Obédience : NC Loge :  NC 22/02/2019


Laïcité et cohésion sociale

Le concept de LAÏCITE s’est concrétisé en France à la fin du XIX°s, sous la IIIème République, où Jules Ferry la fit adopter comme système de gouvernement excluant l’Eglise du fonctionnement des institutions républicaines. Et cela commença par l’enseignement primaire où se forment les préjugés idéologiques des futurs citoyens.

Le but était de former l’esprit républicain parmi les futurs citoyens de façon à y générer une cohésion sociale empêchant le retour à la monarchie ou à l’empire, comme ce fut le cas à plusieurs reprises après la Révolution de 1789. C’est ainsi que la 1ère République de 1791 fut remplacée par l’Empire de Napoléon1er en 1802, auquel succéda en 1815 le Roi Louis XVIII, suivi de Charles X et de Louis Philippe, avant de voir resurgir la IIème République en 1848, laquelle fut remplacée en 1852 par le 2nd Empire qui chuta en 1870, ce qui permit l’avènement de la IIIème République en 1875.
Il fallait donc mettre fin à cette valse erratique des institutions en asseyant l’esprit républicain dans les esprits. C’est ce que fit Jules Ferry en 1882 en instituant l’école laïque, gratuite et obligatoire jusque l’âge de 14 ans.

D’où vient ce concept de Laïcité ?
Ce concept s’était forgé avec l’esprit des Lumières des XVIIème et XVIIIème siècles dans l’intention d’émanciper les citoyens de l’absolutisme des rois de droit divin, dont la légitimité reposait sur la toute-puissante Eglise romaine qui subjuguait les consciences par la terreur de l’Inquisition suivie de la censure exercée par l’Index.
Cet esprit laïc des Lumières cherchait à émanciper l’Homme de toute forme d’obscurantisme le rendant esclave de ses préjugés. La bourgeoisie éclairée s’en servit pour conquérir la liberté d’expression vis-à-vis du Roi et de l’Eglise ainsi que l’égalité des droits avec la noblesse. Ce mouvement aboutira à la Révolution française de 1789 avec sa « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».
A partir de cette base de Liberté et d’Egalité, la 1ère République française abolit en 1792 l’esclavage dans les colonies françaises d’Amérique. Mais l’Empire napoléonien rétablira l’esclavage en 1802 à la demande de l’impératrice Joséphine, fille de riches créoles propriétaires d’esclaves. L’esclavage restera en vigueur sous les rois Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe.
Et il faudra attendre l’avènement de la 2nde République en 1848 pour faire abolir à nouveau l’esclavage par le ministre des colonies, Victor Schœlcher.

Tout cela montre bien que Liberté et Egalité sont intrinsèquement liés à la République, qui se veut une et indivisible entre des citoyens tous égaux en droits.
Aussi, la 3ème République a-t-elle voulu pérenniser l’esprit républicain chez les citoyens en instaurant, en 1882, l’enseignement laïc à l’école primaire, tout en la rendant gratuite et obligatoire pour tous les enfants jusque l’âge de 14 ans, pour construire la conscience civique du futur citoyen dans la cohésion républicaine.
A cet effet, l’instruction civique est assurée par des instituteurs laïcs qui enseignent la morale laïque du vivre ensemble, fondée sur la « Déclaration universelle des Droits de l’Homme » et le Code Civil, sans référence à la religion.
Par la suite, la Laïcité a permis d’écarter tout retour à la monarchie de droit divin, qui avait divisé le royaume en 3 classes sociales hiérarchisées, sans liberté d’expression ni égalité de droit, tout en étant alors soutenue par l’Eglise romaine.
Cette Laïcité fut renforcée au XIX° siècle par le mouvement de pensée positiviste, qui a foi dans le progrès des sciences, avec une explication darwinienne de l’évolution des espèces et une analyse sociologique de la misère des prolétaires, au lieu du MEA CULPA et de la résignation prêchés par l’Eglise.
Et, comme la misère sociale se répandit sans protection sociale au XIXème s, cela favorisa la propagation de l’idéal républicain laïc des partis politiques socialiste et communiste, qui luttaient pour la liberté et l’égalité sur Terre sans attendre le bonheur céleste promis aux pauvres dans les Béatitudes.
En résumé, la Laïcité a fini par soustraire le religieux de tous les rouages de l'État, tout en garantissant à chacun sa liberté de conscience, càd le libre choix de ses croyances métaphysiques et de sa pratique religieuse dans sa vie privée.
 
En quoi la Laïcité assure la cohésion sociale
La liberté de conscience étant le fondement de la laïcité, elle exclut tout prosélytisme religieux cherchant à s’imposer aux autres. Chacun a le droit de cultiver sa foi ou d’être athée ou agnostique. La tolérance est la règle, chacun acceptant que l’Autre puisse croire différemment, dans le respect d’autrui.
Mais pour atteindre ce niveau de réflexion, il faut une éducation civique appropriée, qui amène une évolution des esprits et des mœurs où s’imposent les valeurs de tolérance et de liberté de conscience. C’est l’œuvre de la Laïcité où l'éducation civique aide à générer dans les esprits des futurs citoyens une morale « civique » du vivre ensemble, tout en laissant à chacun le libre choix de sa pratique religieuse dans sa vie privée et associative.
Cet enseignement laïc doit donc être donné à tous les écoliers, tout en laissant aux parents le soin de le compléter par l’éducation religieuse de leur choix. Et c’est bien cette complémentarité qui renforce la cohésion sociale par la compréhension générale des valeurs de Liberté et d’Egalité dont le vécu génère la Fraternité citoyenne.
Cette distinction entre le domaine public où doit s’exercer la Laïcité, et la sphère privée où l’individu pratique son culte religieux dans le respect d’autrui, est une condition essentielle de la mise en œuvre de l’Etat de droit qui est la condition sine qua non de la cohésion sociale sous une bonne gouvernance.    

Nadim Michel KALIFE, économiste, loeildecain@yahoo.fr
Colloque CICCA-SOLA du 22/02/2019 à Lomé (Togo).

7049-A L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \