Obédience : NC Loge : NC 31/01/2008


Quel est la réelle signification

du grade de maître ?

En préparant cette planche, je me suis surpris de constater que durant toutes ces années, je n'avais pas souvent consulté le rituel, bien rangé dans le rayon de ma bibliothèque avec les autres ouvrages maçonniques.
Sans doute  aurait-il été plus sage de l’apprendre par cœur et de le réciter chaque matin au lever.
Mais, cherchant une excuse à cette regrettable négligence, il me semble qu’une lecture du rituel maçonnique, même espacée dans le temps, nous permet d’évaluer l’état de nos qualités et défauts et par conséquent d’évoluer, notre but de franc-maçon étant en définitive un développement personnel constant pour une participation à la construction du temple idéal de l’humanité.
Rappelons à cet égard le symbolisme des diverses positions successives du compas et de l’équerre sur l’autel des serments. L’équerre, symbole de la matière, est placée au-dessus du compas, symbole de l’esprit, au premier degré ; les deux lumières maçonniques s’entrecroisent au deuxième degré, évocation d’un début de modification dans l’ordre des valeurs, ébauche d’un retour de la suprématie de l’esprit sur la matière, réalisée au troisième degré.

Point n’est besoin d’être franc-maçon pour se réunir périodiquement pour se consacrer à des activités intellectuelles, culturelles ou philosophiques, disserter sans jamais réellement apprendre et entreprendre.

Selon les Constitutions d’Anderson, la Loge est un endroit où les Maçons s’assemblent et travaillent. J’insiste sur le mot travail, travail qui doit se poursuivre impérativement en dehors de la Loge.
Participer aux travaux de la Loge et rencontrer ses Frères est une chose. Mettre en pratique dans le monde profane ce qui a été appris en Loge en est une autre.
Et si l’Apprenti et le Compagnon sont en droit de se demander ce qu’ils ont récolté après avoir assisté aux travaux de la Loge, le maître maçon a l’engagement de faire chaque soir le bilan de ce qu’il a semé, n’ont seulement en Loge mais surtout en dehors, car l’essentiel de son existence n’est pas dans sa Loge, mais dans le monde profane.
Il faut bien se rendre à l’évidence, chaque maître maçon fait de son mieux et il n’est pas exigé de lui qu’il fasse des exploits. Il n’a pas l’obligation de réussir. Il n’a que l’obligation de faire mieux.

Dans cet esprit, je compare la Franc-maçonnerie à une grande mosaïque, formée par l'assemblage de petites pierres, les frères et sœurs Francs-maçons,  pierres aux couleurs, éclats et tailles différentes mais dont la combinaison doit réaliser une œuvre belle et parfaite.


Qu’est-ce qui donne envie au maître maçon de se lever le matin pour entreprendre sa tâche, de faire des efforts ? Qu’est-ce qui le pousse à agir ?

C’est bien entendu ses obligations familiales et professionnelles mais c’est aussi son engagement à poursuivre son propre perfectionnement, celui de ses Frères, sachant que l'on peut beaucoup apprendre de l’autre, avec la motivation essentielle de contribuer à l'édification d’un monde meilleur.
Nous portons tous à l’intérieur de nous-mêmes un maître qui doit s’éveiller, c’est le noyau divin de tout être humain. Il y est couché dans un tombeau, comme Osiris.

Dans le rituel du 3 degrés :

Dans quel dessein pensez-vous que le grade de Maitre ait été institué ?
« Pour combattre les préjugés qui s’opposent au développement des connaissances humaines ; pour briser le joug de l’ignorance, du fanatisme et de l’ambition déréglée, et pour établir le règne de la Liberté et de la fraternité ».

Ainsi :

- Le Maçon que nous pleurons est celui qui nous éclairait…
- Au commencement était le Verbe… en lui était la lumière des hommes…
- Hiram  maintenait encore les esprits révoltés  lorsque trois compagnons formèrent l’horrible projet d’arracher, de gré ou de force, les Mot Sacré des Maîtres.

La Bible dit qu’Hiram « était le fils d’une veuve de la tribu de Nephthali » , et qu’il « était rempli de sagesse, d’intelligence et de science »

On dit encore qu’Hiram, roi de Tyr, envoya à Salomon « un homme sage possédant de l’intelligence c’était Hiram Abi
En hébreu, Hiram, signifie « vie élevée » : Hi, se traduit par « vie », « vivant », « être », « Dieu », et ram, par « élevé », « haut ».
En maçonnerie, cependant, Hiram représente les deux aspects de la divinité : c’est non seulement la vie céleste qui descend en ce monde (le monde étant l’homme) pour y construire le temple mais aussi le dieu enseveli dans le tombeau du corps, et qui doit ressusciter.
- Celui qui dit être dans la lumière tout en ayant de la haine pour ses frères… Les ténèbres ont aveuglé ses yeux.

Les trois compagnons haineux : ignorance, fanatisme et ambition, représentent les pulsions inconscientes, incontrôlées.

L’assassinat d’Hiram est une transgression, forme négative des intentions de la pensée; c’est le fruit défendu du jardin d’Eden.
Le serpent du Jardin d’Eden le symbolise. Cette vanité aveugle l’homme et l’entraîne dans une impasse, sur un chemin qui ne le mène nulle part. Afin que sa vie ne reste pas un " grouillement d’intentions obscures ", l’être humain doit accéder à la clairvoyance de lui-même, doit procéder à un retour essentiel sur ce qu’il est : comprendre le sens même de sa quête, ne pas se limiter à dire : "je pense donc je suis" mais se penser lui-même, réaliser que l’important n’est pas de savoir qu’il est, mais qui il est et d’étape en étape (les degrés successifs de l’initiation), de s’élever de façon évolutive jusqu’à l’homme, de construire l’édifice des valeurs (le Temple) aboutissant au niveau supérieur de l’esprit humain.

Au début de la "légende", nous sommes avant la "chute" ; l’ordre, l’harmonie et la sérénité règnent sur le chantier (hiérarchie pyramidale, division des ouvriers par classe; l’existence du monde est inséparable de son organisation). Dans le Commencement, le Verbe et la lumière illuminent le cosmos Après l’assassinat d’Hiram, nous sommes plongés dans les ténèbres ; (conscience du crime, de la transgression).
« Le Verbe (Dieu) symbolise l’acte créateur, organisateur » au niveau humain, l’organisateur du fonctionnement mental de sa réalité spirituel.
Hiram a péri par le plus détestable des crimes… (la lumière est éteinte).
Et la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point saisie…

Mais l’esprit d’Hiram, mort assassiné, perdure dans les ténèbres ; il cesse d’être instinctif pour devenir directif (celui qui dirige). On assiste à un refoulement de l’appel de l’esprit. La "lumière qui brille dans les ténèbres" est la vérité éternelle qui ne parvient plus à s’imposer, car le subconscient, le refoulement, s’opposent à la vision.


Le sage roi Salomon avait conçu le pieux dessein d’élever au Grand Architecte de l’Univers un temple, où seul il recevrait l’encens des hommes…

Le roi Salomon n’est pas ici le personnage historique, contestable, de l’ancien testament, mais un symbole du Bien, personnage mythologique supra-humain, dont il est l’exécuteur.
Hiram, savant dans tous les arts et spécialement dans l’architecture et dans le travail des métaux, fut envoyé à Salomon pour conduire cette entreprise…
Il y eut un homme envoyé de Dieu son nom était Jean…
Qui envoya Hiram à Salomon ? : Dieu (le Verbe).
Nous retrouvons ici un sens caché commun à toutes les mythologies où le Créateur (Dieu) et le Juge (Salomon) unis en un seul symbole « le Verbe » signifiant le mystère de l’existence. Le temple devient alors le centre (la chambre du milieu), le lieu du sub conscient (l’encens des hommes).

En effet, Hiram mort, nous sommes conviés à l’achèvement psychique de la construction du temple, de notre Soi, de notre caractère, à une rencontre avec le Mystère. Nous sommes conviés à nous prendre en main.

"Auparavant, les choses m’arrivaient; maintenant c’est moi qui veut".
"Tandis que celui qui nie s’avance vers le néant, celui qui obéit à l’archétype suit les traces de la vie jusqu’à la mort. Certes, l’un et l’autre sont dans l’incertitude, mais l’un va à la rencontre de son instinct tandis que l’autre marche avec lui" .
À la fin de la légende d’Hiram, après que le récipiendaire a été relevé par les cinq points parfaits de la maîtrise, le V… M… annonce joyeusement le retour de la lumière:

Le Maître est retrouvé et il reparaît aussi radieux que jamais !… C’est ainsi que tous les Maîtres Maçons affranchis d’une mort symbolique, viennent se réunir avec les anciens compagnons de leurs travaux et que, tous ensemble, les vivants et les morts, assurent la pérennité de l’Œuvre !

La traduction pour moi des cinq points parfaits de la maîtrise pourrait me semble t-il se résume à :
Premièrement, main contre main, signifie que je tendrai toujours la main à un frère pour l’aider, tant que cela sera en ma possibilité.
Deuxièmement, pied contre-pied, signifie que je n’aurai jamais peur de m’écarter de mon chemin pour rendre service à un frère.
Troisièmement, genou contre genou, signifie que bien même je plierai devant l’adversité j’aurai toujours la force pour mon frère que pour moi-même.
Quatrièmement, poitrine contre poitrine sert à montrer que je garderai les secrets de mon frère comme les miens propres.
Cinquièmement la main gauche qui soutient le dos signifie que je serai toujours prêt à soutenir un frère tant que cela sera en mon pouvoir.
 « Les compagnons l’ont maintenu debout ». Debout, puisque par les cinq points de la maîtrise, le maître ressuscite en l’un d’eux. Ici s’achève le labeur du maître, la transmission ou multiplication alchimique et commence celui de son fils créé non de chair mais d’esprit.
Ce fils doit maintenir le père vivant « dans ce monde-ci », afin que l’ordre ne sombre pas dans la mort de la lettre ou des rites. Tel est le sens je pense de l’exaltation au grade de maître.

La voie de l’harmonie intérieure est désormais tracée.

Le déroulement même de la cérémonie revêt une signification symbolique qu’il convient de ne pas ignorer : La loge est désorientée; elle est tendue de noir; un épais rideau noir isole le De’b’ir de l’Ehal; le Delta à l’orient reste allumé, mais n’est plus visible, l’Étoile Flamboyante à l’occident est faiblement éclairée; l’emplacement des trois colonnettes a changé; le V\M\ n’occupe plus la chaire du roi Salomon mais est installé à une table au pied des marches de l’orient. Cette disposition correspond à l’image du chaos psychique dans lequel se trouve celui qui recevra la lumière quelque temps plus tard.
Nous remarquons ici qu’un même personnage peut recouvrir deux significations contraires. Le "rôle” joué par le V…M… se situe à deux niveaux :
                   La présidence de l’atelier (Salomon dans sa chaire)
                   Un des trois assassins d’Hiram, en fait celui qui achève l’architecte.

Nous nous apercevons enfin que les lectures analogiques du Préambule, dans son sens symbolique, et celle du mythe d’Hiram, présentent des correspondances flagrantes. Certes, aucun miracle ne s’accomplira sans la volonté auquel l’âge du grade (sept ans et plus…) donne sa valeur et sa portée. Une nouvelle lumière éclaire l’inconscient.


Il convient en effet de réfléchir sur le rôle du mythe dans l’inconscient. Expression métaphorique connue des temps les plus reculés. Le mythe est une sorte de psychodrame dont les acteurs représentent les différents aspects inconnus de nous-mêmes. Il nous invite tout au long du déroulement de l’action à une prise de conscience progressive. Le mythe n’est pas une fin en soi, mais un fil conducteur vers notre inconscient, la suggestion d’une méditation sur nous-mêmes sous la forme d’une voie, d’une structure d’idées qui proposerait une adaptation non plus à l’ambiance, mais au sens de la vie ; une évasion vers la sortie d’une cession psychique, créatrice d’angoisse, et qui nous envahit.

L’individuation, considérée comme désir d’un approfondissement de la connaissance de soi, est une entreprise individuelle, difficile et longue. Ce désir métaphysique est intrinsèquement lié à une réaction contre la déviation de notre monde en devenir, orienté vers le matérialisme, démon de l’âme, créateur d’angoisse. L’ère gothique, transcendantale, celle où l’âme était incluse dans la matière, l’esprit dans la pierre des cathédrales, était une symbiose entre l’essentiel de l’esprit et celui de la science. Le postulant est un nostalgique de cette époque révolue, cherchant la voie d’un retour vers l’esprit.
Nous sommes en présence d’une dualité Matière-Esprit.

Dans toutes les traditions, le carré a été le symbole de la matière, le cercle, celui de l’esprit. Dans notre tradition maçonnique, le carré est l’équerre, le compas, le cercle. Passer de l’équerre au compas pour “être relevé plus radieux que jamais” est réaliser cette transmutation de la matière à l’esprit. La trinité maçonnique prend alors toute sa valeur symbolique. La dualité Esprit/Matière (Compas/Équerre) se fond dans le Verbe pour se reconstituer en un seul et unique élément : “Un le tout”. L’homme debout (relevé) est symboliquement rétabli dans sa totalité psychique.


On doit se garder ici d’assimiler les termes de sociétés secrètes et de Franc-Maçonnerie, les unes n’ayant évidemment rien à voir avec l’autre, sinon qu’elles réunissent des groupes d’hommes menant une quête commune. Reconnaissons ici que nos ateliers sont des cellules où chacun d’entre nous se ressource, se reconstruit, exerce pour soi-même ce processus d’individuation par lequel un être est supposé devenir un “individu” psychologique, c’est-à-dire une unité autonome, une totalité ; c’est une voie qui nous invite à devenir un être réellement individuel ; un retour à notre unicité la plus intime.

L’aspect psychologique de la démarche maçonnique, telle que j’ai  tenté de démontrer, n’a jamais représenté en soi une forme de thérapie particulière soignant les troubles mentaux ou les dépressions profondes. Mais l’espace sacré, constitué pendant la durée des travaux, est pour beaucoup une “aire de repos”, un espace clos où se confinent ceux qui poursuivent une quête semblable.
La loge devient alors une vraie fraternité d’hommes ayant "laissé leurs métaux à la porte du temple"
À mi-chemin entre le zénith et le nadir, dans une position équidistante des quatre points cardinaux, devant les trois grandes Lumières que sont le Volume de la Loi Sacrée, le Compas et l’Équerre, sous le regard muet de l’Œil inséré dans le Triangle, quinte partie de l’Étoile flamboyante, muni des outils symbolisés devenus ceux des bâtisseurs d’âmes, l’homme est invité à réfléchir.

Le Mystère est devant soi, ad vitam eternam.
Ineffable sentiment au plus profond de soi-même, vision fugitive de la pierre cachée annoncée dans le cabinet de réflexion. Sans relâche:

Visita Interiora Terræ, Rectificando Invenies Occultum Lapidem !

Pour informer, enseigner, transmettre, échanger, il faut savoir communiquer, c’est-à-dire savoir être en relation. Ce n’est pas aussi aisé qu’on le pense, mais l’amour que le maître maçon doit porter à ses frères doit l’aider. En l’absence de dialogue s’installe le silence, qui angoisse, et pour combler ce malaise, il se dit des banalités.

Et comment peut-on connaître les aspirations et les attentes de ses frères si on ne sait pas  les écouter et les comprendre. En effet, écouter c’est  aussi savoir comprendre, car entre ce que mon frère pense, ce qu’il veux exprimer, comment il l’exprime, ce que je souhaite entendre, ce que je crois entendre et ce qu’en définitive je comprends, on réalise la difficulté de communiquer.
Le dialogue instauré, il faut que la parole du maître maçon soit impeccable, car la parole est un outil qui peut détruire. Il est impératif d’en prendre conscience et par conséquent la maîtriser. Dire ce que l’on pense vraiment n’est pas toujours adéquat. Parler uniquement de ce que l'on connaît pour l’avoir pratiqué, suggérer plutôt qu’imposer, montrer par l’exemple personnel.
Le maître maçon doit accepter que le résultat final des activités qu’il entreprend dans le cadre de la Loge n’est pas entre ses mains. Il doit laisser ses Frères décider de leur propre destin.

Pour conclure

" La où est le désespoir, que je mette l’espérance, la où est les ténèbres que je mette la lumière. "
St François d’Assise

J’ai dit.

J
\M\ B\

7071-A L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \