Obédience : NC Loge : NC 04/2010


Big-Bang et Principes Anthropiques

Très Vénérable et vous tous mes frères en vos grades et qualités,
Avant mon initiation, lors de sa première enquête, le Maître enquêteur m’a demandé si je croyais en Dieu. Je lui ai répondu par l’affirmative avec la nuance que je n’étais pas catholique pratiquant comme l’aurai voulu mon éducation traditionnelle ; mais que j’étais certain que Dieu existât, que scientifiquement cela paraissait, pour moi, être une évidence. Je lui ai dit aussi que je pense qu’une parcelle de divin est en chacun de nous. C’est ce terme de « scientifiquement » sur lequel certains d’entre vous  m’ont demandé des explications que j’aimerais développer en vous parlant du Big-Bang et du Principe Anthropique.

En préambule, il faut que nous parlions de l’évolution des différentes théories en physique :

·        La physique de Newton, géométrie euclidienne, tout le monde la connaît, et manipule des objets ou applique des règles quotidiennement obéissant directement à ces principes ; Newton a en outre découvert les lois de la gravitation : deux corps dans l’espace s’attire avec une force inversement proportionnelle au carré de leur distance.
·        La théorie de la relativité restreinte d’Einstein, déjà moins évidente : c’est la notion d’ « espace-temps » où la vitesse de la lumière est une constante universelle, le temps n’est pas le même pour deux observateurs situés dans deux espaces différents, mais où les lois physiques sont les mêmes pour un observateur se déplaçant avec le système observé.
·        La relativité générale introduit notamment la notion que la gravitation n’est pas une force mais la manifestation de la courbure de l’espace-temps, un peu comme si l’on posait un bille sur une toile en caoutchouc, cela ferait un creux d’autant plus important que la bille est lourde, donc que sa force de gravitation est importante. Cette théorie s ‘est révélée exacte et on a pu calculer et observer la déviation des positions apparentes des étoiles par le soleil, prévoir l’existence de trous noirs dans lesquels la gravitation est telle qu’elle ne permet pas à la lumière de sortir de ce trou. Cette théorie a aussi permis de montrer que l’Univers est en expansion.
·        De l’infiniment grand allons vers l’infiniment petit, mais les deux se rejoignent évidemment. Nous sommes alors dans le domaine de la physique quantique. C’est une physique un peu « bizarre, inhabituelle », donnant une large place aux probabilités, développée au début du 20ème siècle par Max Planck, la mécanique quantique est la théorie qui décrit le monde microscopique des atomes et des particules. Elle remet en question la physique classique, héritage de Newton et de Galilée. Pendant longtemps, on a cru que le fonctionnement du monde atomique, inaccessible directement à nos sens était similaire à celui du monde macroscopique, celui de la vie de tous les jours. On ne faisait qu’appliquer le fameux « tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », d’Hermès Trismégiste. On croyait par exemple, que l’atome ressemblait à un système solaire miniature, les électrons jouant le rôle de planètes autour du noyau. En fait, il n’en est rien. Le principe d’incertitude de Heisenberg explique à ce sujet que l’on ne peut pas connaître précisément à la fois, la position et la vitesse d’une particule  et qu’en général, un électron ne possède pas une vitesse et une position bien définie, alors aller leur imaginer des orbites au sein de micros systèmes solaires, c’est totalement impossible.
Ces concepts de position et de vitesse tirés de la vie courante perdent leur sens dans le monde quantique.

Autre principe « révolutionnaire », une particule peut pendant un laps de temps infime, se trouver à deux endroits à la fois, on dit qu’elle est dans un état superposé, à la fois ici et ailleurs.


Au CERN près de Genève, les physiciens « s’amusent » à casser des atomes, ainsi, en cassant des protons et des neutrons, on a fait surgir de nombreuses particules. Celles-ci composées de quarks d’une taille de 10-18 mètres, dimension qui correspond à la longueur de Planck, en deçà de laquelle il est inconcevable que la matière existe d’après la théorie quantique.
En combinant la relativité et la physique quantique, les physiciens ont établit la théorie quantique relativiste des champs.
Dans cette perspective, une particule n’existe pas par elle-même, mais uniquement à travers les effets qu’elle produit. Cet ensemble d’effet s’appelle un champ. Les objets qui nous entourent ne sont autres que des ensembles de champs (champ électromagnétique, champ de gravitation, etc.).
La réalité essentielle, fondamentale, est un ensemble de champs qui interagissent entre eux.
Au sens strict, un champ n’a pas de substance matérielle autre que vibratoire ; ce serait l’énergie de ces champs qui « crée » la matière. Ceci revient à dire que le fond de la matière est introuvable sous la forme d’une chose, d’une parcelle de réalité.

Alors comment passer de cette théorie un peu folle à la réalité tangible à nos yeux ; sans doute par le phénomène de décohérence qui démontre que, mathématiquement, la probabilité que la matière se trouve dans un état superposé, c’est à dire dans plusieurs états à la fois, à l’échelle macroscopique, tend rapidement vers zéro et ceci en un temps de l’ordre de 10-16 secondes et c’est pour cette raison que le monde macroscopique est accessible à nos sens.

La simple observation d’un système provoque l’annulation de cet état superposé, autrement dit l’effondrement de la fonction d’onde quantique, et même en l’absence d’observateur, le fond diffus cosmologique, dont je vais vous parler dans un instant, provoquerait ce phénomène quoique beaucoup plus lentement.
Toutes ces théories relatives à la physique quantique, sauf la théorie de la décohérence qui n’est qu’une hypothèse parmi d’autres, ont été soumises à l’épreuve de très nombreuses expériences qui les ont toutes accréditées.


Le Big-Bang

La notion de Big-Bang a été introduite par Friedmann et Lemaître en 1927 et confirmé par Hubble en 1929 qui a démontré que l’Univers était en expansion,  et donc qu’il y avait eu un commencement.


La réalité du Big-Bang a été mise évidence par Penzias et Wilson en 1965 par la découverte du fond diffus cosmologique, ce rayonnement électromagnétique fossile du big-bang émis 380000 ans après le commencement du temps (nous ne pouvons pas voir avant car les photons ne pouvaient s’échapper de la masse des particules en raison de sa trop forte densité).Vous pouvez d’ailleurs observer cette émission d’ondes qui participe à la « neige » de votre téléviseur lorsque la réception est mauvaise.

Effectivement les différentes mesures issues de la relativité générale montrent que l’Univers est expansion, que cette expansion même s’accélère grâce à l’Energie Noire qui pose encore bien des interrogations aux scientifiques. L’observation grâce au télescope de Hubble fait remonter l’origine de l’Univers à 13,7 milliards d’années.
La physique quantique démontre qu’il existe un « mur » du temps égal à 10-43 secondes au deça duquel il est impossible de remonter ; à ce temps correspond une température de 1032 °Kelvin et c’est à ce moment précis que le Big-Bang a eu lieu et que l’Univers a commencé à exister créant lui-même l’Espace et le Temps.
Avant ce mur du temps de Planck qu’y avait-il donc ? Rien, ou plutôt du vide, encore que le vide n’existe pas en mécanique quantique ; dans l’espace intergalactique il y aura bien quelques atomes par-ci, par-là. Et surtout dans ce pseudo vide il y a toujours des champs électromagnétiques non matérialisés.

D’autre part, si la relativité établit une équivalence Matière/Energie, (vous connaissez la célèbre formule E=MC2), la physique quantique démontre que la matière peut émerger du vide si une grande quantité d’énergie y est injectée ; le vide quantique est ainsi l’objet d’un incessant ballet de particules qui apparaissent et disparaissent dans un temps extrêmement bref.

On suppose donc que derrière le mur de Planck se cache une énergie primordiale d’une puissance illimitée, non soumise au temps, celui-ci n’existant pas encore.
Ainsi l’Univers serait né d’un instant primordial 10-43 secondes avant le mur de Planck, c’est de cette singularité où rien n’existe que tout aurait commencé.
Cet état d’avant le Big-Bang était d’une perfection absolue, d’une symétrie absolue, d’une puissance absolue. Cet océan d’énergie illimitée, cet état de perfection posé par la science aux origines de l’Univers appartient au Créateur, au Grand Architecte de l’Univers, force infinie, sans commencement, ni fin.

Notre monde actuel serait issu de la fluctuation de ce vide qui aurait donné naissance à l’Univers avec son propre espace-temps, ses lois, sa physique et engendré les forces et les particules que nous y trouvons.

Pour le physicien quantique, le vide est l’état latent de la réalité et la matière son état manifesté ; il y a eu brisure du vide dans la Lumière ce qui a créé la matière.
« Et le Verbe s’est fait chair », nous dit St Jean, « La lumière infinie dans l’espace vide est descendue et tous les mondes parfaits furent émanés » nous enseigne la Kabbale.
 
La Kabbale et le Prologue de St Jean nous proposent une explication allégorique de la Création. Dieu par son souffle divin a fait surgir du néant des particules latentes de matière, ce qui a aboutit à la formation de l’Univers.
Alors pourquoi ai-je commencé par vous raconter un petit morceau du début de l’Univers ?, et bien parce que je trouve cela passionnant et bien qu’en loge nous soyons là pour vaincre nos passions, je crois et espère que cette passion n’aliène pas ma capacité de réflexion et de discernement.
Si la Science essaye de répondre au « Comment », comment l’Univers s’est créé, comment il évolue, comment les étoiles naissent et meurent, comment la Vie est apparue sur terre, cette même Science ne peut répondre au « Pourquoi », pourquoi, comme le disait Leibnitz à la fin du XVIIème siècle, « quelque chose plutôt que rien »; pourquoi l’Homme existe.
C’est à ce stade que j’aimerai vous parler du ou plutôt des Principes Anthropiques.
Si la Terre était considérée comme le centre du monde par les grecs, la science petit à petit a fait de celle-ci une petite planète insignifiante parmi tant d’autres sur laquelle vit l’Homme ; et pourtant cette majestueuse structure cosmique, pleine de chaos, d’incertitude, d’entropie a donné naissance à la Conscience.

Principes Anthropiques
Le Principe Anthropique faible, admis par tous les scientifiques est une tautologie : l’Univers se trouve avoir exactement les propriétés nécessaires pour que nous existions ; c’est une évidence.
Le Principe Anthropique fort, lui, suppose une intention, une finalité dans la nature : l’Univers est réglé de façon extrêmement précise pour qu’il mène à la Vie et à la Conscience.
L’Homme reprend ainsi la première place dans l’Univers, la raison même pour laquelle l’Univers a été conçu.
Quelques citations :

« Les Lois de la Nature sont écrites par la main de Dieu, dans le langage des mathématiques » Galilée
« Un honnête homme armé de tout le savoir à notre portée aujourd'hui se devrait d'affirmer que l'origine de la vie paraît actuellement tenir du miracle, tant il y a de conditions à réunir pour le mettre en œuvre » Sir Francis Crick (1981)
De plus, comme Stephen Hawking le dit, un “ Commencement ” implique un “ Créateur ”.

Explications :
Les premières apparitions de la Matière telle que nous la connaissons furent si chaudes et denses qu’il s’agissait d’une sorte de « soupe primordiale » dans laquelle cependant existaient potentiellement les états gazeux, liquides et solides. Le principe anthropique fort prétend que la vie biologique et la conscience existait déjà en puissance dès le début de l’Univers. Ainsi la Vie et la Conscience seraient des états inévitables que l’Univers devait laisser émerger à un moment ou à un autre. Si l’Univers est vieux de 13,7 milliards d’années, c’est pour laisser le temps à l’Homme d’apparaître.
Ce principe anthropique s’appuie sur un impressionnant calcul de probabilités : nous avions une chance sur 1043  pour que nous existions.
Vous savez qu’il existe une quinzaine de constantes de la nature immuables : la vitesse de la lumière, la constante de Planck, les forces nucléaires fortes et faibles, la force électromagnétique, la masse de l’électron, sa charge électrique, la constante de gravitation, etc.
Ces constantes déterminent non seulement la masse et la taille des galaxies, des étoiles, des planètes, mais aussi de toutes choses dans l’Univers, y compris les êtres vivants avec leur ADN.

Plus la cosmologie moderne a progressé, plus elle a découvert que l’Univers a été réglé d’une façon extrêmement précise pour que la Vie apparaisse, que l’existence du vivant est inscrite dans chaque atome.
Il suffirait qu’une des constantes fondamentale varie d’une fraction infime pour que nous n’existions pas.
La précision du réglage de notre Univers est de l’ordre de 1060 ; il ne paraît pas ainsi concevable que cela soit du au seul fait du hasard. Et si l’Univers était différent il n’aurait pas jamais généré l’objet le plus complexe qui est le cerveau humain, composé de quelques 100 milliards de neurones interconnectés, autant que d’étoiles dans une galaxie ou de galaxies dans l’Univers observable !
Et puis avez-vous remarqué comme l’Univers est beau, des images des bras élégants d’une galaxie prise par un télescope au coucher du soleil sur une plage tropicale, du délicat contour d’une fleur à la complexité harmonieuse des coquillages comme le nautile.
L’Univers est harmonieux parce que les lois physiques qui le régissent ne varient ni dans le temps, ni dans l’espace.
L’Univers tend vers l’Un, l’Unité : c’est la grande recherche de notre siècle que la théorie du Tout ; Maxwell a démontré que l’électricité et le magnétisme n’était que deux aspects d’une même chose, Einstein unifie le temps et l’espace, les physiciens peaufinent l’unification de trois des quatre forces fondamentales, seule la gravitation résiste encore actuellement.
Non cette profonde unité n’est pas le fruit du hasard.

Tout l'Univers montre qu'il a été taillé sur mesure pour l'avènement de l'humanité sur la Terre.

Le caractère mathématique de l'Univers cadre bien avec le prologue de l’Evangile de Jean :   Dieu a inventé l’Univers par son souffle, par sa parole :
« Au commencement était la Parole ;
La Parole était auprès de Dieu ;
La Parole était Dieu.
Elle était au commencement auprès de Dieu.
Tout est venu à l’existence par elle,
Et rien n’est venu à l’existence sans elle.
Ce qui est venu à l’existence en elle était vie,
Et la vie était la lumière des humains. »

C'est dans les sociétés occidentales influencées par le Christianisme que la science moderne est née, que la révolution scientifique s'est opérée. De nombreux “ pères ” fondateurs de la science moderne étaient croyants, au sens large du terme : de Copernic à Jérôme Lejeune en passant par Galilée, Descartes, Newton, Pascal, Leibniz, Pasteur, Mandel, et bien d’autres.
Le Créateur, décrit dans le Nouveau Testament, est donc celui qui cadre le mieux avec la réalité du Principe anthropique qui ressort des données que la Science a accumulée jusqu'à ce jour.

En conclusion très provisoire, je dois dire d’abord que j’ai hâte de connaître les premiers résultats des expériences qui viennent de commencer au LHC du CERN. Je suis convaincu que ces résultats, loin de nous confiner à une vision matérialiste de l’Univers et de la Matière, vont au contraire ouvrir des horizons de spiritualité et nous rapprocher des mystères de la Création et donc du Grand Architecte de l’Univers.

Mais gardons à l’esprit qu’il nous faut rester prudent quant aux résultats et avancées de la Science car celle-ci ne pourra jamais détenir la Vérité Absolue comme la montré le mathématicien Kürt Gödel avec son théorème d’Incomplétude, qui montre d’une part que tout système contient au moins un élément indémontrable, d’autre part que nous pouvons percevoir la vérité de certaines propositions sans que celles-ci soient démontrables. De plus, l’homme observateur fait partie obligatoirement du système observé, et donc incorporte une certaine part de subjectivité aux résultats obtenus dans ses observations et expériences.
La Science classique mise tout sur l’hémisphère gauche du cerveau, celui du raisonnement, de la réflexion, laissant de coté l’hémisphère droit ; alors soyons vigilants, comme le coq, car cela pourrait aboutir à une sclérose de l’intuition et de tout ce qui est véhiculé par cet hémisphère droit : poésie, musique, art et… spiritualité.

J’espère d’ailleurs avoir l’occasion de vous parler du Dualisme, c’est à dire de la vision de la relation matière-esprit fondée sur l'affirmation que les phénomènes mentaux possèdent des caractéristiques qui sortent du champ de la physique, idées apparaissant pour la première fois dans la philosophie occidentale avec les écrits de Platon qui affirme que l'esprit de l'homme ne peut pas être assimilée ni expliquée par son corps matériel.

Si l’esprit de Dieu est dans chaque Homme, la vibration primordiale qui a donné naissance à cet esprit restera toujours inaccessible et soyons certains que la spiritualité est un complément indispensable à la science pour se rapprocher du Grand Architecte de l’Univers.
Je suis convaincu que nous sommes maîtres de notre destin, que l’Univers s’écrit au fur et à mesure du temps et de nos actions. Alors utilisons tous nos outils maçonniques symboliques, suivant nos grades, pour essayer de faire que notre Monde soit plus juste et plus équilibré, c’est notre devoir vis à vis du monde profane.

J’ai dit, Très Vénérable.

J\ V\

Bibliographie :
            - « Dieu et la science » Jean Guitton, Grichka et Igor Bogdanov - Grasset
            - « Le monde s’est-il créé tout seul ? » Trinh Xuan Thuan, Ilya Prigogine, Albert Jacquard,… - Albin Michel
            - « La Maçonnerie peut-elle donner un sens à l’Univers ? » Jacques Rolland – Guy Tredaniel Editeur
            - « Les Constantes de la Nature » John D.Barrow – Odile Jacob
            - « Notre existence a-t-elle un sens ? » Jean Staune – Presses de la Renaissance 

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