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    Le Tablier, les Gants, le Ventre

C’est certainement dans cette réflexion sur le tablier et les gants, sujets qui m’inspiraient très peu, et dont la banalité semblait évidente, que j’ai pu juger de la puissance de la démarche symbolique : le tablier est loin d’être banal, les gants ne le sont point non plus, et créer du lien par l’analogie (fondement de la méthode symbolique) est possible avec tout...

Le tablier et les gants sont des marques, des signes, un uniforme, imposés et obligatoires… Pourquoi ? Pourquoi sont-ils aussi importants ? De sorte qu’un maçon sans tablier ne peut être autorisé à travailler en loge (tout au moins en loge bleue).

Au-delà des idées convenues et banales qui surgissent immédiatement : le tablier et les gants sont les outils indispensables au maçon opératif, et les deux préservent des accidents du travail, je tenterai d’étudier le tablier au travers de cinq domaines: Le Symbolique, le Temporel, Le Géométrique, Le Spatial, puis l’étude de la symbolique des gants, et terminerai en utilisant l’analyse par la Couleur, qui sera identique pour les deux, et servira ainsi d’appui à la conclusion prospective.

Analyse symbolique :

Le tablier blanc, outil vierge, marque et manifestation de la F\ M\, sans lequel on ne rentre pas dans le lieu du travail, a été remis à l’apprenti en signe de la nécessité d’accomplir proprement sa tâche, comme le font les bons ouvriers, tandis que la bavette, triangle dirigé vers le haut, indique l’idéal à atteindre.

Le tablier est une plage de travail, vierge au départ, à laquelle seront apportés, peu à peu, des éléments complémentaires, des signes et des symboles, devenus accessibles et indispensables à la bonne réalisation de l’ouvrage.

Il est également l’un des outils de ce travail, protégeant le travailleur des remous intérieurs et extérieurs, (Ventre = demeure du serpent/intestin = ésotérisme : (L’adjectif grec « ésotérique », έσωτερικóς / ésôteriκós, vient du grec ancien ἐσώτερoς / esôteros, qui signifie « intérieur »). L’un des jurons les plus significatifs qui nous est parvenu du moyen âge est « ventre saint gris », peut être déformation de « ventre du saint esprit », transformé lui-même en « ventre saint bleu », afin d’éviter le blasphème.

Le petit Chaperon Rouge, (qui n’avait hélas pas de tablier rouge), est avalé au cours de sa quête par le ventre du Loup, tandis que les Bouddhas ont un ventre rebondi, symbole de richesse intérieure, et qu’en Inde et en Chine, le ventre est le siège de l’âme…

Les indiens d’Amérique y voyaient un second cerveau, par la similitude entre les circonvolutions intestinales et cérébrales. La science moderne découvre que des milliers de neurones sont situés dans le ventre. C’est en tous cas, un lieu de transformation.

Le ventre est, en tous lieux et en tous temps, le moteur des actions humaines, diffusant énergies vitales, sexuelles, et émotions. Le tablier préserve ce centre vital et évite l’intrusion désordonnée des sentiments dans l’espace partagé avec d’autres travailleurs, le moment du travail n’ayant pas vocation à utiliser des pulsions incontrôlées.

Nous pouvons également penser que le ventre, représentant le monde profane et ses passions est sacralisé par le tablier, en récupérant un sens mythologique : Le ventre, au sens psychologique, devient le porteur d’une bétyle, pierre sacrée figurant par exemple dans le mausolée de la Mecque, qui est une météorite, dans laquelle les anciens voyaient la manifestation d'une divinité tombée du ciel.

« Mythologie

Selon la cosmogonie de la religion grecque antique, Zeus aurait lâché deux aigles des points extrêmes oriental et occidental du monde. Au point où ils se rencontrèrent, Zeus aurait laissé tomber l’omphalos, marquant ainsi le centre, le « nombril du monde ». Cette légende a été interprétée par les astronomes comme faisant peut-être référence à la chute d’une météorite de forme conique, devenue « pierre sacrée » et présentée enveloppée d’un tissu, comme le montre la copie romaine présentée dans le Musée de Delphes. L’original disparu était en outre surmonté de deux aigles en or. Selon la légende, l’omphalos serait une pierre substituée à Zeus nouveau-né, et avalée par Cronos. Elle symbolise ainsi la naissance de Zeus et sa puissance. Si la pierre était enveloppée d’un tissage, c’est parce que dans la théogonie grecque, Cronos, ayant appris qu’un jour l’un de ses fils le détrônerait, exigea de sa femme Rhéa qu’elle lui livre chaque nouveau-né, qu’il engloutissait aussitôt. Elle réussit à éviter ce sort à son sixième enfant en lui substituant une pierre enveloppée d’un linge. Plus tard, devenu adulte, Zeus, aidé de sa grand-mère Gaïa, força son père à dégorger la pierre et les enfants précédemment avalés, qui devinrent les dieux de l’Olympe.

Plusieurs omphalos furent érigés durant l'antiquité à travers le bassin méditerranéen mais le plus célèbre est celui de l’oracle de Delphes, directement placé dans l’adyton du temple oraculaire d’Apollon. La tradition situait sous l’omphalos la tombe du Python vaincu par Apollon ».

Nous retrouvons ce sens de pièce sacrée dans le mythe de Jonas, où le ventre de la baleine tient, au sens propre, un rôle de médiateur vers une autre vie. Jonas est l’un des douze « petits prophètes » de la bible, personnage récurrent des mythologies juives (en hébreu, son nom peut être traduit par « colombe »), aussi bien que des mythologies musulmanes et chrétiennes. Jonas a été puni par Dieu pour lui avoir désobéi, mais il été pardonné, de sorte qu’une baleine l’avale dans son ventre, puis le recrache 3 jours après.

Ce « voyage » de Jonas, pierre (omphalos) avalée par un poisson monstre, est une mort à l’extérieur de soi-même, et est aussi un centrage, suivi d’une résurrection vers l’amour et la paix. Cette saynète du panthéon chrétien précède et annonce le christ : le dieu vengeur de l’ancien testament s’est incarné en un symbole d’amour et de miséricorde au travers de la symbolique de la mort et de la résurrection de Jonas, à l’intérieur du ventre de la baleine.

Le tablier est là, au cœur de ces légendes, de ces passions, de ces violences, ainsi qu’un rempart, une porte sur des horizons mythiques qu’il permettra d’aborder en sécurité.

Analyse temporelle :

Le tablier sépare vie profane et vie du bâtisseur d’idéal qu’est le maçon. C’est le « signe » du passage dans un autre moment de son temps.

Analyse spatiale :

Il est la barrière matérielle entre le « soi » et le collectif de la loge. Les murs, les cloisons et les placards intérieurs, qui empêchaient l’individu de vivre sa vraie vie, peuvent s’écrouler : aucune poussière, aucun bruit, aucun gravât ne peuvent ainsi atteindre l’assemblée, de même que les salissures et les éclats extérieurs ne pourront attenter à l’intégrité corporelle et émotionnelle de celui qui porte un tablier.

Analyse Géométrique : 5 triangles reliés entre eux forment le tablier et sa bavette : si l’on conçoit que ce sont des « triangles de Pascal », où l’on inscrit des carrés à l’intérieur de la forme du triangle rectangle, où l’on inscrit un chiffre dans chaque carré, de sorte qu’en additionnant les colonnes, l’on aboutisse à l’écriture de la suite de Fibonacci : , on perçoit alors la beauté de cette forme. L’apprenti a reçu en initiation les 4 éléments... Il se doit de relier les éléments qui lui ont été donnés, devenant son propre 5ème élément, trouvant ainsi son équilibre, tels les chiffres qui trouvent leur beauté et leur vérité dans cette suite de Fibonacci.

Les Gants

Ils étaient procurés au Maçon Opératif dès le 14ème siècle, à chaque ouverture de nouveaux chantiers.

La mention la plus ancienne de gants dans les loges maçonniques remonte en 1599, en Angleterre. Les nouveaux candidats devaient fournir des Gants et un Tablier à chacun des membres de la loge. Ce qui en interdisait l’accès aux peu fortunés…

Les gants blancs peuvent remplacer les ablutions qui précédaient tous les actes sacrés dans diverses religions.

Les mains, et plus particulièrement les doigts et leurs empreintes digitales sont LE signe de l’Homme. C’est l’outil idéal, la partie du corps que l’on partage le plus facilement avec d’autres (serrer la main), C’est l’outil de la reconnaissance de l’autre (le politicien serre des mains à l’infini en signe de reconnaissance et d’amitié).

C’est aussi l’outil de la reprise en mains de la société sur l’individu malfaisant « pris la main dans le sac ».

C’est l’outil de transmission de signes, d’émotions et de flux énergétiques :Une poignée de mains chaleureuse, virile, amicale, etc.., l’Outil du Magnétiseur est sa main, qui transmet l’énergie vibratoire de l’univers à celui qui en a besoin.

Demander la main de la femme que l’on souhaite retrouver à ses côtés durant toute une vie est certainement l’un des moments d’émotion humaine les plus importants d’une vie.

2 mains, bras tendus, forment un pont entre 2 individus.

En matière artistique, La main bat la mesure, tient le pinceau ou la plume, crée des formes dans l’argile, Plus prosaïquement, la main pétrit le pain, tient la main des enfants.

Cette main est donc le signal de la relation au monde, aux nourritures, aux autres, à la société.

Ces aspects-là de la main n’ont que faire en loge. Il est tout à fait cohérent de couvrir cet outil d’une protection, et permettre ainsi l’introspection individuelle, objet principal du travail en loge maçonnique.

Analyse par la couleur :

Blanc = symbolisme de la recherche du grand œuvre : l’œuvre au blanc ou spiritualisation du corps. C’est la seconde étape de la transmutation. Cela participe du cosmos et de l’individu. « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».

D'un point de vue physique, le blanc est la synthèse chromatique de toutes les longueurs d'onde visibles. Ce qui explique sans doute le sens qu'on lui accorde en Occident : celui de l'unité, de la sérénité, de l'équilibre. Toujours en Occident, le blanc est lié au mariage, à la pureté, à la virginité, au renouveau, à la perfection et au divin (robe de mariée, de baptême, vêtement papal).

En Chine, il est le symbole de la dernière initiation : celle du départ vers une autre voie. C’est la couleur du deuil, mais aussi de la sérénité et du sentiment Humain d’appartenir à un seul et même destin.

Les expériences de mort imminente ou EMI montrent généralement un long tunnel blanc qui apporte joie et sérénité. Et sans doute cette expérience est-elle identique quel que soit l’âge où cette EMI se produit, y compris immédiatement après la naissance. Ensuite, ces personnes aiment le blanc et n’ont pas de peur irraisonnée de la mort.

Au travers de diverses expressions usuelles, l’on peut également progresser dans l’analyse du ressenti que procure le blanc :

Blanc comme une page blanche : où tout est à écrire.
Blanc comme une voile qui nous aidera à avancer.
Un blanc = un vide dans la conversation, un silence, une absence de communication. L’Apprenti au tablier blanc est aussi l’apprenti vivant son silence. Est-ce un moment de vide, d’absence de communication ?

L’Apprenti oublie la parole, dans ce moment « blanc » de sa vie, pour pouvoir entrer corporellement dans un monde différent. Après le « cabinet noir » ou Cabinet de réflexion, l’autre étape est ce « blanc », ce vide, cette absence, cette pause, mais aussi cette harmonie possible avec toutes les autres couleurs.

Faut-il remplir ce vide ? Est-ce une respiration nécessaire pour arriver à la maturation ? Ou bien est-ce le signe d’un « splendide isolement » continué, qui ne fait que conforter l’individu dans ses habitudes mentales de solitaire heureux ou soulagé de l’être ? Ou bien est-ce le signe de la main tendue vers l’Univers, ce vide (= blanc) qui n’en est pas un...

A\ O\


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