Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Le
Temps Voilà
qu’un jour, une Sœur me
dit : « en Franc-Maçonnerie, le
temps ne compte pas ! »… Le
temps ! Ce
mot me poursuivait
depuis ma plus tendre enfance et me rattrapait
encore !! Signe du
destin, ou douleur ressurgie ?… mon sujet
philosophique à travailler était
tout trouvé ! Toute
ma jeunesse, j’ai trouvé le
temps très long, il était synonyme
d’ennui profond. Mes parents, souvent
absents, répondaient inlassablement à mes
interrogations par la même
phrase : « Attends, tu as le temps! ».
J’en étais venue à
haïr ce mot, car j’y percevais un agacement, voire
un certain désintérêt… Lentement,
très lentement, le
temps est tout de même passé, me laissant quelques
cicatrices ; mais pour
moi, il est devenu important de creuser ce mot, sa notion, sa valeur. C’est
pourquoi de mon vécu par
rapport au temps, et afin de me réconcilier avec lui,
j’ai
tenté d’en sortir un terreau de
réflexion… Tout
naturellement, j’ai d’abord
cherché son sens exact, et j’ai
découvert qu’en latin :
« tempus », est la
durée mesurée par la succession plus ou moins
longue des jours et des nuits .Les
« Anciens » l’avaient
divinisé et personnifié sous la figure de Saturne
tenant une faux en forme de
serpe. En
général, les
« Modernes » le
représentent sous les traits d’un vieillard
décharné,
à la barbe et à la chevelure blanches, tenant une
faux et un sablier, et pourvu
de deux ailes pour marquer sa rapidité. A
l’échelle humaine, les
évènements ne sont directement accessibles que
s’ils sont présents. En effet,
le présent marque tout à la fois la fin
d’une période, et le début
d’une
nouvelle. Faute de
savoir vivre au présent,
beaucoup d’entre-nous ne sont pas heureux car ils sont
toujours ailleurs,
soit : ils reviennent dans le passé, soit ils
anticipent dans l’avenir… Ce dernier a aussi dit que le temps n’est… qu’en cessant d’être ! Il est à la fois évidence, et mystère. L’idée
de sa durée est une donnée
de la conscience. Le présent est UN, indivisible, et
pourtant l’idée ne s’en
présente qu’avec celle d’un avant, et
d’un après. L’idée de
succession y est
donc introduite. Dès
l’origine de
l’humanité cette idée de
succession a est une nécessité, car elle a
ponctué (plus ou moins consciemment) la vie des hommes sur
terre : jour/nuit,
pleine lune/nouvelle lune, rythme des saisons, etc… La
mesure du temps étant
très subjective, donc très
variable, pour la rendre plus objective, il a
fallu la régler arbitrairement pour tous
les hommes, sur des impressions
rigoureusement identiques : ainsi sont nés
les jours, les mois, les
années…Il existe d’autres notions du
temps, tel le temps relatif (ou cosmique).
Est-il toutefois légitime d’attribuer une
« réalité »
au
temps ? Surtout
si l’on considère
que le temps n’est qu’une mesure, une mesure
d’intervalles de temps relatifs
entre-eux ??
Tout
comme la durée perçue intérieurement
est
souvent sans aucun lien avec le temps objectif de
l’événement. Nous savons
toutes que les instants de plaisir passent très vite, mais
si nous attendons
chez le dentiste cela nous semble très
long… !
J’en
resterais donc,
volontairement, au temps qui induit un système de
repérage. Dans nos vie, nous
découpons souvent mentalement le temps
selon certains évènements (ex : avant
mon mariage, avant le décès d’un
être cher, après la naissance d’un
enfant…..). Ces tranches fictives de notre
temps génèrent la théorie de la
relativité. Quand le temps aura blanchi nos
cheveux et creusé nos
traits, essayons tout de même de garder le lyrisme bon enfant
de St Exupéry
dans « Le Petit Prince ». Sa
dédicace montre qu’il parle aux enfants.
Il a raison, car nous sommes toujours un peu enfant quelque
part : nous ne
sommes pas jeunes, ou vieux, par notre âge, mais par notre
état d’esprit, et
surtout par
l’ouverture de notre cœur. En effet, dans le passage
où le renard apprend au Petit
Prince comment aimer, il lui explique que c’est le
temps « perdu »
pour quelque chose, ou pour quelqu’un, qui le rend important. Tous les
éléments qui composent notre vie sont
expériences
et repères ; mais ils ne sont pas
« nous », ce ne sont que nos
révélateurs. Ils
nous inscrivent dans
le temps, il sont notre empreinte. Nous sommes toutes dans une tenaille
dont
les 2 mâchoires sont le passé et
l’avenir.
Le présent n’a
aucune réalité durable. C’est juste un
petit
pont jeté entre passé et avenir. Pouvons-nous avoir conscience du temps
par nos
horloges ? Utopie !!… ce sont les
aiguilles qui bougent et indiquent
un minuscule morceau de présent :
leur écart est espace !
Seul notre esprit, connaissant la position
passée, et anticipant celle à
venir peut y lire une durée. Si l’on
supprimait l’esprit, on y verrait seulement un espace. Mais
notre raisonnement,
et notre mémoire nous indique que cet espace est
durée. Par contre, notre conscience nous
révèle que cet instant
est intervalle. C’est ce que les philosophes
du XXème siècle
appelaient
« temporalité ».
Toutefois, si on le souhaite, on peut
aussi par
exemple : se remémorer un poème
ancien : on abolit ainsi
provisoirement le temps, et la mort de l’auteur.
Dès l’instant où l’on en
parle, il est présent. Est-ce là un embryon de
réponse tendant à prouver que le
passé redevient présent si l’on y
pense ? Tout comme un être cher
décédé
n’a pas totalement disparu, aussi longtemps que
l’on pensera à lui…
Tout
individu ressent le temps très différemment, et
personne ne détient la clé du
mystère. Le temps reste une énigme, une
interrogation… Il existe grâce à la
conscience qui souvent anticipe, ou semble faire durer le
présent. Ce
présent insaisissable s’abolit toujours
dans le passé, mais, sans jamais disparaître,
puisqu’il continue !… ARISTOTE
a dit « Le
temps est un
paradoxe, car
chaque partie du temps
existe, sans exister vraiment ».
Effectivement, on ne le maîtrise
absolument pas, on le perçoit
seulement. Le temps et l’espace sont
les deux dimensions dans lesquels
se déroulent les phénomènes, et les
actes humains. La réflexion posant le
problème du temps oriente dans deux directions :
l’une métaphysique,
l’autre psychologique . En arithmétique, on traduit
l’infini par un petit dessin
formant lacs d’amour, c’est une manière
de noter notre impossibilité d’aller
plus loin . Cette impuissance nous fait croire à un Etre
Supérieur, que nous
nommons, nous Franc-Maçonnes, Grand Architecte de
l’Univers. Plus qu’une
hypothèse ou un symbole, IL est un principe qui permet de
dire que tout n’est
pas matière. En Franc-Maçonnerie 4000 ans symboliques sont ajoutés à l’année commune. Nous sommes
donc maçonniquement en l’an 6002, c’est
une manière de nous situer par rapport
à l’aube de l’humanité. Notre vie maçonnique a commencé dans le Cabinet de Réflexion, là où l’on se sent « hors du temps », ne le maîtrisant absolument pas, là où il est impalpable. Nous entrons dans le temps sacré qui n’a ni commencement, ni fin. Les symboles, eux, par contre sont
intemporels. On a toutes
médité sur le symbole le plus
représentatif du
temps : le sablier. Celui-ci interpelle beaucoup, car il
est indissociable
d’une conception circulaire du temps,
à l’intérieur duquel les actes
humains ont un sens. Pour moi, exister : c’est
résister ; penser :
c’est créer ; vivre :
c’est agir au présent. C’est cette circulation du
temps qui fait que tout
appartient, tour à tour, au passé, au
présent, et au futur. Illusion du temps, mais surtout
certitude de
brièveté : le
sablier n’est pas
une invitation à désespérer, mais au
contraire, à nous hâter de bâtir notre
Temple intérieur. Aucun instant n’est une demeure
pour l’homme. Il vaut vivre
le présent, oui mais, sans renoncer : ni
à la mémoire, ni à
l’espérance.
Toujours dans le Cabinet de
Réflexion on trouve le dessin
d’une faux, symbole de mort, signifiant l’
inexorable égalité entre les Hommes.
En effet, ce peut être un instrument de châtiment,
elle peut trancher la vie,
mais aussi les illusions, les erreurs. Elle sert aussi à
couper les
récoltes ! Je
ne citerai que le
blé pour illustrer qu’après la coupe
des épis, les
grains re-semés vont nourrir le monde.
Ne dit-on pas aussi que
tout finit, afin
que tout recommence !… Tout comme un jour,
nous avons
dû mourir à notre vie profane,
pour vivre notre vie d’initiée. Lors de chaque Tenue, nous
évoquons souvent la notion de
temps. On ouvre, et on ferme les travaux, il
y a le temps du
travail et le temps du repos. Entre ouverture et fermeture des
travaux se situe le temps
sacré, renouvelé à chaque
tenue ; il est l’image même de cette
organisation et destructuration
qu’est
celle de l’Univers, et de l’Homme. Tout comme les dimensions du Temple
sont sans limites
réelles, de même nos
références chronologiques se situent hors du
temps
profane. C’est ainsi que les ouvrières travaillent
allégoriquement depuis midi
jusqu’à minuit. Midi
marque le
passage symbolique du profane au sacré, et Minuit, le retour
au profane. Un
temps est aussi nécessaire à notre
construction… Notre âge
maçonnique nous déconnecte du monde profane, et
contribue à l’aspect
intemporel de la
maçonnerie Il n’aura
échappé à aucune
d’entre-nous qu’en tête de
chaque planche tracée de notre Sœur
Secrétaire, est donnée une date où les
jours et les mois sont indiqués en quantièmes
(ex : le 21ème
jour du 1er mois de l’an 6002).
C’est pour elle une façon de
nous situer dans une année de « vraie
lumière ». Le temps en Loge est au
delà du temps. La
Loge est une représentation du cosmos,
dans l’espace et le temps universels.
Dans le Temple, espace sacré,
c’est le rituel qui nous plonge dans ce
temps mythique. Par sa tradition initiatique et symbolique, la Loge
nous permet
de prendre la juste mesure du temps grâce
aux outils. Le rite sacralise
le Temple et le temps, entre le tracé et
l’effacement du Tapis de Loge.
En
Tenue nous
partageons aussi un temps important : le temps de parole. Savoir attendre,
réfléchir, ne pas se
précipiter, sont autant de gages de bonne gestion du temps. La capacité de
différer est le moyen
d’apprendre à se projeter, et ainsi
à
construire de façon plus solide.
Tant
de symboles représentent une notion du temps dans notre
Temple, que je ne puis
tous les évoquer dans une planche philosophique, mais je
souhaiterais en
évoquer encore deux.
En
premier, la règle , qui est divisée en 24 parties
égales, rappelant les 24 h
d’un jour. Jour,
où brillent tour à
tour le soleil et la lune.
Elle
symbolise aussi l’œuvre : commencement et
fin. Ensuite les grenades, symbole
végétal rappelant
entre-autres le cycle des saisons : le rythme cosmique de mort
et de
renaissance ; tout comme l’alternance de
l’été et de
l’hiver, ponctuée par nos chers
Solstices . Nos 2
St Jean
imagent bien le processus du temps qui recommence sans cesse. Quand on est dans une St Jean, on ne
peut voir l’autre St
Jean . Il
faut mourir pour renaître,
c’est pourquoi Jean Le Baptiste :
vieillard symbolisant le temps passé,
cède la place Jean
l’Evangéliste : jeune et
représentant l’avenir. Et ainsi de
suite… En cela, ils sont un peu
comme JANUS, Dieu
ambivalent a 2 faces adossées
qui marque l’évolution du
passé à l’avenir , sans pour autant,
remarquons le : figurer le
présent !! Notre chaîne
d’union concrétise
un moment qui unit
passé et présent. Elle anéantit le temps, et
unit le visible à l’invisible.
N’avez-vous
pas remarqué (personnellement c’est mon cas),
que la Franc-Maçonnerie vous tend la main
quand c’est le « bon
moment » ? On pense alors au hasard, et pourtant,
mystérieusement, cela
ressemble plus à un rendez-vous !….Mon
père avait coutume de dire :
« avant l’heure, c’est pas
l’heure ; après l’heure, ce
n’est plus l’heure ;
l’heure : c’est
l’heure ! »
Il
avait raison, l’action vient à propos,
à la bonne heure !
Tout
être humain, n’a que 3 points de
certitude :
-
naître -vivre -
mourir, et
le mot
« éternité »
reste encore incompréhensible pour nos esprits. Qui d’entre-nous
n’a jamais eu la sensation que tout marche
à l’envers ? Je ne parle pas de nos petits destins
individuels.
Mais : 2400 ans après Socrate, 2000 ans
après J.C., et à l’aube du
XXIème
siècle, nous nous questionnons toujours sur ce que
l’être humain est supposé
faire dans le tourbillon du temps… ! Dans le présent,
c’est l’avenir qui fait le plus peur. La
marche du monde a des ratées, car les démons du
passé sont des virus tenaces,
et nous ne sommes pas immunisées. Ils
s’infiltrent lentement dans
certains esprits comme la maladie d’Alzhermer, et bafouent
des mots tels que
LIBERTE EGALITE FRATERNITE. Ce ne sont pas
les évènements mondiaux
actuels qui pourront me contredire hélas. Et nous, femmes,
franc-maçonnes, nous
avons énormément de tâches devant
nous !… Réfléchir,
travailler, encore et encore, c’est notre engagement,
sans compter notre temps .
Hâtons-nous,
mes sœurs le temps
fuit ! Au
regard de l’humanité,
nous ne sommes que l’empreinte d’un pas sur le
sable de la mer ; aujourd’hui
contentons nous d’essayer d’être
meilleures, pour que demain notre microscopique semence
d’amour enrichisse
« l’autre ». Le maillon
seul n’est rien, seule la chaîne compte au
fil du temps. La
Franc-Maçonnerie nous apprends
à relativiser le temps, et à ne pas
s’arrêter à la première
difficulté
rencontrée. Le
temps est une spirale qui relie notre construction
intérieure à
celle de l’Univers, le fini à l’infini,
le temporel à l’éternel. Evitons
mes Sœurs, qu’avec le
temps, nos métaux ne nous dévorent au
mépris de notre devenir !….
Je tiens aussi évoquer
rapidement la notion
« moderne » de
« gestion du temps »,
découlant de théories
de rendement, d’optimisation en terme de profit, ou
d’efficacité, que l’on
tente d’incruster dans les esprits : car cela
m’inquiète pour l’avenir.
Veillons à ne pas nous laisser dominer par cette nouvelle
idée d’exploitation
du temps, qui n’est souvent, en
réalité, que l’exploitation de
l’Homme ! Je
dirais en
conclusion : - que DEMAIN… reste un mystère - qu’AUJOURD’HUI est un cadeau ! - et que c’est peut-être pour cela qu’on le nomme présent ! J’ai dit V\M\ M\ S\ |
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