Obédience : NC Loge : NC 17/03/2001


Les Nombres Mystérieux

Je vais vous parler des nombres mystérieux ; c'est un sujet dense, concentré qui nécessite beaucoup d'attention.
Aussi, je vais vous faire plaisir : le modeste exposé sera court.

Le sujet est corsé car il se réfère à la pensée magique ; disons que l'arithmologie est à l'arithmétique ce que l'alchimie est à la chimie.

Vous voyez ce que je veux dire ; ce n'est pas un sujet marrant, mais nous sommes en Maçonnerie, nous sommes régis par des symboles, et les nombres sont de merveilleux symboles, surtout qu'ils ont été réglementés au moyen- âge, époque passionnante.

Les nombres, le moyen- âge, deux sujets que j'aime et que je vais essayer de vous faire aimer à mon tour.

Une dernière préface pour vous prévenir que la référence aux grades dits de perfection que vous allez entendre pourrait faire craindre à certains un dévoilement des secrets relatifs aux grades écossais et à celui de la maîtrise en chambre du milieu ; ces secrets se trouvent étalés dans n'importe quel bouquin profane : donc, à mon avis, pas de crainte à avoir pour les chastes oreilles y compris pour celles de nos bien aimés Frères apprentis.
Enfin, les nombres mystérieux n'ont rien à voir avec le nombre d'or, qui est à lui- seul l'objet d'une planche. Un rappel aux anti- matheux: les nombres premiers ne sont divisibles que par eux- mêmes et par l'unité (1, 3, 5, 7…).

« Que penser des nombres mystérieux ? »
est une interrogation qui me poursuit depuis longtemps, comme un questionnement personnel inachevé et, depuis mon entrée en Maçonnerie il y a plus de 25 ans, je n'ai abouti à aucune position arrêtée à cet égard qui s'avère définitive. Je me borne à constater que la pensée magique reste mêlée à la pensée rationnelle.
De là, vient probablement le fait que beaucoup de FF\ sont actuellement peu sensibles au symbolisme des nombres et préfèrent l'arithmétique à l'arithmologie.

L'objectif de cet exposé n'est donc pas de vous dire ce qu'il conviendrait de penser ou de ne pas penser de l'emploi des Nombres symboliques en Maçonnerie. D'ailleurs, ce que vous pensez ou ne pensez pas dans ce domaine est respectable et ne regarde que vous. Ce serait une position dogmatique à laquelle je me refuse.
Ceux d'entre vous qui s'intéressent aux nombres trouveront, j'espère, dans cet exposé une information que je souhaite sérieuse capable d'alimenter leurs réflexions personnelles.
Ceux qui ne portent aucun intérêt aux nombres s'intéresseront peut- être néanmoins au développement consacré à la psychologie des profondeurs.
Pour fixer les idées, voici la charpente de l'argumentation que vous devinez déjà :

     1°) d'abord, tenter de démonter le mécanisme d'une pratique qui trouva son apogée au 12ème siècle dans l'arithmologie mystique.

     2°) préciser ensuite, dans la mesure du possible, les rapports qu'entretiennent les nombres et l'inconscient.

Dans l'Egypte ancienne, les nombres ont fasciné ceux qui pensaient.

Dans la Grèce du 6ème siècle, l'école pythagoricienne a enraciné dans les nombres l'essentiel de sa réflexion.

De nos jours, le terme NOMBRE MYSTÉRIEUX s'emploie au Rite Écossais Ancien et Accepté, que je connais mal, dans divers Rituels pour signifier les NOMBRES SYMBOLIQUES correspondant à un grade déterminé.
Toute une symbolique numérique est apparente en Maçonnerie dès le 1er Degré. Le Grade d'Apprenti est axé sur le nombre 3, celui de Compagnon sur un autre, celui de Maître sur deux autres. On découvre sans peine toute cette symbolique dans les questions traditionnelles relative à l'âge, dans les voyages, les marches, les flambeaux, etc.

Au risque de dévoiler un secret de polichinelle à nos bien aimés Frères Apprentis (ce qui se trouve d'ailleurs dans toute la littérature de vulgarisation maçonnique), c'est ainsi qu'un Maçon écossais répondra à la question relative à son âge :
« J'AI x ANNÉES, SOIT TROIS FOIS y ACCOMPLIS ».
Les années dont il est question figurent les lumières qui éclairent la Loge. A chaque grade, en effet, correspond un nombre fixe et déterminé de lumières censées désigner des connaissances qui restent encore voilées mais on peut réduire 81 à 9 par exemple, avec 3 chandeliers à 3 branches.

La réponse diffère selon les degrés, mais le moyen est constamment utilisé, dans les grades de Perfection, pour attirer l'attention sur le symbolisme particulier du mythe de la Parole Perdue.
Cette attitude de l'esprit tout à fait particulière est l'expression d'une recherche qui vise à redécouvrir une Vérité censée être préexistante.
Dans cette vision du monde, le Maçon n'invente pas, il découvre.
Dans cet univers mythique, TOUT se passe comme si la VÉRITÉ appartenait aux Sages du passé, coutumiers de la méditation et comme si le monde actuel dans lequel nous vivons l'avait perdue.
L'Homme moderne est présenté comme coupé du contact avec la Réalité profonde de la vie du Cosmos.
La marche vers le Progrès en Maçonnerie se ferait- elle à reculons ? (Les FF\ Maîtres comprendront ce que je veux dire).

Cela demande pour le moins un examen critique attentif.
Bernard RIBEMONT (référence : ²78 Juillet-Août 1995 Volume 26 « Le Moyen- âge et la symbolique des nombres ») nous dit qu'en arithmologie, la mathématique et le symbolisme ne font qu'un.

Depuis les Pythagoriciens, dont la pensée fut largement reprise par Platon jusqu'au moyen- âge, le nombre fut investi d'une triple dimension :
mathématique
philosophique
et mystique.
Dans cet univers du symbolisme numérique, le nombre apparaît comme existant en soi, doté de propriétés originelles et intervenant dans la création de la matière.
La croyance sous- jacente est: qu'une Harmonie préétablie engendre le Cosmos.
Essayons de démonter le mécanisme…

Au commencement, le Nombre est dans l'idée de Dieu et, rappelle Saint- Augustin,
Ce n'est pas parce que la création fut faite en six jours, que le nombre six est parfait, c'est parce que 6 est parfait que la genèse du monde s'est faite en six jours.

Nous voici au cœur du problème, l'arithmologie héritée du moyen- âge s'efforce d'extraire des nombres, un maximum d'informations pouvant être utilisées dans de multiples correspondances symboliques.

Lorsque la loi d'analogie règne en Maître, elle a comme inconvénient le risque considérable d'établir des correspondances non fondées.
Le procédé est fort simple : étant donné un nombre donné, l'auteur recherche dans un vaste réseau de références, religieuses ou non, la présence de ce nombre.
Il recense tout ce qui lui semble de près ou de loin correspondre à l'idée qu'il se fait de la signification du nombre étudié.

Les « Maîtres à penser » de la symbolique des nombres au 12ème siècle, Hugues de St- Victor, Guillaume d'Auberive, Odon de Morimond, Geoffroy d'Auxerre et Thibaut de Langres utilisent cette méthode qui exerça une véritable fascination sur les esprits.

Hugues de St Victor, qui mourut en 1141, utilise les puissances de trois pour expliquer que trois revient toujours à l'unité. Ecoutons-le :
« Trois est associé à Dieu car,
3 au carré = 9
3 au cube = 27
3 à la 4ème puissance = 81, qui lui-même fait
= 8 + 1 = 9, d'où un retour à la monade initiale. »
On retrouve 3, 9, 81 dans les Tuileurs du 4ème Degré écossais; ils sont associés au Delta et au Cercle.
Heureusement pour nous, dès que les nombres croissaient, les auteurs médiévaux étaient limités dans leurs réflexions car ils utilisaient des chiffres romains ce qui rendait leurs calculs difficiles.

Au 12ème siècle, Thibaut de Langres nous offre des codages symboliques exemplaires à propos des nombres :
3 = 1 + 1 + 1, représente le mystère de la Trinité.
3 x 1 = 1 + 1 + 1, représente le mystère de l'engendrement des êtres au départ de l'unité primordiale.
3 = 1 + 2, représente l'union de l'impair (masculin) et du pair (féminin). Cette union se fait dans l'impair.
Quant au pair, il est partageable en deux, il est donc moins parfait… Tant pis pour la femme !
De toute façon, le masculin et l'impair sont associés au Ciel ; le féminin et le pair se contenteront du terrestre, ce qui, avouons-le, est nettement moins drôle quand on voit ce qui se passe sur terre.

Pour Thibaut, 7 est vierge, car au sein des dix premiers entiers :
Il n'engendre pas (entendez : il n'y a pas de multiple de 7 inférieur à 10 ).
D'autre part, 7 n'est pas engendré (= il est premier).
« IL PEUT DONC ÊTRE ATTRIBUÉ AU SAINT ESPRIT ! »

7 peut aussi être attribué à la déesse Diane en mythologie, car Diane la chasseresse était vierge (du moins réputée telle).
3, 5, 7 et 9 reviennent constamment en Maçonnerie symbolique.
Si la vertu essentielle prêtée à la loi des correspondances est le dynamisme de l'imagination, ce procédé est malheureusement aussi celui de l'auto-engendrement qu'illustre le jeu de « Marabout, bout de ficelle, selle de cheval, cheval de course, course à pied, pied de cochon, cochon de ferme, ferme la porte, porte à faux, …etc…ce jeu associe un peu n'importe quoi. »

Le symbolisme des nombres :
Les conceptions du nombre qui se sont développées en Occident peuvent être classées selon trois tendances fondamentales :
1°) Les théories mathématiques
2°) Les tentatives de définitions philosophiques du nombre
3°) Les recherches relevant de la symbolique des nombres.
Malgré toutes les objections formulées par les mathématiciens, la troisième tendance est demeurée fidèle aux conceptions pythagoriciennes et platoniciennes. La question est :
L'arbre du symbolisme numérique est- il encore porteur de fruits favorisant la croissance ?
Les sciences humaines, telles la psychologie, l'ethnologie et la sociologie répondent qu'on a hypostasié en vérités absolues des formulations symboliques, telles que, par exemple, celle qui attribue au nombre trois une qualité masculine.

Depuis les travaux de Werner DANCKERT en 1966, on sait que les groupes humains possèdent des nombres sacrés différents. Il n'y a pas d'uniformité. Les mêmes nombres sont considérés tantôt comme masculins, tantôt comme féminins ou chtoniens-lunaires surnom de plusieurs divinités infernales. Les mêmes nombres sont considérés tantôt comme spirituels, tantôt comme matériels.
La plus grande prudence s'impose donc en matière de nombres, lorsqu'on rapproche la symbolique occidentale de la symbolique chinoise ou africaine.

La F\ M\, quant à elle, a tout naturellement puisé son symbolisme des nombres dans son milieu ambiant et ce milieu était judéo-chrétien, religieux et fortement empreint de platonisme. On trouve en Maçonnerie une symbolique numérique qui s'apparente encore de nos jours à l'arithmologie du 12ème  siècle.
En quoi consiste cette vénérable relique ?
Ubaldo Triaca nous dit :
« Trois est le nombre mystérieux par excellence. »
« Omne trinum perfectum est » disaient les Anciens.

Symbole de la synthèse intellectuelle, Trois annonce une série indéfinie de triangles qui appartiennent au monde moral…un peu plus loin, nous    lisons :
« Sept est le nombre qui réunit Quatre et Trois. »
Rappelons les sept planètes ou sphères, les sept métaux, les sept jours de la création (6 jours de création et 1 de repos), les sept notes musicales, etc…
Le commentaire d'Ubaldo Triaca débouche naturellement sur la manifestation divine, car le triangle est le premier symbole du Grand Architecte de l'Univers proposé aux réflexions du Franc- Maçon.

L'arithmologie en Maçonnerie

De nos jours, les Maçons se complaisent encore dans un symbolisme des nombres assez semblable à celui d'Hugues de Saint-Victor.
L'âge du Maître Secret, nous disent les Tuileurs maçonniques est « une intensification au 4ème degré algébrique du nombre 3, qui est à la base de tout le symbolisme des nombres. » Je n'en dirai pas plus pour ne pas dévoiler des secrets dont la découverte est une joie à laisser aux récipiendaires.

Mais on peut se demander s'il ne s'agit là que de simples jeux de l'imagination assez superficiels, parfois amusants, souvent lassants, toujours déroutants.
Dans le jeu des correspondances symboliques des nombres, les esprits modernes retirent l'impression dominante de la futilité. Tout se passe comme si à l'aube du 21ème siècle, la majeure partie des collectivités humaines restait encore fortement ancrée dans la pensée magique.

Mais lorsque l'inconscient entre en jeu (fait remarquer l'école de la psychologie des profondeurs) est-ce vraiment futile ?
Rien de bien nouveau en cela, car en arithmologie, 3 étant premier, est indécomposable et correspond à une perfection qui renvoie à la divinité.
Au moyen des nombres, c'est une Weltanschauung (conception du monde) qui s'exprime; c'est une vision du monde qui confère à l'Univers le sens métaphysique et religieux d'un Cosmos. L'ordre est sorti du Chaos.

Les mathématiques occidentales ont piétiné durant des siècles, à cause de la persistance obstinée de la pensée magique dans l'univers des nombres.
Des percées rationnelles ont bien eu lieu, mais cela n'exclut pas que les interrogations épistémologiques séculaires subsistent au sujet des nombres et de leur nature.
Elles imprègnent l'imaginaire de nos chercheurs et de nos savants.

LA PSYCHOLOGIE DES PROFONDEURS a fait de louables efforts pour mettre en ordre les concepts liés aux nombres. La piste à explorer a été tracée par C.G. JUNG.
Marie Louise von Franz l'a approfondie.
Beaucoup d'entre vous connaissent cette femme écrivain de talent, dotée d'une grande érudition.
Je ferai référence à son livre intitulé « Nombre et Temps » paru en français en 1983.
Pour Marie Louise von Franz, le nombre jette un pont entre ce qui est physiquement saisissable et le domaine de l'imaginaire. Ce qui est en cause est la description d'un symbolisme numérique qualitatif.
Le nombre lui apparaît comme une idée globale, qualitative, en dehors et au- delà des simples aspects quantitatifs habituels. Dans cette conception, le nombre qualitatif peut être perçu comme ayant une activité rayonnant à la manière d'un champ de force.

Souvent, les exemples fournis sont empruntés au célèbre « Yi KING ou Livre des mutations »dont C.G. JUNG avait eu connaissance par la traduction de Richard WILHELM.
Le symbole numérique est différent des autres symboles tels que la roue solaire, l'arbre de la vie, ou le feu qui sont des images dont la forme est empruntée à l'expérience du monde extérieur.
Vu qualitativement, le symbole numérique apparaît à JUNG sous la forme dominante d'un facteur d'arrangement, il exprime un ordre devenu conscient.

Pour illustrer la trame de l'étoffe temporelle du jeu des énergies, JUNG et von FRANZ nous expliquent que le nombre naturel présente quatre aspects :

1°) l'aspect de la multitude = c'est la quantité ;
2°) l'aspect d'un espace de configuration = les choses se meuvent dans un réseau;
3°) l'aspect relationnel = il est rendu par l'analyse des nombres, la théorie des ensembles, l'algèbre…
4°) le quatrième aspect est qualitatif = il exprime le temps, le mouvement et le rythme.
Les pythagoriciens firent déjà de subtiles distinctions proches de ce que nous dit Marie Louise von FRANZ.
Ils donnèrent du Nombre trois définitions :

1°) Les Nombres concrets : ceux dont s'occupent les gens d'affaires par le calcul
2°) Les Nombres scientifiques divisés eux- mêmes en trois catégories :
2.1. Une multitude limitée ; en langage moderne, un ensemble dénombrable fini. En grec c'est h\h\h.
(è logistikè teknè)
2.2. Une composition de Monades
S\w\ (to rosotètos kima monadôm sukéiménon).
Trois (la triade) est le principe des trois parmi les objets sensibles.
Quatre (la tétrade) est le principe de tous les quatre. Sous la forme concrète de points, les monades donnèrent naissance aux nombres figurés triangulaires, carrés, etc… En langage moderne, c'est presque la définition de Bertrand RUSSEL des nombres comme classe de classes.
2.3. Un flot, un écoulement de monades.
En grec, on parlait de c\c\ (è arkè arkaï)
Cantor nous a appris à travailler avec des concepts transfinis que joliment le poète hongrois BABITS appelle les édifices de l'infini dont les tours se chevauchent indéfiniment.
3°) Il nous reste le Nombre pur immatériel compris comme Nombre- idée. En grec, \c\ (arkè) « les principes du Nombre et du reste de toutes les choses sont le Même et l'Autre » (la qualité d'être la même chose ou d'être une autre chose).

MAIS QUE SIGNIFIE PRATIQUEMENT L'ASPECT QUALITATIF DU NOMBRE ET COMMENT LE REPRÉSENTER ?
Le concept qualitatif du Nombre a été présenté comme la réintroduction en Occident d'un antidote à la pensée causale linéaire. C'est une idée précieuse mais elle n'est pas vraiment neuve.
Le philosophe chinois HOUAI-NAN TSEU raisonnait déjà ainsi :
« Le Ciel vaut 1, la Terre vaut 2, l'Homme vaut 3.
3 X 3 font 9.
9 X 9 font 81. 1 régit le Soleil. Le Nombre du Soleil est 10.
Le Soleil, dont le Nombre est 10, régit l'Homme. C'est pourquoi tout homme naît au dixième mois de sa gestation. »

On nous explique que les Chinois ont cherché à utiliser des sortes de matrices qui peuvent être interprétées comme des « champs de qualités ».
Dans cette conception, par exemple, un arrangement hiérarchique de cinq points dirige l'attention vers le centre (carré pointé).

Un grand nombre de propriétés peuvent intervenir, parmi lesquelles l'occidental reconnaît au passage, des termes mathématiques, qui peuvent lui paraître familiers ainsi que le langage de la logique des modalités.
Tout cela est fort bien, encore faudrait-il s'assurer que chacun parle le même langage.
J'ai des doutes sérieux à ce sujet lorsque les langues sont si différentes et les concepts empreints de tant de subtilités.
Mais ce n'est pas l'exploitation philosophique, mystique ou religieuse du nombre qui a mis de l'ordre dans les concepts de la théorie des nombres.

Force est de constater que les symbolistes voués à l'arithmologie apportèrent peu de chose au « savoir » humain entendu comme capital de connaissances scientifiques.
A la base des théories de JUNG, on trouve des hypothèses controversées telles que celles des archétypes et de l'inconscient collectif.
Il serait hautement souhaitable que les penseurs Maçonniques lancés dans cette voie, prennent garde de retomber dans les spéculations numérologiques magiques que nous avons rencontrées.

Ce n'est pas dans l'arithmologie que nous trouverons une justification de l'utilisation des nombres dits « mystérieux » dans les rituels Maçonniques et encore moins une utilité à la permanence de l'Ordre qui les transmet.
Laissons- là ce qui ne peut plus être qu'une caricature de la sagesse.
Toutefois, nos physiciens modernes se livrent à des spéculations sur la structure de l'espace- temps à très petite échelle et certains pensent qu'elle pourrait se décrire, non pas en termes de nombres réels comme le pensaient les pythagoriciens, mais en termes plus fins de nombres qualifiés de « p-adiques ».

A l'instar des géométries non-euclidiennes, peut-être découvrira-t-on que les nombres n'ont pas dit leur dernier mot et que, sous la forme des avancées mathématiques modernes, ils ont vraiment un lien étroit avec la réalité physique.
Nous savons que l'irrationnalité véritable apparaît comme une régression vers des formes anachroniques d'explication plus que comme la forme absolue d'une connaissance périmée. THIBAUT, déjà cité, et BOÈCE, au 12ème siècle ont fait une tentative de mise en ordre et de classification des concepts numériques. C'est déjà fort bien. Vouloir y retourner sans précaution serait irrationnel. Ne demandons pas plus aux Anciens que ce qu'ils peuvent donner.

En guise de conclusion prudente, essayons d'élaborer un aperçu synthétique des idées exposées :

1°) Il ne faut pas demander aux nombres utilisés en Maçonnerie plus qu'ils ne peuvent nous en donner.

2°) Ils n'ouvrent pas un chemin d'accès direct à la Sagesse… En la matière, il n'y a pas de chemin de traverse…

3°) La théorie mathématique des nombres couvre un champs d'un tout autre ordre, autrement prometteur pour la connaissance, que l'arithmologie.

4°) D'autre part, la symbolique des nombres qualifiés ouvre des horizons nouveaux sur la structure de la conscience humaine et ses contenus. Il serait imprudent de jeter l'enfant avec l'eau du bain en négligeant le supplément d'âme que peut apporter la psychologie des profondeurs et la théorie des nombres qualifiés développée par Marie Louise von FRANZ.
L'on sait que l'imagination créatrice en œuvre dans les symboles appartient à une fonction donatrice de sens psychiquement aussi utile que la fonction du réel pour l'équilibre de l'individu.

Appliquée à notre propos, je ne pense pas que la pratique du symbolisme des nombres mène à l'absolu et je ne pense pas que l'absolu soit une conception très féconde et qu'il y ait grand-chose à dire à son sujet.
S'agissant de l'approche mystique des nombres, j'ai pris le parti d'en discuter pour, comme disait Sigmund FREUD tenter résolument de sortir d'une nuit noire où tous les chats sont gris.
UNE FOIS DE PLUS, TOUT RESTE A FAIRE…


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