Obédience : NC Loge : NC 24/04/2009


La Mort d'Hiram


Pour tout être vivant, la Mort est une réalité inéluctable : sa vie s’achèvera tôt ou tard par une mort définitive. Cet aspect de l’existence est un des défis les plus difficiles que la vie nous propose. Il peut sembler totalement désespérant et absurde à celui qui refuse d’y faire face et de l’assumer complètement. Mais pour celui qui parvient à accepter vraiment cette réalité, c’est toute la valeur de la vie, du présent, des relations interpersonnelles et du développement personnel qui se trouve changée.
La mort se définit comme la fin absolue de quelque chose de positif ; en tant que symbole, elle est l’aspect périssable et destructible de l’existence .Elle indique ce qui disparaît dans l’inéluctable évolution des choses : elle se rattache à la symbolique de la terre ;mais elle est aussi l’introductrice dans les mondes inconnus des Enfers et des Paradis ; ce qui montre son ambivalence, comme celle de la terre , et la rapproche des rites initiatiques de passage. Toutes les initiations traversent toujours en effet, une phase de mort, avant d’ouvrir l’accès à une vie nouvelle
La Mort d’Hiram nous interpelle à plusieurs titres. Elle nous fournit des éléments de réflexion essentiels qui nous confirment que la F M tire son enseignement de nos traditions.
On pourrait ainsi depuis les Temps Anciens citer plusieurs légendes ou mythes dans lesquelles l’analogie Vie-Mort, Mort-Résurrection est utilisé comme source d’enseignement
.
Plus prêt de nous, nous prendrons l’exemple de l’Initiation Pubertaire chez les peuples de l’Ouest du Cameroun encore appelés Bamiléké 
Ici, Le cycle Vie-Mort, Mort-Résurrection rythme l’existence d’un être depuis sa naissance jusqu’à sa mort.

Dès la naissance de l’enfant, il est déjà question de mort symbolique, puisqu’il quitte le sein de sa mère pour re –naître dans un autre monde ; on dit qu’il meurt dans l’un pour renaître dans l’autre ; le passage d’un état à l’autre se fait dans la douleur, représentée ici par le cri de l’enfant.
La rupture est toujours douloureuse, mais ouvre sur une nouvelle vie.
L’enterrement du cordon ombilical marque une autre rupture avec le monde ancien ;
Puis vient la castration symbolique qu’est le sevrage : l’enfant meurt de son androgynie et à la fusion avec sa mère pour gagner son autonomie ;
La circoncision, puis enfin l’Initiation Pubertaire qui marqueront ‘entrée du l’enfant dans le monde des Adultes :

L’Initiation Pubertaire comporte trois étapes :
Dans la première étape que nous pouvons comparer à l’épreuve de la Purification par la Terre dans le Cabinet de Réflexion, les néophytes (jeunes adolescents de 7 à 12 ans) sont conduits en forêt, loin de leur environnement habituel qui leur procure confort et sécurité. Ils doivent rompre avec leur vie passée, vaincre le peur, braver plusieurs situations, essayer de voir, d’entendre, de deviner, sentir tout ce qui les entoure. L’éducation porte principalement sur la valeur de la vie, vie qu’il faut connaître et apprendre à accroitre ; elle ouvre également sur l’expérience mystique et spirituelle de la vie.
C’est une mort symbolique puisqu’ils doivent en ressortir transformés. Cette étape peut durer 7 semaines.
Les néophytes n’ont pas de boussole, ils doivent prendre conscience de cette nouvelle dimension dans laquelle ils sont projetés, gagner leur salaire en trouvant le chemin qui les reconduira dans la clairière.

La seconde étape qui englobe la troisième est le retour à la vie au village avec ses règles, ses us et ses coutumes. C’est le long chemin d’apprentissage de la vie et de la mort.

Si la mort symbolique a eu lieu, si le mystère est opéré en eux, c’est pour leur inculquer une connaissance du sens de la vie ; ils appartiennent à un autre grade, ce sont désormais des Hommes, l’enfance est morte.

L’Initiation Pubertaire fait passer le néophyte du stade d’enfant à celui d’adulte ; dans ce cheminement, l’acteur, comme tous les héros des autres légendes, mène le combat incessant de «  la Lumière contre les Ténèbres »
L’initiation pubertaire engage le néophyte a fond, elle transforme profondément son être ; le néophyte ne pourra prétendre recevoir son salaire que s’il en est réellement digne ; car il faut un travail incessant sur soi-même sous le contrôle permanent et discret des anciens. Il faut qu’il soit bien pénétré de la valeur de l’enseignement initiatique et sache surtout le mettre en pratique « afin d’avancer dans les voies de la Sagesse et de la Connaissance » ; période qui surviendra au soir de sa vie sur Terre, quand l’entité corporelle connaitra cette destruction provisoire qu’est la Mort ;

A la mort, c’est l’entité corporelle qui connaît la destruction tandis que reste sauve l’entité spirituelle qui va survivre dans la pensée des générations suivantes grâce à une véritable résurrection
La Mort, si elle interrompt le rythme de la vie ne la supprime pas ; elle se transforme en naissance dans l’au-delà, dans le royaume des Ancêtres ; « les morts ne sont pas morts.. » dit le poète africain Birago Diop .
Qu’elle est l’enseignement symbolique de la Mort d’Hiram ?

Le symbolisme Mort/ Résurrection

Hiram, envoyé par le roi de Tyr à Salomon pour diriger la construction du Temple de Jérusalem avait divisé ses ouvriers en trois catégories :
Les Apprentis, les Compagnons et les Maîtres ;
Les travaux touchant à leur fin, trois Compagnons n’ayant pu obtenir la Maîtrise résolurent de lui arracher le Mot des Maîtres.
Comme Hiram avait l’habitude après départ des ouvriers d’aller inspecter les travaux, ils se cachèrent aux trois portes du Temple et attendirent.
A la Porte d’Occident, le premier Compagnon demande à Hiram le Mot des Maîtres ; devant le refus de celui-ci,
Le premier Compagnon lui assène sur l’épaule un coup de sa Règle.
Hiram légèrement touché, s’enfuit vers la Porte du Nord, et il se heurte au second Compagnon qui lui fait la même demande; face à la fermeté de son refus
Le second Compagnon frappe Hiram à la nuque de son Levier.
Hiram affaibli par ses deux coups s’enfuit par la Porte d’Orient mais le troisième Compagnon lui barre le passage et lui fait la même demande que les deux premiers ; Hiram lui répond : « Plutôt la mort que de violer le secret qui m’a été confié. ».
Le troisième Compagnon assène un violent coup de son Maillet sur le Front d’Hiram qui tombe mort.
Les trois mauvais Compagnons décident par la suite de planter une branche d’Acacia dans la terre fraîchement retournée.

La légende réduit à trois le nombre de criminels. Chacun d’eux personnifie un état d’esprit largement répandu dans les temps les plus reculés comme aujourd’hui car ils représentent la face obscure de tout homme au sein duquel se livre le combat éternel du bien et du mal.

Hiram symbolise l’Initié parfait possédant la connaissance, la science, la sagesse suprême ; il succombe victime des passions qui assaillent tout être humain pour l’asservir.
Ces passions sont symbolisées par les trois mauvais Compagnons, et les trois outils utilisés ne sont pas anodins :

Le premier Compagnon tient une Règle, cet outil sert à vérifier l’alignement des pierres dans l’édifice ; pourtant, il ne suffit pas que chaque pierre soit bien équarrie pour que la construction soit solide, mais que chaque pierre soit à la place qui lui est assignée pour que le tout soit Homogène et Cohérent.

La Règle instrument de mesure et d’obéissance librement consentie est utilisée par ignorance pour un acte démesuré et disproportionné.
Le compagnon n’a pas réalisé que tout outil employé sans discernement ne répond plus à ce que l’on peut attendre de lui.
L’ignorance a aveuglé ses sens, sa raison et il a perdu tout contrôle et s’est servi de l’outil de travail comme une arme.
Cette ignorance a fait que, détournant la Règle de sa destination, il a commis un crime contre son Maitre et contre lui-même

Hiram tire la leçon de cette première épreuve :« Travaille, persévère et tu seras récompensé » 
La leçon est que seul le travail assidu nous permet de vaincre les dangers qui nous entourent et de nous élever.
Au grade de Compagnon, au premier voyage, on invite la postulante à continuer le travail déjà commencé de dégrossissement de la Pierre Brute, en se servant de ses cinq sens. ; Travail qui doit se poursuivre tout le long de notre vie.

Hiram est frappé à l’épaule droite ; le coup paralyse le bras droit et prive ainsi le Maître de la possibilité de travailler.
L’ignorant est incapable de faire œuvre utile.

Dans la seconde épreuve du Maître en devenir, le deuxième compagnon est muni d’un Levier, il frappe le Maître à la Nuque.
Détourné de sa fonction initiale, un Levier, outil de discernement devient une arme redoutable.
Le Levier comme la Règle, le Maillet, le Ciseau, est un outil passif mais efficace si on le met en action positivement et patiemment ; « il s’illustre par la ténacité d’une volonté affirmée de tenir ses engagements et de poursuivre la voie choisie jusqu’à son terme … »
Détourné de son emploi, il symbolise l’impatience, l’intolérance donc le fanatisme.
Essayer de convaincre, de persuader plutôt que d’imposer devra être notre règle de vie.

Le fanatisme aveugle celui ou celle qu’il domine ; il annihile tout jugement, paralyse toute action, conduit à persécuter ceux qu’il ne faut que convaincre.

Hiram est frappé à la Nuque. La Nuque est le siège des facultés vitales ; frappé à la nuque l’homme est privé la vie.il retourne ainsi dans le Chao irréversible.

Hiram nous montre que le fanatisme aveugle l’homme au point de lui faire perdre tout contrôle de ses actes et le conduit aux pires excès, le poussant inconsciemment à la trahison et au crime.

Quand l’ignorance et le fanatisme ont fait leur œuvre, Hiram n’a plus qu’à recevoir le coup de grâce et à s’effondrer assommé sous le Maillet du troisième Compagnon.

Ce n’est pas au hasard que le rôle soit incarné par la T.RVM ; précisément parce qu’elle doit diriger la Loge avec un dévouement sans faille.
Le Maillet est symbole du commandement, de la volonté agissante.
Utilisé par le troisième Compagnon, le Maillet symbolise plutôt l’Ambition ; l’Ambition de ce Compagnon qui aspire à recevoir un salaire qu’il n’a pas mérité.
La FM nous enseignement de consacrer toute notre vie à nous améliorer, à continuer à apprendre pour toujours plus de Connaissance et plus de Sagesse.
On aurait tendance à croire que la FM prône l’Ambition.
Oui !  Car l’Ambition n’est pas toujours un défaut ; chaque Homme digne de ce nom, devrait toujours avoir un but dans son existence et devrait faire des efforts pour l’atteindre. Ce qui faut éviter, c’est de tout subordonner à cette fin ; de ne considérer que le résultat sans tenir compte des moyens pour y parvenir.
Donc, limiter son ambition à ce qui doit être fait en évitant les excès.

En frappant Hiram sur le Front, le troisième Compagnon veut détruire l’intelligence avec la volonté de supprimer définitivement le Maître.
Le Front est le siège de l’intellect, du cerveau, donc de la pensée, de l’action ; le mauvais fonctionnement du cerveau a des graves conséquences sur l’équilibre.

Le véritable péril est à l’intérieur de nous même et le risque est grand de faire un mauvais usage de nos acquis les plus précieux fussent-ils dans l’ordre de la connaissance et de la spiritualité.
Le mal peut naître de l’exagération d’une qualité ou de l’orgueil de sa possession car le « vieil homme » que nous sommes censés avoir tué lors de notre première initiation, n’est jamais tout à fait mort et reste toujours plus ou moins tapi au fond de notre cœur.

A la demande du troisième Compagnon, Hiram répond : « … Plutôt mourir que de violer le secret qui m’a été confié… ».

Cette réponse du Maître introduit dans notre compréhension, la symbolisme du Sacrifice ;
Sacrifice ultime du Maître afin de ne pas trahir le secret dont il est le gardien ;
Sacrifice de Jésus, l’un des cinq grands Initiés, pour la Gloire de tous les Hommes.

Rester fidèle à ses engagements quelque soit le risque, quelque soit le danger encouru ; tel est le mystère de l’enseignement du Maître
Ce n’est pas toujours facile bien sûr ; et le But est toujours très difficile à atteindre.

« Plutôt Mourir… » ; Cette réponse a également une signification alchimique, car il ya «  nécessité de décomposition du corps pour que la transmutation puisse s’opérer »

MTCS VM
Serons-nous jamais assez fortes, assez prudentes pour rester constamment en éveil et déceler où commence ce qui n’est que persuasion et ce qui devient contrainte.
Serons-nous assez fortes pour saisir où l’ambition cesse d’être une qualité pour devenir un défaut ?

Notre Maître Hiram, symbole de la connaissance, de la sagesse a péri, le Monde est retourné à son état primitif, le Temple est plongé dans les Ténèbres pour symboliser le fait que si les passions humaines venaient à pénétrer dans notre Temple, la Lumière apportée par notre Initiation serait à jamais éteinte.
A défaut d’être capable de suivre Hiram dans son comportement héroïque, sommes-nous sûres de ne pas être impliquées dans sa mise en mort ? De ne pas être complices du crime ?

Tel Judas dans la « Passion du Christ », les trois Mauvais Compagnons ne sont que les instruments de la réalisation du mystère de l’enseignement du Maître en devenir.
Les trois outils de construction du Compagnon : que sont : la Règle, un Levier et le Maillet, sont devenus des instruments de perversion démontrant la dualité qui existe en toute chose. Le Bien et le Mal cohabitent indubitablement.
Les trois points névralgiques du corps humain sur lesquels les coups ont été assénés démontrent la fragilité de l’Homme, sa vulnérabilité.

Fort heureusement, l’Espoir renaît des ténèbres ; les Maîtres rassemblés vont décider de se mettre à la recherche de la Connaissance, de la sagesse que symbolise Hiram ;

Il s’en tire l’enseignement que , quelque soient les échecs que nous subissons , ne jamais se décourager , toujours reprendre notre travail qui demande toujours plus de perfection.

L’Acacia sortant du tombeau, c’est le symbole de la vie prenant sa source dans la mort ;
C’est la symbolisation de la formule « Rien ne se perd, Rien ne se créé ».

L’Acacia nous rappelle que nous tenons les bienfaits de la vie de ceux qui nous ont précédés ; que la Science, la Connaissance ne se sont pas édifiées spontanément, mais sont le fruit de toutes les générations qui nous ont précédées ; nous devons continuer cette œuvre, entretenir la flamme qui nous a été transmise ; la rendre toujours plus active, toujours plus brillante, toujours plus belle.
La tâche est immense.

Mes TCS

Moi M\M\, chrétienne pratiquante et notable Bamiléké, je me sens au confluent de trois traditions initiatiques ayant toutes un point commun : à chaque fois dans chacun des rituels, la Mort est suivie d’une Résurrection.
La Mort est toujours un changement d’état de conscience, car à chaque rupture Vie-Mort / Mort-Résurrection, notre conscience s’élève, nous découvrons de nouvelles arcanes.

VM,  J’ai dit

B\ N\M\

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