GLNF Loge : Nicolas Dalayrac - Orient de La Réunion 26/08/2009


Tubalcain


Tubalcain ... mot de passe des Maîtres qui donne à réfléchir car il comporte une telle ambiguïté qu’il ne peut nous laisser indifférents.

Tubalcain est le premier qui, d’après la légende, découvrit l’art de forger les métaux.

Mais dès le plus jeune âge d’Apprenti, nous avons été instruits à nous défier des métaux. Le tuilage de l’Apprenti comporte déjà une question à ce sujet :

Q : Dans quel état étiez-vous quand on a procédé à votre Initiation ?
R : Ni nu ni vêtu, mais dans un état décent, privé de l’usage de la vue et dépourvu de tous métaux.

Et à l’ouverture des Travaux, le V\M\ nous dit : « Mes Frères, nous ne sommes plus dans le monde profane, nous avons laissé nos métaux à la porte du Temple » …

Certains pensent que les métaux « naissent » de la terre comme les humains naissent de leur mère. Les forgerons furent souvent des parias dans leur communauté car ils étaient de ceux qui pactisant avec les démons, osaient transformer le minerai dans leur forge, image du feu souterrain de l’enfer.

Ishtar, déesse de Babylone se dépouilla de ses parures à chacune des sept enceintes qu’elle franchit pour affronter Ereshkigal sa redoutable sœur, déesse des morts. Durant nos sept ans de maçonnerie, nous avons comme Maîtres été enjoints de nous dépouiller de nos métaux, signe de notre rejet des contingences matérielles.

Et pourtant, nos métaux ne nous quittent pas vraiment … si ceux-ci sont sensés ne pas exister en loge, nous avons quand même le fer du ciseau ou celui du levier. Plus insidieusement, sur nous-mêmes, nos métaux sont bien visibles. Il suffit d’assister à une grande Tenue pour se croire à Noël tellement les signes extérieurs des grades sont visibles dans les parures brillant des milles feux de nos dirigeants. On pourrait comprendre qu’en Loge et sur nous, seul l’or, métal noble par excellence puisse y avoir sa place. L’or, métal si noble que les Chrétiens en ont fait le seul métal du calice dans lequel se trouvera le sang du Christ, même si un humble charpentier n’avait probablement rien de plus qu’un simple récipient de bois pour se désaltérer. D’aucun diront que c’est ce que nous faisons ... mais dans la dualité permanente qui nous gouverne, l’or lui-même à un coté néfaste visible dans les parures éclatantes d’éclat que nous portons, même s’il ne s’agit que du probable reflet de l’orgueil qui habite notre âme humaine si avide d’honneurs égoïstes.

Tubalcain était, d’après la légende, fils à la 6eme génération d’Adam et Eve eux-mêmes. Mais l’histoire raconte que Tubalcain s’appelait en réalité Tubal et descendait de la branche damnée du couple originel, de Cain, maudit par Dieu, lui-même et sa descendance, jusqu’à la 7ème génération après le meurtre de son frère Abel. On dit aussi de Cain qu’il inventa aussi les poids et mesures détruisant par là l’innocence de ceux qui les ignoraient jusqu’alors. Au fur et à mesure de leur déchéance, Cain et ses descendants gagnèrent une réputation de tyrans, de voleurs brutaux et d’assassins et acquirent des biens matériels de toutes sortes. Tubal fut, comme ses ascendants, assujetti à YHWH, dieu cruel et impitoyable qui exigeait la soumission totale de ses sujets et n’hésitait pas les détruire lorsqu’ils lui déplaisaient. Ses disciples trouvèrent probablement naturel de se conduire de la même manière et de ne pas hésiter à recourir à la ruse pour éviter des punitions brutales.

Tubal fut, d’après la légende, le premier qui conquit l’art de forger le bronze donnant à ses alliés un avantage militaire indéniable sur ceux qui ne connaissaient alors que le cuivre pour la fabrication de leurs armes.

Alors si les métaux sont à ce point des choses que les Maçons doivent fuir, pourquoi avoir choisi comme référence pour le mot de passe des Maîtres le nom du premier forgeron ?

Comme toujours, l’aspect dual se manifeste ici car ces même forgerons démoniaques qui pactisent avec les puissances infernales purifient et transmutent le métal inerte pour le forger en autre chose. Tout comme pour les alchimistes, la matière brute se transmute avec eux en un objet noble. Par eux, l’Esprit se dégage de la matière tout comme l’Œuvre se dégage de la pierre brute sous le maillet du sculpteur.

Dans notre parcours, nous avons aussi rencontré le mercure, métal atypique, symbole dual et contrasté des principes complémentaires qui gouvernent l’âme humaine, ce vif-argent des Alchimistes qui aura sans doute suscité des interrogations lors de notre passage dans le cabinet de réflexion. Dans l’athanor, les alchimistes transmutent le mercure par le soufre, matière-homme inerte, d’abord tué puis engendré une seconde fois pour être enfin subliminé par Dieu en or-Dieu. De même, notre accession à la Maîtrise passa par une mort symbolique, épreuve qui nous lava des scories de la vie profane. La part de divin qui nous habite nous fit renaître sur un autre plan de conscience pour nous permette peut-être de pouvoir rejoindre le Créateur dans la noogénèse finale.

Mais l’altruisme, la générosité par le détachement des biens matériels sont rarement des traits innés chez les humains et lorsqu’ils le sont, ils sont souvent brimés et refoulés dès le plus jeune âge par les railleries et les brimades des membres dominants des groupes sociaux auxquels nous appartenons qui n’y voient là que faiblesse et lâcheté. Plus tard lorsqu’enfin ils peuvent éventuellement s’exprimer, ils le font le plus souvent dans le cadre rassurant d’organisations caritatives ou religieuses ou dans des groupes plus discrets comme celui auquel nous appartenons. Et la encore, le dépouillement total est chose très rare car notre détachement matériel est soumis à des contraintes fort naturelles que Maslow et sa pyramide ont si bien expliqués.

Notre chemin de Maîtres doit naturellement nous conduire vers un développement personnel. Passer de l’équerre au compas nous signifia que nous aurions à passer du monde de la matière à celui de l’esprit.

Et pourtant, c’est Tubalcain, fils maudit d’une génération damnée qui accumula tant de biens de ce monde par les moyens les plus vils qu’il en vint à en porter le nom qui nous sert de mot de passe.

Alors cette référence à Tubalcain est-elle être pour nous M\  une mise en garde, un avertissement des dangers qui nous guettent ?

Peut-être … car rester comme Tubalcain dans ce monde de métaux nous empêchera à jamais de progresser dans la voie spirituelle que nous montra notre maître Hiram, lui qui construisit un temple à la gloire d’un dieu qui n’était même pas le sien.

J’ai dit, Très Vénérable.

J\M\ C\


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