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La Force

 7102-5-1
La « Force » est un thème d’une richesse extraordinaire et un vocable totalement ancré dans notre langage au quotidien.

·        Il sert à donner du sens, à donner de l’énergie au mot qu’il accompagne.
Citons par exemple :
Les forces de défense, la force publique, la force de frappe, force de loi ou encore les forces françaises de l'Intérieur, ou le vent de force 5
·        Il est l’espérance des situations difficiles
« Accepter la défaite avec calme, c'est grande force. » - Hervé Desbois
ou encore 
« Ce qui ne me détruit pas me rend plus fort. »
·        Il est rouge quand on évoque la force brutale
·        Il est bleu dans la force de l’amour
·        Il est une qualité essentielle chez un individu pour Lao Tseu 
« Imposer sa volonté aux autres c'est force; se l'imposer à soi-même, c'est force supérieure. -» ou encore pour Le I Ching
« La force se manifeste dans l'honnêteté féroce avec soi-même. »
·        Il peut être aussi une manifestation stupide d’après Azimov
 « La force est le dernier refuge de l'incompétence. »
·        Il est souvent synonyme de combat
On devient fort qu’en apprenant à vaincre. On ne s’élève qu’en se heurtant aux difficultés.

Le mot force est issu du latin fortia, qui signifie « actes de bravoure », ou plutôt de l'adjectif fortis  « courageux, robuste. Une seconde origine du mot Force, vient aussi du latin Robur (robor, robus), qui signifie force Physique (au sens, vigueur, solidité) et force morale (au sens caractère, énergie, fermeté.

Cette seconde étymologie aura notre préférence ce midi car elle correspond aussi à l’origine étymologique  du chêne.

En effet le chêne, arbre sacré dans de nombreuses traditions," l’arbre de Déméter "…est pour nous FM la meilleure représentation symbolique de la force.
      -     Il est l’instrument de communication entre ciel et terre.
-     Il est la poussée de la vie, le symbole de Régénération, la victoire sur la mort.
-         Il vit d’eau, d’air, et de terre et donne le bois pour le feu
-         Il  est ambivalent car il donne la graine.
-         Il est fort et se dresse vers le ciel comme un symbole phallique.
-         Il est signe d’élévation de l’âme et d’ascension initiatique.

Ses racines qui pénètrent dans toutes les couches profondes de la Terre, lui permette de s’élever durant sa vie vers le  ciel, en élaborant ce que les forces divines l’incitent à produire …
                                                                 
Regardons mes frères cette branche de notre vaillant chêne, bravant stupidement les vents d’ouest : nous l’appellerons la Force physique

A l’origine de nos sociétés, un véritable culte était voué à la Force. Elle était honorée, car elle était indispensable à la survie. 
En effet, avant que les hommes ne se réunissent en communautés, et que les communautés établies ne soient suffisamment puissantes pour protéger tous leurs membres, il était bon que chaque individu puisse se défendre lui-même.
C’était l’époque de l’homme animal : L'homme était un loup pour l'homme, au sens premier, et seuls les plus forts parvenaient à survivre.
Ce culte de la force a été illustré par de nombreuses sculptures glorifiant l’homme « fort », le héros, dont les proportions dépassaient d’ailleurs toute réalité morphologique. On peut citer par exemple Hercule et les travaux.

La disparition de l’homme de chromagnon, s’explique par son incapacité anatomique, à avoir une réelle agilité ou dextérité. Il était extrêmement robuste mais la constitution de l’os de son oreille interne qui est le centre de l’équilibre et de l’agilité, a fait qu’il n’a pas pu s’adapter à l’environnement  qui avait évolué.

La force seule de l’homme ne pouvait plus suffire, pour répondre aux désirs de conquête de ce dernier. Il dût faire preuve d’intelligence et d’adresse, pour accroître cette force.

Notre chêne fit alors jaillir de son tronc une branche tournée vers le sud, afin de mieux profiter des rayons du soleil


L’homme créa en premier lieu les  armes  pour décupler sa force (des lances, des haches) et ensuite inventa les outils. Le levier qui est apparu dés le 3iem millénaire avant JC en est une très belle illustration.( chadouf mésopotamien)

Ce levier a été ensuite utilisé, par nos frères carriers et les ouvriers bâtisseurs pour soulever les matériaux trop lourds : « donnez-moi un levier, et  je soulèverai le monde  »

L’homme compris  également l’avantage qu’il pouvait tirer des éléments naturels :

·        L’eau :
Pour se déplacer d’abord, et aller plus vite tout en  préservant ses forces.
Pour utiliser la force « hydraulique » : Dés l'antiquité, des roues étaient utilisées pour puiser l'eau.
Quant aux moulins à eau, ils apparurent  au 2ème siècle avant notre ère.
·        Le vent :
L’utilisation de la force du « vent » remonte également aux temps les plus anciens. D’abord dans la navigation à voile, puis avec les moulins, dont on a retrouvé des traces en Mésopotamie  plus de deux mille ans avant JC.

·        Le feu :
On a découvert des traces de foyer à l’époque paléolithique (âge de la pierre taillée.
Le feu était alors :
-         Source de lumière et de chaleur,
-         Arme, pour éloigner les prédateurs,
-         Source d'énergie, pour transformer des aliments par cuisson.
·        Le soleil et le vent afin d’extraire le sel de la mer
·        Le sable :
Il était utilisé dans la construction pour permettre l’élévation des structures monumentales comme les mégalithes.

Mais l’homme utilisa également la force d’autrui : que ce soit, celle d’animaux devenus domestiques, ou d’ennemis asservis. Parfois l’ennemi était mangé afin de s’approprier sa force : On a bu le sang des ennemis, mangé leur cœur …Parfois on s’est distrait avec les ennemis, les obligeant à se livrer des combats, ou les faisant combattre des animaux féroces : C’était les jeux du cirque et les combats de gladiateurs.

L’homme avait compris qu’une simple pierre lancée avec une fronde, pouvait tuer un colosse

David venait de triompher de Goliath, le roseau sortait victorieux de la tempête et donnait une leçon au chêne : le Judo était né.
Ce sport est issu du  VI eme siècle où, selon la légende, un vieux médecin comprit tout le parti que l’on pourrait tirer de la non-résistance en se promenant par temps de neige dans la nature. Il observa alors que les grosses branches des arbres se brisaient sous le poids de la neige accumulée sur elles, tandis que les branches les plus fines et les plus flexibles pliaient pour se débarrasser de leur fardeau et se relever aussitôt pour reprendre leur forme originale.

Tout est dans tout.. Dirigé vers les vents calmes de l’est, le tronc laissa émerger, la branche faiblesse.

Poursuivons cette réflexion sur la force, permettez-moi mes FF de m'arrêter un instant sur son pendant: la faiblesse. La faiblesse non pas comme le contraire de la force, mais comme son pendant inévitable, comme sa face cachée.

Le livre d'Alexandre Jollien*, apporte un éclairage sur cette notion de faiblesse, sur la question de la normalité et sur la nature humaine. Permettez-moi de vous lire un passage : "Mon incapacité à atteindre une parfaite autonomie me montre quotidiennement la grandeur de l'homme. Au cœur de ma faiblesse, je peux donc apprécier le cadeau de la présence de l'autre et à mon tour, j'essaie avec mes moyens de lui offrir mon humble et fragile présence. L'individu faible ne représente pas nécessairement un poids pour l'autre. Chacun dispose librement de sa faiblesse, libre à lui d'en user judicieusement.
L’homme n’est plus un loup pour l’homme, mais l’homme est l'ami de l'homme, rejoignant ainsi la conviction  aristotélicienne.

C’est la même approche que le philosophe Georges Gusdorf fait de la force en notant qu’elle n’est pas absence de faiblesse mais plutôt dépassement de la faiblesse. Toujours offerte comme l’autre possibilité, et la plus facile...
 
Le fort trouve dans sa faiblesse les ressources pour faire face. Il ne nie pas sa faiblesse. Il en fait le creuset où se forge sa volonté.

Sans entrer dans un débat qui dépasserait le cadre de notre réflexion, citons cependant Nietzsche  : " l’homme n’est fort que dans la mesure où il impose sa puissance sur autrui, qui est le faible ou l’homme raté". C’est lui qui n’a cessé de critiquer le goût qu’ont les chrétiens pour les plus faibles tout en se glorifiant de ce goût. Ils sont, écrivait-il, plus enclins à glorifier la « vertu de faiblesse » que la « vertu de force.
 
La réplique  paradoxale du père Valadier étant :C’est le « Dieu crucifié » plutôt que le « Dieu tout-puissant » qui met le comble à sa puissance en y renonçant.
 
Il existe un terme du Nouveau Testament qui permet de dépasser les qualificatifs de fort et de faible : La parresia, c’est-à-dire la vie de l’Esprit qui produit progressivement cette assurance tranquille et simultanément cette audace dans la parole, cette affirmation de soi sereine et respectueuse des autres. La parresia signifie être fort à la manière du Christ.

Nous voici désormais dans le domaine de l’esprit, là où la véritable force se situe

Exposé au vent du nord, notre chêne courageusement  engendra une branche appelée : La Force morale

Au-delà des considérations physiques et mécaniques, la force désigne métaphoriquement un pouvoir de la volonté, une vertu morale dite "cardinale" équivalent  au courage.
Rappelons les « vertus cardinales » qui sont au nombre de 4 :
-         La prudence, qui permet de discerner en toute circonstance le véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir ;
-         La tempérance, qui assure la maîtrise de la volonté sur les instincts et maintient les désirs dans les limites de l’honnêteté
-         La force, c'est-à-dire le courage qui assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien
-         La justice, qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à chacun ce qui lui est dû.


Elle constitue les fondations, les « piliers » de ce que doivent être nos lois morales.

Cette symbolique des piliers est  reprise dans « l’Arbre de Vie » issu de la Kaballe. La Kabbale est la loi morale reçue par Moise de Dieu sur le mont Sinaï et qui se transmet par voie orale

Entre orient et occident, entre le nord et le sud, se situe la branche du franc-maçon

Quel rôle la force joue dans notre démarche maçonnique ?
En quoi la force est-elle utile dans notre travail qui se veut spéculatif ?
Quels sont nos outils ?

Tentons  de répondre à ces questions.

La force est utile à l’apprenti pour son premier travail de la pierre brute avec le ciseau et le maillet.
Une pierre maniée violement peut s’ébrécher, et par conséquent nécessiter une nouvelle taille, ou être mise au rebut, ce qui peut retarder la construction.

La force est encore plus utile quand le compagnon travaille avec un levier, qui multiplie cette force. Le compagnon doit bien choisir son point d’appui et maîtriser son énergie. Toute erreur peut mettre en péril la globalité de la construction.

C’est sûrement pour cela que le compagnon en loge, est mis sous la responsabilité du 1er surveillant, auquel est attachée la colonne « force » dans notre rituel.

Le 1er surveillant est garant du respect des règlements, et empêche toute déviation ou problème susceptible de troubler l’ordre de la loge.
Il doit faire preuve de Force, d’autorité et de fermeté afin de faire respecter l’application des règles connues de tous.
Le maillet est également symbole de force et d’autorité.
Il ponctue l’ouverture et la fermeture des travaux. Il est sur le cœur des surveillants qui contrôlent  l’identité maçonnique des participants.

Pour sa part, l'épée a toujours été le symbole de la force et un attribut essentiel. Au travers des siècles, elle a permis à celui qui la portait, de se faire reconnaître, de faire respecter les principes et les lois, et de montrer sa force.

Mais l’essentiel de la force de notre temple n’est pas physique.

La force d’une association réside essentiellement dans la cohésion de ses membres.
Plus ils sont unis, plus ils sont puissants.  « L’union  fait la force ! »

Cette force de cohésion, est soulignée dans notre rituel à l’extinction de la colonne force par l’expression «  que l’amour règne parmi les hommes ».

Notre rituel souligne également la capacité à écouter et à contrôler sa pensée : la force du silence.
En effet, les échanges en tenue sont indirects. La prise de parole ne se fait qu’après demande auprès des surveillants et autorisation du vénérable.
Notre position d’ordre, symbolise également cette maîtrise du bouillonnement intérieur, retenue par notre main.
Je vous propose mes frères de répondre de manière catégorique. La force est essentielle durant la vie d’un franc-maçon, car elle lui permet d’aller au bout de sa mission qui passe par le travail
« Gloire au travail ! » Telle est la devise du Franc-maçon.


Je vous propose maintenant mes frères de conclure notre réflexion, sous forme de souhaits :
« Que notre Loge s’inspire de la noblesse de cet arbre sous lequel saint Louis rendait la justice :
- qu’elle devienne aussi solide que le chêne permettant ainsi à tous de s’abriter sous son feuillage, d’y trouver le refuge nécessaire pour s’arrêter et réfléchir sur la voie à suivre 
- Qu’elle rayonne de par la qualité de son travail et la chaleur qui unit les maillons qui la composent
- Qu’elle s’appuie solidement sur la terre qui lui a donné naissance afin de s’élever vers les réalités les plus hautes… »
- Que notre vénérable maître tel un druide, ou plutôt  un " Homme de chêne ", conserve longtemps sagesse et force.

J’ai dit VM

J\B\ M\

Compléments:
1)      Rome vient de « romé »signifiant de manière dérivée force : la ville ayant pris le nom de son destin
2)       L’ail
3)       La grenade
4)       Edition du chêne  force des mots
5)      Force et religion prosélytisme
6)      Force et politique Cicéron
7)      Force et justice
8)      Violence : forces mal gérées
9)      Griffon, sanglier ou corne


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