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Mais où est donc passé le bijou d’HIRAM ?
 
Qu’il s’agisse de mon initiation, de mon passage au grade compagnon ou de mon élévation à la maîtrise, je me suis toujours posé mille questions. Chaque rituel est tellement puissant et riche en symboles que ma curiosité se trouve sans cesse en éveil.
La cérémonie de la maîtrise est un véritable psychodrame au centre duquel se trouve HIRAM. Lors de son agression par le 3° mauvais compagnon, le futur maître qui joue le rôle d’Hiram, se sentant condamné, jette le bijou qu’il portait au pied des marches de l’Orient.

Deux questions s’imposent :

1 – Qu’est-ce qui a poussé Hiram à ce geste ?
2 – Quelle était son importance ?

Apprentie, le grade de M\ me semblait un aboutissement, une fin. Persuadée d’être arrivée au terme de notre recherche, voilà que ce qui devait confirmer la fin de notre quête, les mots gravés sur le bijou disparaissent, jetés dans la nature sous la pression des trois mauvais compagnons. Ce grade que nous espérions « lumière », « accomplissement », va-t-il nous plonger dans les ténèbres, dans l’esprit de vengeance en se mettant à la recherche des traîtres ?
Avons-nous encore une raison de croire en « l’Homme » ?
Avons-nous encore une raison de croire en un avenir meilleur ?

Pourquoi les trois mauvais compagnons en sont-ils arrivés à cette extrémité : « le meurtre d’HIRAM », alors que le grade de compagnon enseigne :
La rigueur s’appuyant sur l’équerre,
La construction du Temple et de soi-même s’appuyant sur la règle
Et la force acquise s’appuyant sur le levier ?
La violence est toujours l’expression d’un dialogue devenu impossible. En ce sens elle a toujours un aspect négatif. Si elle est parfois nécessaire, cela ne fait pas d’elle un droit. La violence est la négation de la raison, elle est destructrice et ne peut être légitime que si elle a pour finalité de mettre un terme à une autre violence, celle qui menace l’individu et la société.
HIRAM quant à lui, a préféré mourir, plutôt que de trahir le secret, il est un être doué de raison, et cette raison lui montre tout l’intérêt qu’il a à vouloir la fraternité, la paix et la justice. Comme le dit Nicolas Machiavel dans le discours sur la première décade de Tite-Live,
« Ce n’est pas la violence qui restaure, mais la violence qui ruine, qu’il faut condamner.

Revenons à notre M\ HIRAM. Pour le situer, je cite un extrait de la légende d’HIRAM du rituel d’élévation à la maîtrise :
« Le passé de cet homme était un mystère. Il avait su par son génie s’imposer sa volonté. Son influence était si grande que tous s’inclinaient devant celui que l’on appelait LE MAITRE. Plus loin, je lis « sur un ordre d’HIRAM, tout s’arrête puis sur un signe du M\, cette multitude d’ouvriers se disperse, obéissant à l’intelligence qui la dirige.
Gérard de Nerval quant à lui, écrit dans son « histoire de la Reine du matin et de Soliman, Prince des génies » en parlant d’HIRAM « il participait de l’esprit de lumière et du génie des ténèbres. De ce fait on ne peut que penser qu’il faisait partie des Grands Initiés, ce qui lui permettait de posséder le bijou sur lequel était gravé LE MOT.
Or, HIRAM a préféré la mort plutôt que de céder au chantage en trahissant son secret. Quel sens donner à ce MOT gravé sur le bijou qu’HIRAM portait retourné pour ne pas le dévoiler ? Iil nous est impossible de l’évoquer puisque nous ne le connaissons pas, nous ne travaillons maintenant qu’avec le MOT substitué qui est MOHABON (la chair quitte les os) Par contre, ce que l’on peut affirmer, c’est que le meurtre du M\ apparaît comme obligatoire. Ce n’est plus un simple fait divers propre à nous effaroucher ou à susciter notre révolte. Il prend la valeur d’un sacrifice rituel, inhérent au drame initiatique qui se joue, pour contribuer au rachat des erreurs et à la pérennisation de la connaissance. HIRAM est mort…..Il va revivre éternellement dans la pensée des hommes.
Quelle cause vaut-elle qu’on lui sacrifie notre vie ?
Notre premier réflexe serait de penser que mourir pour une cause est un acte vain, car il aboutit seulement à la négation de l’être. Ce n’est pas en mourant mais en luttant que l’on sert le mieux une cause. Pourtant on ne peut que croire au travers de la légende d’HIRAM que la valeur d’une cause que l’on défend au risque de sa vie est au-delà de toute critique. Par sa mort, le héros prouve que cette cause était juste. Sa mort prouve la puissance de l’idéal qui est indestructible. Alors, seulement, la mort est un exemple pour les autres hommes. A la limite, HIRAM aurait pu n’être qu’imaginaire puisque son rôle essentiel dans notre symbolisme, sa raison d’être même sont de représenter la vertu, d’abord victime, puis finalement triomphante des principaux vices qui accablent l’humanité et engendrent les maux dont elle souffre.

Abordons le deuxième point

Quelle est son importance ?

La légende d’HIRAM est à la fois un conte et un mythe. Le conte a pour objet la recherche de la parole perdue, le mythe est celui de la mort, de la dissolution de l’Etre et de sa renaissance ? Le récit de la légende d’HIRAM a en effet pour thème la recherche de quelque chose de perdu . Le corps du M\ assassiné par les trois mauvais compagnons. Le héros, personnage de tous les contes, est le franc-maçon qui part à sa recherche. Le récit aboutit à la découverte d’une nouvelle parole qui remplacera l’ancienne jusqu’au moment où sans doute, la véritable sera retrouvée. Car je ne peux pas croire que le sacrifice de sa vie ait été inutile, je ne peux pas croire qu’HIRAM fut le genre d’homme à prendre des décisions absurdes et vaines. Le nouveau M\ qui va revivre la mort d’HIRAM ne le remplacera pas, il connaît juste les secrets substitués, le MOT substitué. Désormais, les secrets ayant disparu, les hommes sont donc obligés de s’en remettre à eux-mêmes. Le mythe de la mort d’HIRAM et la disparition de son bijou n’existe que pour prouver que des secrets existent, qu’une connaissance plus absolue existe, et que l’homme doit la rechercher. Donc la quête de la parole perdue continue. Chaque maçon va la rechercher tout au long de son chemin initiatique. Dans toutes les traditions il est question de quelque chose de perdu, soit la dégénérescence de la tradition, soit une connaissance oubliée ou perdue. Dans notre cas, s’il est si difficile de la retrouver, c’est qu’elle est spirituelle et non matérielle. Le M\ parvenu sur le sentier qui mène à la lumière de l’esprit la trouvera et, enfin réveillé, il ne pourra plus reprendre la vie morte qu’il a préalablement connue et acceptée. C’est là, l’indication profonde du troisième degré. L’initié, debout au pied du cadavre d’HIRAM, face à l’est, après avoir enjambé le corps est un homme nouveau.
De nombreux mythes font part aussi de quelque chose de cassé, de divisé, que l’on doit rechercher mais aussi rassembler tel que « rassembler ce qui est épars ». 
Et HIRAM dans tout cela ?
HIRAM c’est l’architecte, celui qui a toute l’œuvre dans sa tête, dans son intégralité… HIRAM c’est l’unité, aussi, pourrait-on penser que ce secret maçonnique disparu symboliquement représenté par le « mot disparu » a un rapport avec l’unité. Cela peut être beaucoup de choses : l’unité à tous les niveaux, l’union des êtres humains dans la fraternité et dans la paix, mais aussi la connaissance des connaissances. Qui dit unité dit harmonie. "« ien penser et bien dire ne sont rien sans bien faire », c’est le point d’équilibre qu’il faut trouver : l’harmonie.
Ce n’est pas si simple, nous qui sommes intégrés dans ce monde et dans ses luttes. Mais, c’est le travail du franc-maçon, c’est donc une longue marche vers la perfection à l’intérieur de l’endroit sacré : le Temple. Ce Temple, qui peut être symboliquement le temple de Salomon, est un modèle de perfection par ses formes, ses mesures et ses symboles. Ce Temple qui doit aider l’initié à retrouver en lui-même ce qu’il avait déjà mais qui était bousculé par « l’opinion » c’est à dire par le monde profane.

En conclusion :

La valeur symbolique de ce geste : la perte volontaire du bijou nous amène à concevoir que l’homme au plus profond de son désespoir peut encore rebondir, reconstruire ce qui est détruit et peut-être retrouver ce qui est perdu.
Comme je le disais au début de cette planche, en tant qu’apprentie je voyais le grade de M\ comme un aboutissement, maintenant que je suis M\je m’aperçois que la quête ne s’arrête pas là, puisqu’il est sûr, maintenant, nous devons retrouver ce bijou, car quel serait le but de ces questions qui restent aujourd’hui dans l’interrogation ?
En effet, en tant que F\ M\ nous avons l’habitude de nous heurter à des vérités inaccessibles, à des questions sans réponses, mais on nous laisse alors espérer qu’une certaine approche est possible. Je pense être loin du sommet de la montagne, pourrais-je avec suffisamment d’efforts arriver à gravir le pied de la falaise et le début de la pente ?
Des portes fermées devant nous doivent pouvoir s’ouvrir, à nous d’en avoir la force, de trouver le secret des serrures, comment sinon qu’en se remettant en route avec l’espoir qui est contenu dans « cherche et tu trouveras », mais pas dans la solitude ni dans la douleur car « appelle et on te répondra »

C\ A\
 
 
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