GLDF Loge : NC 10/02/2006


Tolérance - Laïcité - Liberté d'Expression

Il m’est apparu, à la lumière d’évènements récents, qu’il serait intéressant d’envisager ces évènements en tant que F\M\ mais aussi en tant que citoyen, si tant est qu’il puisse y avoir une différence notable dans la perception de ces évènements…
Ceci n’est pas véritablement une planche mais simplement quelques réflexions sur les notions de Tolérance, Laïcité et Liberté d’expression.

LA TOLERANCE

Le fondement de l’idée de tolérance réside en partie dans l’incertitude de la Vérité.

MONTAIGNE ne disait-il pas : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».

Nous savons tous qu’il est difficile d’approcher la Vérité, qu’elle est toute relative dans le temps et dans l’espace. Elle dépend donc d’une époque et d’une culture.

Il apparaît ainsi peu raisonnable de rejeter systématiquement les idées de l’Autre parce qu’elles ne reflètent pas la même opinion que la mienne !

La Tolérance demande une ouverture d’esprit une ouverture sur le monde, une éducation.

Elle est le propre des esprits éclairés, cultivés et n’apparaît que rarement chez les gens incultes, facilement manipulables, à qui il est facile d’inculquer depuis l’enfance des certitudes sans failles.

Attention, lorsque je parle de gens cultivés je ne parle pas de gens instruits qui sont loin de posséder tous cette qualité de Tolérance et sont au contraire assez souvent sujet à un esprit de caste et emprunts de morgues et de suffisance. Non, lorsque je parle de culture je parle aussi de connaissance et cela englobe aussi bien celui qui reste fidèle à sa tradition, la vit et cherche à mieux la comprendre que celui qui dans nos sociétés modernes ne se contente pas du savoir théorique inculqué par l’éducation officielle mais cherche par lui-même les réponses à ses questionnements car en fait celui qui va vers le Savoir c’est celui qui se pose des questions…

La TOLERANCE commence par la compréhension et se poursuit par l’empathie car pour qu’il y ait une véritable tolérance différente de la condescendance il faut un minimum de sympathie pour l’Autre, une grande bienveillance.

SPINOZA disait : « Comprendre est le commencement d’approuver » et J.F.REVEL a, à mon sens, assez bien défini la Tolérance en disant : « La Tolérance n’est point l’indifférence, elle n’est point de s’abstenir d’exprimer sa pensée pour éviter de contredire autrui, elle est le scrupule moral qui se refuse à l’usage de toute autre arme que l’expression de la Pensée » 

Et les religions dans tout ça ? Incitent-elles à la Tolérance ?

Si l’on se réfère à l’histoire des religions on y voit plutôt des luttes, des autodafés, des persécutions contre ceux qui n’étaient pas de la religion majoritaire ; les actes de tolérance ont été l’exception pendant des siècles et n’ont jamais durés bien longtemps.

En fait pour les religions la Vérité n’existe qu’en DIEU et par DIEU et on ne peut tolérer une attitude différente.

Quelques soient les religions (en dehors du Boudhisme qui est en fait plus une philosophie qu’une religion), elles admettent le pardon du Pêcheur ou la conversion du rénégat mais ne tolère pas une autre voie que celle du Dieu révélé

BIENE disait d’ailleurs à propos des religions : «Rien n’est plus logique que la persécution, la tolérance religieuse est une sorte de manque de Foi ».

C’est ainsi que petit à petit les tenants d’une religion d’état et ceux d’une séparation radicale des choses religieuses et des affaires de l’Etat se sont affrontés pour arriver à cette fameuse Loi sur la Laïcité du 3 Juillet 1905.

LA LAÏCITE

On entend et on a beaucoup entendu des jugements plus ou moins péremptoires sur la Laïcité, surtout lors de l’affaire sur le voile islamique, jugements pour ou contre…

Pour les uns la Laïcité serait la forme la plus élaborée d’une sorte de tolérance d’état, pour les autres au contraire ce serait un apartheid contre les minorités et particulièrement contre la communauté musulmane.

Or pour mieux comprendre ce principe de Laïcité il faut faire un petit retour en arrière…

Nous sommes donc au début du 20ème siècle et deux France se font face, le ton est guerrier.

La violence de l’affaire Dreyfus a exacerbé l’opposition entre l’Eglise et la République, la première disposant des congrégations religieuses comme autant d’armes redoutables contre la « Gueuze ».

Le gouvernement de WALDECK-ROUSSEAU vote la garande loi de 1901 sur les associations réservant un régime particulier à ces associations et surtout aux congrégations.

Le Gouvernement qui suit, celui du petit père COMBES, se sert de cette Loi pour éradiquer cette anomalie, cet état dans l’état.
C’est ainsi que cette politique anti-cléricale trouve son apogée dans la Loi du 7 juillet 1904 qui interdit l’enseignement des congrégations.
Au même moment, un certain nombre d’incidents rend la séparation inéluctable :

Querelle avec le Vatican à propos de la nomination des évêques, visite du Président LOUBET à Rome mais côté QUIRINAL….si bien que la France et le Vatican rompent leurs relations le 30 Juillet 1904.

Le 11 Juillet 1903 la Chambre a désigné une commission chargée d’étudier les projets de loi relatifs à la séparation, c’est la fameuse commission des 33.

Fin Mars 1905 la discussion commence à la Chambre. Les Députés puis plus tard les Sénateurs vont offrir à la France des débats d’une haute tenue morale et intellectuelle.( A cet égard je vous invite à regarder le film LAÏCITE projeté il y a peu sur la 2 ou la 3- c’est un véritable régal).

Enfin les Députés votent le Projet le 3 juillet 1905 par 341 voix contre 233, puis les Sénateurs le 6 décembre 1905 par 181 voix contre 102.

Il importe de revenir maintenant sur les fondements de la Loi. Un article de BUISSON intitulé « La vraie séparation » nous en donne une idée et devrait nous faire réfléchir :

« L’Etat ne connaît que des citoyens. Catholiques ou Protestants, croyants ou athées ils sont tous égaux en droit devant lui. Il n’a pas plus de faveur pour les uns que de rigueur pour les autres. Que leur organisation religieuse soit fondée sur le régime monarchique ou sur le régime démocratique, il n’en a cure. Pourvu qu’ils ne troublent pas l’ordre public, tous ont la plénitude de la liberté d’action, d’association, de manifestation, de propagande, d’organisation. Trouver une politique qui respecte la Souveraineté nationale, qui maintienne la suprématie des pouvoirs civils et qui en même temps laisse les populations catholiques user comme elles l’entendrons des églises, se soumettre aussi absolument que bon leur semblera à l’autorité de leurs pasteurs, pratiquer le culte à leur gré, non seulement sans vexation, mais sans contrôle et sans ingérence quelconque de la société civile : Est-ce un problème insoluble ? »

On mesure dès lors que la Laïcité telle que la définit la Loi de 1905 va bien au-delà de la simple tolérance religieuse puisque la liberté de conscience garantit l’égalité de traitement aux trois options spirituelles : croyance, incroyance et agnosticisme.

A la lumière de cette Loi plutôt que de parler de tolérance il me paraît plus juste de parler d’égalité.

La tolérance en parlant de laïcité me semble un principe insuffisant voire anti-républicain.

Au cours des siècles on s’est battu pour la tolérance : Etienne DOLET (imprimeur humaniste étranglé et brulé place Maubert pour athéïsme et hérésie),  le Chevalier de la Barre (exécuté pour avoir refusé de saluer une procession), Michel SERVET (brulé vif sur le plateau de Champel à Genève, à l’instigation de Calvin)-

Mais la tolérance est une concession révocable (voir Edit de Nantes), il y a celui qui tolère qui est dans un rapport de domination et celui qui est toléré.

L’individualisme qui constitue le fonds de la laïcité républicaine et va bien au-delà de la simple tolérance, bouleverse ce shéma. Les français deviennent égaux devant la Loi comme protestants en 1789 et les juifs en 1791.

La Loi de 1905 ne fait que renforcer cet état de fait en supprimant tout lien étatique avec le clergé et toutes congrégations religieuses et en proclamant solennellement l’égalité des citoyens de toutes religions.

Il ne s’agit donc plus de tolérance ni même de compréhension mutuelle ou de bienveillance, résultats possibles mais pas certains du sentiment de tolérance, non, mais simplement de Liberté et d’égalité.

Comme le disait Edgar QUINET «  il ne suffit pas de se tolérer les uns les autres ; il faut encore être réciproquement d’intelligence ».

Le principal enseignement de la loi de 1905 est la création de cet espace politique neutre qui permet à l’homme de s’épanouir dans le citoyen, le particulier dans l’universel, étant bien entendu que, grâce au principe de séparation, le citoyen ne nie pas l’homme ni l’Universel le particulier.

En République on est pleinement Homme qu’à travers son statut de citoyen et non à travers son statut de catholique, protestant musulman ou autre. La seule appartenance légitime est la communauté nationale.

CONCLUSION

Et les caricatures dans tout ça ? Que faut-il en penser ? Quelles réactions adopter ? Les réactions du monde musulman nous paraissent-elles légitimes ? Quid de la liberté d’expresion ?

Autant de questions qu’un F\M\doit se poser et je suis sûr nous sommes tous posés…

Rappelons brièvement les faits :

Un journal danois a publié 12 caricatures (dont vous avez un certain nombre entre les mains), liées plus ou moins au terrorisme islamique. Ces caricatures publiées en septembre 2005 ont donné lieu depuis une semaine à de violentes manifestations anti-occidentales et ont même occasionné des victimes.

Si l’on se place du strict point de vue du citoyen, laïc et soucieux de la liberté d’expression, le journal danois avait parfaitement le droit de publier ces dessins, il n’a fait que d’user de son droit à la libre expression mais si l’on raisonne en F\M\ que devons nous en penser ?

En effet, la tolérance maçonnique n’est pas, ce me semble, de même nature que la tolérance que l’on pourrait qualifier de « laïque »qui met l’accent sur l’égalité et la liberté ; non, la tolérance que nous pratiquons est une tolérance active, dynamique, ouverte, basée sur l’empathie si chère au Boudhisme.

Cette tolérance nous invite à mieux connaître l’Autre, ses croyances, sa culture et dans ce cas particulier elle nous permet de comprendre sa honte et sa colère devant un acte considéré comme un blasphème par les musulmans.

Il n’est bien entendu pas question d’excuser les actes de vengeance des populations frustes, manipulées par des extrémistes de tout bord, politiques ou religieux, qui profitent de cet incident, mais simplement de se dire que la liberté d’expression, comme d’ailleurs la tolérance, a ses limites, qui trouvent leur expression dans la dignité de l’homme et ce qu’il a de plus sacré, le sentiment religieux.

N’oublions pas, nous F\M\la dimension spirituelle de l’homme et le sens du Sacré.

Cette liberté d’expression ainsi d’ailleurs que toute autre forme de liberté ne doit pas porter atteinte à la dignité des autres, même et surtout dirais-je s’il s’agit d’une minorité !

Une saine conduite doit nous être dictée par notre conscience éclairée par la raison.

Je n’insisterai pas davantage sur les conséquences et les positions idéologiques sur cette affaire et laisserai à mes FF\ le plaisir d’apporter leur pierre à cette construction de la Pensée qu’est la Tolérance et la Liberté.

Je terminerai simplement par une pensée de NIETSCHE sur la Tolérance :
« Le plus sûr moyen de corrompre un individu, s’est de lui apprendre à accorder plus d’estime à ceux qui pensent comme lui qu’à celui qui pense autrement ».

V\MJ’ai dit

M\ P\


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