Obédience : NC Loge : NC 10/2012

Le franc-maçon, passeur de tradition

En préambule je dirais que cette planche donnée au premier degré est la finalité d’un vécu, de recherches durant quelques années passées sur les colonnes, j’ajouterais que ce travail ne veut et n’affirme aucune vérité et que chacun de nous peut avoir une approche différente sur le sujet traité. Et j’espère qu’à l’issue de cette lecture les frères le manifesteront.

La Franc-maçonnerie n'est pas une religion. Elle est le plus souvent définie comme un ordre initiatique, universel, traditionnel, basé sur la fraternité, la solidarité. Tout homme, d'âge mûr croyant, (quelle que soit sa pratique religieuse), ou non-croyant, peut appartenir à la Franc-maçonnerie. La double appartenance pose toutefois problème avec la religion catholique, surtout en France (en Angleterre, encore aujourd'hui, les vénérables sont généralement des prêtres anglicans).

S’il existe un sujet polémique en maçonnerie, c’est bien celui de la tradition maçonnique. Bien évidemment chaque maçon a sa conception propre de cette tradition sans bien savoir, en vérité, ce qu’il y met lui-même dedans : quelques légendes, un brin d’histoire pas toujours maîtrisée, la compréhension de sa démarche personnelle.

Un maçon s’inscrit dans une lignée d’autres maçons, qui l’ont précédé, et cette lignée, la chaîne d’union dans le temps, s’ajoute à l’ensemble des maçons vivants sur la planète, dans des pays qui ont leur propre histoire maçonnique, la chaîne d’union dans l’espace.

Cette planche essaie non pas de définir la tradition maçonnique (tentative vouée dès le départ à l’échec) mais d’envisager comment ces traditions s’inscrivent bon gré mal gré dans les exigences du temps présent.

La notion même de tradition suppose la transmission. Transmission des principes, des règles, des exigences intellectuelles et morales. Cette notion est valable dans tout groupe humain. Depuis l’aube de l’humanité, les traditions ont évidemment évolué et personne ne le revendique. Les traditions ont suivi un lent mais régulier mouvement d’adaptation aux conditions nouvelles : technologiques bien sûr, mais aussi démographiques, commerciales, politiques. Il y a continuité mais non conservatisme.

S’appuyant sur l’héritage du passé et en prenant en compte les leçons des temps anciens, les francs-maçons se doivent aussi de s’inscrire dans le temps actuel. Il ne s’agit pas de cultiver une tradition qui telle un arbre mort ne connaitrait jamais de jeunes pousses, qui ne verrait jamais tomber ses branches mortes pour en voir repousser de nouvelles plus vigoureuses. En cela, les francs-maçons du siècle des Lumières, fondateurs de la franc-maçonnerie moderne, avaient déjà tracé la voie en élaguant les rituels médiévaux pour construire un ensemble rituélique orienté vers la philosophie et vers la société. Se nourrir du passé pour progresser aujourd’hui est le fondement de l’idéal maçonnique.

La tradition maçonnique devient alors une référence, un rappel du point de départ, mais certainement pas un dogme immobile, comme on l’entend encore trop fréquemment dans certaines loges ou certaines obédiences conservatrices.

Landmark et rituels : fondements de la tradition maçonnique ?

En anglais, le mot Landmark désigne un point de repère. En franc-maçonnerie, principalement dans les obédiences des USA, il existe différentes listes de Landmark qui sont autant de critères servant de base pour la reconnaissance entre les obédiences. La Grande Loge unie d'Angleterre n'a pas de Landmark à proprement parler, mais une liste de basic principes. D'autres obédiences définissent des listes de critères dénommées règles (souvent en 8 ou en 12 points). D'autres enfin, principalement en Europe, n'en définissent pas.

Les « Landmark » sont une série de principes - tel l’obligation de croire en Dieu ou l’interdiction faite aux femmes d’entrer en maçonnerie ou encore l’interdiction d’aborder les sujets politiques ou religieux - édictées par certaines obédiences pour déterminer la régularité d’autres obédiences. Ces Landmark sont à géométrie très variable et les obédiences les plus conservatrices, comme la Grande Loge Unie d’Angleterre, qui dénoncent toute évolution, ont elles-mêmes modifié leur propres Landmark de nombreuses fois en deux siècles.

Ces évolutions sont dues aux situations sociopolitiques que rencontrent les obédiences maçonniques à un moment précis dans leur pays. Comment, dans ce contexte, imposer de tels Landmark au reste du monde maçonnique ? Comment suivre pas à pas les caprices circonstanciels des uns ou des autres ? Les rituels maçonniques, pour être évolutifs, n’en sont pas moins les meilleurs outils de la tradition maçonnique. Des travaux en loge, les cérémonies de réception ou d’initiation, les prises de parole, les symboles d’ancienne maçonnerie qui sont attachés à chacune de ces étapes puisent à la même source, qui fait qu’un maçon en voyage, même s’il ne comprend pas la langue, saura toujours ce qui se dit ou se réalise devant lui, saura toujours ce qu’on attend de lui ; malgré toutes les évolutions et l’apparition de rituels différents, nous pouvons imaginer qu’un maçon du 18ème siècle transporté à notre époque serait perturbé par beaucoup de nos comportements modernes sauf en loge où il retrouverait l’essentiel de sa pratique rituelle.

Ce maçon voyageur dans le temps ne serait pas plus dépaysé que nous le sommes nous-mêmes lorsque nous visitons une loge dans un pays étranger. Cette mesure du temps et de l’espace qui ponctue les rituels maçonniques garantit la permanence de l’idéal maçonnique dans le coeur de chacun. A chaque outil : l’équerre, le compas et bien d’autres symboles, la disposition de la loge selon une géométrie cosmique - correspondent des valeurs dont la signification peut varier (c’est l’évolution normale) mais dont le fond reste identique parce qu’il est constitutif de l’être humain : le besoin de fraternité, le jugement droit, l’ouverture d’esprit, l’idéal de perfection, l’introspection sont rassemblés, concentrés et codifiés en loge mais appartiennent bien aux aspirations de tous les hommes de bonne volonté.

La Franc-maçonnerie dite spéculative par opposition à la franc-maçonnerie opérative ne remonte sans doute pas à Adam, Noé ou à la construction du temple de Salomon. La franc-maçonnerie moderne s’est développée à partir des débuts du XVIIIème siècle et reste très présente aujourd’hui. On peut évidemment se demander comment une société initiatique, basée sur la tradition et le rituel, peut survivre dans la société d’aujourd’hui. La réunion maçonnique appelée « tenue » est construite autour d’un rituel. L’ouverture et la fermeture des travaux, la circulation dans le temple, la circulation de la parole etc…sont régis par des textes que l’on imagine immuables.

Ainsi, dans certains ateliers pratiquant le rite écossais rectifié une soeur officier dignitaire est appelée avec l’expression « mon frère » comme indiqué dans le rituel. Il s’agit sans doute d’un respect des textes davantage que celui de la tradition puisque, à ses débuts, la maçonnerie spéculative, n’admettait pas l’initiation des femmes, pas plus que celle des esclaves.

L’initiation des femmes (ou leur reconnaissance comme « soeurs » par les membres d’obédiences masculines) ou d’homosexuels témoignent d’une mutation d’une société qui s’inscrit aussi dans la « société » de son temps. Les francs-maçons d’aujourd’hui…ne sont plus ceux d’hier.

Maintenant on a le droit de se poser la question, car il y a beaucoup de similitudes envers les compagnons du devoir et leurs traditions :

La franc-maçonnerie : est-elle fille du compagnonnage ?

L'origine compagnonnique de la franc-maçonnerie est une des thèses répandues par les historiens (qui n’ont pas toujours raison) de fait, on retrouve dans la franc-maçonnerie la plupart des symboles utilisés pendant plus de mille ans par les compagnons du Devoir. Les grades sont restés longtemps les mêmes : Apprentis, compagnons et maîtres.

La légende des origines est identique : les francs-maçons se disent « Enfants de la Veuve », car ils s'identifient à notre maître : architecte du Temple de Salomon et fils d'une veuve de Tyr.

La mort de ce maître donnée par des mauvais frères deviendra d'ailleurs le mythe fondateur de la philosophie maçonnique.

Quant aux symboles, l'équerre et le compas ils sont les insignes des deux Fraternités. De la franc-maçonnerie « opérative » à la franc-maçonnerie « spéculative ».

Cependant, l'origine compagnonnique de la franc-maçonnerie est controversée et de récentes études penchent pour d'autres hypothèses. Peut-être que dans un proche avenir nous allons assister à un revirement de la situation.

André Combes, historien et franc-maçon, pense que la maçonnerie de métier a disparu sur le continent européen à la fin du Moyen-âge. Il n'aurait plus subsisté que quelques loges allemandes de tailleurs de pierre à l'aube du XVIIIème siècle. Selon cet historien, la maçonnerie professionnelle aurait survécu en Angleterre et en Ecosse. Elle se serait adaptée à son époque après la construction des dernières cathédrales. Pour survivre, les loges auraient admises en leur sein des bourgeois et des nobles. Ces notables étaient désireux de percer les « secrets » du métier. Ils vont transformer la franc-maçonnerie opérative, celle de la pierre, en franc-maçonnerie spéculative, celle de la philosophie. Les ouvriers appellent les nouveaux membres issus de la bourgeoisie les maçons acceptés. Ces francs-maçons d'un nouveau genre vont s'efforcer de construire une société meilleure selon les plans du Grand Architecte de l'Univers, leur guide spirituel. Les secrets de la franc-maçonnerie qui étaient liés aux métiers de tailleur de pierre ou d'architecte vont être remplacés par les mystères en vogue. Les « maçons acceptés » vont introduire l'alchimie, la kabbale, les principes réformateurs de la Rose-Croix (ordre ésotérique allemand inventé par un homme de lettres mystérieux dénommé Christian Rosencreutz) et d'autres doctrines hermétistes. La philosophie maçonnique s'enrichit et la loge devient un lieu de rencontre en vogue. Les catholiques y côtoient les protestants et les déistes qui croient en un dieu non révélé : le Grand Architecte de l’Univers.

Il n’existe pas de Franc-maçon type. Les uns vont davantage insister sur le caractère initiatique de la franc-maçonnerie et sur l’importance du travail du franc-maçon ; d’abord sur lui-même puis hors du temple ; d’autres mettront en avant le rôle de réflexion sociétal des obédiences, d’autres encore- notamment dans les pays Anglo-Saxons privilégieront le caractère philanthropique de l’ordre.

La tradition maçonnique à la fois acte de transmission et corps de valeurs morales et spirituelles, elle renvoie à un courant de connaissance et de sagesse qui a puisé à des sources culturelles riches et différentes. Elle caractérise l’homme comme un être capable de se construire en référence à des valeurs transmises dans le cadre de l’expérience initiatique. On peut aussi la considérer comme un héritage et un patrimoine de culture et de civilisation. Dans cet acte de transmission, chaque maçon donne à ceux qui le suivent une vision de l’homme, une passion de la maîtrise et une foi dans la capacité des êtres humains à bâtir l’avenir, qu’ils vont eux-mêmes, expérimenter dans leur démarche initiatique.

La Tradition Écossaise

Deux cents ans après sa création, le R\ E\ A\ A\ nous confirme aujourd'hui encore sa fonction de gardien de la Tradition, et sa vocation à l'universel. C’est le potentiel initiatique réalisé dans ce Rite, La méthode se réalise par la pratique initiatique, dont seule la forme varie selon les traditions. Il est illusoire d’espérer s’initier et progresser sur sa voie initiatique en se limitant à l’étude de textes ou à l’écoute d’initiés. L’assiduité et le travail en loge paraissent nécessaires et incontournables au développement personnel de chacun afin de parfaire son avancée initiatique et à l’évolution de la F\ M\ de demain. La Tradition maçonnique, c’est la pratique collective du doute méthodique et le travail individuel sur soi ; « le maître est la Loge ». Dans d’autres traditions, le maître est un Ancien qui pratique le doute méthodique pour provoquer le travail sur soi des disciples.

Enfin j’aborderais pour terminer : Que le devoir du maître maçon, est de transmettre, de s’impliquer, aussi bien dans son travail que dans sa parole, double devoir vis-à-vis de soi, devoir envers les autres parce-que le maître maçon doit être prêt à accomplir son devoir sans songer à une récompense mais avec l’approbation de sa conscience, le devoir devient donc une obligation ; de la morale découle des devoirs, principe créateur le G\ A\ D\ L\ U\.

J’ai dit.

D\ J\


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