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Réflexions autour de l’idée de Loi Sacrée

A chaque tenue, nous ouvrons nos travaux au 1ier degré sous l’impulsion du Vénérable Maître après que le Frère Expert ait ouvert le Volume de la Loi Sacrée en l’occurrence la Bible ouverte au prologue de l’évangile de St Jean et ait disposé dessus le compas puis l’équerre.

Ce VLS qui est la Bible peut être remplacé, lors des initiations, à la demande du récipiendaire par :

-                     Les Védas de l’indouisme
-                     Le Tripitaka du Bouddhisme
-                     Le Coran des Musulmans
-                     Le Tao Te King des Taoïstes
-                     Les Quatre Livres de Confucius
-                     L’Avesta du Zoroastrisme

Ce volume symbolise la Tradition. Elle se veut l’expression de la plus haute connaissance (ontologique) accumulée par l’homme depuis qu’il est sorti de la caverne et qu’il a cheminé vers la Lumière.

Mais c’est ici le concept de « Loi Sacrée » qui est le sujet de notre réflexion ce soir et non du VLS.

Il faut entendre d’abord par « Loi » la règle suprême générale permettant, justifiant ou démontrant l’ordre cohérent des éléments constitutifs d’un ensemble.

Elle s’impose à l’ensemble de façon impérative. Il n’y a pas d’ordre, pas de vie possible sans Loi. Elle s’exprime et se retrouve à tous les niveaux :

Lois physiques, qui président à l’arrangement du monde de la matière et des phénomènes : le comment du monde mis en lumière par la raison au travers des sciences expérimentales.

Lois civiles : Droit positif qui fonde les règles constitutionnelles & juridiques d’un pays donné à un moment donné. Elles définissent le permis et le défendu en vue de rendre possible le vivre ensemble.

Loi morale : Elle est au fondement du droit positif. Deux grandes conceptions de la morale : Il y’a celle qui donne une place centrale au bien (éthique ancienne d’origine Grecque) et celle qui accorde une priorité au juste (éthique moderne naît au siècle des Lumières).

La Loi Sacrée quand à elle serait d’ordre ontologique et métaphysique : Si l’on s’en tient aux religions du Livre c’est l’ensemble des préceptes édictés par Dieu au travers des prophètes, préceptes qui régissent les rapports entre le créateur et ses créatures et entre les créatures elles-mêmes conformément au plan de Dieu.

Pour moi je définirai le « Sacré » comme un état particulier de l’être, une expérience de l’être qui nous met en présence du numineux. C’est un basculement de notre entendement fondé sur la raison vers une compréhension plus complète, plus totale de la Réalité. On parle alors de Réalité Ultime. Le sacré se manifeste en présence du Mystère (hiérophanie : manifestation du sacré). Le sacré est selon de nombreux anthropologues au fondement même des sociétés et des religions humaines. Jung rattache le numineux aux archétypes, formes symboliques premières et innées constitutives de l’inconscient (collectif) humain, que l’on pourrait rapprocher peut-être du monde des Idées de Platon…

Réfléchir à la Loi Sacrée c’est essayer de saisir la Loi Universelle qui régirait l’Univers dans son ensemble et chaque chose dans son détail, autrement dit un dénominateur commun à l’ensemble.

Il m’a fallu d’abord survoler quelques traditions de l’humanité à la recherche de cette idée de « Loi Sacrée » espérant en tirer une substantifique mœlle voir y trouver un dénominateur commun, pour revenir ensuite à notre démarche maçonnique.

Bien sûr ce bref survol n’a rien d’exhaustif et une vie ne suffirait pas à saisir toute la richesse de l’idée derrière le texte. C’est d’ailleurs toute la difficulté de l’étude des textes sacrés qui nécessite une véritable transformation de l’intelligence par l’esprit pour arriver à dépasser le niveau de compréhension littérale vers une compréhension ésotérique.

Depuis les origines de l’humanité, la croyance qu’une société doit suivre La Loi, la voie ou le chemin pour se maintenir elle-même ainsi que le monde qui l’entoure, semble commune à l’ensemble.
Par exemple, dans la mythologie grecque, Thémis fille d’Ouranos (le ciel) & de Gaïa (la terre) représente la Loi divine, la Justice immanente. Elle relève directement des dieux qui sont les gardiens du cosmos. Les dieux frappent tous ceux qui viennent troubler l'ordre de l'univers. Sa fille Diké personnifie la Justice humaine dans son aspect moral & légal. Comme l’écrit Pythagore «Thémis dans le monde de Zeus occupe la même place que Diké dans la cité des hommes, de sorte que celui qui n'accomplit pas avec justice le devoir qui lui a été prescrit peut être considéré comme un violateur de l'ordre général de l'univers. »

Dans le Tao Te king de la Chine antique, le Tao désigne à la fois la Loi, l'Ordre et le Chemin du cosmos. Le terme Tao s'applique à l’ensemble, en commençant par les deux forces antagonistes, indissociables et complémentaires primordiales : la lumière et l'obscurité, l'été et l'hiver, Ia chaleur et le froid, etc... Le Tao est le principe premier qui englobe tout. Tous les êtres vivants, y compris les humains, sont immergés dans l'ordre naturel gouverné par le Tao. Les hommes suivent le Tao en agissant conformément à la nature. Lorsque toutes les choses obéissent à cette Loi, elles forment un tout harmonieux et l'univers devient un organisme intégré. Malheur à l’homme qui ne suit pas le Tao !

Dans l'Egypte ancienne, la notion de Maât jouait un rôle semblable. Maât signifiait l'ordre juste dans la nature et la société tel qu'il a été établi par l'acte de la création... C’est ce qui est bon, ce qui est correct, la loi, l'ordre & la justice non seulement dans la société mais dans le cosmos entier. Maât demandait à être renouvelé et protégé et c’était le devoir de Pharaon, roi sacerdotal, d’établir en lui Maât pour permettre à son peuple et son pays de prospérer. En conséquence, Maât n'est pas seulement l'ordre juste, il est aussi le devoir que l'homme s'assigne et ce qui lui est promis, la récompense qui l'attend, une fois sa tâche accomplie.

Une notion proche existait dans l'Inde védique : le R'ta. Nous pouvons lire dans les Védas : « En accord avec le R'ta, la lumière céleste est venue au matin. L'année est le chemin du R'ta. Les dieux eux-mêmes sont nés du R'ta ou dans le R'ta; ils montrent par leurs actes qu'ils connaissent, respectent et aiment le R'ta ». Dans l'activité humaine, le R'ta se manifeste en tant que la Loi morale. Le R'ta représente aussi la Vérité. L'erreur est An-R'ta ce qui s'écarte du Chemin. Pour recevoir les dons de la nature, l'homme doit obéir au R'ta. Il est encore écrit : « Pour celui qui vit en accord avec R’ta la Loi éternelle, les vents sont remplis de douceur, les fleuves versent des douceurs... ». Les Védas expriment eux aussi la conviction que l'homme est soumis à l'ordre cosmique et que son rôle est de le maintenir en respectant la Loi Sacrée.

On retrouve la notion de Dharma à la fois dans les Védas de l’Indouisme mais aussi dans le Tripitakka du Bouddhisme. Le mot Dharma, qui étymologiquement signifie " soutien ", " appui ", exprime cette constance, cette normalité de l'univers qui engendre l’ordre et la vie. Ce mot décrit Ia manière dont les animaux, les hommes et les choses sont censés se comporter; il est la loi sacrée, la force organisatrice garante de l'ordre, l'organisation qui préside à l'univers tout entier, les relations entre ses diverses parties et les actions au sein de ses parties. Le Dharma est défini comme la loi universelle qui gouverne le monde dans sa totalité. On peut lire dans le Tripitakka « Dharma existe au bénéfice de tous les êtres car sa manifestation première, la lumière du monde, ne répand-elle pas ses bienfaits sur tous les hommes et toutes les choses ? ».
L'Avesta des anciens Perses parle aussi de la Loi, du Chemin, de la Voie et l'appelle Asha, le représentant céleste de l’ordre & de la justice sur terre. On peut lire dans l’Avesta : « Asha est le principe de toute existence bien réglée, et l'accomplissement de la justice est la fin à laquelle tend l'évolution de l'univers »

La Bible bien sûr fait aussi référence à la Loi Sacrée. Dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau. La Loi Sacrée y est évoquée d’abord dans la Thora juive par deux fois dans le livre de l’Exode et dans le Deutéronome qui évoquent la transmission par Dieu des tables de la Loi à Moïse sur le mont Sinaï. Elle est également évoquée dans le nouveau testament au travers de la vie et des enseignements du Logos, verbe du Dieu unique incarné, Yeshoua-Jesus. Ce nouveau testament représente la nouvelle alliance entre Dieu et son peuple au travers de son fils. Yeshoua ne vient pas abolir la Loi précédente celle confiée par Dieu à Moïse, mais vient l’accomplir, son sacrifice offrant le salut aux Hommes. Et Yeshoua de dire : « Toute la Loi est accomplie dans une seule Parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (St Paul – Epître au Galates, 14)


Ce rapide et bien réductif survol de quelques écrits de la Tradition n’a comme but, mes frères, que de nous faire saisir cette idée de Loi Sacrée qui semble bien être un fond commun à l’ensemble de l’humanité.

Nous serions donc soumis depuis la création à une Loi Universelle, Sacrée émanant d’un principe créateur et notre devoir, comme notre salut d’ailleurs, serait de la connaître et surtout de s’y conformer.


Rassurez-vous mes Frères notre maçonnerie à la GLDF ne nous demande pas de croire en une religion particulière mais au contraire, dans sa grande sagesse, les admets toutes tout comme elle admet nos frères « agnostiques » et place comme fondement premier (Anciennes obligations – chap I - concernant Dieu et la Religion) les obligations suivantes, je cite :

« Un maçon est obligé par sa tenure d’obéir à la Loi morale (…) Il est considéré maintenant comme plus expédient de les soumettre seulement à cette Religion que tous les hommes acceptent, laissant à chacun son opinion particulière et qui consiste à être des hommes bons et loyaux ou hommes d’honneur et de probité quelles que soient les dénominations ou croyances qui puissent les distinguer. »

Cette « Religion » que tout le monde accepte n’est donc pas nécessairement celles du livre mais « celle dont tous les hommes sont d’accord », une religion entendue dans le sens le plus large, le plus universel, celle qui veut relier tous les hommes de bonne volonté en un centre d’union.

La Franc-maçonnerie permet donc de mettre de côté les dogmes religieux à partir desquelles les hommes se sont persécutés pendant des siècles (et continuent d’ailleurs de le faire encore dans certaines régions du monde), et de chercher un dénominateur commun à l’ensemble qui est la Loi Morale.

D’ailleurs au 1ier degré, l’Equerre, symbole de cette Loi Morale, recouvre le compas et le VLS

C’est cette Loi morale qui permet et réalise l’universalité des hommes et l’accord des consciences. Elle est toute d’intériorité : Elle parle au-dedans de chaque homme dès que sa conscience peut l’entendre, dès que sa raison s’éveille.

Elle est universelle & atemporelle. Elle n’a pas évolué dans le temps ce sont les hommes qui au fur et à mesure de leur intelligence ont pu la saisir. J’entends par intelligence cette capacité de discernement de notre conscience qui nous permet de saisir immédiatement le bien et le mal, le juste et l’injuste et notre volonté de se tourner vers le bien et le juste plutôt que leur contraire.

Elle prend sa source au plus profond de nous-même, ce qui pour moi est la preuve qu’il y’a en l’homme une instance qui le dépasse. Qu’il y a au cœur de notre conscience et l’exprimant, un principe ou une valeur, et une volonté pour les réaliser.

Cette Loi morale est Loi d’Amour. Elle veut nous faire voir dans l’autre notre alter ego, littéralement notre « autre moi », notre frère donc, et nous enjoint à rechercher conciliation & concorde.

Elle nous incite à aimer notre prochain et à faire à autrui tout le bien que l’on voudrait qu’il fisse à nous-même.

Suivre la Loi morale c’est se mettre en conformité avec l’ordre des choses et c’est je crois tout le travail de l’initié, la position d’ordre de l’apprenti témoigne d’ailleurs de cela.

Cette voie nous est proposée dès notre initiation d’abord au cours des 3 voyages. Souvenons-nous :

Le 1ier voyage (Epreuve de l’Air) se fait sinistrorsum (inversement à la course du soleil) jalonné d’obstacles et de beaucoup de bruit symbolisant l’incapacité des profanes à connaître les lois profondes de l’univers et de s’y conformer et de là, les obstacles presque insurmontables qu’ils rencontrent sur leur chemin.

Le 2nd voyage (Epreuve de l’Eau) se fait dextrorsum (conformément à la course de soleil), avec moins d’obstacles et moins de bruit montrant que ceux-ci s’aplanissent de plus en plus sous les pas de l’homme qui persévère sur les sentiers de la Vertu…  

Le 3ieme voyage (Epreuve du Feu), également dextrorsum se fait en silence symbolisant le calme et la paix d’une vie lorsque l’on persévère résolument dans la Vertu.

Notre initiation nous donne le sens de notre travail dès notre passage dans le cabinet de réflexion : V.I.T.R.I.O.L. : « visite l’intérieur de la Terre et en rectifiant tu trouveras la Pierre Philosophale, Vraie Médecine »

La maçonnerie nous invite à ce long travail de descente en soi-même, ce chemin vers notre propre centre où réside l’Etre.

L’apprenti a reçu le mot sacré « B.O.A.Z. » maintenant la Force est en lui, c’est donc armé de son courage et de l’encouragement de ses Frères qu’il peut descendre en lui-même, se soustraire pour un temps aux bruits du profane, et c’est dans son silence qu’il pourra traverser les régions de sa psyché, découvrir le tohu-bohu de ses passions qui l’enchaîne encore, prendre conscience de sa masse de préjugés, d’illusions et de conditionnements nocifs accumulés au fil de son histoire personnelle.

« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux » nous rappelle à chaque instant Socrate.

Se connaître donc est la démarche éthique première.

L’apprenti a reçu ses outils : règle, maillet, ciseau, et il a effectué symboliquement son premier travail d’initié : 3 coups sur la pierre brute.

Il sait maintenant qu’il a à travailler sur lui-même, qu’il est objet et sujet de sa quête. Ce long et difficile travaille pour dégrossir cette pierre informe est un travail de rectification. C’est en ce réformant que nous pourrons petit à petit participer à l’harmonie de l’ensemble.

C’est son premier devoir qui lui ait d’ailleurs rappelé lors de l’épreuve de la terre à la rédaction de son testament philosophique lorsqu’il a à répondre aux trois questions portant sur ses devoirs en commençant par ses devoirs envers lui-même (+ patrie + humanité)

En conclusion,

Réfléchir à l’idée de Loi Sacrée nous a permis de remonter jusqu’à la Source de la Tradition, aux racines de l’humanité dont nous sommes les enfants, les dépositaires.

Elle nous a montré derrière des mythologies, des cosmogonies ou des religions différentes, un fond commun à l’Homme dans sa quête de transcendance.

Mais la Franc-maçonnerie n’est pas pour autant une religion de substitution. Elle est une école de sagesse, une méthode initiatique qui par contre s’inspire et tire profit de la Tradition.

Il n’y donc pas besoin d’adhérer à un dogme ni à une confession religieuse pour cheminer vers la Lumière.

La Grande Loge de France admet certes l’idée d’un principe créateur et affirme l’Etre sous le vocable de « Grand Architecte de l’Univers » sans pour autant le définir et l’enfermer dans les limites d’un concept, nous laissant à jamais dans l’ouvert.

L’apprenti sait qu’il a d’abord et avant tout à travailler sur lui-même, se connaître et se réformer, aidé par la communauté des frères, par notre rituel, nos outils et nos symboles et qu’il peut puiser librement aux sources de la Tradition pour nourrir son propre cheminement afin que la connaissance de soi, petit à petit, devienne naissance à sa propre lumière.

Vénérable Maître, et vous tous mes frères,

J’ai dit.

H\ L\


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