à l’école de l’initié aux mystères de l’Art Royal.

III- Notre comportement en dehors du Temple

« Pour que nous achevions au dehors l’œuvre commencée dans le Temple… »

Dans sa famille le F\ M\ doit veiller à faire régner l’harmonie entre lui son conjoint et ses enfants. La bonne éducation de ses enfants devant laquelle il se gardera de démissionner sera sa principale préoccupation pour faire d’eux d’honnêtes hommes d’amour et de respect pour les autres. Dans sa famille élargie à l’africaine ses bons exemples, son amour de la vérité, de la justice, de la probité constitueront la vertu qui fera de lui celui qui éclairera surtout la jeunesse et le grand rassembleur faisant régner l’harmonie entre les générations.

Ce sont les mêmes vertus d’équité, de justice et de vérité qui doivent le suivre dans son milieu professionnel. Il fera instituer l’amour et l’entente autour de lui, soutiendra les riches, soulagera les démunis par la charité. Responsable dans son milieu professionnel le franc-maçon donnera l’exemple de la ponctualité, de rectitude et de travail bien fait ; il récompensera ses collaborateurs selon leurs mérites et sanctionnera sans parti pris si telle sera la solution pour une meilleure efficacité et un bon rendement dans le service. Il supprimera de ses pratiques la démagogie, la corruption et le favoritisme.

Dans ses fonctions ou activités politiques, le F\ M\ doit agir à visage découvert, dans la transparence. Il a le devoir d’être loyal, lutter pour l’intérêt général, proscrire le mensonge, l’hypocrisie, la haine et la corruption pour contribuer plus efficacement à l’avènement d’une vraie démocratie dans son pays. Le franc-maçon, homme de devoirs, peut-il accepter une promotion professionnelle qui dépasse ses capacités ? L’éthique maçonnique l’autorise t-il à accepter des charges dans sa vie professionnelle ou associative pour ensuite les négliger ?

Le franc-maçon en dehors du Temple doit se poser, avant d’entamer toute démarche, ces quatre questions que mes amis rotariens appellent le critère des Quatre Questions et qui, me semble t-il, résume toute notre éthique :

1-) Est-ce vrai ?

Le « Est-ce vrai » est sans doute préférable à « est ce conforme à la vérité ? » Car le mot vérité surtout avec un grand V pose problème à certains qui ne  le conçoivent que d’essence divine. Certes personne n’est dépositaire de la vérité, mais la quête de la véracité induite par le questionnement « Est-ce vrai » est une valeur universelle. Cette  question met en garde contre la soumission à l’opinion générale ou au prêt à penser ; elle aide à se prémunir contre les « à priori », les exagérations ou même la fascination du virtuel.

C’est une invitation à la sincérité, à l’intégrité, à la mise en cohérence des pensées, des paroles et des actes.

Elle permet également :
De prendre du recul pour analyser les situations
De Prendre conscience de l’autre, des autres, pour parvenir en son âme et conscience à :
La résolution des conflits d’intérêts ;
La compréhension mutuelle ;
L’harmonisation des points de vue.

2-) Est-ce loyal ?

D’abord est-ce conforme à la loi et à son esprit ? Car tout ce qui est loyal n’est pas forcément moral. La loyauté c’est le respect de la parole donnée, la fidélité aux engagements. Etre loyal c’est aussi ne pas faire à autrui ce qu'on n'aimerait pas qu'on vous fasse comme le rappelle le Vénérable Maître à notre initiation au premier degré. Il faut veiller à ce que chacun soit libre de penser et d’agir comme il lui convient, en fonction de ses propres convictions ou règles de vie. En effet le contraire de loyauté est la tricherie, la duplicité et l’hypocrisie, autant de vices qu’il nous faut combattre pour les éloigner de nous.

3-) Est ce apaisant ?

Se poser cette question avant de prendre une décision difficile ou complexe invite à l’arrangement intelligent plutôt qu’à la chicane réflexe ou à la riposte procédurière. Cela invite à rechercher d’abord ce qui est bon plutôt que qui a raison. L’homme est créateur lorsqu’il fait naître l’entente. On peut imaginer que si cette question était entrée dans les mœurs, notre planète connaitrait moins de conflits et les tribunaux seraient moins encombrés.

4-) Est-ce équitable ?

La réponse positive à cette question crée la confiance. Elle conduit à prendre en compte l’autre, tout l’autre, tous les autres ; elle renvoie aux notions de droiture et d’harmonie, condition de toute justice et moteur de toute motivation noble et durable.

Vénérable maître et vous tous mes frères en vos grades et qualités !

Que conclure ?

Ascèse personnelle et démarche collective, la F\ M\ est fondée sur une société organisée avec des règles définies qui régissent tous les aspects importants du groupe. Seulement en dehors du Temple, la F\ M\ fait souvent l’objet d’affirmations contradictoires et de vives critiques parce que quelques fois notre comportement au dehors ne respecte pas cette éthique maçonnique dont j’ai essayé d’aborder quelques aspects ce soir.

Notre admission en Franc-maçonnerie nous ouvre des Droits mais elle nous impose surtout des Devoirs. Le Franc-maçon est avant tout un homme de Devoir ; à chacun d’en définir le contour en fonction de ses capacités, de ses disponibilités de sa sensibilité.

En « homme libre » c'est-à-dire détaché des préjugés et du vulgaire, nous fixons nous même la hauteur de la barre des obligations. Bien entendu cette hauteur variera tout au long de notre parcours initiatique. La démarche maçonnique est une chance dont seuls profitent ceux qui ont le privilège  d’assurer sans trop de difficultés leurs obligations profanes (familiales et professionnelles) et qui bénéficient d’une  santé satisfaisante. L’activité maçonnique requiert de l’engagement. L’Art Royal que la Franc-maçonnerie nous propose de pratiquer dans nos loges requiert de la rigueur. Et si le Franc-maçon est un bon vivant en dehors de l’espace et du temps sacralisé en tenue c’est qu’il apprécie la vie et que le bonheur terrestre a un sens. L’initié que je cherche à devenir n’est ni un austère, ni un moine, ni un taciturne, c’est un homme éclairé par les étoiles et ancré dans le présent. C’est pourquoi autant que faire se peut je m’efforce de mettre en œuvre et en action cette éthique maçonnique qui je l’avoue constitue une montagne qu’il faut gravir à chaque instant de ma vie.

Car en fait, pour réaliser l’éthique maçonnique il faut la Volonté, la Possibilité et le Devoir. Et comme cette année est placée sous le signe de l’engagement maçonnique, je voudrais terminer cette planche par quelques réflexions sur le sujet.

Chacun est libre de pratiquer l’art royal avec sa sensibilité pourvu qu’il participe par son engagement à l’œuvre commune dans le respect de la Règle. En effet la méthode maçonnique que je qualifie d’individuelle repose sur l’engagement collectif.

Le respect de ces engagements introduit la définition de l’honneur. Ainsi par le respect de ces engagements le franc-maçon devient un homme d’honneur prompt à assumer ses paroles, ses actes dans le profane comme dans le sacré. L’engagement est et demeure personnel, singulier et sa diversité contribue également à l’enrichissement de nos différences. Mais il me semble que dans sa liberté éclairée, le véritable initié se retrouve seul devant sa conscience jusqu’à n’avoir de comptes à rendre qu’à lui-même en étant plus intransigeant envers lui-même que ne le serait le plus redoutable de ses pairs ou de ses juges.

Enfin, tout ceci n’engage que moi !

VV\ MM\ et VV\ TT\ MM\ FF\ en vos grades et qualités.

J’ai dit !

P\ S\ A\


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