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L'Acacia m'est connu
 

L’acacia – Généralités introductives
Ce travail, que je soumets à votre bienveillante complaisance, porte sur l’interprétation partielle, inachevée et superficielle de mes réflexions de l’une des réponses de notre rituel 2005 dit d’Hiram :
« l'acacia m’est connu ».
Dans « Google » (1), le mot « acacia » apparaît environ 16 800 000 fois et 5 600 fois pour « acacia GLNF »! La lecture étant à profusion, je ne pérorerai pas sur les sciences botaniques qui me sont totalement inconnues, ni sur les 1 400 ou 1 500 espèces d’acacia (2). Sommairement, l’acacia est un arbuste dessicatif au bois dur presque imputrescible (3), aux épines redoutables (4), aux fleurs solaires de lait et de sang (5) et possède des feuilles sensitives…

Depuis des millénaires, l’homo sapiens (6) phylogénétique (7) a utilisé le bois d’acacia dans ses mythes et en a façonné ses symboles sacrés.
Cet arbre aurait vu naître à ses pieds les dieux du panthéon égyptien. De même, les Textes des pyramides (8) firent naître Horus de ce végétal alors que le Livre des Morts (9) lui a fait la part belle comme arbre osiriaque (10) et solaire (11).
Nous le retrouvons aussi dans la Bible : c’est de ce bois parfois recouvert d’or dont on fera le mobilier de la Tente de la Rencontre, l’autel des holocaustes, l’autel des parfums (12), la Croix et la couronne du Christ, l’Arche d’Alliance protégeant les Tables de la Loi. 
Après ce survol des sciences végétales et anthropologiques, ma toute première question face à mon sujet fut : que représente l’acacia pour les Francs-Maçons ?

Quelques lectures plus tard, je m’avancerai à dire qu’il fait partie de nos plantes emblématiques, tant par son caractère sacré et noble que par la diversité et l'étendue des symboles induits qui lui sont associés.
Symbole central du grade de maître tout autant que son essence spirituelle, l'acacia met en relation verticale les trois niveaux du cosmos que sont le Nadir, la surface de la Terre et le Zénith, correspondant au circuit intemporel évolutif – involutif.
Ses racines fouillent effectivement les profondeurs cachées du sol dans lequel elles se développent : la matérialité. À la surface, se trouve son tronc vertical et ses branches maîtresses : la temporalité. Dans les hauteurs cosmiques se balancent ses branches et ses ramures : la spiritualité intuitive (13). Quant aux fleurs, elles écrivent le cycle immuable de la vie. De plus, l'acacia réunit à lui seul les quatre éléments primordiaux, à savoir l'eau circulant dans sa sève, la terre à la source de ses racines, l'air pénétrant par ses feuilles et le feu jaillissant de sa canopée.

La Re-connaissance

Au-delà de ces généralités sur l’arbre, ma première réflexion que je qualifierai de liminaire, fut que cette simple phrase m’apporte un moyen de re-connaissance entre initiés, véritable référence identitaire associée de manière indéfectible à notre maître Hiram.
Je ne peux m'empêcher de rapprocher la re-connaissance à l'évolution cognitive des plantes sacrées dans les trois premiers grades, qu’elles soient grenades, épis de blé ou rameaux d’acacia.
Il en va de même pour le cours de l’histoire dans son sens sémiotique (14) : Boaz est le nom de l'homme qui épousa Ruth, la glaneuse de blé, originaire du pays de Moab que l'on nomme aussi « Vallée de l'acacia »…

La Connaissance

Ma seconde réflexion, déjà un peu plus réfléchie, fut que le Maître se distingue de ses Frères Apprentis et Compagnons parce qu'il lance d'une façon péremptoire la preuve de ses connaissances plus étendues mais encore oh combien incomplètes. D'où les sept ans et plus.
La connaissance c’est connaître, c'est faire l'effort de s'arracher de la fascination des ombres et des images du monde allégorique de la caverne de Platon (15), lieu du paraître, de l'illusion et de l'ignorance, pour s'élever dialectiquement vers le savoir afin de saisir quelle est la véritable place des éléments qui constituent le monde et jouir de la contemplation des Idées éternelles et immuables (16).

Mais cette théorie des idées (17) ne peut se comprendre que par la conception que Platon se fait de l'âme humaine, car si l'on cherche la vérité, c'est qu'on ne 1a connaît pas. Et si l'on se trouve en face d'elle, comment savoir que c'est la vérité puisqu'on ne sait pas ce qu'elle est ? Comment 1'âme peut-elle seulement savoir puisque ses connaissances ne peuvent venir ni de l'expérience personnelle du monde sensible, ni des autres qui sont prisonniers des apparences de la caverne ? C'est le paradoxe que Platon lui-même soulève dans Le Ménon (18) : comment peut-on chercher ce que l'on ne connaît pas ?

La réponse de Platon sur ce point est claire : tout ce que connaît notre âme ne peut provenir de cette vie présente mais bien d'une existence antérieure, où, séparée du corps, elle a pu contempler les idées. Autrement dit, pour Platon, notre âme est immortelle et a eu « commerce » avec les idées. Mais jointe accidentellement au corps, elle a oublié ce qu'elle savait depuis toujours.
D'où l'impérative nécessité de se dégager des chaînes corporelles qui font obstacle au cheminement dialectique de la connaissance des vérités intelligibles.

L'acacia est donc le symbole retranscrit de cette notion, il est le guide vers la connaissance du vivant et de l'humanité de l'homme. Il est l’origine et la résultante, par la devise socratique du « connais-toi toi-même », de l’aspiration à la Vérité et au perfectionnement spirituel.
C'est en tout cela que je me risque à avancer qu'il symbolise la « Suprême Connaissance (19) ».

Mort, Régénération, Immortalité

Ma troisième réflexion, un peu plus élaborée, me ramène au drame d'Hiram, à l'acacia et à ma renaissance dans le nouveau maître par les « 5 points parfaits de la Maîtrise » (20). Cela me fait penser digréssivement à la légende de l'herbe de la résurrection et son corollaire : le secret de la vie n'est pas entre les mains de l'homme (21).

Hiram, le triple mort (33) assassiné par trois des quinze mauvais compagnons (23) eu sa dépouille mortelle de balisée par une branche d'acacia. Image d’arbre funéraire, l’Acacia annonce une sépulture mais en même temps, annonce l’arbre de vie par son feuillage vert.
L'acacia, archétype du symbole initiatique pluridimensionnel porteur ombragé de Connaissances (24), manifeste la continuité des cycles de mort et de renaissance, mort exégèse (25) de régénération. Rien ne peut être sans l'acacia, car c'est lui qui détermine l'image des souvenirs et de leurs rémanences (26). Mais il glose aussi la défense et le rejet au loin de tout préjugé, toute erreur, toute sujétion à des images préfabriquées par une société imparfaite grâce à ses épines apotropaïque (27) et protectrices. 

Qui dit mort dit putréfaction du corps, c'est-à-dire l'initiation du processus de la réduction de la matière en poussière originelle. Cela symbolise la destruction de la nature ancienne en une autre matière d'être, capable de produire des fruits nouveaux et sublimés. Il en est ainsi de la graine, qui, se fertilisant dans l’humus du sol, régénère la vie du fait de sa germination.

La mort est l'aspect périssable et destructible de l'existence. Elle ouvre les portes de l'accès au règne de l'esprit, à la vie véritable : mors juana vitae (28). Symbolisant le changement profond que subit l'homme par l'effet de l'initiation, celui-ci doit renaître à la vie supérieure que lui confère son initiation. S'il ne meurt pas à son état d'imperfections, il s'interdit tout progrès initiatique (29).
Mais aucune seconde vie ne saurait cependant exister sans la première, l'une n'ayant aucune raison d'être sans l'autre : les racines de l'acacia ne sauraient être sans la canopée qui n’en est que son reflet, ou bien l'inverse.

Les racines de l'acacia plongent au plus profond de la nature de l'homme et des sources du questionnement fondamental qui amène chaque être humain à prendre peu à peu conscience de ce qu'il est (30), à lui faire entreprendre une recherche dans les profondeurs de son intériorité pour trouver l’essence de son être. Cet acacia, création terrestre unissant le ciel et la terre, pont entre la matière et l'esprit, liaison entre l'homme et le divin, arbre de mort et arbre de vie (31), est le canal qui permet à l’homme de passer de la matière obscure et souterraine d’où il est issu à l’énergie lumineuse qui l’anime et vers quoi il tend.

Conclusion

Hiram, détruit par les trois étapes progressives, se régénère en chaque nouveau maître, mais ne ressuscite pas. Il en est de même pour la parole : nous l'avons perdue avec la mort d'Hiram et nous ne retrouvons qu’une parole substituée de par sa régénération. Le but ultime de notre quête est la parole retrouvée, notre retour à l’état primordial, le retour à l’Un qui a son reflet immanent (32) au plus profond de nous.
Cette parole perdue n’est-ce pas ce lien avec l’Immanence (33) dont nous avons la nostalgie parce que nous pensons l’avoir eue et l’avoir perdue. Au-delà de la parole perdue puis substituée, je me questionne sur cette analogie potentielle : par la mort de notre maître Hiram, n’avons-nous pas perdu le monde originel et primordial, notre vie heureuse au milieu des Dieux : l’Éden. Ainsi, ne lui avons-nous pas substitué un nouveau monde ?
La branche fleurie de l'acacia posée sur le tertre du tombeau d’Hiram, accorde non seulement l'universalité et la permanence, mais aussi préfigure le destin immuable du franc-maçon face à l'éternité. Telle la Rose, emblème des Alchimistes, qui symbolise la régénération de l’Être et de son accomplissement spirituel. 

Bien qu'implicitement le Maître « sait », son savoir a pour limites ses connaissances et sa conscience. Et que si connaissances secrètes il y a, s'il existe des clés aux mystères, c'est en lui et en lui seul qu'il en trouvera l’aboutissement par son travail et sa persévérance, par ce voyage sans fin que m’enseigne l'acronyme alchimique et maçonnique « VITRIOL (34) ».

Alexandre Lederman énonçait ainsi sa conception et je cite : « Mon corps est descendu au plus bas, au Nadir, dans la tombe ; mon âme s'est élevée au plus haut en triomphant et ressuscitant de la mort au point zénithal de la lumière, et m'étant régénéré dans l'invariable point milieu originel (35), générateur de cette résurrection, me revoici parmi vous. L'acacia m'est connu : toutes les formes du devenir m'ayant été dévoilées et n'ayant, par conséquent, plus peur de la mort sans laquelle l'accès à la vie resterait impossible, je suis entré dans la vie illimitée car éternelle » (36).
L’acacia m’est connu … Ou plus exactement l'houzza (37) méconnu, car si vaste est son rayonnement que je ne peux l'appréhender en sa pleine dimension et encore moins en assimiler présentement toute sa symbolique.

C’est pourquoi mon élévation au grade de Maître Maçon et la connaissance imparfaite de sa corrélative symbolique m'ont laissé en ce stade un goût amer d'inachevé, d'imparfait et d'insatisfaction, tant par le fait de la mort d'Hiram sans lendemain (38) que par un indicible manque de quelque chose dans la construction spirituelle de mon temple intérieur.
Permettez-moi, au travers de l'alpha de mon initiation, d'aspirer à connaître l'oméga de la perfection pour poursuivre ma quête infinie vers la « Lumière ».

J'ai dit.

C\ V\

Références

Sites Internet
http://www.laletterag.org/fr_7_mb.php
http://hautsgrades.over-blog.com/article-7168440.html
http://reveil.anicien.free.fr/page31.htm
http://truthlurker.over-blog.com/article-13736788.html
http://www.ledifice.net
 
Écrits et livres
La Symbolique de la Mort ou herméneutique de la Résurrection, Jacques TRESCASES
L’acacia m’est connu, Joël JACQUES
La Symbolique maçonnique, Irène MAINGUY
Les Planches du Maître, Christian GUIGUE
Le Symbolisme, 385 – 386, Oscar WIRTH
Causeries initiatiques, travail en chambre du milieu, 1931, Édouard Ignace ENGEL
Constitutions, 1723 et 1738, James ANDERSON
Rituel REAA 1802, de « Cerbu », d’« Hiram »… 
Histoire de la Reine du matin et de Soliman, Chp XII, Macbénach, Gérard de NERVAL
Les États multiples de l'Être, 1932, René GUENON
L'Acacia m'est connu, Travaux de la Loge Nationale de Recherche Villard de Honnecourt, numéro 60, page 223, Alexandre Lederman.


(1) Moteur de recherche où nous trouvons tout sur la FM, y compris le plus secret !
(2) Dont près de 1000 espèces en Australie…
(3) L’Arche d'alliance, les tables de la loi, le tabernacle, … imputrescible = éternel
(4) La couronne du Christ.
(5) Vie et mort
(6) Homme sage en latin, autre appellation : homme moderne
(7) La vie évolue des formes les plus simples aux plus organisées, tout comme la connaissance …
(8) La somme des conceptions funéraires des Égyptiens de l'Ancien Empire, c'est-à-dire d'il y a 4500 ans
(9) Le livre des morts des Anciens Égyptiens a pour véritable titre, à l'époque de l'Égypte antique, livre pour sortir au jour. Le « jour » en question est celui des vivants, mais aussi de tout principe lumineux s'opposant aux ténèbres, à l'oubli, à l'anéantissement et à la mort. Dans cette perspective, le défunt Égyptien cherche à voyager dans la barque du dieu soleil Rê et à traverser le royaume d'Osiris (version nocturne du soleil diurne en cours de régénération).
(10) Je me suis extrait moi-même de l'acacia des Enfants divins. Entrer dans la salle de Maati pour prier l'Osiris Khentiymentiou : Hommage à toi, Ô, Seigneur de l'acacia, dont la barque de Sokar est sur le traîneau, qui tourne le dos au monstre, au malfaiteur, et fait reposer l'Œil de Rê sur le siège.
(11) Le pharaon Akhénaton imposa, durant son court règne, une religion plus monothéiste et exclusive du disque solaire Aton.
(12) Exode du peuple d’Israël (Le feu sur l’autel des holocaustes était un feu de destruction. Le feu du chandelier d’or était pour l’instruction. Et le feu sur l’autel des parfums était pour l’édification).
(13) Est intuitif ce qui est appréhendé directement par le voir de l'intelligence, est discursif ce qui est le produit de la médiation d'un raisonnement.
(14) Science des systèmes de signes de communication, qu'ils soient linguistiques ou pas.
(15) Platon, La République, Livre VII, 512a - 515b, Ed. Garnier-Flammarion, 1966.
(16) Les Formes (Idées) sont des réalités immatérielles et immuables, demeurant éternellement identiques à elles-mêmes, universelles et intelligibles, seules réellement étant, et indépendantes de la pensée.
(17) Platon, Phédon, 78c-79d, Ed Garnier, 1958.
(18) Platon, Phédon, 65d, Ed Garnier, 1958.
(19) La connaissance du Soi est souveraine entre toutes les connaissances.
(20) 1 : Je tendrai toujours la main à un frère pour l’aider, 2 : je n’aurai jamais peur de m’écarter de mon chemin pour rendre service à un frère, 3 : je ne dois jamais oublier de prier aussi bien pour mon frère que pour moi-même, 4 : je garderai les secrets de mon frère comme les miens propres, 5 : je serai toujours prêt à soutenir un frère.
(21) Moria ressuscite son frère Tylos avec l'herbe du serpent.
(22) La mort physique du coup d’équerre (règle) asséné la gorge, la mort sentimentale du coup de compas asséné au flanc et la mort mentale du coup de maillet assénée au front.
(23) Les noms diffèrent suivant les mythes, les écrits ou les rites : Jubelas, Jubelos et Jubelum - Méthousaël, Phanor et Amrou - Abyram, Nicanor et Sidnay - Kunvel, Gravelot et Abyram … Ces trois assassins figurent l'ignorance, l'hypocrisie ou le fanatisme, l'ambition ou l'envie. Elles sont à opposer aux qualités antithétiques d'Hiram : le savoir, la tolérance et le détachement ou la générosité.
(24) Il est dit que « La Connaissance repose à l’ombre de l’acacia ».
(25) Analyse interprétative
(26) Persistance d'un phénomène ou d'une sensation, même après la disparition de ce qui les a provoqués.
(27) Désigne un objet, une formule servant à détourner vers quelqu'un d'autre les influences maléfiques.
(28) La mort, porte de la vie.
(29) Oscar WIRT.
>(30) VITRIOL
(31) René GUENON
(32) Qui fait partie de la nature d'un être.
(33) L'immanence est le caractère d'avoir son principe en soi-même. Ce concept s'oppose à la transcendance1, qui est le fait d'avoir une cause extérieure et supérieure. Ce concept peut aussi s'opposer à la permanence qui désigne le caractère de ce qui demeure soi-même mais à travers la durée, c'est-à-dire en assignant un espace et un temps. L'utilisation de ces concepts nécessite la définition préalable de l'intérieur, de l'extérieur et de leur frontière.
(34) Visita Interiora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem soit : Visite l'intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée.
(35) Centre des centres, le « Un » matériellement manifesté. Pascal disait : « Dieu est une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part ».
(36) In Alexandre Lederman, L'Acacia m'est connu, Travaux de la Loge Nationale de Recherche Villard de Honnecourt, numéro 60, page 223.
(37 Acacia en Sabéen. À rapprocher de notre Houzé.
(38) Qu’est devenu le corps d’Hiram nonobstant son éternelle résurrection ?

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