Obédience : NC | Loge : NC | 16/04/2000 |
La
Beauté "On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux..." Saint Exupéry Nous avons tout d'abord exploré le célèbre Sagesse - Force - Beauté et pour les SS\ ou les FF\ qui travaillent au Rite Ecossais Ancien Accepté, il y a beaucoup d'évidences mais aussi beaucoup de questions. Certains pensent qu'ils faut de la Force pour arriver à la connaissance, puis à la Sagesse afin d'apercevoir la Beauté. Mais la beauté ou une beauté ? Est-elle toujours la même ou est-elle évolutive, suit-elle le parcours des éternels Apprentis que nous sommes ? Chercher la Beauté n'est-ce pas chercher la Vérité, la perfection? Si oui, un Maçon est éternellement sur le chemin de La Vérité, de la perfection. Ce chemin devrait donc s'embellir avec les progrès réalisés. Comme
tout symbole
qui se respecte, ce ternaire nous a permis de faire évoluer
le fil de nos
réflexions très rapidement vers d'autres horizons. Mais pour une construction moderne, par exemple, trouverait-on une façade en aluminium belle? Et
là, nous
sentons bien que ce sujet ne peut être enfermé
dans un simple symbole à couvert
de nos Temples et restreint à un "usage"
maçonnique. Non ! Le
beau ou la beauté sont des notions qui emplissent la vie de
l'homme et que
l'on retrouve à chaque instant de sa vie. Peut-on
"forcer" quelqu'un à trouver beau quelque objet qui le
laisse
ordinairement, complètement indifférent ?
Certainement pas. D'où une analyse
plus poussée vers l’ego et ses racines comme
l'éducation ou l'expérience. Apprécier la beauté ne peut qu'être une approche personnelle et impossible à partager. La meilleure preuve, s'il en est, est l'approche d'un concert par des malentendants ou la visite d'un musée par un malvoyant. Pourquoi restreindre la vision de la beauté par un sens unique, la vue ? Et pourtant, alors que nous nous étions évadés de l'universalité des œuvres d'art, nous avons pu noter un commentaire qui nous ramenait indiciblement à notre ternaire d'origine. Je cite : "Cette supériorité de la beauté sur la force et sur la sagesse se retrouve dans toutes les autres œuvres d'art. L'élégance d'un discours et la séduction d'un tableau, le sublime d'une symphonie ou l'attrait d'une affiche, résultent de cette même hiérarchie des trois vertus fondamentales. Certes, ces productions ne seraient pas telles si elles manquaient de force ou si elles avaient été composées sottement. Mais seule, leur beauté les rend dignes de cette distinction...". La
beauté a aussi
son époque et une certaine "fugitivité". Telle
œuvre ou telle
symphonie ou tel dessin, considéré comme l'un des
canons de son époque n'a
pratiquement plus aucun retentissement quelques années plus
tard. La beauté
serait-elle touché par le phénomène de
mode ? Le
paradoxe de la
confrontation entre la subjectivité et
l'objectivité de la beauté.
Préférer la
soupe au pistou à la soupe aux choux n'est qu'un jugement de
préférence.
Préférer Massenet à Bach est un
jugement qui juge plutôt le jugeant que le jugé
par rapport à la complexité esthétique
de l’œuvre musicale. Quelque chose, dans
la beauté, semble dépasser la pauvre
appréciation que nous nous sentons capable
de porter sur elle. Paradoxe de l'écrasement personnel
confronté aux
exaltations du dépassement. Il
y a aussi le paradoxe de la relativité de la
beauté selon les cultures
lorsqu'il se confronte à la forme d'universalité
que présentent les grandes œuvres,
conférant à la beauté quelque chose
d'extra-temporel et d'extra-catégoriel. Il
en est de même du paradoxe de la perception
esthétique par rapport à la
perception ordinaire, l'une semble rencontrer des essences et l'autre
rencontrer des objets comme si la beauté (ou
plutôt le mouvement de l'homme qui
la ressent) transmuait les objets en essences, le visible en invisible,
le
concept en affect. Pourrait-on
pousser la question jusqu'à appliquer à la
Beauté une définition
classique de la Vérité: "adéquation de
la chose avec elle-même?". De ces hauteurs philosophiques, nos pensées nous ont amené à réfléchir sur la beauté du laid. De fait, quelque chose de très laid peut atteindre les sommets de la beauté par un autre chemin que celui qui, conventionnel, tente à repousser toute chose qui au prime abord nous rebute. Et nous avons aussi songé à la beauté du geste. La beauté et l'harmonie du geste de l'artisan, quand avec le temps et l'expérience, l'esprit guide la main, quand du geste précis, simple et facile, sort sous nous yeux une belle œuvre, un bel ouvrage. Beauté du mouvement, né du temps et l’expérience, la sagesse, et de la main, la force. Beauté de l’œuvre née de l'esprit. L'esprit guide la main et crée la beauté. L’œuvre, l'objet terminé ne sera encore une fois, qu'une épure. L'artisan enrichit de cette nouvelle expérience reprendra ses outils pour créer une nouvelle œuvre qu'il voudra plus belle encore. Ces objets, il les oubliera les uns après les autres, pour celui qui reste toujours à fabriquer et dans sa recherche du beau geste. Chose
étrange mais
naturelle, pourrait-on dire, chez des Maçons sur un
chantier, les contributions
ont doucement évolué vers un autre concept,
difficilement séparable de la
beauté, le bonheur. La beauté, le beau devenait un moyen d'accéder vers un état de plénitude de l'être humain. La beauté devenait un accessit de la sérénité, une porte ouverte vers le bonheur. Peut-être avions-nous trouvé là un futur sujet de THEMA ? De même, une nouvelle approche se fera vers l'amour. Comme si la beauté ne pouvait être qu'un moyen d'accéder à des états, certes toujours positifs, de l'être humain comme l'amour et le bonheur. Nous sommes alors revenus à un nouveau concept de la beauté en décortiquant la géométrie et la beauté d'une équation, voir même la relativité d'Einstein. Le beau se cache n'importe où et l'important est de garder tous ses sens - pas seulement la vue - en éveil. Un aspect a été très brièvement évoqué et aurait sans doute mérité qu'on s'y implique un peu plus : La beauté du diable. Cet facette de la beauté, qu'on pourrait qualifier d'obscure ou de contraire. Inévitablement, on pense à une beauté concernant un être humain, homme ou femme, et qui viendrait servir d'excuse à une faute commise. Une belle piste négligée ? Comme celle des sentiers fleuris de l'erreur... En conclusion, je dirai que la beauté est un sujet impossible à cloisonner ou à approcher de façon claire, précise et nette sans mêler dans une curieuse égrégore qui nous ressemble, des concepts humains. J'emprunterai cette citation extraite de l'une de vos contributions en guise de conclusion : "La saisie du beau en tant qu'émotion attachée à l'exécution d'un rituel maçonnique s'effectuera plus facilement, me semble-t-il, lorsque les préjugés anti-intellectualistes auront été mis au rancart et que la subjectivité aura trouvé son complément dialectique : l'objectivité." QUELQUES TEXTES ET EXTRAITS CHOISIS Voie
lactée, ô sœur lumineuse Moi
qui sais des lais pour les reines, Guillaume Apollinaire
La chanson du mal-aimé - (in Alcools) Socrate demande à
Hippias de définir "le beau" (NB: en grec, "to kalon" est un
neutre ayant valeur de générique, le grec est
finalement beaucoup plus adapté à l'expression
des concepts que le français). PLATON La Pléiade Tome 1
Paris les Belles Lettres ("Budé"). Viens-tu
du ciel profond ou sors-tu de l'abîme, Tu
contiens dans ton œil le couchant et l'aurore; Sors-tu
du gouffre noir ou descends-tu des astres ? Tu
marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques; L'éphémère
ébloui vole vers toi, chandelle, Que
tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe, De
Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène, Charles BAUDELAIRE
Hymne à la Beauté |
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