Obédience : NC Loge : Fako triangle de Lumière - Orient de Douala Date : NC


Le Temps

Zadig de Voltaire s’interrogeait :
- « Quelle est de toutes les choses du monde la plus longue et la plus courte, la plus prompte et la plus lente, la plus divisible et la plus étendue, la plus négligée et la plus regrettée sans qui rien ne peut se faire, qui dévore tout ce qui est petit et qui vivifie tout ce qui est grand ? »
-   « le Temps ! »

Mais qu’est ce que le Temps ?

Le dictionnaire nous dit qu’il s’agit d’une notion fondamentale conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les événements et qu’il est souvent ressenti comme une force agissant sur le monde et sur les êtres.

De cette définition générale il ressort donc deux aspects du temps.

Le premier que l’on pourrait qualifier d’objectif et le second de subjectif.

Le temps objectif est ce mouvement continu et irréversible par lequel le présent rejoint le passé, « passent les jours passent les semaines […] vienne la nuit sonne l’heure ».

Le temps subjectif est le sentiment intérieur de la temporalité telle qu’elle est vécue par le sujet. « les jours s’en vont je demeure »

Mais nous n’avons cependant pas tous cette même conception objective du temps.
Autres civilisations, autre Temps

La conception judéo-chrétienne que nous partageons sans doute est celle d’un temps linéaire, qui se situe du berceau à la tombe, de la Création à l’Apocalypse. L’un des Pères de l’Eglise, Saint Augustin, penseur chrétien a réfléchi sur cette notion de temps.
Selon lui le Temps n’est que 3 versions du néant, puisque le Présent est un point où le Futur se transforme en Passé. Le Présent présentement nommé est déjà dans le passé !

Longtemps après Saint-Augustin, le philosophe français Comte Sponville suit cette pensée. Il nous dit : «  Le passé n’est pas le temps parce qu’il n’est plus, le temps n’est pas à venir puisque l’avenir n’est pas encore, le temps est présent, il est toujours là, il nous précède, il nous accompagne, il nous contient.

Même si ces deux philosophes, l’un croyant, l’autre athée ont, à presque 2000 ans de différence, la même conception du temps, ils le conçoivent de manière objective. Subjectivement, il en est tout autrement.

La perception du temps est personnelle, elle est soumise aux exigences du moment et à notre perception de cet instant. Les deux acteurs d’une situation qu’ils partagent en ont toujours une perception personnelle et intime.

Le grand père ne vit pas non plus sa journée comme le fait son petit fils. Tout comme le paysan vit le temps différemment de l’homme des villes.

Mais cette finitude, cette linéarité du temps propre à nos cultures judéo chrétiennes n’est pas identique à la conception du temps adoptée par les Asiatiques ou les Mayas. Pour eux, le temps est cyclique, le serpent mange sa queue, la mort n’est pas une fin mais le début d’une autre vie, celle d’un autre. C’est la réincarnation perpétuelle de l’Etre. Il est à la fois fugace, perpétuel, discontinu et mystique.

Les traditions africaines originellement animistes, privilégient une conception rituelle du temps où la discontinuité prévaut.
Dans nos contrées, en effet, le temps chronométrique ne joue aucun rôle. Dans nos zones rurales, par exemple, la vie est rythmée par les cycles solaires et lunaires. Le cycle lunaire est observé de façon stricte par les cultivatrices au labour, aux semailles et au bouturage.

« Le coq chante, le jour paraît, tout s’éveille. »

Au premier chant du coq, au lever du soleil, les rites doivent débuter, la cultivatrice doit se mettre à son travail, éveillée et vigilante à sa tâche. C’est ce à quoi nous appelle le coq du cabinet de réflexion : Vigilance et Eveil.

Le temps initiatique commence dès le cabinet de réflexion où tombent, inlassablement les grains du sablier, symbole du temps qui s‘écoule.

Combien de temps reste t-on dans le cabinet de réflexion avant de mourir à la vie profane ? Un certain temps, un temps certain plutôt, miroir du temps qu’il faut à la profane pour méditer, s’interroger sur ses choix, ses buts, ses doutes…

Ce temps que l’on ne peut pas mesurer, ce temps maçonnique hors du temps profane.

« O temps suspends ton vol ! »

Un autre temps commence alors, celui des travaux, sous l’influence du soleil et de la lune. Dans le temple les symboles du temps sont présents : la lune et le soleil, à l’Orient, sur le tapis de loge également, autour duquel tourne les FM présentes. Nous sommes alors dans un autre temps, un temps parallèle où le soleil a rendez-vous avec la lune. Un autre jour se lève en loge, celui des deux astres.

Entrer dans le temps maçonnique nécessite d’allumer une à une les lumières pour ne pas éblouir la maçonne. Une transition se fait entre les deux mondes. Ce sont les trois premières lumières, la VM et les deux SS qui nous l’offrent. Toute ouverture et fermeture des travaux maçonniques passe par ce jeu de questions réponses.

VM : « S.2ème S., à quelle heure les A maçonnes ont-elles coutume d’ouvrir leurs travaux ? »
2ème S : « A midi VM. »
VM : “S.1re S. Quelle heure est-il? »
1ère S : « Il est midi plein VM. »
VM. : « Puisqu’il est midi plein et que la loge est dûment couverte, nous allons ouvrir les travaux de cette respectable loge d’A.M. suivant les anciens usages de la FM »

Puis lors de la clôture, à nouveau la VM demande aux SS.
VM : «S.2ème S., pendant combien de temps travaillent les A maçonnes ? »
2ème S : « Depuis midi jusqu’à minuit VM. »
VM: « S. 1ère S., quelle heure est-il ? »
1ère S : « Il est minuit plein VM. »

Nous voici alors dans ce temps parallèle, protégé des tumultes extérieurs, un temps immobile mais actif, dynamique et créatif. En effet c’est lors de ce temps maçonnique, en sa présence, que s’effectue le travail initiatique. Il figure un éternel présent dont on ne saurait dire qu’il a été ou qu’il sera. Ce temps se recrée en permanence ; pour peu qu’il soit en notre vouloir et en notre pouvoir de le faire se réaliser par notre attention, notre disponibilité, notre présence réelle.
En ce temps initiatique, le passé doit s’actualiser et constituer un terreau générateur du présent dont doivent être évacuées des chimères.

Nous ne pouvons valablement considérer les expressions « midi plein » et « minuit plein » comme ayant un rapport avec la course apparente du soleil et avec la lumière matérielle. Le soleil de midi, symbolise la connaissance directe immédiate et intuitive. La lune, symbole de l’âme du monde, des reflets et de l’apparence subtile de l’être, de l’imagination est son pendant et son double. Ces astres accompagnent la maçonne le temps de sa quête maçonnique et ce temps est circulaire.,

A chaque cycle il y a une prise de conscience, et à chaque fin de cycle,il y a possibilité de recommencer, de renaître. Chaque résultat obtenu est le point de départ d’un nouveau commencement, d’un retournement de sablier. Il est l’expression d’une liberté qui ne rêve pas de s’affranchir du temps mais qui cherche à l’accomplir dans le temps. Car certes la gravité attire inexorablement les grains de sable qui après avoir franchi le goulot tomberont tous dans le fond, attirés vers la terre. Cette descente intérieure est aussi celle que nous avons faite dans le cabinet de réflexion avant de devenir maçonne, c’est celle que nous faisons toutes entrant vêtues en loge avant l’allumage des feux. Mais après la nuit, l’obscurité, le doute, le jour va paraître à nouveau, le soleil éclairer nos esprit, réactiver notre conscience de M pour obéir à l’impérieuse volonté de construire notre temple intérieur, sans hâte, mais dans le temps, car rien ne s’accomplit sans le temps.

Et cet élan, ce mouvement vers le haut permet de trouver l’énergie à force de volonté pour renverser le sablier. Il faut aller à contre courant du mouvement naturel, cela demande à l’initiée force, courage et détermination. Elle doit transcender la gravité du monde, prendre en main l’espace et le temps. Agir !

Fako a 20 ans.
C’est l’âge de la majorité, du plein épanouissement. Le bourgeon est devenu fleur, la chrysalide papillon.

Levons-nous, il est temps ! Mettons à profit le courage et la détermination que nous avons acquis pour enfin construire le grand temple.
Nous avons un temps immobile, illimité qui s’étend de midi à minuit plein. C’est dans ce temps que le travail doit être fait.

Maçonnes et Maçons, bâtissons, bâtissons, bâtissons !

Nous avons dit :

Les sœurs apprenties de la Respectable Loge Fako triangle de Lumière orient de Douala, conduites par leur 2e surveillante, M\ P\

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