Obédience : NC Loge : NC Date : NC

 

Moabon

J’ai souhaité vous entretenir de Moabon pour tenter de vous faire partager ce que le souffle de sa transmission a éveillé en moi, ce vers quoi il guide encore ma quête. Je vis avec, nous vivons avec Moabon à chacune de nos tenues et, assises, bien droites, nos mains posées sur les lettres M\B\, ce mot résonne en chacune de nous.

Moabon est le mot sacré qui nous est donné quand la mort est constatée, que « la chair quitte les os »,  que « tout est désuni ». Autrement dit, quand tout est désarticulé. Mais si le grain ne meurt, il ne peut donner de fruit, et, Moabon est la putréfaction nécessaire, l’espérance d’une vie nouvelle. La chair doit pourrir, il ne doit rester que l’os, et la moëlle dans l’os, la quintessence. Cette Quinte-Essence, la partie la plus subtile, est sans doute ce qui ne meurt pas.

Hiram se sacrifie. Il meurt sous les coups de 3 mauvais compagnons à qui il refuse de communiquer le « Mot Sacré des Maîtres », vade-mecum de la Connaissance. La vie lui est ôtée par les outils qui servent à la construction du Temple et sa dépouille git symboliquement au « centre de la Loge », au centre du cercle là où se trouve justement le SOI, l’essence de la récipiendaire, son MOI gisant sur le pavé mosaïque.

Hiram tombe sous les coups de 3 félons corrompus, ambitieux, fanatiques et ignorants, et  seules 3 VM peuvent relever sa dépouille : la T\R\M\ aidée par les 2 VSS. Et c’est lors de ce relèvement que le Mot Sacré Moabon qui se substitue à celui qui s’est éteint avec Hiram est transmis, donné dans un souffle, mais ce n’est qu’une substitution.

Le Mot de Maître est perdu, la Connaissance est perdue. Ce qui est perdu rappelle la puissance initiale du verbe au commencement de la Genèse, la parole créatrice, qui était l’attribut de l’homme primordial, lequel en nommant une chose lui donnait vie.

Les mots substitués donnent le sens de ce qui a été perdu car c’est la manifestation de l’absence de cette parole, le signe de quelque chose d’invisible ou d’incommunicable. La substitution se réfère alors à l’essentiel et nous renvoie à un ailleurs, un au-delà qui appartient à l’esprit, à une dimension sacrée, aux secrets véritables de la MM, à la recherche de la Vérité, de ma Vérité.

Moabon c’est le Mot Sacré donné à l’oreille, dans un Souffle puissant, lors du relèvement de notre dépouille. C’est en tout cas ainsi que ce mot sacré m’a été transmis, dans un Souffle puissant, cœur contre cœur, corps contre corps, après avoir été relevée par les 5 points de la maitrise.

L’instant, ainsi que la manière dont se déroule le relèvement sont particulièrement importants pour imprégner notre corps et notre esprit, mais aussi notre âme et matérialiser ainsi la nécessaire élévation de notre Conscience, en nous permettant d’intégrer toute la relativité de notre savoir, et la conscience que le travail de perfectionnement de soi doit se poursuivre sans cesse, pour se libérer totalement de tout superficiel intérieur.

A ce moment, « Le contraire de la mort ce n’est pas la vie mais la naissance ! »  (Podzarnik)

C’est à ce moment-là, devenue MM que je quitte l’errance pour entrer dans la quête, que je deviens la seule architecte de mon Temple Intérieur.  Le compas est sur l’équerre, l’esprit domine la matière. Il va me falloir utiliser ces outils, la règle et la planche à tracer pour envisager « le Cercle mystérieux » et réaliser un tracé le plus juste possible « le Compas, placé au-dessus de l’Equerre, les deux pointes découvertes, prêt à tracer le Cercle mystérieux » nous dit le Rituel.

Je dois alors appréhender un autre plan, en quête d’absolu, passer du plan horizontal (la matière) au plan vertical (l’immatériel, le spirituel) et devenir symboliquement le centre du cercle. Il me faudra toutefois continuer à polir cet Etre dont je devrai gommer encore et encore l’ego, afin d’extraire l’essence, cette quintessence d’une Véritable Unité qu’il nous appartient de transmettre… en fonction de chacune, comme peuvent d’ailleurs nous le faire penser la délivrance « des secrets véritables de la MM ».

L’Apprentie se coupe la gorge, véhicule de la nourriture et  organe de la parole. Elle apprend les vertus du silence, la retenue et la prudence verbale.

La Compagnonne s’arrache le cœur, elle se libère de l’esclavage charnel et sentimental, en vue d’atteindre un équilibre émotionnel.

La Maîtresse enfin se coupe le ventre. La tête doit dominer l’affect et celui-ci doit dominer le ventre, symbole de tous les appétits terrestres et de toutes les passions inférieures. Une Maîtresse doit, devrait savoir, se dominer entièrement et sans effort, et surtout en toute humilité. Finalement, l’initiation n’est-elle pas une bataille incessante contre nos ténèbres, nos mauvais compagnons ?

Moabon !

Ne serait-ce pas aussi l’illustration du Solve Coagula alchimique ? L’œuvre au rouge en phase finale ? La Transmutation réussie ? Non, pas encore, il s’agit simplement d’une Transmutation encore et toujours intermédiaire et il nous appartient d’entretenir l’Athanor et de surveiller attentivement les différentes étapes de réalisation.

De cet état de putréfaction comme il était déjà évoqué symboliquement par le crâne dans le cabinet de réflexion, et qui participe à la réalisation du grand œuvre,  il reste le squelette et dans ce squelette la moëlle, la substantifique moëlle selon Rabelais (il faut rompre l’os et sucer la moëlle selon lui), Marrow in the bone, Moabon, fils de la putréfaction ou fils du père, sève nécessaire à la restauration de l’être. Car c’est bien dans les couches les plus profondes de soi qu’il faut puiser pour rassembler, sans s’égarer, ce qui est épars.

Renaissance, résurrection. Telle la résurrection du Christ et ce qu’elle symbolise pour moi en tant que Maçonne (la renaissance en l’autre, une transsubstantiation : un passage de la nourriture matérielle à la nourriture spirituelle, la résonance de partage et d’Amour).

Dans la multiple signification du mythe, nous sommes Hiram, mais nous tuons Hiram, nous nous tuons, et nous nous relevons en tant qu’Hiram « plus radieux que jamais ». Et tuant Hiram, nous nous tuons, nous tuons notre maître et notre père, nous n'avons plus de père, nous sommes vraiment les enfants d'une veuve, dans la Chambre du Milieu, notre mère, l’utérus de notre mère, l’athanor où se prépare le Grand Oeuvre.

Ces morts ne sont pas destruction mais métamorphose, sans finitude, afin que chacune, dans sa quête, puisse trouver comment participer à l’écriture de la suite, et en transmettant.

Et pourquoi Moabon, pourquoi les mots substitués ? Pour signifier l’absence de ce qui a été perdu ? Mot perdu et mot(s) substitué(s) sont indissociables car la mort d’Hiram symbolise essentiellement la perte de l’unité originelle.  Mais, la Connaissance ne peut être qu’individuelle, intime, et forcément incommunicable. Le langage, l'intellect, la parole ne peuvent rendre compte de la Connaissance. La parole est perdue, mais perdre la parole, c'est quitter le domaine de l'intellect pour entrer dans celui de l'Etre.

C’est en se taisant sur ce qui de toute façon n'est guère communicable, que le cheminement intérieur est mieux mené je crois. Les secrets ne peuvent qu’être transmis progressivement : en Apprentie nous épelons, puis au grade de Compagnonne nous donnons un mot de passe au risque de mal le prononcer. Enfin au 3ème degré nous utilisons un mot de passe et un mot de Maître, et nous nous mettons en quête jusqu’à ce qui a été perdu soit retrouvé.

Et d’ailleurs, à quoi travaille la MM ? Le rituel nous le dit : «  La MM travaille à chercher ce qui a été perdu, à rassembler ce qui est épars, et à répandre la lumière, là où la MM espère retrouver les secrets véritables, au centre du cercle, là où elle ne risque plus de s’égarer. ».

Le sens de notre quête est de nous élever, de transformer la Dualité Esprit-Matière en Unité, là où se situe notre Temple Intérieur, notre Moi profond, notre SOI, notre conscience, notre Cœur.

Il m’importe pour terminer de revenir à la transmission dans un souffle puissant qui m’habite encore aujourd’hui. En effet, ce Souffle est « créateur », il est le passage, il porte la vie, la force, il donne naissance, il libère la substantifique moëlle.

Moabon nous intime à naître de la putréfaction, à vivre la mort de nos passions,  pour qu’il y ait enfin une régénération dans un être nouveau, spiritualisé, communiant dans une nouvelle chaîne d’union, qui se perpétue dans un idéal partagé, formée d’un grand « Nous » au lieu de plein de petits « Je ».

Moabon nous invite à la conquête sincère et humble de notre SOI, à nous élever, à rassembler ce qui est épars, à nous mettre en quête de notre Vérité, et à ne pas nous égarer. Et à transmettre.

Alain dit que « toute vérité devient fausse au moment où l'on s'en contente ».

Et pour Saint Augustin « Le mystère n’est pas ce que l’on ne peut pas comprendre, mais ce que l’on n’aura jamais fini de comprendre ».

Amour et Connaissance sont ainsi l’Immortelle Espérance et le but de ma quête, Vénérables Maîtresses.

J’ai dit.

T\R\M\

N\ D\


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