Obédience : NC Loge : NC Date : NC


La Mort d’Hiram


1) Tout d’abord, qui était Hiram ?

Tout comme Horus, Moïse, ou Perceval, Hiram était le fils d'une veuve, de la tribu de Nephthali.
De son père, on ne sait presque rien. La tradition orientale en fait juste un descendant du 1er forgeron Tubal-Caïn, membre de cette lignée Kaïnite censée avoir disparu avec le déluge…

Quels premiers symboles sous-entendent les origines de cette vie « Orpheline de Père » ?

Dans la psychologie, comme dans la mythologie, la figure du père inhibe : elle représente la loi, la domination de la force, l'autorité et l’instinct primaire. Ainsi, privés de père, les « fils de veuves », de même que les « fils de Vierge », ont tous une destinée novatrice : libérés du joug paternel, ils incarnent les forces nouvelles du changement.

2) Alors, quelle était donc la divine mission de « changement » confiée à Hiram ?

Troisième des 3 grands piliers qui soutiennent notre T\, Hiram l’Architecte s’identifie en L\ à la Colonnette corinthienne du Second S\, celle de la Beauté, qui rappelle combien les ouvrages de Dieu sont parfaits.

Mais pourquoi Hiram, notre M\ à tous, était-il en charge de cette étonnante mission qu’est la « Beauté » ?
« Parce qu’en tant qu’architecte du Temple, il avait à dessiner tous les ornements qui devaient embellir ce monument magnifique », nous répond de manière sibylline notre rituel…

Comment ne pas voir là, la mission première du Véritable M\ Maçon, dont l’œuvre ultime est d’embellir sans relâche le Temple universel de l’Être, et donc de l’Humanité toute entière ?

3) Pourtant, malgré la beauté universelle de cette mission, aussi pure que sans tâche, qui a donc pu oser attenter à la vie d’Hiram ?

Voici ce qu’en dit notre rituel… : « Alors que notre M\ avait conduit ses travaux de construction presque à leur perfection, le génie des ténèbres, voyant son règne menacé, souleva toutes les passions pour ruiner l’ouvrage avant son achèvement, et mettre le trouble parmi les ouvriers, en les privant subitement de leur guide ».

C’est ainsi que notre R\ M\ succomba sous les coups de trois mauvais ouvriers, envoûtés sous l’emprise du mal, qui pensaient obtenir par la violence les prérogatives qui ne pouvaient être accordées qu’à la capacité.

Mais que représentent, symboliquement, ces trois mauvais ouvriers ?...  L’ignorance, la tyrannie, et l’intolérance ! …ou bien encore : l’hypocrisie, le fanatisme, et l’ambition ou l’envie.

Autant d’infamies auxquelles, jusqu’à l’article de sa mort, notre R\ M\ aura opposé les valeurs morales du courage, du devoir, de la liberté, et de l’affirmation de la parole, qui seules peuvent aider le monde et les hommes à être meilleurs, passant du « faire » au « dire » ; autrement dit de la maîtrise de « l’outil » à la maîtrise du « Verbe ».

Autant d’infamies opposées aussi au savoir, à la tolérance et au détachement, et à la générosité, de notre M\ Hiram.

4) Mais, de cette tragédie, qui aurait pu tous nous détruire, quelle force est a contrario née de la mort Hiram ?

Tout d’abord, par sa mort, le sacrifice d’Hiram a sanctifié définitivement le Temple inachevé de son vivant, à l’instar du Christ mort sur la croix.

Sans mort, point de Héros; point de Saint ; point de Mythe.
Tout comme le chant du cygne, les héros mythiques accomplissent et achèvent ainsi leurs œuvres.

Aussi, au moment où il laisse son sacrifice se réaliser, Hiram connaît déjà l’irrémédiable dimension prophétique de sa mort, par laquelle l’Œuvre pourra enfin s’accomplir.

Et cette mort prophétique s’accomplit derechef par trois fois : symbolisées par les morts de son corps, de son cœur, et de son esprit, avec les trois coups de règle, de pince, et de maillet, qu’il recevra successivement.

Arrivés devant sa dépouille ainsi violentée, les surveillants constatent alors le terrible malheur qui les frappe : tout se désunit, la chair quitte les os…

Le corps d’Hiram gît ensanglanté entre le compas et l’équerre, entre le céleste et le terrestre.
Autrement dit, l'esprit a quitté la matière, le divin s’est séparé du mortel. Le héros est scindé en deux : son âme divine n’est plus dans le monde visible, laissant joncher à terre une enveloppe charnelle qui n'est plus qu'une dépouille inerte et en décomposition.

Par ce don sacrificiel de sa vie terrestre et matérielle, Hiram a pu franchir le gué de l’au-delà et s’approcher de la Gnose céleste. Tout comme Perceval au seuil de la porte du Graal, notre M\ a ainsi frôlé de très près la Lumière divine, comme en témoigne les traits de son visage redevenu dorénavant « aussi radieux que jamais ».

Mais jusqu’où est-il allé "de l’autre côté" ? Où s’est-il arrêté avant de revenir parmi nous ?
Autant de questions dont malheureusement seule la parole perdue contient la clef...

Fort heureusement, face au terrible vide qu’aurait pu laisser cette question sans réponse, la vertu purificatrice de la mort a fait son œuvre, et, dans cet ultime chaos, sans faire de bruit, l’obscurité apparente porte déjà l’espoir en son sein…

Transit Umbra, Lux Permanet : L’ombre passe, la lumière demeure.
Ainsi, le corps est désuni, certes, mais l’âme a continué de briller !

De sorte qu’en enjambant le cadavre d’Hiram, l’âme de notre M \ nous a pénétré ; son énergie est montée en nous. En vivant son drame dans notre propre chair, nous sommes devenus « lui », et vice-versa.

Là se trouve la Beauté fatale de la mort. Et par là même, de notre mort à tous, nous les "anciens" M\ de la L\ …
Cette mort symbolique ne nous-amène t’elle pas, en effet, à accepter de nous effacer, de retourner dans l’ombre ; vainquant notre orgueil, nos passions, et soumettant notre volonté ; afin que le halo de notre ancienne Lumière permettre à nos successeurs de prendre notre place, pour connaître à leur tour la splendeur de l’illumination ?
Encore nous faudra t-il, tout comme Hiram, accepter ce don total de nous-mêmes, geste de pur amour envers les autres, à l’instar des Héros d’ « Always » ou de « Jonathan Livingston le Goéland ».

Là encore, par ce don sacerdotal, jusqu’où Hiram nous a t-il nous-mêmes emmenés dans ce voyage initiatique au-delà du visible ? Amnésiques suite à la parole perdue, seul notre inconscient en garde peut-être la mémoire…

…Une mémoire muette, enfouie au plus profond de nous mêmes, comme l’eau qui garde à jamais la trace des sédiments dont elle s’est nourrie en traversant la roche.
5) Mais hormis ce don d’amour sacerdotal, quel autre immense message d’espoir cache aussi cette mort tragique ?

Comme nous le dit si bien l’évangile de Saint Jean à l’ouverture de nos travaux : « La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie ».

Ainsi, la lumière naît de l’obscurité !
Autrement dit, la vie rejaillit de la mort, à l’instar du blé qui doit pourrir en terre pour germer à nouveau…

De telle sorte qu’après les avoir enjambées, les reliques d’Hiram vont permettre au nouvel initié de lui succéder, tel le phœnix qui renaît de ses cendres, reformant ce pont entre le zénith et le nadir par lequel l'Œuvre peut perdurer…

…jusqu’au jour où ce nouvel initié aura à son tour « fait son temps », et devra passer lui-même par cette ultime étape que le profane appelle la mort.

De sorte que le destin de l'initié passe et repassera par le corps défunt d'Hiram, instant initiatique et intemporel de mutation entre l’humain et le Divin, entre l’homme potentiel et l’Homme Véritable.

Symbole de cette évolution vers le divin, lorsqu’il enjambe justement le corps d’Hiram, les pas du nouveau M\ décrivent une courbe, tracé réservé au seul Compas. Ainsi, cette autre forme de passage symbolique de l’Équerre au Compas, du domaine de la matière à celui de l’Esprit, indique que le Maître Maçon, parvenu à la sagesse, devient à son tour en mesure d’approcher dorénavant la Connaissance,…Comme l’évoque secrètement son âge de 7 ans… et plus !

Meritanathie, Merogenie : on entre par la mort, on sort par la vie.
Comme si la mort n’était pas une fin en soi, mais un simple « passage » vers la vie spirituelle.

Au point d’ailleurs que les grecs anciens appelaient «  teletè », dérivé de « telos », qui veut dire « fin », ce que nous, Maçons, appelons « initiation ».

C’est pourquoi la mort héroïque d’Hiram marque pour nous tous, à la fois la fin et le commencement ;
l’Alpha et l’Oméga.

Oméga final dont le tout dernier instant de la cérémonie d’élévation s’achève par ces ultimes paroles prononcées par notre T\V\ M\ : « Que l’harmonie, l’union et la concorde soient à jamais le triple ciment de nos œuvres. Que rentrés dans le monde, on reconnaisse toujours à leur sagesse les vrais Enfants de la Lumière ».

Puissions-nous tous nous en souvenir à jamais, afin que le sacrifice mortel de notre Père Hiram n’aie pas été vain…

J'ai dit et écrit,

7068-E L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \