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Sagesse, alchimie et franc-maçonnerie

« Philosophie » signifie : « Amour de la Sagesse ». Le titre de cette planche pourrait être : « Philosophie, Alchimie et Franc-maçonnerie ». En fait, il existe un lien étroit entre ces trois mots qui parlent de révélation.

Le philosophe se tient debout dans l’ombre d’un arbre méconnu (les MM :. comprendront !). Il se moque de l’ombre portée par cet arbre. Et pour cause, l’arbre dont on parle n’existe pas. Il s’agit d’une allégorie dont le but est d’éveiller nos consciences pour les porter vers des terres fertiles. La Sagesse est un phare pour l’Homme. Elle éclaire les incessants allers et retours que nous faisons sur l’échelle de Jacob où on côtoie le divin pour se repaître aussitôt dans le vulgaire et l’opprobre. « Que la Sagesse préside à nos travaux. Que la Force le soutienne. Que la Beauté l’orne » est-il dit. On nous demande de nous redresser pour rester en éveil en gardant un silence instruit comme l’ermite pratiquant l’ascèse dans son désert intérieur ou bien comprendre la portée symbolique du mythe du Minotaure qui devait mourir pour que le reste de l’humanité puisse survivre.

A l’apprenti, on demande de trouver en lui les éléments épars pour éveiller son esprit et le porter vers l’essentiel (l’essence-ciel en langue des oiseaux). Tout comme Diogène de Sinope, il faut partir à la quête du Soi à l’aide de sa lanterne aveugle pour faire jaillir la Lumière qui ne se trouve pas hors de lui mais au plus profond de lui, ce VITRIOL dont il faudra trouver la pierre occulte et l’équarrir grâce aux vertus cardinales que sont la Force, la Prudence, la Tempérance et l’Espérance. Si le Sage ne connait pas la fin du voyage, il en devine la finalité. Sa route est semée d’obstacles comme tous ces bruits semés lors de l’initiation. Pour accéder à la Grande Lumière, il lui faudra dompter l’animal qui hante son être double et qui correspond à sa nature primitive. En fait, le Sage est un initié, philosophe de son état qui conçoit le Monde dans sa globalité visible et aussi invisible. Car c’est cela l’initiation : être en capacité de transformer les ténèbres, de pulvériser la matière et d’en chasser les éclats trompeurs pour laisser entrer la Lumière. Lorsque le néophyte franchit la porte du Temple, il est Homme. Il deviendra Sage en se rectifiant. Si, en loge, on cite volontiers des citations philosophiques, c’est parce qu’elles sont capables d’éclairer le chemin. Mais, attention, elles ne sont pas le chemin.

Pour passer de l’état d’initié à celui d’éveillé, il faut effectuer une métamorphose de son être intérieur pour irradier. Vous le savez : un Sage n’a pas besoin de dire qu’il est sage. Cela se voit. Mais me direz-vous, nul n’a besoin d’être franc-maçon pour parvenir à ce niveau de conscience. C’est vrai ! La voie des sages empreinte bien d’autres voies. Nombre de philosophes en furent. Des alchimistes aussi. Et aussi des illuminés qu’on prétendait fous. Si, un jour, vous avez la chance de croiser un philosophe, un alchimiste ou un fou, vous constaterez qu’ils évoluent tous, hors des bornes définies par le codex. C’est pourquoi, vos Maîtres en loge vous demanderont de garder le silence sur nos travaux. Parce que, vu du dehors, nous passons pour des fous. Garder le silence permet de disposer des bornes hors des conventions du vulgaire et d’évoluer dans d’autres paradigmes. Conclusion : Il n’y a pas plus borné que le Sage[1].

Alchimie : L’enseignement qu’est l’alchimie, appelé également « Art Royal », s’élabore dans un lieu borné, sûr et sacré. Aucune école n’est ouverte en son nom car, à aucun moment, on ne peut y ouvrir des travaux. Certains enseignements chinois mentionnent des pratiques alchimiques datant de 4500 ans avant notre ère. Ceci est faux, bien sûr. Son étymologie nous renvoie au substantif égyptien « khemi » ou « kême » qui signifie « terre noire ». Le terme « al » placé en avant désigne l'aspect divin de cette terre fertile donnant le nom arabe « alkemia ». Si on pousse la recherche plus avant, on s'aperçoit que le nom d'origine de l'Egypte était « chemi » dont l'étymologie se rapporte au grec « chemeia » qui nous renvoie aux touts premiers fondeurs. Les Maîtres comprendront une des sources de tel mot de passe. Il s'agit de fondre des métaux issus de la terre noire.

L’alchimiste œuvre dans le silence. Il déconstruit, c'est-à-dire qu’il construit à l’envers l’œuvre que la nature a mis des millénaires à ordonner.[2] L’alchimiste espère atteindre l’Œuvre en correspondance avec l’établissement de son Temple personnel dont chaque pierre pourra prendre sa juste place dans la maison commune qui est son royaume et le royaume de tous. Alors, me direz-vous, nous aussi, francs-maçons, nous taillons notre Pierre. Cependant si la nôtre est minérale, celle des alchimistes est végétative. C’est pourquoi nous retrouvons la couleur verte dans un grade maçonnique tout comme dans la pierre d’émeraude d’Hermès Trismégiste (« ce qui est en haut est comme ce qui est en bas »). L’alchimie a permis de découvrir la puissance de l’Esprit sur la matière. Elle sert à décrypter le sens caché de la nature pour accéder à la compréhension de l’univers et des dieux. N’allez pas croire ceux qui vous diront que l’alchimiste cherche l’or métallique. Ceux-là conçoivent du monde que des richesses illusoires ; « Il faut laisser les métaux à la porte du Temple ». L’alchimiste est en quête d’une autre dimension, d’un autre plan qui se trouve hors de l’enveloppe humaine. Et il n’est pas stupide de dire que nombre de religieux qui furent des alchimistes reconnus menaient à bien les deux plateaux de cette balance qui est en fait, la Croyance d’un côté et le Savoir de l’autre, c'est-à-dire la Connaissance[3]. Il faut retenir cette nécessité de voir, au-delà de la simple apparence et « PERCE-VOIR » l’autre côté du miroir que l’on tend au néophyte qui signifie nouvelle plante et est un végétal. Supprimer le miroir, c’est refuser le non-manifesté[4] et rester dans la visibilité rassurante. Le pavé mosaïque en est une expression[5].

La formule alchimique V.I.T.R.I.O.L.U.M[6] se traduit par : « Visite l’intérieur de la terre et, en te rectifiant, tu trouveras la pierre occulte médecine de vérité ». L’œuvre se fait en un lieu hermétiquement clos, c'est-à-dire qui ne laisse pas entrer la Lumière du dehors tout comme notre cabinet de réflexion essentiellement alchimique qui ne supporte qu’une lumière. La nôtre ! L’initiation alchimique correspond à une ouverture de la ténèbre primordiale au monde des Lumières. C’est pourquoi, plus on chemine, plus la voie est étroite. C’est d’affinage dont on parle lorsqu’on accède à l’œuvre au blanc qui sera œuvre de purification en vue d’accéder aux états supérieurs.

Tout cela est totalement caché donc secret. Un secret ne s’enseigne pas. Il se confie.

Alors, il est fondamental de bien comprendre la formulation : « Connais-toi, toi même et tu connaîtras l’univers et les dieux » qui est la grande quête de l’apprentissage. C’est aussi la quête de tous les grades. Lors de l’ouverture des travaux, l’expert ouvre le Livre non pas pour nous en donner une lecture profane mais pour libérer la Parole, c'est-à-dire le Verbe. Il ouvre le champ des possibles, pour faire comprendre que tout est déjà inscrit en l’Homme.

On nous dit « cherchant » mais sait-on seulement ce que l’on cherche. Nous cherchons à l’intérieur et à l’extérieur, en haut et en bas, dans une épaisseur. J’aime bien la représentation que fit Platon de la Connaissance, une conjonction de deux disques circulaires, l’un portant les savoirs et l’autre les croyances (voir graphisme joint). Leur chevauchement donne naissance à l’œil de la Connaissance. La question que l’on peut se poser : Suis-je apte à chevaucher pareille monture ? La réponse est en chacun de nous.  

La franc-maçonnerie : L’enseignement maçonnique semble la résultante des enseignements philosophique et alchimique. De là à supposer que la maçonnerie fût un héritier de ces approches ne serait pas usurpé. Mais pas uniquement. D’autres apports nourrirent son éclosion. L’ouverture des travaux est toute empreinte de cette quête du Graal propre à des connaissances enfouies mais nullement perdues. Lors de l’ouverture, en posant sa main droite sur son cœur, le VM :. manifeste cette soumission à la Lumière, par la voie du cœur. Si nous restons au niveau de l’autel des serments, nous devons aussi parler de l’équerre qui, a en croire Fulcanelli, est utilisée pour tracer la pierre du coignet (ou pierre du coin) plus précisément une pierre d’achoppement qui va servir de première pierre à la construction de notre édifice[7]. Je ne parlerai pas ici du compas qui se trouve sous l’équerre et qui, au grade d’A :. sommeille encore.

 « Il faut porter au dehors l’œuvre commencée dans le Temple », nous est-il enseigné. Voilà le miroir à deux faces, le laboratoire. Une face pour le labeur. L’autre pour l’oratoire qui est prière donc méditation. Nous fabriquons de l’or avec nos mots, nos gestes, nos attouchements. Notre travail, s’il en est un, est de relever le genre humain pour extraire les pépites d’or que nous possédons tous. Nous sommes tous des alchimistes philosophes. La franc-maçonnerie révèle aux initiés des connaissances rares dont nous sommes les dépositaires. C’est une école de la transcendance. Elle permet d’envisager l’autre côté du miroir des apparences en nous portant dans un territoire sûr et sacré.

En conclusion, l’accès au monde se fera par la Reconnaissance du Soi qui est l’Or de notre Être. La Sagesse philosophique et l’Alchimie mystique ouvre la route. La Franc-maçonnerie correspond à ce mariage fécondant qui donne naissance à l’initié.

VM :. et vous tous mes FF :., j’ai dit.

Hervé Priëls




[1] Borne : colonne qui marquait l’extrémité de la carrière dans les cirques des anciens. « Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, l’Homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux » (Lamartine).
[2] Nous retrouvons pareille quête avec la physique quantique qui pousse la chimie moderne hors de ses certitudes.
[3] Voir la représentation symbolique de Platon
[4] On pense bien à Alice aux Pays des Merveilles qui a suivi un lapin blanc. Le lapin est l’agent de passage entre les mondes et le blanc, l’œuvre à atteindre.
[5] « Une demeure est faite de murs percés de portes et de fenêtres, mais c’est leur vide qui la rend habitable ». (Lao Tseu - 7° siècle avant notre ère)
[6] VITRIOLUM : VISITA INTERIORA TERRAE RECTIFICANDO INVENIENCES OCCULTUM VERAM MEDICINAM
[7] Je précise que tout ce que je dis se trouve dans l’œuvre de Fulcanelli : « Le mystère des cathédrales ». 

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