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L’Épée Flamboyante et la transmission de la Lumière

Ce soir, je vais évoquer devant vous le champ symbolique de l’Épée, et son utilité dans nos Loges. Il ne s’agit pas de n’importe quelle Épée, mais de l’Épée Flamboyante, celle qui est présente sur le plateau du Vénérable Maître en chaire.

J’aborderai la fonction majeure de cette dernière : la transmission de la Lumière lors de l’initiation.

L’Épée au REAA :

Présente en Loge depuis une époque récente, l’Épée Flamboyante a-t-elle une légitimité ? Si des représentations du XVIIIème siècle de cérémonies maçonniques montrent des Frères maniant des épées, celles-ci sont à lame droite. L’Épée Flamboyante, caractérisée par une lame de forme ondulée, semble n’apparaître qu’au XIXème siècle sur le plateau du Vénérable Maître au Rite Écossais Ancien et Accepté.

Il est bon de rappeler ce que les Loges ont fait des épées, qui sont maniées par le Vénérable Maître, l’Expert et le Couvreur. Ces deux derniers officiers tirent leur fonction de l’épée du Vénérable Maître : l’Expert utilise son épée pour la mise en œuvre des rituels et veiller à leur bon déroulement, et le Couvreur protège le Temple intérieurement et extérieurement.

Quant à l’Épée Flamboyante, son nom indique un rapport avec la foudre, avec l’éclair, ce qui signifie que cette épée très particulière n’est pas une arme normale. En tout état de cause, l’Épée Flamboyante n’est pas une « arme de guerre ». C’est donc pour éviter toute confusion et mettre en valeur la puissance et la spécificité de l’Épée Flamboyante du Vénérable Maître que certaines Loges ont remplacé les épées des officiers par des couteaux, telles les armes dont sont équipés les gardiens de portes des tombes de la Vallée des Rois de l’Égypte ancienne.

Le thème de l’épée et du combat :

L’Épée a bien existé en tant qu’arme à un moment de l’histoire de la Franc-maçonnerie. En effet, si les nobles venaient en Loge avec leur épée, à certaines époques, c’est bien qu’il y avait un réel danger, justifiant un Couvreur gardant l’extérieur du Temple.

Le thème du combat existe également selon diverses sources traditionnelles :

- L’Ancien Testament présente couramment Dieu en prince guerrier, comme l’atteste l’expression « Seigneur des armées ». Champion de son peuple, Dieu l’est aussi de son roi, lorsque ce dernier lui demande son aide contre les ennemis : « Lève-toi, Seigneur, va à sa rencontre, terrasse-le, délivre mon âme du méchant. Avec ton glaive, tue-les de ta main, enlève-les du monde, arrache-les à la vie » (Psaume 16).

- Le Nouveau Testament est également empreint d’un symbolisme guerrier : le Christ est « l’imperator », l’Église est « triom-phante », les fidèles sont des « cohortes », la croix est un « étendard »… De même, on trouve dans l’Épître aux Romains « Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons les armes de Lumière » (13,12). Et bien que le Christ ait prêché pendant sa vie terrestre une religion de paix et d’amour, il ne faut pas oublier qu’il a dit dans l’Évangile : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive » (Mathieu, 10-34).

- En Inde, si certaines iconographies montrent une épée de flamme utilisée pour les initiations dans la tradition bouddhiste, on retrouve également « l’épée flamboyante » parmi les attributs de Vishnu en tant que symbole de la connaissance.

- Dans la Grèce ancienne, on représentait Apollon lançant des flèches solaires et Zeus foudroyant les Titans, ces symboles, rattachés au rayon solaire ou à l’éclair, n’étant pas sans rappeler l’épée flamboyante.

- En Égypte ancienne, l’un des sceptres de Pharaon, le hedj, présente de nombreux liens avec l’épée. Je développerai plus loin ce point à propos de l’énergie transmise par l’Épée Flamboyante.

Pour en revenir à cette notion d’épée comme arme de guerre qui transperce, tranche, pourfend, on peut s’étonner de sa présence dans un espace sacré comme nos Loges, a priori destiné à la paix, la concorde et l’harmonie. Il peut paraître contradictoire qu’une voie de sagesse spirituelle nécessite l’utilisation d’une arme. Cela nous conduit donc à penser que l’épée nous invite en premier lieu à abandonner une éventuelle vision « angélique », romantique ou utopique, et à considérer notamment l’être humain sous la totalité de ses aspects, des plus obscurs aux plus élevés.

L’Épée Flamboyante associée à la fonction du Vénérable Maître :

En fait, le rôle dévolu au Vénérable Maître est de créer l’espace sacré où pourra vivre l’initiation, et de préserver cet espace. À cette fin, le Vénérable Maître dispose de l’Épée Flamboyante pour transmettre l’énergie créatrice de l’Orient éternel. En effet, l’accomplissement de l’acte juste au moment juste, associé au maniement de l’Épée Flamboyante, est un attribut de la « fonction royale », à laquelle il revient de conduire l’œuvre initiatique.

Tchouang-Tseu, sage chinois de la fin du IVème siècle avant J\-C\, distinguait les armes qui éclairent de celles qui brisent. Pour lui, l’épée symbolique ne pourfend pas dans le sens d’une irréparable division.

Faite d’un fer céleste, elle tranche nos imperfections, neutralise nos associations mentales disharmonieuses, et permet de rester cohérent dans le combat. Ainsi, prendre le glaive en main revient-il à empoigner un rayon de lumière, harmoniser les faisceaux de lumière dispersés, faire croître les potentialités.

L’utilisation de l’épée introduirait donc dans la conscience un axe de lumière, une rectitude indispensable pour vivre l’initiation.

Le mot qui, traduit de l’Hébreu, qualifie la lame de « l’épée flamboyante » est le verbe « se tourner, changer ». Il s’agit donc d’une épée qui tourne toujours, qui s’agite, d’où son caractère flamboyant. En effet, cette racine hébraïque montre que l’épée flamboie parce qu’elle est feu elle-même et parce qu’elle réfléchit la lumière solaire. Le double tranchant de la lame a une double fonction : celle de porter le feu de la création pour donner vie à l’initié, mais aussi celle de trancher entre plusieurs choix possibles lorsque la vie de la Loge est impliquée.

L’Épée Flamboyante du Vénérable Maître est fortement liée au travail de création accompli dans le Temple à chaque Tenue. Sa présence à l’Orient témoigne du combat permanent mené par la Lumière pour apparaître et se manifester, combat dont le Vénérable Maître est un témoin et un acteur. Pour mieux comprendre ce principe, on peut se référer au texte de l’Apocalypse (I, 19) qui nous dit que « l’épée effilée sort de la bouche du Christ et participe du combat de la Lumière et des Ténèbres ». On comprend ainsi que l’épée est en rapport avec le Verbe et on perçoit sa fonction symbolique lors de la Tenue rituelle : par l’usage du Verbe, l’ignorance est repoussée et l’acte de création est mis en œuvre. La canne du Maître des Cérémonies (que les anciens égyptiens appelaient « bâton de Lumière ») et l’épée de l’Expert vont déployer dans le Temple l’énergie du Verbe issue de l’Orient et transmise par l’Épée Flamboyante. Le Verbe va ainsi « voyager » et l’on peut donc dire que l’Épée Flamboyante du Vénérable Maître a transmis l’énergie du Verbe créateur.

Pour illustrer ce principe de transmission d’énergie, on peut se reporter au temps de l’Égypte ancienne et faire un parallèle avec l’un des sceptres de Pharaon, la « massue illuminatrice » appelée hedj, qui présente de nombreux liens avec l’Épée Flamboyante. En effet, Pharaon utilisait la massue pour mettre de l’ordre à la place du désordre par le biais d’une illumination. Diverses scènes représentant des combats sur des bas-reliefs, notamment l’illumination des ennemis, mettent en valeur ce rôle du sceptre hedj. À en juger par leur expression de béatitude, leur sourire, leur posture rituelle exprimant la joie, leur aspect bienheureux, les « ennemis », dominés par Pharaon, ne sont pas dans l’effroi d’un redoutable coup de massue brandie par lui au-dessus de leurs têtes, mais semblent plutôt bénéficier des bienfaits d’une illumination. De même, le visage de Pharaon exprime tout autre chose que l’ardeur de la violence physique.

Il faut donc bien reconnaître que les éléments de ces scènes de combat ne représentent pas une scène guerrière classique où un vainqueur écrase un vaincu avec cruauté : en réalité, l’illumination des « ennemis » est une transmission de « nature amoureuse ».

On peut donc considérer que l’Épée Flamboyante a récupéré une partie des fonctions du sceptre hedj : elle est bien le sceptre d’illumination de l’Égypte ancienne, dont le symbole est antérieur à celui de la Bible. Ainsi, de même que la massue hedj transmutait les ennemis de la Lumière en adeptes de la Lumière, on peut considérer que, lors d’une initiation maçonnique, il s’agit bien d’illuminer la puissance d’un être, d’illuminer son énergie créatrice, ce qui revient à agir pour le rendre utile et le mettre au service de la transmission de la Lumière.

La transmission de la Lumière lors de l’Initiation :

Le moment de la « création » de l’initié est un moment solennel au cours duquel le Vénérable Maître appose son Épée Flamboyante sur la tête de l’impétrant et prononce une phrase rituelle qui n’est pas anodine. Il se produit, à ce moment, en réalité, une sorte d’échange de vie entre l’initiation et l’être qui s’offre comme support de sa transmission. Cette transmission de l’initiation par l’Épée Flamboyante se passe dans un espace et un temps sacralisés où le Vénérable Maître réalise une œuvre de création. Il crée, en effet, un être capable, potentiellement, de participer à la construction du Temple. On peut ajouter qu’une telle création est également une transmission : celle d’une vie d’une autre nature que la vie terrestre, c’est-à-dire la vie initiatique ou vie en esprit.

De même que dans la scène décrite précédemment de Pharaon où les « ennemis » sont agenouillés, le nouvel initié, qui adopte la même position, est illuminé. On peut dire que la transmission de l’initiation se fait alors par cette illumination et, donc, par l’introduction de ce nouvel être, une puissance arrive et vient troubler l’ordre et la paix du Temple.

On voit donc que lors de la cérémonie d’initiation, qui est le passage d’un être humain au grade d’Apprenti, l’Épée Flamboyante constitue le premier « trait d’union » entre l’Orient et le nouveau Frère. À cet égard, on pourrait rajouter qu’il y a eu transmission de la Lumière reçue des ancêtres, c’est-à-dire des anciens passés à l’Orient éternel. Et, à son tour, l’initié, devenu fils de la Lumière, et ayant reçu le nom de Frère, est mis lui-même en capacité de transmettre cette Lumière reçue. À cette fin, il reçoit un « équipement » pour se mettre en chemin dans la voie des grades (Apprenti, Compagnon, puis Maître). C’est ainsi que, dépositaire d’une connaissance, témoin de la Lumière, l’initié a le devoir de transmettre. On voit donc bien que pour que cette transmission intervienne, il faut un « passeur » qui agit pour transmettre le Verbe, Verbe qui porte en son sein la Lumière : c’est le Vénérable Maître qui assure cette mission et c’est l’Épée Flamboyante qu’il tient dans sa main qui transmet l’initiation.

Il est néanmoins fondamental de se rappeler une réalité essentielle : la transmission initiatique ne dépend pas de celui qui la transmet, car « celui-ci » n’est pas un individu, mais une fonction, celle de Vénérable Maître, qui tient ce pouvoir de la hiérarchie qui donne vie à la Loge, la rend « juste et parfaite », et donc en capacité de transmettre l’initiation. Et l’Épée Flamboyante est précisément là pour nous rappeler que c’est une fonction qui transmet, et non pas une individualité quelle qu’elle soit.

La transmission initiatique n’est donc pas de nature humaine. L’Épée Flamboyante donne la Vie, cette Vie qui prend corps dans la Loge par la communion des êtres qui la constituent. Cependant, si tout Frère, à quelque place qu’il se trouve, est responsable de cette communion initiatique par laquelle se transmet la Lumière, il faut bien qu’il y en ait un qui assume la fonction suprême de Vénérable Maître.

Conclusion :

La Lumière de l’Orient est la Lumière de l’origine. Lumière dont l’apparition du soleil est chaque jour la manifestation. Selon l’Égypte ancienne, cette Lumière est qui symbolise le triomphe du soleil, dans son lever, sur toutes les forces hostiles. Les épreuves de la nuit ont été vaincues, et l’arme qui manifeste ce triomphe est l’Épée Flamboyante, gardienne de cette Lumière.

Lors de l’initiation, transmise par l’Épée Flamboyante, il est ainsi fait don à l’initié de la source d’où tout provient et de la possibilité d’en tirer une force issue de ce feu irradiant. Tout au long de sa vie initiatique, le Frère initié va donc s’en nourrir et pourra agir pour le bien de tous.

L’initiation est l’acte créateur fondamental, l’acte premier, et, symboliquement, il n’y a pas de différence entre la création à l’origine du monde et la « création » d’un initié.

À l’Orient, le Vénérable Maître est au contact du foyer énergétique originel et réalise une intercession avec le Divin. Et, lorsqu’il pose l’Épée Flamboyante sur la tête du novice en prononçant la parole rituelle : « Je te crée… », il accomplit le devoir majeur de sa fonction : LA TRANSMISSION DE LA LUMIÈRE…et l’initié deviendra porteur de cette Lumière.

J’ai dit, V\ M\

J\-M\ G\


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