Obédience : NC Loge : NC 10/03/2003

La Tradition Hésychaste


Lorsqu’on tente d’expliciter la notion de tradition, deux idées essentielles doivent être présentes à l’esprit. L’idée de « Remettre » et celle de « Transmettre. »
Remettre signifie ici déposer, confier les acquis antérieurs en conservant ce qui a déjà été créé et Transmettre signifie rendre présent, ce qui a déjà été, en faisant en sorte d’intégrer et d’adapter des existants nouveaux et vivifiants, aux existants anciens.
Ainsi la tradition permet-elle à une communauté de se situer, puis de se recréer, enfin de se protéger en indiquant ce qu’elle veut devenir.
C’est cette dynamique évolutive que les représentants d’une tradition donnée doivent maintenir et c’est ce que nous FM, tentons de faire lorsque dans nos travaux nous nous plaçons sous l’influence de la Grande Lumière émanant du Volume de la loi sacrée, dont le rituel nous dit qu’il est le symbole de la Tradition.

Dans ce travail il ne sera  pas question de faire l’exégèse de la Tradition, ni de nier que très loin dans le passé elle s’exprimait sous une forme première et originelle, dont hélas nous avons perdu les caractéristiques, et à partir de laquelle chaque tradition particulière s’est déclinée. Tel n’est pas le travail demandé.
Il sera seulement question de présenter une seule tradition, en l’occurrence l’Hésychasme. Pour cela je me référerai aux écrits de Jean-Yves Leloup, philosophe ayant vécu au Mont Athos dans les années « 70 » du siècle précédent.
Pour saisir le plan que je vous propose, il faut d’abord définir l’Hésychasme.
Du grec Hesychia signifiant Paix et Silence, il est la tradition millénaire qui enseigne l’Art des arts que sont la Méditation et la Prière dans le christianisme, de l’époque des Pères du désert à nos jours. Ainsi, dans ce qui va suivre, et je pense que cela ne vous surprendra pas, je traiterai de la Méditation puis de la Prière. J’essayerai aussi de présenter ce qu’est la conversion c’est à dire le retour vers Dieu d’un point de vue hésychaste. Enfin je tenterai de situer la démarche maçonnique, notre démarche, par rapport à la conversion hésychaste.

Abordons le 1er point, la Méditation.

D’une façon générale, on considère que méditer c’est pénétrer l’essence des choses, c’est entrer dans la vérité, c’est aussi réintégrer l’être en lui-même. D’autres définitions sont également possibles, mais ce qu’il faut plutôt retenir c’est que la méditation est une expérience vécue en s’efforçant de calmer le corps, les émotions et le mental, dans le but d’accéder à une conscience supérieure, qui en réalité est une conscience vidée de son contenu, tout en restant totalement éveillée, et grâce à laquelle l’état d’extase et de fusion avec le Divin est possible
Dans cette expérience s’observe une phase active dans laquelle se fait un effort de concentration intense qui calme l’égo et le mental, suivie d’une phase passive pendant laquelle l’état méditatif se maintient en arrière plan des situations banales de la vie quotidienne.

Aujourd’hui comme hier la motivation pour atteindre cet état de conscience est toujours la même. Elle est celle qui ouvre à une vie intérieure en en privilégiant la dimension spirituelle, et cela afin de donner un sens à sa vie en lui faisant retrouver précisément le vrai sens de la vie.

La méditation hésychaste précise Yves Leloup se décline en différentes phases successives, et méditer se ramène à :
§                                méditer comme une montagne.
§                                méditer comme un coquelicot.
§                                méditer comme l’océan.
§                                méditer comme un oiseau.
§                                méditer comme Abraham.
§                                Méditer comme Jésus.

1        Méditer comme une montagne

D’abord rien de spirituel :
 
« Assieds-toi comme une montagne, ensuite médite comme une montagne »

§                                Etre assis comme une montagne, c’est trouver une bonne assise, c’est bien s’enraciner, c’est prendre du poids, être lourd de « présence ».
§                                Etre assis comme une montagne, c’est avoir l’éternité devant soi qui induit l’attitude juste pour celui qui veut méditer : savoir qu’il y a l’éternité derrière, dedans et devant soi.
§                                Méditer comme une montagne, c’est faire méditer l’être même, sur « le simple fait d’être », en écartant toute pensée, tout plaisir et toute  douleur.     
§                                Méditer comme une montagne, c’est apprendre à « voir » sans juger en donnant le droit d’exister à tout ce qui pousse sur la montagne.

2        Méditer comme un coquelicot

Ensuite et après l’enracinement et la stabilisation de la méditation, il faut la faire fleurir :
            « Apprends à méditer comme un coquelicot » disent les moines.

§                                Méditer comme un coquelicot c’est s’orienter et c’est ce qu’enseigne le coquelicot : se tourner vers le soleil, se tourner du plus profond de soi-même vers la Lumière. Le coquelicot bien orienté vers la Lumière a sa tige droite.
§                                Méditer comme un coquelicot, c’est redresser sa colonne vertébrale, c’est se tenir droit sans orgueil comme le coquelicot qui reste humble et souple sous les inspirations du vent.
§                                Méditer comme un coquelicot, c’est fleurir le temps qui est donné de fleurir, c’est aussi apprendre à se faner, c’est connaître l’Eternel dans la fugacité de l’instant, en restant droit et bien orienté.

A terme et si ces premières phases de méditation restent bien conduites, on sent fleurir la montagne dans le coquelicot. D’une certaine façon, c’est tout l’univers qui médite dans l’être.

3        Méditer comme l’océan

Après le coquelicot, il faut « Méditer comme l’océan »

§                                Méditer devant l’océan, et bien méditer, c’est l’art d’accorder son souffle à la grande respiration des vagues. C’est se laisser porter par le souffle comme on se laisse porter par les vagues. C’est aussi respirer profondément, laisser le flux et le reflux du souffle, être, simplement être.
§                                Méditer devant l’océan, c’est méditer à partir des vagues que nous sommes, pour perdre pied, s’enfoncer et prendre racine dans le fond de l’océan.
§                                Méditer devant l’océan, c’est aussi écouter qui est là à la fin de l’Expir, qui est là à la source de l’Inspir. Ce qui est là, ce sont quelques instants de silence plus profonds que le flux et le reflux des vagues semblant porter l’océan.

4        Méditer comme un oiseau

Etre dans une bonne assise, être orienté droit dans la lumière, respirer comme un océan, ce n’est pas encore la méditation hésychaste, il faut encore apprendre à « Méditer comme un oiseau ».
Pour saisir le sens de cette méditation, il faut se souvenir que dans le premier testament, la méditation est exprimée par des termes de la racine « HAGA » qui dans son sens primitif signifie « murmurer à mi-voix ». Cette racine est également employée pour désigner le cri d’animaux tel le chant de la colombe ou le pépiement de l’hirondelle. En écoutant l’oiseau, vient la méditation de la gorge. Elle permet d’accueillir le souffle, mais aussi de murmurer jour et nuit le nom de Dieu.

§                                Méditer, c’est murmurer comme la tourterelle, c’est laisser monter en soi le chant qui vient du cœur.
§                                Méditer, c’est respirer en chantant.

Au Mont Athos, les moines murmurent et chantonnent ce qui est dans le cœur : « Kyrie Eleison, Kyrie Eleison… » qui se traduit par «  Seigneur prend pitié », mais aussi par « Seigneur envoie ton esprit », ou par « Que ta tendresse soit sur moi et sur tous », et encore par « Que Ton Nom soit béni… ».

Les moines qui chantonnent ainsi cherchent à être sensibles et attentifs à la vibration éveillée dans leur corps et dans leur cœur. Ils essayent de l’harmoniser paisiblement avec le rythme de la respiration. Lorsque des pensées les perturbent, ils reviennent calmement à l’invocation, ils respirent plus profondément en se tenant droits et immobiles et ainsi vient le temps où ils connaissent un début d’hésychia : « la paix que Dieu donne sans compter à ceux qui l’aiment ».

5        Méditer comme Abraham

Jusque là la méthode est « purement naturelle » et la montagne, le coquelicot, l’océan, l’oiseau rappellent à l’homme qu’il doit, avant d’aller plus loin, récapituler les différents niveaux de l’être ou encore les différents règnes qui composent le macrocosme : le règne minéral, le règne végétal, le règne animal. Cette récapitulation terminée, il saisit alors l’existence d’une présence difficile à nommer et que rien ne peut nommer : Viens ainsi la possibilité de méditer comme Abraham.

§                                Méditer maintenant comme Abraham, c’est entrer dans une conscience nouvelle et plus élevée, qu’on nomme la Foi, grâce à laquelle l’intelligence et le cœur adhèrent à ce « TU » et à ce « TOI » qui est, et qui transparaît dans le tutoiement multiple de tous les êtres. L’éveil de l’intelligence et du cœur autorise la personnalisation de toutes choses y compris la personnalisation de l’Absolu source de tout ce qui vit. Cette personnalisation de l’Absolu permet de le nommer « Mon Dieu, Mon Créateur » et de marcher en « sa présence ».
§                                Méditer comme Abraham, c’est entretenir le contact avec « sa présence »
§                                Méditer comme Abraham, c’est alors éveiller, au-delà de la Paix et de la Lumière, l’amour pour tous les Hommes.
§                                Méditer comme Abraham, c’est encore intercéder pour la vie des Hommes, c’est même aller jusqu’au sacrifice. (dans la Genèse, il est prêt à sacrifier son propre fils Isaac.) Comme tout est Dieu, tout est de lui, par lui et pour lui, méditer comme Abraham conduit à la totale dépossession de soi-même, de ce que l’on a de plus cher. C’est n’avoir dans le cœur et la conscience rien d’autre que Dieu. Quand Abraham monta au sommet de la montagne, il ne pensait qu’à son fils. Quand il en descendit, il ne pensait qu’à Dieu. Passer par le sommet du sacrifice, c’est découvrir que rien n’appartient au moi, tout appartient à Dieu. C’est donc la mort de l’Ego et la vision du Soi.
§                                Méditer comme Abraham, c’est adhérer par la Foi à celui qui transcende l’Univers, c’est s’oublier pour se découvrir soi-même et pour découvrir nos proches et tout l’Univers habité de l’infinie présence de « Celui-là seul qui est »

6        Méditer comme Jésus

«Enfin, il faut méditer comme le Fils, comme Jésus »

Méditer comme Jésus, c’est méditer en intégrant toutes les formes de méditations. Jésus est l’homme cosmique sachant méditer comme la montagne, le coquelicot, l’océan, la colombe, mais aussi comme Abraham, son cœur était aimant sans limites. La nuit, il se retirait dans le secret où il murmurait « ABBA » = « PAPA ».

Telle était la méditation venant du fond du cœur de Jésus : « ABBA ».

Dans ce simple mot tout était dit. Le Ciel et la Terre devenaient tout proches. Dieu et l’homme ne faisaient qu’un. Méditer comme Jésus, c’est donc méditer en attendant que l’Esprit Saint  fasse apparaître les sentiments et la connaissance qui étaient en Jésus lorsqu’il disait ABBA.
Lorsque vient le jour où s’amorce l’identification, alors la méditation commence à être comprise.

Ici mes FF, ce qu’il faut avoir en tête, c’est qu’une telle pratique n’est pas réservée qu’à l’hésychaste du Mont Athos. Elle peut être effectuée par l’Hésychaste qui, après l’enseignement de la méthode de méditation, rejoint la vie sociale, rejoint le quotidien.
Lorsque dans celle-ci, il se sent agité, inquiet, fatigué, il va s’asseoir comme une montagne dans un parc ou à la terrasse d’un café. Lorsqu’il sent monter en lui l’orgueil et la vanité, il se remémore le coquelicot qui se fane et son cœur retrouve la lumière.
Lorsque la tristesse, la colère, le dégoût envahissent son âme, il respire au large comme un océan et reprend haleine dans le souffle de Dieu en invoquant son nom.
Lorsqu’il voit la souffrance des hommes, leur méchanceté et son impuissance à changer les choses, il pense alors à Abraham et lorsqu’on l’attaque, on le calomnie il se met en joie en méditant comme Jésus.
En fait et extérieurement il est dans le monde comme les autres mais ce qu’il y cherche d’abord c’est à y aimer Dieu à chaque instant et à marcher en sa présence.

Intéressons nous maintenant à la prière.

La prière c’est s’adresser à Dieu au moyen de mots et de formules pour témoigner l’adoration, la vénération ou demander une action de grâce.
Par rapport à la méditation qui nécessite calme et passivité apparentes, la Prière apparaît comme une mise en action portée par le verbe qu’elle utilise
Par la prière, l’homme décide de solliciter Dieu ce qui laisse penser que la Prière intervient comme moyen de rassurer, de calmer une angoisse préalable, un moyen aussi d’exprimer un besoin de soutien
Le problème important de la prière c’est de savoir la rendre effective, c’est à dire d’en faire une vraie Prière. C’est cette vraie Prière que les hésychastes portent à un haut degré de perfection lorsqu’ils disent que la « Prière est une Méditation qui a un cœur », montrant ainsi que méditation et prière sont indissociables. Pour les hésychastes, la prière est un art plus qu’une technique. Elle est l’art par lequel on s’unit à l’ultime beauté dont les corps humains, les visages humains et la nature entière ne sont que les reflets. « Prier c’est aller du reflet à la lumière ou revenir de la lumière en la vénérant dans ses reflets ». Bien évidemment la prière parfaite ne se fait pas du jour au lendemain.
Elle commence à s’approcher de la perfection lorsque se circonscrit un lieu ou semble se recueillir la présence divine cherchée. Ici nous sommes encore dans l’approximation.
Puis vient le moment où le lieu se précise et devient le « lieu de Dieu ». Pour les Hésychastes, ce lieu est le cœur, cœur sachant s’ouvrir pour recevoir en toute humilité. Dans ce cas, les hésychastes disent non pas qu’ils ont un cœur, mais qu’ils sont un cœur.

Etre un cœur, c’est d’abord savoir se centrer, c’est savoir voir, sentir, respirer avec le cœur. C’est tutoyer toutes les choses, c’est vivre non dans un monde d’objets mais dans un monde de présences

Etre un cœur, c’est ensuite savoir sortir de la dispersion du mental, des pensées qui l’agitent.

Etre un cœur, c’est enfin réussir à intégrer dans ce cœur l’énergie vitale et l’énergie mentale. Autrement dit c’est y faire monter l’énergie vitale et y faire descendre l’énergie mentale.
Dans ce cas, le cœur se pacifie, se centre et devient l’organe même de la conscience.

Lorsque le cœur est ainsi prêt, l’alchimie de la Prière peut s’y révéler. Les pères hésychastes insistent toutefois pour que dans la Prière s’installe le nom de Jésus, qui rend présent Dieu fait homme et qui fait réaliser que Dieu n’est pas sans l’homme et l’homme n’est pas sans Dieu.
Mais les effets de la Prière, même celle des hésychastes, ne sont pas immédiats. Il faut être patient. Il faut persévérer. Il faut prier le plus fréquemment possible, sachant que la prière est plus souvent imparfaite que parfaite et que « nous ne savons pas, dit l’Apôtre Paul, ce qu’il faut demander ». Seule la fréquence de la prière est laissée au Prieur. Les premiers effets sont souvent peu agréables et associés à la paresse, à l’ennui, au sommeil, ils font éclore le temps du doute et du rejet. Mais en persévérant viennent les changements espérés. La « présence se laisse percevoir » et progressivement grâce à sa mise en place se fait la théosis, c’est à dire se fait la « divinisation », se fait l’intégration au Divin. Ici on est prêt du but qui est l’entrée dans la lumière incréée grâce à laquelle on devient participant de la nature de Dieu.
Un dernier point concernant la prière doit être encore abordé. Les hésychastes disent en effet que prier ne veut pas dire fermer la porte aux perceptions des sens. Il faut au contraire, disent-ils, ouvrir cette porte et faire en sorte que les sens reçoivent  du pneuma, du souffle divin. Ainsi chargés ils deviennent alors un moyen remarquable pour avoir conscience de Dieu
En fait il s’agit de considérer les sens comme des amis et non comme des obstacles à la grâce.
C’est donc en tant qu’amis qu’il faut maintenant examiner leur contribution.

Contribution de l’ouie
Prier, ce n’est pas parler à Dieu, c’est se taire pour écouter. Ce que l’on entend d’abord, c’est le bruit de nos pensées, de nos représentations, de nos concepts forgés dans le temps. Ce bruit dit, certes, quelque chose de Dieu. Mais Dieu, ce n’est pas quelque chose, c’est quelqu’un dont on cherche la présence en soi.
Prier, c’est parfois résister au désir d’entendre nos pensées pour laisser s’installer le silence et comprendre que celui qui nous parle ne dira jamais un mot. C’est laisser monter en même temps un plus grand désir : celui d’intensifier l’écoute de « SON SILENCE ».

Contribution de la vue
Entendre quelqu’un, ce n’est pas encore le voir ; or, le désir de l’homme, c’est le désir de voir et s’il s’agit de Dieu, le voir « tel qu’il est »(St Jean) et non pas seulement tel qu’on peut l’imaginer, le représenter.

Pour voir Dieu « tel qu’il est », l’œil, tout comme l’oreille, doit être purifié, purifié des jugements, des comparaisons chargés dans notre mémoire.

Qui, une seule fois, aurait vu la rose telle qu’elle est, saurait ce qu’est prier. La rose ou un visage.


Prier, c’est contempler le visage de toutes choses, c’est à dire contempler « sa présence », son tutoiement fraternel qui en fait un signe de la tendresse de Dieu.

Pour mieux prier, si nos yeux commençaient à voir ce qu’ils voient, si notre regard prenait le temps de se poser et de se reposer en ce qu’il voit, il découvrirait aussi que toutes choses nous regardent, et que toutes choses, devant nous, prient.

Il faut donc passer de l’observation à la contemplation, saisir tout ce qu’il y a d’invisible dans ce que l’on voit. Ainsi, voir devient vision, et vision devient union.  

Contribution du toucher
Ecouter et voir tiennent dans la proximité, mais la présence cherchée ne se fait étreinte que par le toucher.

Dans la prière, l’oreille devient capable d’entendre l’inaudible, l’œil de voir l’invisible. Ne rend-elle pas capable par le toucher de sentir l’impalpable, de sentir l’espace dans la surface ?

Les anciens parlent souvent de la prière des mains à propos du travail. Mais les mains ne prient-elles pas aussi lorsqu’elles caressent, c’est à dire lorsque l’amour et le respect les habitent, les spiritualisent ?

La prière du toucher, c’est la prière d’un corps qui ne s’agrippe pas, qui ne se referme pas sur l’autre. Toucher Dieu ou se laisser toucher par lui, ce n’est pas se sentir écrasé, mais se sentir enveloppé. La prière est une étreinte qui rend libre. On ne prie pas les mains fermées, on ne peut prier que les mains ouvertes, les paumes offertes « Devant toi Seigneur ».

Contribution du goût
A force de  bien entendre, de bien voir, de bien toucher, la « Présence » se rend plus familière. Il s’agit maintenant de la goûter et de la savourer.

Prier, c’est avoir le goût de Dieu. « Qu’il me baise des baisers de sa bouche », dit le premier verset du cantique des cantiques. Par le baiser, les amis échangent leur esprit, leur souffle, et c’est pourquoi le baiser se fait sur la bouche, source d’esprit. Quand les esprits de 2 amis se rencontrent par un baiser, bouche sur bouche, ces esprits ne se séparent plus. De là vient que la mort par un baiser est tant souhaitable, car l’Âme reçoit alors un baiser du Seigneur et s’unit ainsi à l’Esprit Saint pour ne plus s’en séparer. La tradition dit que Moïse serait mort d’un baiser de Dieu indiquant par là l’état d’union  où l’avait conduit la prière. L’Eucharistie est le signe de l’amour de Dieu. Il se fait notre pain, notre vin pour être goûté.

Contribution de l’odorat
« Mon bien-aimé est pour moi un sachet de myrrhe qui repose entre mes seins » (Cant I-13)

Il n’y a pas de plus belle image disent les ascètes du désert pour décrire les plus hauts degrés de la prière du cœur. La présence de Dieu nous imprègne alors au dedans et au dehors et tous nos actes sont comme l’Aura parfumée du CHRIST vivant en nous.

L’odorat est un sens très subtil qui peut détecter le parfum de quelqu’un qui est un peu son secret, son « essence ». Souvenons-nous qu’ion peut dire d’une personne « Je ne peux la sentir ».

Les parfums jouent un rôle important dans la prière. Ainsi aucune tradition n’ignore le pouvoir de l’encens dont le rôle est de faire entrer dans un nouvel état de conscience et d’éveiller à la beauté de la « Présence ».

Alors, on peut ne plus vouloir rien entendre, fermer les yeux, mais « respirer seulement ». Dans chaque inspir, on sent alors se répandre dans tout le corps la vie même de la « Présence ».

Les hésychastes disent que prier, ce n’est pas rechercher des sensations, puis les ayant trouvées, de s’y complaire. C’est les accueillir si elles viennent simplement comme un don de Dieu. Il faut toutefois les maîtriser.

Avec la contribution des sens, c’est l’homme tout entier qui « rentre » dans la « Présence » et qui ainsi se transfigure.
L’expérience de la transfiguration est une des caractéristiques fondamentales de l’hésychasme. En rentrant dans la « présence », l’homme devient participant de la lumière incréée, lumière noire obscure aux yeux de ceux qui ne sont pas prêts à l’accueillir.
Cet homme « voit » la lumière incréée. Il est dans cette lumière.

La contemplation de la lumière incréée réservée aux grands spirituels et plus particulièrement aux grands spirituels orthodoxes devrait être également permise à tous les chrétiens. Cette lumière est celle du Mont Thabor rendue visible dans le corps glorieux du Christ (La gloire de Dieu = la lumière incréée constituant ou mieux reconstituant le corps du Christ). C’est la lumière qui se contemple lorsque l’esprit de Dieu, descendu dans l’homme, l’enveloppe dans la plénitude de sa Présence.
Cette fusion avec la lumière incréée, avec l’esprit de Dieu, termine la conversion de l’hésychaste, dont il sait qu’elle n’est pas définitivement acquise. L’accès à cette conversion est le fruit d’une préparation délicate qui, comme on l’a vu, doit intégrer dans le cœur l’énergie mentale et l’énergie vitale. Lorsque l’intégration est réussie, la plénitude de l’expression cardiaque peut alors se manifester. Du cœur jaillit l’amour de la totalité de la vie. Il s’exprime par des élans de tendresse, de tolérance, de compréhension, d’indulgence, de disponibilité et de compassion, dans lesquels se perçoit une éclatante beauté. C’est lorsque cet état de beauté est atteint que soudain on se sent dans l’esprit de Dieu et qu’ainsi la contemplation de la lumière incréée est permise.
L’hésychaste sait cela et toute sa conversion consistera à rendre son cœur plus beau pour que la communion avec l’Esprit divin soit effective.

Pour terminer il me faut tenter une comparaison rapide entre la superbe démarche hésychaste et celle que plus ou moins adroitement nous essayons de réaliser grâce au REAA.

On sait maintenant que la pratique de la Méditation et de la Prière conduit  l’hésychaste à la contemplation de la lumière incréée. C’est parce qu’il a accès à cette contemplation qu’il peut affirmer la transcendance de Dieu inaccessible, et qu’il peut affirmer aussi la proximité de Dieu, son immanence, sa présence en chaque homme c’est à dire la divinisation réelle de l’homme par les énergies de l’Esprit et du Verbe.

Lorsque par la pratique incessante, l’hésychaste sait méditer et prier, deux aspects le caractérisent parfaitement :
§                                l’humilité, conséquence de la prise de conscience de son ignorance de la nature divine.
§                                la certitude, conséquence de la prise de conscience du réalisme de l’expérience de Dieu par laquelle la présence de l’esprit peut être expérimentée jusque dans la chair.

Retenons aussi que lorsque l’hésychaste contemple la lumière incréée qui, précisément parce qu’elle est incréée, appartient à la transcendance de Dieu, il a momentanément franchi le seuil qui donne accès à cette transcendance. Il y rentre, il contemple la lumière incréée puis il revient, passe le seuil en sens inverse, et se retrouve dans l’immanence. En effectuant un tel passage l’hésychaste devient un initié accompli, car il réussit l’initiation aux grands  mystères de l’Assomption et de la Transfiguration où la vie est au service de l’Esprit. Nous sommes ici dans une phase initiatique analogue à l’extase mystique de la conversion plotinienne.

La voie proposée dans l’hésychasme n’est pas celle proposée en FM, c’est évident. Elle conduit à une initiation qui est au-delà de l’initiation maçonnique.

L’initiation maçonnique, rappelons-le a pour but de nous faire agir sur le PVM en cherchant à dépasser la dualité, la « séparativité » et de nous rendre unitaire dans les situations quotidiennes de notre existence. Pour réussir cela, elle nous invite à nous placer sous la dépendance de l’Esprit Un et à faire en sorte que son influence s’inscrive dans ces situations quotidiennes. Dans ce cas le vieil homme en nous, se transforme, se purifie, se rectifie, se transmute et fait place à l’homme nouveau de mieux en mieux adapté aux exigences rencontrées sur le PVM.
En fait et sur le PVM, le FM qui s’initie, s’initie aux petits mystères qui correspondent à l’incarnation de l’Esprit dans la matière grâce à laquelle l’Esprit se met au service de la vie.

Bien évidemment le fait que l’initiation hésychaste soit au-delà de l’initiation maçonnique, n’empêche pas ces 2 initiations d’avoir le même but, but qui est le retour à l’Un, à l’Esprit Un, et cela en restaurant l’homme véritable dans son état primordial afin de le replacer dans l’Eden.
Toutefois, si le but est inchangé, ce qui d’ailleurs ne surprendra personne, il ne peut être dit que ces initiations sont complémentaires.
Disons seulement que l’initiation maçonnique de nos loges symboliques correspond aux premières élévations de conscience et que l’initiation hésychaste correspond à celles qui ne sont plus très éloignées de l’ultime initiation que le profane appelle la mort.
Entre les deux s’installent d’autres initiations intermédiaires que d’ailleurs le REAA n’ignore pas et que progressivement, si nous restons homme de désir en quête de perfection, d’amour et de beauté, il nous proposera.

J’ai dit.

R\ B\

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