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La Mort d’Hiram
 
En préambule, il me semble nécessaire de faire une différence entre la mort, qui peut être naturelle, intrinsèque à la biologie du corps, et le meurtre qui fait intervenir un événement extérieur.
On peut, justement se demander, pourquoi introduire le meurtre dans un rituel qui met en valeur sagesse, force, beauté fraternité et amour ?
 
Une seconde précaution est de cerner plus précisément les termes de Mythe et de Légende :
La Légende est d’essence plus littéraire ; le mot  « legenda » signifie en effet : ce qu’il faut lire.
Le Mythe est de l’ordre du récit imposant une approche ternaire :
   1- c’est un récit d’événements plus anciens que l’Histoire
   2- ce récit possède une haute valeur explicative
   3- il ne doit jamais être interprété de façon littérale mais symbolique
 
Le mythe répond à un besoin fondamental de l’homme à travers toutes les civilisations connues et représente l’archétype de l’inconscient collectif.
La violence et le meurtre sont fondateurs dans le mythe :
Ils ont trois fonctions :
Cosmogonique, Rédempteur et Médiateur :
   1- Cosmogonique, car souvent un meurtre donne naissance aux quatre points cardinaux ; le corps de la victime se trouvant souvent fragmenté et réparti dans l’espace.
   2- Rédempteur : un personnage d’essence divine se sacrifie pour effacer une faute
   3- Médiateur, car les hommes ne sont pas en mesure de comprendre le combat des forces du Bien et du Mal, le scénario de « la guerre des étoiles » s’appuie abondamment sur ce thème.
Ainsi  le christianisme recourt à une connaissance salvatrice :
Le Christ est messager d’un dieu du Bien .
En littérature, la poésie remplit ce rôle ; par exemple Baudelaire comme poète, a le rôle social de traduire un langage inaccessible au commun des mortels promis à un destin tragique cf. l’Albatros.

Gérard de Nerval écrivait :

« Et j’ai, deux fois vainqueur, traversé l’Achéron »
L’Achéron étant le fleuve séparant la vie de la mort.
Deux fois vainqueur représentant la victoire sur la mort physique et sur la mort symbolique, mais aussi une traversée tragique.
Orphée, le premier des initiés, utilise la Lyre comme langage à la fois exotérique et ésotérique ; gageons que notre Colonne d’Harmonie , si on en analyse la véritable signification , a bien plus à nous apporter et nous apprendre que de simples pauses musicales !
 
Le mythe d’Hiram décrit une vérité essentielle ;
Jean Cocteau écrivait : « Le mythe est quelque chose de faux qui devient vrai »
Cette vérité n’est pas seulement une traduction intellectuelle et didactique, elle doit être vécue dans un passage progressif de la symbolique mythique à la symbolique spirituelle et doit nécessairement s’Incarner.
 
Dans le meurtre d’Hiram, il y a  substitution des rôles :
Les deux éléments opposés Hiram et les Mauvais Compagnons se rejoignent.
Ainsi Osiris a besoin de son frère Set qui le découpe ;
Comme le Christ a besoin de Judas qui le trahit.
Le personnage de Judas qui avait toute la confiance de Jésus paraît, aux exégètes, plus comme le complice de l’achèvement de la dramaturgie christique que comme le traître vénal universellement stigmatisé de façon primaire.
Le suicide de Judas effaçant toute preuve  démontre que le traître ou l’assassin nécessaire au drame est lui-même victime ; d’autres grades confirment ce schéma.

Meurtrier-Victime :

1 - Ces 2 éléments sont nécessaires au thème et au mythe en montrant la duplicité de l’homme.
     Dans le REAA, l’épisode du miroir lors de l’initiation, illustre bien cette duplicité de l’homme  « bourreau de soi-même ».
2 - Ces 2 éléments ne font qu’un :
     Le meurtre d’Hiram se déroule dans le Temple , c’est à dire à la fois dans l’Univers et en chacun de nous, stigmatisant la lutte permanente entre Ombre et Lumière.
Remarquons que la Parole Perdue appelle à la Parole Révélée au travers d’une spiritualité libre et ouverte.
La Parole étant devenue Les Paroles, c’est à dire les mots , il faut à l’homme , repasser du pluriel au singulier , c’est à dire à l’Unité qui est en lui.
Je dirais qu’il s’agit plus là d’un chemin de proximité que d’aboutissement.
Borgès écrivait : « L’imminence d’une révélation qui ne se fera pas ».
Le mathématiques nous en décrivent le mécanisme dans la formule y=1/x ;
Plus x croit, plus y décroît sans jamais atteindre 0 ;
Telle est notre démarche initiatique, recherche asymptotique de la vérité.
Notre Fraternité se fondant sur cette courbe asymptotique qui a pour horizontale l’amitié et pour verticale la fraternité, toujours en référence à un entité supérieure ou quête de spiritualité.
Sur le même calcul , et en référence à notre attitude de partage lors d’agapes trop maigres , un gâteau peut être coupé en 4,8,16, etc.… jusqu’à la miette qui n’est pas le zéro car, comme disait un humoriste , trois fois rien c’est déjà quelque chose !
 
Mais Hiram n’est pas tué dans la Bible, ni son meurtre retrouvé dans les OLD CHARGE !
Pourquoi au 18° siècle la maçonnerie spéculative, prenant ses distances avec les degrés de métier et la religion crée le 3° degré et introduit le meurtre d’Hiram ?
Plusieurs pistes :
-         pour promouvoir une dimension spirituelle libre et laïque distincte des religions
-         pour établir une continuité entre différentes formes de symbolisme (ex : les outils du 1° et 2° degré presque absents au 3° degré et avec un rôle négatif)
-         pour proposer une réflexion sur l’attitude de l’homme face à la mort ; accepter cette Finitude ;
-         Shakespeare disait : « nous devons tous une vie à Dieu »
-        Dieu est remplacé par le destin subi, la providence, le hasard
-         Ou par nous mêmes : « nous nous devons tous une mort à nous-mêmes »
-         A propos du mythe de Sisyphe, Albert Camus écrivait : « les vérités écrasantes périssent d’être reconnues »
 
Alors, le maçon et sa pierre qui roule peut-il imaginer Sisyphe heureux ! En donnant un sens à sa vie ?
Le ternaire est rompu par la mort d’Hiram donc l’équilibre est rompu et doit être reconstruit, c’est le rôle dévolu aux Maîtres du 3°degré et aux grades suivants.
 
C’est pour cela que le REAA ne propose pas une Pensée Maçonnique, mais une méthode de Méta ( au-dessus ) et Odos ( le chemin ) c’est à dire un Idéal.
 
C’est pour cela aussi que nous nous réunissons en Chambre du Milieu :
La chambre ayant sa symbolique propre ; lieu de repos, de naissance, de partage, du solitaire au solidaire :
- Milieu, lieu de l’équilibre, milieu ambiant (ou bain), palier dans un cycle ou un voyage
- Quand elle est familiale, la chambre est pour les parents le lieu de l’intimité, du secret, du sacré ; pour les enfants le lieu ludique et de l’affectif
- Quand elle est institutionnelle elle est le lieu de décision
- Quand elle est noire, comme celle du photographe, elle peut être automatique donc profane ou maçonnique dans le choix de l’angle de prise de vue.
 
C’est surtout le lieu où l’initié devient l’Adepte, la Lieu de Transfiguration « la vie sort du trépas » en passant du Heikal-mort au Débir-renaissance par 33 degrés : donc Hiram devait mourir !
Ce n’est plus le vieil homme qui meurt au profane, mais l’initié qui offre sa substance ; offrande consentie pour accéder à d’autres secrets auxquels il aspire dès la sortie du cercueil.
 
Une dernière précision qui me vient de mes fonctions de légiste :
L’assassinat suppose la préméditation, alors que le meurtre ne l’implique pas ; c’est face à  l’impossibilité d’obtenir le secret du Maître que les Compagnons commettent l’irréparable.
 
Pour conclure sur la méthode de REAA je voudrais vous lire cette métaphore :
« Un lama en pèlerinage peste contre les pierres du sentier qui blessent ses pieds
- Il faut recouvrir de cuir tous les chemins du monde ! Déclare-t-il
Le sage lui répond :
- Peut-être vaudrait-il mieux chausser de cuir les pieds des voyageurs !  
 
 J’ai dit
 
G\ D\

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