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Ethique et Initiation


Propos introductif :

La distinction entre les termes de morale et d’éthique ne va pas d’elle-même pour tous. Tous deux signifient « mœurs, coutume ». Pour nous y aider, séparons les langues (respectivement latin & grec) :

-    le terme de morale s’est davantage développé dans la tradition catholique sous une forme impérative et dualiste. En cela, la morale apparaît collective, subie et sous forme d’injonctions (les 10 commandements p. ex.). on peut tuer au nom de la morale. Luc Ferry faiot remarquer que nous vivons une époque moraliste, mais vide de sens.

-   l’éthique en serait une version plus individuelle au titre du libre arbitre. Sade a fondé une éthique dénuée de morale. Nietzsche et Marx ont critiqué l’hypocrisie de la morale chrétienne et appelé à des sociétés ou l’éthique n’est plus fondée sur cette morale (non plus dominer les pauvres, mais à libérer la puissance de l’individu).

-  Chez les philosophes Spinoza puis Wittgenstein, on ne peut réellement séparer les deux : Spinoza voit un Dieu immanent (tout est dieu, dieu est la nature et non au-dessus) dont rien ne peut sortir. Wittgenstein énonce le fait que toute éthique vient d’une morale : elle est déjà pensée a priori. L’éthique est alors un chemin qui mène au bonheur de tous.

-   Pour ajouter à la confusion, les sociologues comme Bourdieu parlent d’éthos pour désigner les façons d’être et de se conduire, en fonction de son milieu social et des situations.

La question du lien entre initiation et éthique se décline sou deux formes : l’influence de l’initiation sur l’éthique et existe-t-il du coup une éthique proprement maçonnique ?

L’initiation : passage de la morale à l’éthique ?

Pour être maçon, il faut déjà être « libre et de bonnes mœurs », afin de tailler la pierre brute, de visiter l’intérieur de la terre et de chercher la pierre cachée (VITRIOL), de travailler à éliminer ses passions.
Stricto sensu, la morale subie est une passion mais aussi une qualité profane requise pour devenir initié. Est-ce une contradiction ? Pas vraiment si l’on considère que le rite et les symboles permettent de prendre conscience de soi, de sa morale, de s’améliorer et de participer au travail des autres frères.
Ce passage à l’action consciente et fraternelle « sur les voies qui nous ont été tracées » relève alors d’un passage : celui de a morale subie par le profane, à l’éthique mise en pratique par l’initié.
Si le fondement moral est un préalable, le maçon s’attache ensuite à chercher la voie juste et invisible vers la lumière, sans tomber dans l’écueil du manichéisme représenté par le pavé mosaïque.
Ce travail étant librement consenti et non plus subi, il réclame une discipline personnelle qu’il ne fait qu’initier lors de sa réception en tant que maçon.

Une éthique maçonnique ?

A considérer que le travail soit sincère et profond, le maçon s’emploie à brider son ego pour que l’atelier parvienne à l’égrégore, à la recherche d’une voie moyenne et non médiocre.

Trois guides lui montrent la voie qu’il arpentera par lui-même :

-   les Constitutions et Convents qui fixent les règles générales telles que la Fraternité et l’aspiration au bien de l’humanité ; le GADLU ; le principe ordo ab chaos, etc.

-    le rituel, mode de vie commun qui rappelle quelques impératifs tels que la fraternité, la retenue dans les propos, une discipline du corps et de la parole, l’invitation à s’élever et à s’éclairer puis à continuer au dehors le travail entrepris au-dedans : une œuvre « sage, forte et belle ».

-    les symboles, sources de questionnement permanent : rectitude de l’équerre, liberté du compas, élévation du , œil intérieur. Parmi les symboles retenons aussi les vertus humaines que sont la pensé (VM), la vigilance (surveillants), le cœur (agapes et hospitalier), l’action claire et raisonnée (les autres officiers).

Par ces outils, le maçon peut prendre conscience de ce qu’il est au plus profond et qu’en s’améliorant, il participe au bonheur commun. Sans repasser tout le catalogue, nous avons convenu d’une cohérence éthique, fondée sur

- la construction, l’action, le courage, l’honnêteté    : volonté créatrice
- l’ouverture, la vigilance, la sincérité, la tolérance   : humanisme
- la rectitude, l’introspection, la rigueur, pertinence  : élévation de soi

J’en passe… mais en reprenant Tocqueville, on s’aperçoit que l’individualisme du maçon n’est pas le repli sur soi, mais l’action constructive et collective.
Un éthos maçonnique ?

Passer de la morale subie à l’éthique choisie demande aussi à se concrétiser au dehors comme au-dedans : c’est le passage à l’action et à la façon de s’y prendre :

Une éthique de tolérance se traduit par des propos tempérés et mesurés : le but n’est pas de triompher d’autrui, mais de chercher la vérité en soi et sans ego, de ne pas refuser a priori ce qu’il a à dire, mais de le questionner pour l’aider à avancer. Tolérer diffère de la condescendance par le double souci d’écouter et d’accompagner la discussion.

Dans la vie professionnelle, l’éthique peut aussi se traduire en éthos : dans la façon d’aborder autrui sans être agressif ni nonchalant, à apprécier sa rectitude qui justifiera l’ouverture (p. ex.) vers un bonheur commun. Un éthos maçonnique peut être un caractère assez affirmé, tout en cherchant à concilier les contraires du pavé mosaïque.

Mais que faire lorsque deux principes s’opposent ? La vie profane est agitée par des contradictions morales ; Sur le plan médical, beaucoup de débats opposent les désirs des individus aux inquiétudes collectives (procréation, eugénisme, accès aux soins, statut de l’embryon, clonage, nano technologies, mourir). IL appartient au FF de trouver la voie de la sagesse. Et ce, grâce à l’outillage symbolique.

L'éthique est également d'actualité dans le monde du travail. Il convient cependant de distinguer les entreprises dites « éthiques » de l'éthique. En effet, il est bien naïf de croire qu'un estampillage « éthique » peut suffire à ce qu'une entreprise le soit. Ainsi, nombre d'entreprises n'ont d'autre but que le marketing ou la phraséologie d’entreprise. L'éthique doit être issue d'une volonté personnelle, profondément altruiste, désintéressée.

Enfin, signalons le dernier N° de Points de vue initiatiques, consacré à l’éthique. Outre les sciences et la médecine, plusieurs articles abordent la politique (sous l’angle de la gouvernance, cad façon de faire et non idéologique) et l’économie mondialisée avec bcp de prudence.

En effet, être FM n’est ni être de G. ou D., mais plutôt d’être humain et d’aspirer au plus grand bonheur possible, ce qui permet aux FF cartés ou non de discuter librement, c’est cette ambition éthique.

Un point restera cependant en suspens : si l’initiation encourage le maçon à agir, construire sagement, avec force et beauté l’humanité future : quel doit être le rôle de l’obédience vis-à-vis du monde profane ?

J\B\ M\


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