GLNF Loge : Nicolas Dalayrac - Orient de La Réunion 12/10/2009


Les Trois Mauvais Compagnons


Les « mauvais compagnons » … Ignorance, Fanatisme et Ambition. Ils sont présents en chacun d’entre nous bien qu’à des degrés divers comme des images bien visibles de nos imperfections. Visibles surtout pour les autres car nous avons rarement la pleine conscience de nos travers bien que cette conscience s’affine avec le temps et le regard des autres. Si tant est que nous l’ayons, nous choisissons souvent de les ignorer ou plus confortablement de les nier. En cela, je suis bien un humain normal. Ou en suis-je donc aujourd’hui moi-même dans ma coexistence avec ces trois mauvais compagnons ?

Dans la légende, ce furent trois d’entre eux qui fomentèrent et accomplirent l’assassinat du Maitre Hiram. Ces trois « mauvais compagnons » sont aussi symboliquement représentés par les trois principaux officiers de la Loge. Faire de ces trois officiers de la Loge les images des trois mauvais compagnons montre que ces imperfections sont présentes non seulement en chacun d’entre nous mais aussi jusque parmi les meilleurs d’entre nous. La révélation de la cérémonie d’élévation qui frappe le nouveau maître comme la surprise la plus énorme que l’on pouvait lui faire à ce moment … Les ennemis de la maçonnerie sont des nôtres, ils sont parmi nous. Les meilleurs, ceux à qui aucun ni personne n’aurait pensé sont ceux dont il doit se méfier le plus. Le danger est d’autant plus grand qu’il vient de plus haut. Cela sonne comme une mise en garde sur le danger de se laisser conduire sans garder son jugement et son libre arbitre.

Mais ils sont aussi présents dans ce que je pense être le meilleur de moi-même et n’attendent qu’une occasion pour me frapper comme ils ont frappé le Maitre Hiram pour obscurcir mon esprit et inhiber mon action. Le danger est d’autant plus grand qu’il vient de ce que j’ai de ma plus intime conviction.

Bien ignorant qu’il était, le premier des mauvais compagnons n’avait aucun doute sur ses capacités à accéder au grade de Maitre. Alors qu’il à la lourde responsabilité des premiers pas des Apprentis de la Loge, le Second Surveillant devrait être versé dans l’interprétation des symboles et des allégories et la connaissance des règles et traditions de notre Ordre mais est parfois bien ignorant de celles-ci tout galvanisé qu’il est de son rôle de « sachant », une ignorance bien préjudiciable à ces nouveaux Maçons dont il a la charge.

Nous sommes tous à un moment ou un autre le second surveillant de quelqu’un et je suis à bien des moments confronté à ce même danger et tombe dans ce même travers. Le savoir est souvent stérile s’il n’est pas complété par cette intuition que l’on nomme parfois le sixième sens et qui donne à la recherche une nouvelle direction non apparente au début de la réflexion et qui le fera progresser mais l’ignorance, la vraie est celle du cœur et non de l’esprit. Transformer l’ignorance en connaissance part la maitrise des émotions devrait me permettre de progresser sur la connaissance de la réalité non matérielle du monde, celle qui se voit avec les yeux du cœur. Je vois plus facilement le mal que j’ai à fait que le bien que je pourrais faire mais plus je me rapproche des autres plus j’ai envie de le faire.

Le compagnon fanatique en Loge, c’est symboliquement le Premier Surveillant qui peut imposer l’absence de critiques de certains sujets, poussé par ses certitudes dont il refusera qu’elles soient questionnées. Le Premier Surveillant à la lourde tâche de veiller aux Compagnons, ceux-là mêmes à qui notre rituel à donné le droit de s’écarter de la ligne droite et d’explorer le monde autour d’eux. Les premiers à qui une transgression est permise comme le moyen d’acquérir la connaissance. Par fanatisme, le Premier Surveillant pourra négliger la responsabilité qu’il a d’encourager ses compagnons à explorer le monde et d’en questionner le sens.

Le fanatique, n’écoute que lui et se referme sur lui-même rejetant les opinions des autres mais aussi s’abstenant de questionner en permanence sa propre conviction en rejetant toute critique. Comme Maçon dont l’un des devoirs est d’être toujours entre l’équerre et le compas, entre la sagesse et la justice, cela n’est possible que par la tolérance. J’ai fais le pas de côté du compagnon, j’ai pris des risques, transgressé la règle, me mettant par là en danger dans cette reconstruction de moi que j’ai décidé d’entreprendre. Tous les acquis personnels sont mis constamment en danger et l’un d’entre eux est de ne plus questionner mes certitudes.

Le troisième mauvais compagnon, poussé par son ambition, ne recula pas devant l’assassinat du Maitre pour acquérir un plus haut statut. Il est symbolisé en Loge par le Vénérable Maître, sujet bien naturel de l’ambition, maintenant qu’il est enfin parvenu à ce poste où son autorité ne peut être mise en cause.

L’ambition, souvent personnelle, est ou nait en soi et pour soi mais elle peut aussi prendre aussi une forme plus insidieuse et se manifestant à travers un groupe. Cette ambition est plus perverse car moins visiblement affichée. Pour l’ambitieux, elle prendra les apparences d’un abandon de soi au nom du bien du plus grand nombre. Combien de tyrans auront accepté « en toute modestie » d’assurer une responsabilité suprême en ayant eu grand soin de faire en sorte que ce soit le choix du groupe ? Et dans ce cas, est-ce par fanatisme ou ignorance que les membres du groupe auront cautionné cette démarche ou est-ce parce qu’ils auront développé une ambition collective ? Avec prudence et sagesse dans leur action - car il y a des ambitions légitimes - les membres du groupe devront avoir soin d’extirper ce mal qui pourra compromettre la survie même de l’ensemble.

L’ambition de faire le bien autour de moi peut me sembler légitime, lorsque je crois faire le bien ce ne l’est pas nécessairement vu à travers le regard des autres. L’ambition reste ambiguë et même celle que je pense bénéfique pourra se révéler porteuse de germes pervers pour moi ou pour les autres.
                 
Le but avoué de la Maçonnerie est « d’éclairer les hommes pour les rendre meilleurs » et j’ai, par choix personnel, entrepris de parcourir le chemin initialement ardu de l’amélioration continue de mon Moi. Dans ma quête vers un état de spiritualité toujours plus élevé, si j’essaie maintenant de « tresser des couronnes pour la vertu et forger des chaines pour le vice », il m’est apparu rapidement que ceci est chose infiniment plus laborieuse à mettre en œuvre que mon instruction du premier degré aurait pu me le laisser croire.

Au deuxième degré, Il me fut enseigné d’acquérir la connaissance de mon Moi et de la corriger par le ciseau de la morale, une morale non profane que cette connaissance me fait percevoir de plus en plus clairement. Mais l’allégorie de la légende d’Hiram qui me fut contée lors de mon l’élévation, me montra quels périls pouvaient menacer celui qui y était parvenu.

A chaque pas, à chaque palier franchi, alors que j’entre plus profondément en résonnance avec le cosmos et son créateur, la réalisation de cette fusion toujours plus complète me soutient et me conforte dans ma quête. Elle génère en moi une sérénité qui me fait continuer ma route avec la joie de celui qui cherche et parfois trouve des réponses qui me satisfont.

Mon subconscient me fait parfois ressentir une dualité de mon Moi par la conscience qui me parait innée que j’ai du bien et du mal. Il me semble être constitué de deux parts qui cohabitent tant bien que mal ; l’une brute, sombre, introvertie et égoïste que j’appellerais mon Ego et l’autre, polie, radieuse, extrovertie et altruiste que je nommerais mon Etre Spirituel.

Je me suis demandé si mon but ultime est de les faire coexister dans un équilibre naturel ou si le devenir des représentants de l’espèce humaine verra la mort de l’Ego pour ne garder que l’Etre. Chaque être humain qui veut s’améliorer doit-il trouver pour les supprimer les mauvais compagnons qui existent en lui ?

Je crois aujourd’hui que mon Ego m’a été donné par le Créateur lui-même afin que je puisse l’intégrer, l’utiliser à me construire comme un Etre complet. Une lumière ne peut briller de toute sa splendeur que dans l’obscurité et à besoin d’elle pour exister et être perçue. Le bien et le mal que je porte devront de fondre et se transmuter en autre chose, mon Moi complet. Mon Etre spirituel à besoin de mon Ego pour se construire par sa dissolution et sa transformation, mais cette dualité, même devenue ternaire lorsque j’aurai rassemblé ce qui est épars si tant est que j’y parvienne, restera soumise à l’interaction que j’ai à tout moment avec mes semblables.

Pierre Teilhard de Chardin a dépassé la notion d’égrégore pour imaginer celle bien plus large de noosphère, un état de conscience collective donnée à la biosphère « pensante » de notre Terre, un état auquel chacun d’entre nous participerait en s’y intégrant au fur et a mesure de notre progression vers l’Infini. Apporter ma pierre à cet édifice est pour moi une ambition bien légitime.

Je m’emploie à transmuter mes mauvais compagnons en changeant mon ignorance en connaissance, mon fanatisme en tolérance et mon ambition personnelle et égoïste en ambition pour la société humaine. Certes, le danger dans ce travail immense viendra non seulement sournoisement des plus insoupçonnés, des plus insoupçonnables autour de moi mais aussi du plus profond de moi. Tout comme le G\A\D\L\U\ vu le Diable sur son chantier, j’aurai à affronter le mien dans la construction de mon Moi. Moi aussi je suis en chantier et là, j’en suis l’architecte. La sagesse de plus en plus profonde que mon parcours m’apporte doucement devra m’aider dans cette tâche difficile de composer avec ces « mauvais compagnons » dans la tâche.

Je me suis fixé comme but d’avancer sur le chemin de la construction de mon temple intérieur. Un jour peut-être pourrais-je faire abstraction d’une réflexion dans cette démarche. Ainsi que le dit le Dalaï-lama, je jugerai de mon succès dans cette tâche à ce que j’aurai du abandonner pour l’obtenir car ce que j’ai à abandonner est mon individualité dans la réalisation de l’ultime Unité. Pour moi, le G\A\D\L\U\ est l’égrégore ultime, la noosphère à l’échelle de l’Univers construite à partir de sa création et entretenue par cette énergie de dimension cosmique qui est l’amour.

Ma progression vers l’Omega de l’univers est de plus en plus lente et les paliers de plus en plus petits. Je ne le toucherai probablement jamais, du moins dans cette vie, mais malgré cela, cette marche vers cet Infini qui m’à créé reste soumise à un élan qui me vient du cœur. En m’élevant dans la spiritualité, je perçois de plus en plus consciemment une transcendance de mon Etre qui me fait entrevoir cet absolu cosmique vers lequel j’aspire et le lien toujours plus fort qui me lie à mes Frères.

J’ai dit Très Vénérable Maitre ;

J
\M\ C\

7077-5 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \